L’intensification de la concurrence angoisse les salariés des pays développés, car elle fait peser sur eux des exigences nouvelles. Ils ont le sentiment que, quels que soient les efforts, les réservoirs de main-d’œuvre asiatiques repoussent toujours les limites de la compétition et conduisent inéluctablement à la remise en cause des avantages acquis. La fluidité des marchés ainsi que la mobilité des facteurs de production, tant du capital que du travail, sont aujourd’hui une réalité alors qu’elles ne constituaient, pendant longtemps, que les hypothèses d’un modèle théorique devant conduire à une allocation optimale des ressources. Loin de conduire à l’optimum économique, cette mobilité a créé un climat anxiogène. L’absence d’une réelle gouvernance mondiale, qui permettrait un traitement collectif des problèmes, renforce ce sentiment de mal-être. La communauté internationale donne la plupart du temps l’impression de ne plus peser sur le cours de la mondialisation. L’échec du cycle de Doha sur le commerce, ou encore même les progrès limités des négociations climat et le maigre bilan du sommet de la Terre « Rio + 20 » inquiètent quant à la capacité des Etats à se saisir collectivement des grands enjeux auxquels elle doit faire face. Les pays ont besoin de se doter de règles collectives adaptées aux défis d’aujourd’hui et de demain.
C’est de la gouvernance mondiale dont il est question dans cette partie. La notion de gouvernance renvoie à l’ensemble des processus d’élaboration de règles collectives décidées et mises en œuvre par les individus et des institutions privées ou publiques. L’organisation de la gouvernance mondiale peut prendre différentes formes de coordination des activités économiques. Elle peut être assurée par le marché (quand elle est régulée par le mécanisme des prix), ou par la hiérarchie (quand elle repose sur l’autorité) ou par la coopération (quand elle s’appuie sur la participation volontaire et l’implication des acteurs concernés). Ces différents modes de coordinations peuvent être combinés dans des proportions variables selon les domaines et les époques mais on peut considérer que c’est la troisième forme qui a marqué l’après Seconde Guerre mondiale à travers le développement du multilatéralisme.
Les craintes du renouvellement de stratégies non coopératives fondées sur des mesures protectionnistes comme celles observées suite à la crise de 1929 dans l’entre-deux guerres ont contribué à une volonté politique d’instaurer plus de multilatéralisme après la seconde guerre mondiale. Le multilatéralisme est un mode d’organisation des relations économiques qui institutionnalise une coopération entre plusieurs Etats, par opposition à l’unilatéralisme qui correspond au refus d’un pays de coopérer avec les autres dans la conduite de sa politique ou encore au bilatéralisme qui restreint la coopération à deux pays. Après la seconde guerre mondiale, sous l’influence des États-Unis, le multilatéralisme s’impose dans les relations monétaires et financières dans le cadre des accords de Bretton Woods fondé sur des institutions telles que le Fonds Monétaire international (FMI) et la Banque mondiale mais également dans le domaine commercial, qui est celui que nous étudierons dans cette partie
I : L’extension progressive du multilatéralisme depuis la Seconde guerre mondiale
Après guerres, la volonté de pacifier les relations internationales par le commerce international va se traduire par la mise en place du GATT (General Agreement of Tariffs and Trade ; ou en français AGETAC Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce) le 30 octobre 1947 entre 23 pays afin d’harmoniser les politiques douanières des parties signataires. Le traité entre en vigueur en janvier 1948. Progressivement, le nombre de signataires a augmenté pour atteindre 115 membres permanents en 1994 au moment de la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Depuis 2016, l’OMC comptait 164 membres. En cinquante ans, le multilatéralisme a connu un essor considérable alors que les champs d’applications de cette modalité la gouvernance mondiale dans le domaine du commerce international se sont élargis au fil des années.
Le GATT après-guerre, un bilan plutôt positif
Le GATT vise à instaurer le multilatéralisme dans le commerce international. Deux principes président à cet accord : le libre-échange et le multilatéralisme. En effet, le principe du libre-échange repose sur l’interdiction de restrictions quantitatives, de mesures protectionnistes déloyales (subvention, dumping) et sur l’abaissement progressif des droits de douane sans possibilité de pouvoir revenir en arrière dans le cadre de cycles de négociations. Ce principe se fonde sur la règle de consolidation qui impose que soient progressivement levées les mesures protectionnistes afin de tendre vers davantage de libre-échange. Ensuite, la règle de réciprocité (ou principe du donnant-donnant) impose qu’un pays qui reçoit des avantages commerciaux d’un pays signataire soit tenu d'en accorder en retour. Ensuite, le principe du multilatéralisme contribue à étendre le libre-échange à l’ensemble des pays signataires, sont en principe interdit les accords bilatéraux. Le principe du multilatéralisme s’appuie sur la célèbre « clause de la nation la plus favorisée » qui stipule qu’un pays membre s’engage à accorder à l’ensemble des pays signataire le tarif douanier bilatéral le plus avantageux. Cette clause applique ainsi un de non-discrimination entre les pays signataires : Tout ce qui est accordé à un pays doit l’être aux autres.
Les principes du GATT visent ainsi à étendre le libre-échange dans le cadre d’une gouvernance mondiale fondée sur le multilatéralisme, la finalité ultime étant à terme d’établir une concurrence saine et non faussée sur les marchés mondiaux et d’instaurer un vaste marché où circulent librement les biens et des services.
Le GATT organise de grands cycles de négociations multilatérales dits « rounds » entre les pays dans le but de réduire les tarifs douaniers et les restrictions quantitatives (barrières non tarifaires). Ainsi vont se succéder pour les principaux rounds tels que le Kennedy Round, le Torquay Round, le Tokyo Round et l’avant dernier en 1993, l’Uruguay Round au terme duquel sera mis en place l’OMC.
Le bilan du Gatt est plutôt positif, car de 1947 à 1994, les droits de douane sur les produits industriels ont bel et bien diminué. Mais il n’en est pas de même dans le domaine des produits agricoles, ni dans les services qui n’entrent pas dans son champ d’application faisant moins l’objet d’échanges internationaux pour des raisons pratiques à l’époque. Cet abaissement des droits de douane s’est accompagné d’une explosion des échanges internationaux avec une hausse de plus de 1 600% entre ces deux dates et une hausse de plus de 600 % du PIB réel mondial.
Du fait de changements importants dans le commerce international, avec la possibilité technique d’exporter un nombre croissant de services, ainsi que la participation accrue des pays émergents, la nécessité d'une autorité arbitrale pour régler les différends entre pays signataires s’est naturellement imposée. Le 15 avril 1994, à Marrakech, a été signée par les 125 ministres des pays intéressés la création de l'OMC. En plus du commerce des biens, l'OMC s'intéresse désormais aux services et à la propriété intellectuelle. Cette institution est véritablement née le 1er janvier 1995, et sa mission principale est de favoriser la liberté des échanges. Les accords qu’elle protège poursuivent alors deux objectifs principaux. Ils visent à favoriser autant que possible la liberté des échanges ainsi qu’à poursuivre progressivement la libéralisation par voie de négociation. Comme il l’est indiqué sur le site de l’OMC : “In brief, the World Trade Organization (WTO) is the only international organization dealing with the global rules of trade. Its main function is to ensure that trade flows as smoothly, predictably and freely as possible.” (Trad. : En bref, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est la seule organisation internationale qui s'occupe des règles mondiales du commerce. Sa principale fonction est de veiller à ce que les flux commerciaux soient aussi fluides, prévisibles et libres que possible.)
La réelle nouveauté avec les accords de l’OMC est qu’elle institue un moyen impartial de règlement des différends avec la naissance de son ORD (Organe de règlement des différends). C’est en effet grâce à cette institution que l’OMC joue un véritable rôle de régulation du commerce mondial. Le non-respect d’un accord par un Etat membre peut désormais entraîner une procédure destinée à mettre fin à cette situation dès lors qu’un pays la déclenche en portant plainte. La première étape vise à permettre la recherche de solution entre les parties. Si elle échoue, un groupe d’experts est nommé pour étudier le dossier et rendre un rapport. Un pays dont la politique commerciale enfreint les accords se mettre en conformité. S’il ne le fait pas, l’ORD peut autoriser le pays plaignant à prendre des mesures compensatoires comme ce fut le cas lors du différend relatif au bœuf aux hormones entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. Dans l’Union européenne, l’utilisation d’hormones de croissance dans la production de viande bovine est interdite ainsi que la vente d’animaux traités avec ces produits alors que ces procédés sont utilisés dans certains pays membre de l’OMC comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Norvège et la Nouvelle-Zélande. Ces derniers ont saisi l’ORD en 1996 considérant que la politique européenne d’interdiction constitue une barrière protectionniste qui limite les exportations de bœufs. L’ORD a considéré qu’effectivement cette interdiction n’était pas fondée. Maintenant sa réglementation, les plaignants ont donc été autorisés à suspendre certaines concessions faites à l’UE en compensation. Les États-Unis ont ainsi appliqué une surtaxation de certains produits européens, notamment le Roquefort. En 2009, un accord entre l’Union Européenne et les Etats-Unis a été convenu, la première bénéficiant d’un maintien de son interdiction, les seconds ont obtenu un accès plus large au marché européen de sa viande non traitée.
La création de l’OMC a marqué un pas décisif dans l’institutionnalisation du multilatéralisme. Elle intervient toutefois dans une période où le vent du multilatéralisme semble retomber comme en témoigne l’« enlisement » du cycle de Doha depuis 2001 (malgré la signature des accords de Bali en 2013 et de Nairobi en 2015). Le cycle de Doha entamé en 2001 portait pour l'essentiel sur l'agriculture et sur l'amélioration de l'accès aux marchés des pays riches pour les produits agricoles des pays en développement (PED). Le cycle de Doha s’est conclu par un échec, les différentes parties n'arrivant pas à s'accorder, incluait néanmoins un accord sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce). Le bilan du GATT puis de l’OMC est donc mitigé. Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’abord, les barrières protectionnistes prennent également une forme non tarifaire (restrictions volontaires d’exportations, règles de contenu local, barrières administratives etc.). Ensuite, les montants moyens de droits de douanes avancés par l’OMC ont fait l’objet de critiques car ils cachent des réductions qui ne sont pas uniformes. Des « pics tarifaires » sur des produits sont observables, ce qui freine les échanges. L’essor du commerce a surtout profité aux pays développés qui réalisent l’essentiel des exportations mondiales. Dani Rodrik (2006, Nations et mondialisation) relativise l’impact positif d’une « intégration superficielle » (fondée exclusivement sur une libéralisation des échanges) telle qu’elle est conçue dans le cadre de l’OMC par opposition à une intégration en profondeur fondée sur une harmonisation de l’ensemble des institutions économiques et juridiques comme c’est le cas aux Etats-Unis ainsi que dans l’Union européenne.
Certaines négociations dans le cadre de l’OMC sont au point mort ou attisent les tensions. C’est notamment le cas de la régulation des IDE et de la transparence des marchés publics. La volonté des pays développés d’introduire une « clause sociale » pour lutter contre le dumping social et imposer des règles sociales minimales pour participer au commerce international n’a pas abouti. Les PED et PMA s’y sont opposés, considérant que cette clause a un caractère protectionniste. La question agricole continue de cristalliser les tensions et les conflits. Après la conférence de Cancun (2003) et la formation du « groupe des 20 » (comprenant le Brésil, la Chine, l’Argentine, l’Inde et l’Afrique du Sud notamment) face aux États-Unis, il a fallu attendre les accords de Bali et de Nairobi pour enregistrer des avancées sur des questions sensibles comme celle des stocks alimentaires et des subventions aux exportations agricoles.
En outre, certaines pratiques comme les accords bilatéraux, régionaux ainsi que les « méga accords régionaux » depuis 2000 contournent le multilatéralisme. Ces derniers qui dépassent le cadre régional sans pour autant être multilatéral au sens de l’OMC intègrent des domaines qui sortent du champ des accords de l’OMC comme les IDE, l’ouverture des marchés publics, la résolution de litiges entre les FMN et les Etats. Citons par exemple le CETA signé entre l’UE et le Canada ou le « Partenariat transpacifique » signé entre les États-Unis et onze autres pays.
Pour finir, c’est le fonctionnement propre de l’ORD qui montre ses limites. On constate un accès inégal des membres de l’OMC à ce dispositif dont le coût (recours à des spécialistes, montage du dossier etc. ) tient à l’écart de fait les PMA. C’est également le fonctionnement même des mesures compensatoires qui posent question quant à leur efficacité. D’une part, la mise en place de mesure de rétorsion n’entraîne pas nécessairement le retour du pays sanctionné vers le respect des accords de l’OMC et d’autre part, le coût de ces mesures est supporté par d’autres agents économiques que ceux qui participent directement au conflit notamment les producteurs du pays fautif et les consommateurs étrangers.
Section II : L’intégration régionale un frein au multilatéralisme dans les échanges internationaux ?
Le cycle de Doha devait marquer une étape décisive dans l’histoire du multilatéralisme qui débuta après-guerre, cependant c’est la dimension régionale du commerce international qui apparaît particulièrement dynamique. Le dynamisme de l’intégration régionale fait référence à deux réalités distinctes : l’intégration de facto qui renvoie à la régionalisation des échanges et l’intégration de jure qui correspond au régionalisme. La différence réside dans le caractère institutionnel ou non de la réalisation des échanges. La régionalisation désigne le développement des échanges au sein de la même zone géographique alors que le régionalisme désigne les processus institutionnels mis en œuvre par les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration économique régionale à travers des accords de libre-échange par exemple. Le régionalisme peut constituer dans cette optique une alternative aux défaillances de la régulation multilatérale mais peut également être interprété comme un contournement du multilatéralisme et un frein à l’extension du libre-échange à l’échelle mondiale. De ce fait, nous pouvons légitimement nous demander si l'intégration régionale tend à limiter la circulation des marchandises en favorisant un commerce entre soi au détriment de la mondialisation économique ?
I : Les voies du régionalisme
a : Les différentes étapes de l’intégration économique
L’intégration économique (régionale) est le fait, pour des pays d'une même zone géographique, de constituer un espace économique unique. Elle correspond donc à l’intégration de jure , c’est-à-dire au régionalisme. On distingue différents degrés d’intégration économique, selon l’importance de l’unification des marchés, et selon la nature des accords entre pays de la zone. Selon la « Théorie de l’intégration économique » (1961) de B. Balassa, il existe cinq degré de l’intégration économique.
La zone de libre-échange constitue le premier degré de l’intégration économique, elle correspond à la diminution, voire la suppression des barrières douanières à l’intérieur d’une région. Ce type d’accord laisse chaque membre libre de sa politique commerciale envers les pays extérieurs à la zone, préservant ainsi l’autonomie nationale à l’égard des pays extérieurs à la zone. L’ALENA, zone de libre-échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada créée en 1992 en constitue un exemple.
L’union douanière est une zone de libre-échange dont les membres décident d’adopter une politique commerciale unique vis-à-vis du reste du monde, en fixant des tarifs extérieurs communs. Le Mercosur est organisé sur ce mode depuis sa création en 1991. On trouve des exemples d’unions douanières dès le XIXème siècle, comme le Zollverein, créé entre les Etats Allemands en 1834.
Le marché commun constitue une intégration économique plus poussée puis que les pays membres ajoutent à l’union douanière la libre circulation des facteurs de production. Cela suppose une harmonisation approfondie des réglementations nationales. Le marché unique européen entré en vigueur en 1993 constitue bien exemple de marché commun.
Ensuite l’Union économique peut se définir par l’adoption d’objectifs de politiques économiques communs, ce qui conduit à une harmonisation progressive des politiques économiques dans la zone.
Certains économistes distinguent l’union économique qui entraîne uniquement l’harmonisation des politiques économiques et l’union monétaire qui implique en outre une politique monétaire commune. Ainsi, l’Union européenne s’est engagée sur la voie de l’Union économique et monétaire définie en 1992 par le traité de Maastricht.
La construction d’une véritable fédération d’Etats constitue le degré ultime de l’intégration économique, ce que B. Balassa appelle l’intégration totale. A l’union économique et monétaire s’ajoute la constitution d’un pouvoir politique fédéral avec l’harmonisation des politiques fiscales et sociales.
b : L’attractivité des accords commerciaux régionaux
Bien que l’intégration régionale ne soit pas un phénomène récent, c’est précisément dans la seconde moitié du XXème siècle que les expériences du régionalisme se développent de façon spectaculaire. Trois grandes vagues d’intégration régionale peuvent être mises en évidence. La première vague a lieu dans les années 1950-1960 plus particulièrement en Europe. Elle commence par la création de l’Union européenne des paiements (UEP) en 1950 et de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951, suivie en 1957 de celle de Communauté économique européenne (CEE). Les pays non membre de la CEE se sont associés pour créer de leur côté l’Association européenne de libre-échange (AELE) en 1960. Cette première période correspond aussi à la création du COMECOM (1949) et à son développement du côté soviétique.
La deuxième vague d’intégration économique débute au milieu des années 1980 et s’est prolongée pendant une bonne partie des années 1990 sous l’impulsion européenne avec la création du « marché unique » (Acte unique de 1986) visant à lever les entraves à la circulation des facteurs de production entre pays européens. L’Union européenne conclut également une série d’accords bilatéraux avec les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) après la dissolution du COMECON. Après avoir privilégié le multilatéralisme pendant près de 40 ans, les États-Unis donnent aussi une impulsion au régionalisme pendant cette période en signant notamment un accord de libre-échange avec le Canada (1988) qui sera étendu au début des années 1990 au Mexique avec l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). En Amérique latine, le MERCOSUR (Marché commun du Sud) instaure une union douanière complète entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay en 1991 (Le Venezuela rejoindra l’accord en 2012). En Afrique aussi, des initiatives sont lancées ou renforcées : le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté économique de États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). En Asie, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) a envisagé de créer une zone de libre-échange de l’ASEAN (AFTA) en 1991 (mais qui n’aboutira qu’en 2002) alors que la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), lancée en 1989, s’est donnée pour but la libéralisation du commerce et de l’investissement entre ses membres fondateurs. Au cours de la dernière décennie, une nouvelle vague de régionalisme a démarré sous l’impulsion des grandes puissances commerciales (UE, États-Unis, etc.) mais aussi de nombreux pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Chine, Inde, etc.) reflétant et renforçant le processus d’intégration économique en Asie. Les accords signés au cours de cette dernière période présentent la particularité de porter davantage sur des thèmes qui avancent peu ou pas dans le cadre de l’OMC (services, flux de capitaux, propriété intellectuelle, environnement, etc.). Le développement des « méga accords régionaux » évoqués précédemment caractérise également cette dernière période.
Le régionalisme peut être interprété comme une étape vers plus de libre-échange, un optimum de second rang face aux difficultés rencontrées par le multilatéralisme. L’intégration économique relève souvent d’une volonté politique mais elle peut être également analysée d’un point de vue strictement économique. Selon les conceptions classique et néo-classique, le libre-échange pour produire des effets positifs, doit être multilatéral. L’objectif final (correspondant à un optimum) est donc un espace mondial sans frontière au sein duquel les marchandises (biens et services) circulent librement. Mais si l’on admet 1) que le libre-échange généralisé à l’échelle de la planète est une situation optimale et 2) qu’une telle situation de libre-échange généralisé est un objectif assez éloigné (car les pratiques protectionnistes persistent dans le monde), on peut légitimement se demander si l’établissement d’une union douanière (et plus généralement l’intégration économique régionale) ne constitue pas, dans ce cas, un optimum de second rang, autrement dit, un second best dans la voie du libre-échange. Ainsi, le libre-échange généralisé demeurerait la finalité ultime et l’intégration régionale constituerait une étape intermédiaire dans ce processus de libéralisation économique.
a : L’analyse néoclassique de l’intégration régionale
L’approche néoclassique du commerce international montre qu’un libre-échange appliqué à l’ensemble des nations permet une allocation optimale des ressources. Paradoxalement, la création d’une union douanière, si elle permet une progression du libre-échange dans une zone régionale donnée, n’a pas systématiquement des effets favorables : le solde des gains et des pertes réalisés par l’intégration régionale peut s’avérer négatif. La création d’une union douanière peut entraîner deux conséquences différentes sur la circulation de marchandises.
En effet, elle peut favoriser une création de trafic, c’est-à-dire l’augmentation des échanges entre pays de la zone en raison de l’abolition des barrières douanières. La suppression des droits de douanes sur les produits de la zone régionale diminue en effet leur prix de vente relativement aux produits étrangers. Ou bien, elle peut entraîner un détournement de trafic, c’est-à-dire la baisse des échanges entre un pays membre de l’union douanière et de pays non-membres de la zone en raison de l’intégration économique. En effet, le tarif extérieur commun accroît les prix des exportations en provenance de pays membre de la zone.
Selon Jacob Viner, dans The Customs Union Issue (1950), le développement d’accords commerciaux régionaux a des conséquences importantes sur les flux d’échanges. Avec l’abolition des barrières douanières, les membres de la zone sont encouragés à s’approvisionner à un coût plus faible au sein de la zone et on assiste alors à une création de trafic (trade creating). Mais on peut aussi observer un effet de détournement d’échanges (trade diverting) si l’intégration régionale provoque l’éviction de fournisseurs plus compétitifs hors de la zone. Dans ce cas, il y a bien discrimination et recul du multilatéralisme. L’intégration régionale ne profite pas systématiquement aux nations participantes. Pour qu’elle soit bénéfique, il faut que la création de trafic soit supérieur au détournement de trafic, et donc que l’augmentation des échanges intra-zone soit supérieure à la diminution des échanges avec le reste du monde.
Plusieurs facteurs peuvent rendre l’intégration économique favorable aux économies. D’abord, plus le prix régional est proche du prix mondial et plus le détournement de trafic est faible, et la création de trafic élevée.
Plus le tarif extérieur commun est faible et plus le détournement de trafic est limité, car la situation s’approche du libre-échange généralisé qui reste un optimum à atteindre économiquement.
A l’intérieur de la zone régionale, l’abolition des barrières douanières devrait favoriser une plus grande spécialisation des nations conformément à la théorie néoclassique du libre-échange. Le modèle de Viner suppose que l’on se situe en concurrence pure et parfaite, et que les rendements d’échelle sont constants puisque la taille du marché régional n’a pas d’impact sur les prix.
Contrairement au libre-échange supposé mutuellement avantageux dans la théorie néoclassique, un accord régional de libre-échange ne profite pas à tous, car il pénalise le reste du monde. En effet, si les gains issus de la création d’une union douanière sont positifs dans la zone, alors le reste du monde est défavorisé, puisqu’il subit des détournements de trafic. Sous les hypothèses néoclassiques, ce résultat légitime donc la préférence pour le GATT, puis l’OMC, envers le multilatéralisme intégral face au régionalisme.
b : Les effets dynamiques de l’intégration économique dans la nouvelle théorie du commerce international
L’analyse néoclassique de l’intégration économique compare les gains et les pertes avant et après l’intégration économique, les autres caractéristiques de l’économie étant considérées comme identiques. Cette analyse est statique et ne prend pas en compte les effets dynamiques engendrés par l’intégration économique. En s’inspirant des nouvelles théories du commerce international, il est possible de montrer l’apparition d’effets dynamiques positifs favorisés par l’intégration économique. L’intégration régionale modifie progressivement les structures de l’économie, en raison de la taille de la production ou d’une modification du degré de concurrence par exemple. Le dynamisme de l’intégration régionale depuis les années 1960 s’explique par les gains dynamiques escomptés de cette modalité de l’échange international.
Ces gains reposent sur plusieurs facteurs comme l’existence d’économie d’échelle, la différenciation des produits et la limitation des rentes de monopoles, tout cela profite directement aux consommateurs, comme nous allons le voir.
L’intensification des échanges au sein du marché régional permet aux entreprises de bénéficier d’économies d’échelle. Elle produit des effets similaires à ceux de l’augmentation de la taille du marché lié au libre-échange entre partenaires commerciaux. Les rendements sont donc croissants, car les entreprises bénéficient d’une hausse de la production plus que proportionnelle aux facteurs de production utilisés lorsque la taille du marché augmente (effet de concentration). Le consommateur bénéficie donc non seulement d’une diminution du coût des produits importés (du fait de la création de trafic) mais aussi d’une baisse des coûts des produits nationaux, dont le marché s’est élargi.
Ensuite, l’intensification de la concurrence dans un marché plus étroit génère une diversité des produits et limite les rentes de monopole. Pour Paul Krugman, l’intégration économique augmente la diversité des produits dans une même famille de produits, ce qui améliore la satisfaction des consommateurs qui sont supposés avoir une préférence pour la diversité.
Enfin, en accentuant la concurrence intra-régionale, l’intégration économique réduit la présence de rentes de monopole qui existait sur le marché national. L’accroissement de la taille du marché rend les marchés contestables, et déstabilise les monopoles, ce qui réduit les prix au bénéfice des consommateurs.
Cependant, l’intégration économique peut aussi engendrer des coûts d’ajustement lié à la remise en cause des positions acquises par le jeu de la concurrence, ce qui peut entraîner une hausse du chômage au moins à court terme.
Par conséquent, l’intégration régionale, si elle remet en cause le multilatéralisme généralisé, ne constitue pas un frein au libre-échange, puisqu’elle favorise une augmentation de la concurrence intra-zone et permet donc de profiter de gains économiques propres à l’extension de la taille d’un marché.
c : Positionnement du GATT puis de l’OMC par rapport aux accords régionaux
Si multilatéralisme et régionalisme sont deux voies possibles de gouvernance des relations commerciales, la question se pose alors de leur compatibilité, notamment au regard de l’objectif poursuivi de tendre vers plus de libre-échange entre nations.
Dans la terminologie de l’OMC, le régionalisme est incarné par la signature des accords commerciaux régionaux (ACR) qui dérogent au principe de la clause de la nation la plus favorisée.
L’OMC surveille ces accords qui doivent respecter l’esprit des principes définis par le GATT et l’AGCS (Accord général sur le commerce des services). Pour ne pas être contradictoire avec les principes érigés par l’OMC, les ACR doivent regrouper un nombre croissant de participants et ne pas restreindre le commerce avec le reste du monde par l’érection de barrières douanières dirigées vers l’extérieur de la zone. De plus, l’article 24 du GATT prévoit une « clause d’habilitation » qui permet de mettre en place des tarifs préférentiels sans réciprocité dans le cas d’accords entre les pays développés et les PED.
Le régionalisme, une alternative au multilatéralisme ?
De prime abord, on peut penser que la constitution de blocs régionaux éloigne du multilatéralisme et de la clause de la nation la plus favorisée. Dans la mesure où le développement des accords préférentiels commerciaux marginalise la clause de la nation la plus favorisée, l’organisation et le principe du multilatéralisme qui l’incarnent semblent affaiblis. Néanmoins, l’intégration régionale est moins la cause qu’une conséquence d’une crise profonde du multilatéralisme.
Les échecs des conférences de Seattle (1999) et de Cancun (2003) témoignent de deux défauts structurels du fonctionnement de l’OMC.
Le premier est lié à la règle du consensus qui conduit à l’immobilisme et à l’inefficacité. Puisque le consensus est d’autant plus difficile à réunir que le nombre de pays est élevé, le repli sur les accords régionaux ou bilatéraux permet d’avancer sur les sujets qui ne peuvent être introduits à l’OMC.
Le second est lié à la « clause de la nation la plus favorisée ». Si cette clause permet d’éviter de perturber le multilatéralisme par des stratégies bilatérales, elle nourrit aussi un effet pervers car elle encourage les comportements de passagers clandestins puisqu’elle garantit aux pays membres l’accès aux marchés des autres quelles que soient leurs concessions. Au contraire, les accords bilatéraux permettent de se soustraire à cette règle et de mieux contrôler la réciprocité. Ainsi la constitution de blocs régionaux peut être vue comme alternative aux difficultés rencontrées par l’approfondissement du multilatéralisme. Le GATT et l’OMC n’ont pas réussi à endiguer les barrières administratives, les accords d’autolimitation des importations etc. À l’intérieur des ensembles régionaux, la régionalisation s’ouvre au contraire à de nouvelles dimensions : les IDE, la mobilité du travail, la protection de l’environnement, etc. Le régionalisme peut donc être interprété comme une étape vers plus de libre-échange, un optimum de second rang face aux difficultés rencontrées par la progression des accords multilatéraux.
Aujourd’hui plus qu’une opposition entre régionalisme et multilatéralisme, c’est sans doute plutôt d’une complémentarité qu’il faut parler, le développement récent des ACR apparaissant dans une large mesure comme le reflet des difficultés du multilatéralisme.
« Tout ce qu’a fait le FMI a été de rendre les récessions d’Asie orientale plus profondes, plus longues et plus dures. » En s’exprimant ainsi, dans The New Republic (2000), Joseph Stiglitz (1943) dénonce les limites d’une organisation intergouvernementale dont l’une des missions est de contribuer à la bonne gouvernance de la mondialisation. D’origine anglo-saxonne, la notion de « gouvernance » largement diffusée est complexe. Comme le dit Lawrence Finkelstein, « nous disons “gouvernance” parce que nous ne savons pas réellement comment qualifier ce qui se produit » et « la “gouvernance mondiale” semble être à peu près tout et n’importe quoi ». Aucune définition précise ne fait consensus. Toutefois, d’une manière large, on peut considérer que la gouvernance renvoie à la question de savoir comment gouverner sans gouvernement, de manière plus précise, on peut reprendre la définition proposée par P. Lamy, ancien directeur de l’OMC. Pour lui, la gouvernance correspond à « l’ensemble des transactions par lesquelles des règles collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en œuvre et contrôlées ». La gouvernance mondiale est un terme à la mode qui recouvre aussi bien l’influence de la société civile sur les processus internationaux de prise de décision que le rôle des organisations internationales et des firmes multinationales dans la politique mondiale.
I : La diversité des acteurs de la gouvernance mondiale
a : La naissance des organisations internationales après la seconde guerre mondiale
C’est après-guerre que se sont constituées les grandes organisations internationales. L’Organisation internationale du travail (OIT) fondée en 1919 faisant exception. Chacune de ces organisations est spécialisée dans un domaine spécifique : le Fonds monétaire international pour les questions concernant le Système monétaire internationale, la Banque mondiale autour du financement de la reconstruction puis du développement, les organisations spécialisées de l’ONU (Organisation mondiale de la santé, Food and Agricultural Organization, Commission des Nations unies pour le commerce et le développement)… Ces organisations sont caractérisées par des modes de fonctionnement et de prises de décision spécifiques, mais aussi par des moyens et des capacités d’action très variables.
b : La place toujours essentielle des Etats
La gouvernance de la mondialisation ne peut néanmoins se comprendre sans la référence au jeu des États qui restent des acteurs incontournables. Les processus de libéralisation des économies, l’accélération des échanges commerciaux et financiers sont largement la conséquence de décisions politiques prises au niveau national (politiques commerciales, déréglementation financière). Les États peuvent chercher leur intérêt propre mais aussi mettre en jeu des logiques coopératives à travers des regroupements régionaux (politique commerciale européenne mise en œuvre par la Commission) ou des groupements plus informels (les différents « G », cadre de rencontres entre les chefs d’État ou de gouvernements mis en place à partir de 1975).
c : La place croissante des acteurs privés dans la mondialisation
Dans la perspective ouverte par les travaux de S. Strange (1923-1998), les États ne sont plus les acteurs essentiels de la gouvernance de la mondialisation. L’accélération de la mondialisation conduit à une perte de pouvoir de l’État et oblige à réfléchir aux caractères structurels du pouvoir, autour de la place croissante des marchés et des acteurs privés : entreprises, structures financières, acteurs de la société civile (ONG) mais aussi organisations criminelles internationales.
Le tournant des années 1980
La gouvernance de la mondialisation s’est développée dans le contexte de l’après-guerre. Elle peut s’analyser comme une situation de « stabilité hégémonique » telle que définie par C. Kindleberger en 1973 dans La grande crise mondiale 1929-1939. La domination des États-Unis à l’époque largement acceptée leur permet d’imposer leurs les règles du jeu dans le domaine de l’organisation des relations internationales (exemple des accords de Bretton Woods). Ces règles sont d’autant moins contestées qu’elles bénéficient à la quasi-totalité des acteurs de l’économie mondiale dans un contexte de prospérité économique.
Depuis les années 1980 et l’accélération du processus de mondialisation, la situation a évolué. La domination américaine est contestée, de nouvelles puissances prennent de l’importance, l’extension des échanges de marchandises et des flux financiers font apparaître de nouveaux problèmes. De plus, les interrogations sur la stabilité économique mondiale mais aussi plus largement la réflexion sur les « biens publics mondiaux », extension à l’échelle planétaire de la notion de bien collectif, obligent à repenser l’analyse de la gouvernance de la mondialisation. Cependant, la période actuelle est marquée par des interrogations. Les institutions internationales peuvent apparaître tout d’abord comme inefficaces pour affronter les grands défis de la mondialisation : les négociations commerciales piétinent au début des années 2000, la prise en compte des enjeux écologiques autour du réchauffement planétaire et des gaz à effet de serre reste très limitée, la gestion des questions de la biodiversité ne donne pas lieu à des évolutions significatives malgré la COP21.
Une première raison des difficultés de la gouvernance mondiale se trouve dans la spécialisation des institutions alors que la mondialisation implique une interdépendance croissante entre différents domaines : les recommandations du FMI ont des conséquences sur les conditions de travail (OIT) et donc la santé (OMS), l’environnement.
Les organisations internationales sont également contestées par des mouvements qui remettent en cause le processus de mondialisation (mouvements altermondialistes qui se manifestent au niveau international à partir de 1999 lors de la conférence de Seattle). C’est une mondialisation « libérale » qui est ici dénoncée porteuse de conséquences négatives (inégalités, dégradation de l’environnement). Des institutions telles que le FMI ou l’OMC sont accusées de renforcer cette logique libérale en prônant des politiques aux effets négatifs pour les populations (plans d’ajustement structurels des années 1980 et 1990, exigences du FMI dans ses aides aux pays en difficultés comme la Grèce depuis la crise de 2008). C’est en effet, le consensus de Washington portée par ces institutions d’après-guerre qui est largement contesté. D. Rodrik rappelle que les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats économiques depuis 1950 (Japon, Corée du Sud et Chine) ont souvent adopté des règles très éloignées des conceptions de ces institutions internationales.
Les politiques non coopératives menées par les États (protectionnisme, non-respect des règles sociales et environnementales, concurrence fiscale) qui tendent à se développer en période de crise fragilisent un peu plus les organisations régionales et mondiales.
Enfin, la multiplication des crises financières à partir des années 1980, la rapidité de la contamination internationale et surtout le choc majeur qu’ont représenté la crise des subprimes, et plus récemment la crise du covid 19 obligent à s’interroger sur la possibilité d’une régulation internationale des déséquilibres monétaires et financiers ainsi des risques sanitaires. Les G20 de Londres et de Pittsburgh en 2009 mettent à l’ordre du jour la lutte contre les paradis fiscaux et la mise en place de nouvelles règles de régulation des marchés financiers. Si certaines avancées ont été obtenues dans ce domaine, le chemin reste important avant de pouvoir garantir une réelle stabilité financière mondiale.
Le XXIème siècle est marqué par un poids croissant accordé aux pays émergents : élargissement des « clubs internationaux » (passage du G8 au G20 lors du sommet de Washington de novembre 2008), poids plus important dans les organisations internationales (hausse des droits de vote à la Banque mondiale). Ces pays deviennent des acteurs significatifs de la régulation économique internationale, font entendre leur voix et peuvent obtenir des résultats notables (possibilité de produire des médicaments antirétroviraux malgré les brevets détenus par des firmes pharmaceutiques occidentales) mais aussi contribuer à bloquer des négociations (conflits autour du cycle de Doha entre les États-Unis et certains pays émergents comme le Brésil et l’Inde).
La crise des subprimes et les interrogations sur des excès financiers qui en seraient une des origines majeures ont conduit à l’affirmation d’une volonté de mettre en place une réglementation financière internationale. Il n’en reste pas moins que les questions autour de la gouvernance restent traversées par des tensions majeures. Une première tension concerne directement les relations entre les pays développés et le reste du monde, en particulier les pays émergents. La question des normes sociales dans le commerce, les interrogations sur les conséquences de la fragmentation des chaînes de valeur mais aussi la question environnementale et les contraintes qu’elle peut imposer à la croissance des pays émergents marquent les débats autour de la régulation de la mondialisation. Une deuxième tension concerne les relations entre les États et les acteurs privés. La mondialisation économique s’accompagne d’une extension du champ et du rôle des marchés qui permet à un certain nombre de grandes entreprises d’acquérir un pouvoir significatif (en 2011, des chercheurs de l’Université de Zürich identifient 147 sociétés qui « dominent le monde » à travers l’interconnexion de leur capital). La capacité de décision démocratique des États est alors mise en cause face à des acteurs économiques qui peuvent s’affranchir des frontières. Dans The globalization paradox publié en 2011, Dani Rodrik propose une mise en perspective de ces questions à partir du trilemme de la mondialisation (ou triangle de Rodrik).