Auguste Comte (1798 – 1857) : Polytechnicien, professeur de mathématiques, il va développer sa propre philosophie dans un cours : le cours de philosophie positive, dont le contenu est publié en six volumes entre 1830 et 1842. Il est à l’origine d’une philosophie qui a pour but de recenser et d’organiser en système les connaissances positives, c’est-à-dire les connaissances qui sont issues de l’observation et de l’expérience. L’état positif suppose de dépasser l’état théologique et l’état métaphysique, qui cherchent respectivement l’origine du monde et ses causes. La science doit, quant à elle, se consacrer uniquement à la question du « comment » afin de décrire les lois de la nature et de la société. Chronologiquement, les sciences de la nature ont accès à l’état positif avant la science de la société qu’il baptise sociologie, après avoir usé de l’expression physique sociale. Pour devenir une science positive, la sociologie doit utiliser les méthodes des sciences de la nature. Inspirateur de Durkheim, son influence sur la sociologie française est alors considérable.
Alexis de Tocqueville (1805-1859) : Il obtient, en 1831, en collaboration avec Gustave de Beaumont, la mission officielle d’étudier le système pénitentiaire américain, ce qui lui donne l’occasion de découvrir la démocratie outre Atlantique et ses nombreuses différences avec son équivalent français. À la suite de ce voyage, il publie De la Démocratie en Amérique ( 1835 et 1840). Dans cet ouvrage, il définit la démocratie comme un processus d’égalisation des conditions, dont les conséquences touchent tous les domaines de la vie sociale (égalité de droit avec la suppression des privilèges de la naissance, égalité dans les faits par la tendance à la convergence de niveaux et modes de vie). On le considère aujourd’hui comme un précurseur de la sociologie, qui a mis en évidence les caractéristiques et les contradictions de la démocratie : les hommes sont libres de tout espérer, mais peu parviennent à atteindre leurs buts ; l’égalité crée une passion pour l’égalité qui, à terme, peut détruire la liberté en faisant émerger un état tutélaire. C’est là le cœur de sa pensée : comment préserver à terme la démocratie et la liberté de leurs excès ? Il poursuit sa réflexion en publiant L’ancien régime et la révolution (1856). Contrairement à l’histoire officielle française, il montre dans cet ouvrage, que les idées mise en œuvre par la Révolution française étaient présentes dans la société avant qu’elle ait lieu. Ce second livre corrobore les inquiétudes qui se manifestent dans le premier en ce qui concerne l’évolution des sociétés démocratiques. La Révolution a supprimé, en France, les corps intermédiaires, et privé les Français de passions communes , les amenant à se replier sur leurs affaires privées, ce qui finalement à favoriser la mise en place de régimes politiques qui ont en partie détruit les libertés qu’elle a accordées.
Emile Durkheim (1858 - 1917) : il rompt la tradition familiale en renonçant à la carrière de rabbin pour l’école normale supérieure et l’obtention de l’agrégation de philosophie. Il est considéré comme le père de l’école française de sociologie, qu’il va s’attacher à institutionnaliser grâce à la création en 1896 de la revue L’année sociologique, et à la publication de plusieurs ouvrages visant à l’affirmer comme une nouvelle science : De la division du travail social (1893), Les Règles de la méthode sociologique (1895), Le Suicide : étude de sociologie (1897). C’est en 1913, qu’il devient professeur à la Sorbonne , titulaire de la chaire : sciences de l’éducation et sociologie. Il construit une sociologie holiste, qui vise à comprendre les conditions de l’intégration sociale, en s’interrogeant sur ce qui relie les hommes vivant en société, où par définition, ils se trouvent être de plus en plus autonomes et indépendants les uns des autres. Il fonde ainsi la sociologie en France en trois étapes : tout d’abord, par la thèse qu’il avance, considérant que la division du travail engendre la solidarité sociale, en créant entre les individus un ensemble de droits et de devoirs ; ensuite, en définissant l’objet de la sociologie (l’étude des faits sociaux) et sa méthode, méthode très inspirée l’exemple des sciences de la nature ; enfin, en appliquant cette méthode pour expliquer l’augmentation du taux de suicide dans les sociétés modernes. Durkheim en vient à considérer que la société est menacée par le changement, en particulier quand l’individualisme se transforme en égoïsme, et quand les règles sociales deviennent floues pour les individus. Il met alors l’accent sur la nécessité de consolider l’adhésion de chacun à la conscience collective au moment de la socialisation, en compensant les défaillances de la famille moderne par la mise en place d’une école, dont cela devient l’une des missions. Il a aussi inspiré le solidarisme, un courant politique représenté par Léon Bourgeois et Charles Gide, qui postule l’existence d’un lien fraternel qui oblige les individus les uns envers les autres.
Karl Popper (1902 – 1994) : Philosophe autrichien, il s’est intéressé à l’épistémologie. Son travail va bouleverser la philosophie des sciences. Il remet en cause la méthode inductive fondée sur l’observation des faits, et propose la réfutabilité comme critère de validation des théories scientifiques. Une théorie scientifique est vraie tant qu’il n’a pas été prouvé qu’elle est fausse, c’est-à-dire tant qu’elle n’a pas été réfutée. Ainsi, la théorie énonçant que tous les cygnes sont blancs est vraie aussi longtemps que l’on n’a pas rencontré de cygne noir, mais la vue d’un seul cygne noir est suffisante pour conclure que la théorie est erronée. Une théorie qui n’est pas réfutable, parce que ses hypothèses ne sont pas vérifiables, ne doit pas être qualifiée de théorie scientifique mais d’historicisme. Pour lui, le marxisme et la psychanalyse sont de celles – là.
Max Weber (1864-1920) : son parcours intellectuel le conduit du droit vers l’économie, avant qu’il ne s’intéresse à l’histoire et devienne finalement le père de la sociologie en Allemagne, où il mène une action similaire à celle de Durkheim en France, pour institutionnaliser la sociologie et la faire accepter comme une nouvelle science. Il publie, à partir de 1904, l’ouvrage fondateur de sa sociologie - L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme - , et expose ses principes méthodologiques dans l’article intitulé : L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociale. Après la première guerre, il publie Le savant et le politique qui rassemble ses conférences à l’université de Munich. Il meurt en 1920 de la grippe espagnole, deux ans avant la parution posthume d’Economie et société. La pensée sociologique de Max Weber défend une thèse : les sociétés ont connu un processus de rationalisation, qui se poursuit, et aboutit au désenchantement du monde. En même temps, il est fondateur de la sociologie dite compréhensive, qui est une sociologie individualiste en ce sens que pour lui, les phénomènes sociaux ne peuvent être compris et expliquer, qu’à partir du sens subjectif que leur donnent les individus qui y participent. Il définit les principes de cette méthode et de sa mise en œuvre : neutralité axiologique, construction d’idéaux type, imputation causale. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme constitue un exemple de l’application de cette méthode.