Régionalisation, gouvernance et régulations internationales - Dossier documentaire

Sommaire

Document 1 : Les conférences ministérielles de l’OMC depuis 1995

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1. Les conférences ministérielles de l’OMC depuis 1995 : points d’accord et de désaccord

2- OMC et dynamique du commerce international

L’Organisation mondiale du commerce est née en 1995. […] [L]’OMC a succédé à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. […] Au cours de ces 70 dernières années, le commerce mondial a connu une croissance exceptionnelle. Les exportations de marchandises ont augmenté de 6% par an en moyenne. Cette croissance a été un puissant moteur d’expansion générale de l’économie et, en moyenne, chaque année, le commerce a enregistré une croissance 1,5 fois supérieure à celle de l’économie mondiale. Le total des exportations en 2019 était 250 fois supérieur au niveau enregistré en 1948.  Ce système a été mis en œuvre dans le cadre […] de négociations commerciales organisées sous les auspices du GATT. […]

3- Les principes de l’OMC

Les Accords de l’OMC sont longs et complexes car ce sont des textes juridiques portant sur un large éventail de domaines d’activité […]. Cependant, un certain nombre de principes simples et fondamentaux constituent le fil conducteur de tous ces instruments. Ils sont le fondement du système commercial multilatéral. Voyons ces principes de plus près:

Un commerce sans discrimination

1. Clause de la nation la plus favorisée (NPF): égalité de traitement pour les autres. Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu’un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l’OMC. […]

2. Traitement national: égalité de traitement pour les étrangers et les nationaux. Les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. Il doit en aller de même pour les services, les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets étrangers et nationaux. […]

Libéralisation du commerce: progressive et par voie de négociation

L’un des moyens les plus évidents d’encourager les échanges est de réduire les obstacles au commerce, par exemple les droits de douane (ou tarifs) et les mesures telles que les interdictions à l’importation ou les contingents qui consistent à appliquer sélectivement des restrictions quantitatives. Périodiquement, d’autres problèmes comme les lourdeurs administratives et les politiques de change ont aussi été examinés. […]

Prévisibilité: grâce à la consolidation et à la transparence

Parfois, il est peut-être aussi important de promettre de ne pas renforcer un obstacle au commerce que d’en réduire, car la promesse permet aux entreprises de mieux voir les possibilités qu’elles auront à l’avenir. […]

Promouvoir une concurrence loyale

On dit parfois que l’OMC est l’institution du “libre-échange”, mais cela n’est pas tout à fait exact. Le système autorise bien l’application de droits de douane et, dans des circonstances limitées, d’autres formes de protection. Il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’un système de règles visant à garantir une concurrence ouverte, loyale et exempte de distorsions. […]

Source : D’après L’OMC en bref.

Questions :

1) Quelles sont les missions de l’OMC ?

2) Quels sont les principes fondamentaux de l’OMC ?

3) L’OMC a-t-elle atteint son but initial défini dans les accords du GATT ?

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1) Quelles sont les missions de l’OMC ?

La France dispose d’avantages comparatifs essentiellement dans les produits à haute valeur ajoutée (aéronautique, boissons, parfums, cosmétiques, maroquinerie, chimie, produits pharmaceutiques). Elle est donc principalement spécialisée dans les produits à haut contenu technologique en fonction d’avantage comparatif (théorie de Ricardo) qui s’explique par une plus forte dotation en capital (théorie HOS) qu’en travail.

2) Quels sont les principes fondamentaux de l’OMC ?

Globalement, depuis 2000 on assiste à un renforcement de la spécialisation de la France dans  l’aéronautique, les boissons, la maroquinerie, la chimie ainsi que dans les préparations à base de céréales. Les autres domaines (cosmétiques et parfums, préparations pharmaceutiques, ont légèrement régressé.

3) L’OMC a-t-elle atteint son but initial défini dans les accords du GATT ?

C’est la mondialisation qui conduit au renforcement de la spécialisation des exportations françaises dans les domaines où elle dispose d’avantages comparatifs, essentiellement les produits de luxe et/ou à haut contenu technologique.

Document 2 : La course aux méga-zones de libre-échange

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1- La course aux méga-zones de libre-échange

Échanger davantage de marchandises et de services avec ses pays voisins qu'avec les autres États est une pratique qui a quasiment toujours existé. Mais, alors que la création de l’OMC, en 1995, devait favoriser l’émergence d’un commerce multilatéral dans lequel tous les États auraient les mêmes chances d’accéder au marché intérieur des pays membres, cet objectif est aujourd’hui loin d’être atteint. La concentration des échanges entre grandes zones de libre-échange monte en puissance depuis dix ans. Trois blocs majeurs se distinguent : le pôle américain (piloté par les États-Unis), le pôle européen (dominé par l’Allemagne) et le pôle Asie (où se concurrencent le Japon et la Chine). « La caractéristique principale qui définit la phase actuelle, c’est que nous sommes dans une économie mondiale devenue multipolaire », explique à ce sujet S. Jean (« Ralentissement du commerce mondial : une nouvelle ère de la mondialisation », Xerfi Canal TV, 14 octobre 2015).

Plusieurs zones de libre-échange avaient été créées avant la crise, dont : l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1967, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 1975, le Marché commun du Sud (MERCOSUR, regroupant plusieurs pays d’Amérique du Sud) en 1991, l’Union européenne (instituée en 1992 par le traité de Maastricht mais dont le marché commun est établi dès 1986 par l’Acte unique européen) et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), signé en 1994 par les États-Unis, le Canada et le Mexique. Plusieurs autres accords ont vu le jour récemment ou sont en cours de discussion. Ils visent à pallier le manque d’efficacité de l’OMC, mais aussi à contrer l’émergence de poids lourds du commerce mondial, dans une logique de rapports de force entre grandes puissances. Ainsi, l’UE s’est associée avec le Canada en concluant en octobre 2016 l’Accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement – CETA) et avec le Japon par la signature, en juillet 2018, de l’Accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne (Japan-UE Free Trade Agreement – JEFTA) pour contrecarrer l’hégémonie des États-Unis. Quant à ces derniers, ils ont cherché à étendre leur zone d’influence dans le Pacifique avec l’Accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership Agreement – TPP), signé en février 2016, et, plus difficilement, en Europe par le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) ou Traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), qui est en cours de négociation. […], ces accords sont pour l’instant au point mort car les pays concernés n’arrivent pas à s’entendre sur tous les points, ce qui prouve une nouvelle fois que la souveraineté des nations demeure omniprésente dans le commerce mondial. […]

2 – Exportations de marchandises dans le cadre des accords commerciaux régionaux ACR (par destination en 2015)

Questions :

4) Quelle caractéristique décrite dans ce document montre que l’OMC a en partie échoué à créer un vaste marché mondial unifié de biens et de services ?

5) Que signifie l’expression « économie mondiale multipolaire » ? Cette caractéristique montre-t-elle que l’on tend vers moins de libre-échange à l’échelle mondiale ?

6) Le libre-échange est-il en voie de régression ?

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4) Quelle caractéristique décrite dans ce document montre que l’OMC a en partie échoué à créer un vaste marché mondial unifié de biens et de services ?

Depuis 2000, la part des exportations de marchandises de la France dans les exportations mondiales a été presque divisée par 2, passant de 5% à 3%. La France connaît un déficit de son solde extérieur de produits industriels depuis le début des années 2000.

5) Que signifie l’expression « économie mondiale multipolaire » ? Cette caractéristique montre-t-elle que l’on tend vers moins de libre-échange à l’échelle mondiale ?

On observe une dégradation des soldes des échanges de biens comme des services en 2020.

L’article provenant de Rexecode («Les indicateurs de compétitivité en net reculent nettement en 2020 », Mars 2021) dont sont issus les deux tableaux  en conclut à une dégradation des indicateurs de compétitivité de la France en 2020. Celui-ci prend comme indicateur l’évolution des exportations françaises comparée à l’évolution des exportations des concurrents étrangers.  Il analyse l’évolution des performances commerciales de la France à l’exportation pour en déduire l’évolution de la compétitivité française. Voici les principaux enseignements que nous pouvons tirer de ces données sélectionnées comme indicateurs de compétitivité.

On note une hausse du déficit de la balance commerciale entre 2019 et 2020 (-7260 millions d’euro) ainsi que de celui des services (-13 473 millions d’euro). En examinant la décomposition de l’évolution la balance commerciale des biens et celle des services, on note  une amélioration considérable du solde de la balance énergétique (+19,0 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019) qui fait plus que compenser la dégradation du solde des échanges des produits de l’aéronautique (-16,0 milliards d’euros en 2020 par rapport à 2019). Au total, le déficit de la balance commerciale s’est creusé de plus de 7 milliards d’euros en 2020. Les textiles et l’habillement y contribuent à hauteur de près de la moitié, les produits chimiques, parfums et cosmétiques pour plus du quart et les produits pharmaceutiques pour un sixième. Concernant la décomposition du creusement du déficit de la balance des services, le tourisme (« Voyages ») rend compte de plus de la moitié (52 %) de la diminution de 13,5 milliards d’euros ce déficit de la balance des services en 2020 par rapport à 2019 et les « Autres services aux entreprises » (R&D, conseil, services techniques…) y contribuent pour plus d’un cinquième.

On en conclut que la chute des exportations aéronautiques et touristiques de la France a fortement contribué à la dégradation de nos échanges extérieurs.

Quand on réalise une analyse sectorielle des parts de marché françaises à l’exportation de biens relativement à ses partenaires commerciaux, on constate en outre que ses parts de marché à l’exportation ont davantage reculé en 2020 dans ses domaines de spécialisation  (aéronautique) que chez ses principaux concurrents européens, puis que ces pertes françaises de parts de marché, loin de se cantonner à ces secteurs, concernent la quasi-totalité des produits d’exportation.

6) Le libre-échange est-il en voie de régression ?

Pour une entreprise, la compétitivité se résume à la capacité à faire face à la concurrence. Si l’on transfère cette définition à celle d’une nation, cela peut conduire à une « dangereuse obsession » selon P. Krugman, qui est celle de pratiquer des politiques non coopératives de moins disant social et fiscal pour assurer la compétitivité de l’économie en améliorant la compétitivité coût des entreprises implantées dans la nation. En réduisant les coûts de production (baisse des salaires, des cotisations sociales, de la fiscalité), les entreprises nationales regagnent en compétitivité prix, ce qui améliore les exportations de la nation. Cela conduit à exporter son chômage chez ses voisins. Ces derniers pourraient réagir de même, ce qui réduirait la demande pour tous et finirait par engendrer un cercle vicieux de réduction de la demande et de l’emploi. Cet usage de la notion de compétitivité favoriserait une réduction des niveaux de vie des citoyens. Ce qui est contraire à la définition de la notion proposée par l’OCDE citée par Flora Bellone et Raphaël Chiappini. En effet, d’après l’OCDE, la compétitivité nationale est « sa capacité, en situation de concurrence libre et équitable, à produire des biens et services qui ont du succès sur les marchés internationaux tout en garantissant une croissance des revenus réels de ses habitants soutenable dans le long terme ». Cette définition intègre l’objectif d’amélioration des niveaux comme critère supplémentaire de la compétitivité d’une nation. Or en transférant la définition appliquée aux entreprises à la nation, les politiques économiques mises en œuvre visant les performances à l’exportation uniquement pourraient contribuer à la dégradation des niveaux de vie. Ainsi, un pays dont les exportations progressent grâce à des baisses de salaire autorisant des baisses de prix, n’est plus considéré comme compétitif au sens de l’OCDE car l’amélioration des performances commerciales se fait au détriment des revenus réels de ses habitants.

Les enjeux autour de la définition de la notion de compétitivité nationale sont donc importants, car selon la définition choisie les politiques économiques mises en place sont différentes et les gains qui en résultent ne sont pas répartis de la même manière. D’un côté, ce sont les profits des entreprises obtenus grâce aux parts de marchés qui constituent une finalité tandis que de l’autre côté, ce sont les gains de niveau de vie obtenus grâce à l’intégration de l’économie dans les marchés mondiaux.

Document 3 : ACR

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1-  Les accords commerciaux régionaux évoluent – en quoi est-ce important ?

Les accords commerciaux régionaux (ACR) représentent aujourd’hui plus de la moitié des échanges internationaux, et se mettent en place parallèlement aux vastes accords multilatéraux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces dernières années, de nombreux pays ont cherché à créer de nouveaux accords commerciaux bilatéraux et régionaux– souvent plus modernes et plus progressistes – afin d’accroître les échanges et stimuler la croissance économique. Cette multiplication des ACR témoigne en partie d’une demande d’intégration plus poussée que ne le permettaient auparavant les accords multilatéraux.

Dans la mesure où ils vont au-delà des engagements pris auprès de l’OMC et restent ouverts à d’autres pays disposés à se conformer à leurs règles, les ACR peuvent compléter le système commercial multilatéral. L’OCDE analyse d’année en année la relation entre les accords commerciaux régionaux et le système commercial multilatéral, en se penchant plus précisément sur certains domaines d’action couverts par les dispositions des ACR comme, pour n’en nommer que quelques-uns, le traitement des questions agricoles, les règlements techniques, les normes et les procédures d’évaluation de la conformité, l’impact des dispositions en matière d’investissements sur le transfert international de technologie, l’évolution de la prise en compte de considérations environnementales et la manière de traiter les questions d’ouverture des marchés à l’ère numérique.

Les accords commerciaux régionaux actuels peuvent ouvrir la voie à une intégration multilatérale plus poussée

Les responsables des politiques savent que les accords commerciaux régionaux doivent être compatibles avec les règles multilatérales et qu’une cohérence est nécessaire non seulement entre les dispositifs régionaux, mais également entre les systèmes régionaux et multilatéraux. Certains pays négocient même des ACR dans le but explicite de créer un précédent pour l’élaboration de futures règles multilatérales, tandis que d’autres considèrent l’adoption de mesures plus approfondies dans le cadre des partenariats régionaux comme un moyen de compléter le système multilatéral. Dans un cas comme dans l’autre, il existe bien des raisons de privilégier les pratiques « multilatéralisées » qui peuvent contribuer à promouvoir la convergence.

Le champ des ACR s’étend aujourd’hui au-delà du cadre des règles multilatérales déjà en place. Ils couvrent des domaines – investissement, mouvement des capitaux et des personnes, concurrence et entreprises publiques, commerce électronique, lutte contre la corruption et droits de propriété intellectuelle, par exemple – qui constituent des enjeux essentiels pour l’action publique et dont il faut désormais tenir compte sur des marchés aujourd’hui toujours plus interconnectés. Les initiatives « méga-régionales » sont d’une importance sans précédent, offrant un accès préférentiel aux marchés de leurs membres en cherchant à établir des accords commerciaux plus adaptés et modernes permettant une intégration profonde et globale des marchés.

Conséquences pour l’action publique

De nombreux ACR comportent des éléments qui renforcent la coopération en matière de réglementation et permettent de créer de nouveaux débouchés, alors même que les participants doivent faire face à des obstacles structurels dans leur propre économie. Les nouvelles générations d’ACR cherchent à aller encore plus loin. En effet les pays qui souhaitent prendre part aux marchés mondiaux et en tirer profit devront intégrer plus efficacement les mesures en faveur des échanges et de l’investissement dans leurs programmes généraux de réformes nationales. Ils pourraient de fait se servir des négociations en cours et à venir pour prendre les dispositions réglementaires internes nécessaires au déclenchement des réformes souhaitées au niveau national. La question structurelle plus vaste de savoir si, quand et comment multilatéraliser les dispositions des ACR est avant tout une question politique à laquelle il appartient aux gouvernements de répondre.

Source :   Accords commerciaux régionaux - OCDE - OECD 

Source : OMC,

Questions :

7) Définir la notion d’ACR (Accord commercial régional).

8) Comment évoluent le nombre d’ACR ?

9) Les ACR sont-ils contradictoires avec le principe du multilatéralisme défendu par l’OMC ?

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7) Définir la notion d’ACR (Accord commercial régional).

Les ACR sont des accords commerciaux préférentiels réciproques entre deux partenaires ou plus.

8) Comment évoluent le nombre d’ACR ?

Le nombre d’ACR ne fait qu’augmenter depuis 1990 pour atteindre 354 ACR en vigueur selon l’OMC.

9) Les ACR sont-ils contradictoires avec le principe du multilatéralisme défendu par l’OMC ?

La non-discrimination entre partenaires commerciaux est l'un des principes fondamentaux de l'OMC qui favorise le multilatéralisme dans les échanges commerciaux. Cependant, les ACR, en tant qu'accords commerciaux préférentiels réciproques entre deux partenaires ou plus, sont contrairement à ce principe. Toutefois, ils constituent une exception et sont autorisés dans le cadre de l'OMC, sous réserve du respect de certaines règles.

L’OCDE considère qu’ils permettent de faire avancer le libre-échange quand les accords multilatéraux piétinent.  Ainsi, dans la mesure où ils vont au-delà des engagements pris auprès de l’OMC et restent ouverts à d’autres pays disposés à se conformer à leurs règles, les ACR peuvent compléter le système commercial multilatéral. Certaines règles négociées entre pays peuvent même constituer un préalable pour l’élaboration de futures règles multilatérales. D’autres vont même  adopter des mesures plus approfondies qui complètent le système multilatéral.

 

Document 4 : L’intérêt du régionalisme face aux difficultés du multilatéralisme

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L’intérêt du régionalisme face aux difficultés du multilatéralisme : analyse comparée des gains et des pertes générés par la signature d’accords commerciaux régionaux

Les difficultés du multilatéralisme, dont l’échec du dernier Cycle de négociations commerciales de l’OMC est l’illustration, ont renouvelé l’intérêt pour le régionalisme, à savoir un vaste ensemble d’accords dérogeant au principe de non-discrimination fondateur du GATT. Dans un accord régional, les pays entrent dans une relation privilégiée, allant de la simple suppression des droits de douane à l’union économique, en passant par la mise en place d’un tarif extérieur commun. Il s’agit dans tous les cas de concessions réciproques, par opposition aux concessions unilatérales.

Au cours des années 1990, le nombre d’accords régionaux actifs a quadruplé. Plusieurs raisons à cela : i) les difficultés à avancer dans le cadre multilatéral compte tenu du nombre de pays prenant part aux négociations ; ii) l’abaissement généralisé des barrières douanières classiques amenant à faire porter les accords sur des mesures non tarifaires, de nature réglementaire ; iii) le développement des chaînes de valeur transfrontières  intensifiant les relations commerciales entre les pays et les incitant à négocier des accords ; enfin, iv) la modification de la géographie économique mondiale impliquant de négocier de nouveaux accords, sans nécessairement dénoncer les anciens. […]

Au cours de la période 1995-2014 [ …], la proportion des paires de pays membres de l’OMC ayant signé un accord commercial régional est ainsi passée d’environ 5 % à 20 %. […] La géographie « naturelle » des accords commerciaux régionaux reflète les déterminants économiques de la signature de ces accords. […][L]’Allemagne et la France sont, par exemple, des partenaires commerciaux importants et cela a bien entendu à voir avec l’implication de ces deux pays dans un Marché Commun depuis la fin des années 1950, mais ces pays avaient toutes les caractéristiques faisant d’eux d’excellents candidats à la signature d’un tel accord commercial régional avant même le Marché Commun. […]

[L]es déterminants [économiques] de la probabilité de signer un accord pour une paire de pays rejoignent les théories usuelles du commerce international. Plus les pays sont grands, plus ils gagnent à signer des accords commerciaux, et ce en raison des économies d’échelle et des gains de variété (gains à disposer d’un plus grand choix de produits) à réaliser. Ces gains sont d’autant plus forts que les pays signent des accords avec des partenaires de taille économique similaire. Les pays proches géographiquement sont des partenaires naturels, et ceci d’autant plus que leurs autres partenaires commerciaux sont distants (l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont des partenaires naturels, par exemple). La possibilité pour les deux pays de se spécialiser (selon leur avantage comparatif) les rend plus complémentaires, les incitant à signer un accord. Enfin, l’intensité du fractionnement des chaînes de valeur joue bien le rôle attendu : plus les pays ont des chaînes de valeur imbriquées, plus leurs échanges en valeur ajoutée sont importants, et plus ils gagnent à signer un accord commercial. Enfin, le fait d’avoir signé un accord avec d’autres pays, ou que d’autres pays en aient signé entre eux, joue un rôle marginal. […]

[Selon cette analyse], [l]a Chine, par exemple, a une forte probabilité de signer un accord avec l’Union européenne.  […]  

Pour évaluer les effets attendus d’une signature d’accords économiquement justifiés, il est nécessaire d’estimer l’impact de ces accords sur les coûts de transaction bilatéraux et mondiaux. En effet, si d’un côté un accord commercial régional réduit les coûts de transaction bilatéraux entre les deux pays signataires, de l’autre, il augmente relativement ceux vis-à-vis des autres partenaires exclus de l’accord, avec des conséquences sur les prix, la production, la consommation. C’est donc toute la matrice du commerce international (et des prix puisque les coûts de commerce sont modifiés) qui s’en trouve affectée.

Que se passerait-il si la Chine signait tous les accords pour lesquels elle a un intérêt économique […] ? Le volume des exportations totales des pays signataires de ces accords augmenterait de 5 % environ, et le gain de PIB serait de l’ordre d’un demi-point. Les pays tiers verraient quant à eux leur commerce baisser avec la Chine (effets de détournement), mais cet effet resterait marginal (environ un vingtième de point de PIB).

Ces accords « naturels » ne sont cependant pas toujours ceux négociés. De ce point de vue, le périmètre retenu pour l’accord de partenariat économique régional global (RCEP)1, poussé par la Chine en réaction au partenariat Trans-Pacifique à 11 (TPP11)2, est un cas d’école : les gains de commerce pour la Chine seraient de l’ordre de 6 % pour la période récente, et ceux en termes de PIB de 0,4 %. Mais surtout, cet accord, dont la négociation a démarré en novembre 2012, apparaît de moins en moins nécessaire (économiquement) à mesure que le temps passe : les gains attendus diminuent au fil du temps. Ce résultat s’explique simplement par le fait que la Chine est devenue un acteur économique global, notamment en raison de sa forte intégration dans des chaînes de valeurs qui s’étendent bien au-delà de ses voisins, et intègrent désormais l’Europe, le Mexique et certains pays africains. En tant que tel, elle est désormais un concurrent frontal des États-Unis. La récente interdiction par les États-Unis visant les exportations de composants électroniques de l’entreprise chinoise ZTE illustre la prise de conscience de cette réalité par l’administration américaine.

 

Notes :

1 : Le Partenariat économique régional global, ou en anglais : Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), est un projet d'accord de libre-échange entre quinze pays autour de l'océan Pacifique. Les quinze nations de l'Asie-Pacifique membres de l'accord signé le 15 novembre 2020 sont les dix pays membres de l'ASEAN, à savoir : la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam, ainsi que cinq autres pays qui possèdent déjà un accord de libre-échange bilatéral avec l'ASEAN, à savoir : l'Australie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande.

2 :  L'Accord de partenariat transpacifique, aussi connu sous le nom de « Partenariat transpacifique » ou sous son nom anglais « Trans-Pacific Partnership » (TPP), est un traité multilatéral de libre-échange signé le 4 février 2016, qui vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique. 11 pays l’ont signé à ce jour, les Etats-Unis s’étant retiré le 23 janvier 2017 : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Viêt Nam

Source : Lionel Fontagné et Gianluca Santoni,  « Carnet de bal des accords commerciaux régionaux », La lettre du CEPII, n° 387   avril 2018

 

Questions :

10) Comment expliquer le dynamisme des ACR ?

11) Quels sont les déterminants économiques des ACR ?

12) Quels sont les effets attendus d’un ACR ?

13) En vous appuyant sur l’exemple de la Chine dans le document, à quelle condition la signature d’ACR est-elle bénéfique économiquement ?

 

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10) Comment expliquer le dynamisme des ACR ?

Comparativement aux négociations multilatérales qui stagnent, les ACR présentent certains avantages comme le nombre plus réduit de participants qui facilite les négociations commerciales, la possibilité de négocier des accords concernant les barrières non tarifaires, la possibilité de négocier des accords avec les partenaires transfrontaliers avec qui les échanges se développent. Les ACR semblent favoriser l’extension du libre-échange entre pays membres d’une même zone, ce qui limite la portée multilatérale des échanges.

11) Quels sont les déterminants économiques des ACR ?

Les déterminants économiques des accords commerciaux régionaux sont :

  • La taille importante des pays pour bénéficier d’économie d’échelle et inciter à l’échange de variété
  • Une taille économique similaire
  • La spécialisation en fonction leurs avantages comparatifs qui rend les pays complémentaires et non concurrents
  • L’imbrication dans des chaînes de valeur communes qui multiplient les échanges commerciaux entre pays dans le cadre d’un commerce intra-firme où les pays sont des territoires complémentaires

12) Quels sont les effets attendus d’un ACR ?

Les auteurs de la lettre du CEPII, Lionel Fontagné et Gianluca Santoni, s’appuient implicitement sur la célèbre analyse néoclassique de l’intégration régionale issue des travaux de J. Viner (The Customs Union Issue (1950)) qui montre que les ACR sont à l’origine de « création de trafic » entre membres de l’accord mais génère un « détournement de trafic » avec les pays partenaires commerciaux extérieurs à l’accord. Pour les auteurs du CEPII, les ACR restructurent « toute la matrice du commerce international (et des prix puisque les coûts de commerce sont modifiés) » en diminuant les coûts de transaction bilatéraux (entre les deux pays signant l’accord) et en augmentant les coûts de transaction mondiaux (entre les pays membre de l’accord et le reste du monde).

13) En vous appuyant sur l’exemple de la Chine dans le document, à quelle condition la signature d’ACR est-elle bénéfique économiquement ?

Un ACR est bénéfique économiquement si la réduction du volume des échanges commerciaux avec le reste du monde (pertes de PIB) est inférieure à l’augmentation du volume des échanges commerciaux entre pays signataires (gains de PIB), soit lorsque les gains sont supérieurs aux pertes avant et après l’ACR. Ainsi, comme l’indiquent les auteurs, si la Chine signait tous les accords pour lesquels elle a un intérêt économique, le volume des exportations totales des pays signataires de ces accords augmenterait de 5 % environ, et le gain de PIB serait de l’ordre d’un demi-point. Les pays tiers verraient quant à eux leur commerce baisser avec la Chine (effets de détournement), mais cet effet resterait marginal

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