Courbe de Laffer : Portant le nom de son concepteur, la courbe de Laffer a pour objet l’arbitrage entre taux d’imposition et revenus fiscaux. Selon le journaliste Jude Wanniski ( "Taxes, Revenues, and the Laffer Curve", 1978), elle aurait été représentée par l’économiste Arthur Laffer lors d’un dîner en 1974. Elle illustre la thèse selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt », en s’appuyant sur des mécanismes en termes d’incitation au travail : l’effet de revenu et l’effet de substitution. Dans un premier temps, plus le taux d’imposition augmente, plus les recettes fiscales augmentent. Pour les contribuables, c’est un « effet de revenu » qui domine : pour compenser leur perte de revenu lié à la hausse du taux d’imposition, ils proposent une offre de travail plus abondante, leur permettant de toucher plus de revenus et de maintenir leur niveau de consommation. Mais cet effet de revenu ne se prolonge que jusqu’à un certain point. Au delà du « taux d’imposition optimale », les recettes fiscales diminuent. C’est désormais un « effet de substitution » qui prend le pas : l’accroissement du taux d’imposition entraîne une baisse des salaires effectivement perçus, ce qui revient à une diminution du coût du loisir et conduit le contribuable à réduire son offre de travail. Ce raisonnement peut être représenté graphiquement en mettant en avant l’évolution des recettes fiscales en fonction du taux moyen d’imposition. Elle prend alors la forme d’un « U inversé ».
Courbe de l’éléphant : La « courbe de l’éléphant » est issue d’une enquête colossale menée par Branko Milanovic et Christoph Lakner sur l’évolution des revenus dans 120 pays entre 1988 et 2008. Représentée pour la première fois dans leur article « Global Income Distribution : From the Fall of the Berlin Wall to the Great Recession » (2015), elle est représentée à nouveau dans le fameux ouvrage Global Inequality: A New Approach for the Age of Globalization (2016) de Milanovic. Elle porte ce nom parce que sa forme, décrivant la croissance du revenu moyen de chaque fractile des revenus mondiaux entre 1988 et 2008, évoque celle d’un éléphant entrain de relever sa trompe. Son originalité provient du fait qu’elle s’intéresse aux inégalités de revenus à l’échelle mondiale sur une période longue. Dans un monde aux relations économiques et financières globalisées, les débats sur l’inégalité ne peuvent se focaliser uniquement sur les écarts de revenus entre groupes sociaux à l’intérieur d’un pays. Elle est souvent interprétée comme mettant en évidence les « gagnants » et « perdants » de la mondialisation depuis 1988. Le premier groupe de perdants est celui des plus pauvres dans le monde, qui n’ont pas réduit leur handicap relatif. En effet, si leur revenu s’est accru durant cette période, il l’a fait moins vite que le revenu global moyen. Le deuxième groupe de perdants est celui des revenus situés entre le 80ème et le 97ème centile des revenus. Il s’agit donc de revenus relativement élevés à l’échelle mondiale. Ils ont connu l’accroissement le plus faible des revenus, et se sont donc relativement appauvris par rapport au reste de la population mondiale. Il s’agit notamment des classes moyennes des pays développés. À l’inverse, le premier groupe de gagnants est celui des personnes qui se situent autour de la médiane. Elles ont vu leurs revenus réels exploser pendant cette période. Il s’agit selon les auteurs des nouvelles classes moyennes de certains pays en développement, d’Asie principalement. Enfin, les 1% des plus riches à l’échelle de la planète sont le deuxième groupe dont les revenus ont augmenté le plus fortement depuis 1988. La courbe suggère donc que les inégalités se sont accrues en faveur des plus riches qui sont ceux qui ont le plus profité de la mondialisation, et qu’il y a eu une redistribution des richesses mondiales depuis les classes moyennes des pays développées vers les pays en développements, permettant à ces derniers de voir éclore leurs propres classes moyennes.
La course à la victimisation : Conséquence négative des politiques de lutte contre les discriminations, l’idée d’une « course à la victimisation » a été mise en avant par Pierre Rosanvallon dans La société des égaux (2011). Il défend l’idée que ces politiques conduisent à une compétition entre les groupes sociaux pour la définition d’une position de victime dans la société. C’est en particulier l’effet qu’auraient les politiques de discrimination positive, qui instaurent l’idée que tout héritage handicapant peut donner le droit à une compensation pour ses victimes. Cette course à la victimisation conduit les groupes se positionnant comme des victimes à se singulariser par rapport au reste de la société. Ils se construisent dans la lutte et en revendiquant l’universel (l’égalité de traitement), il affirme paradoxalement le particularisme. Le risque est alors d’entretenir la ségrégation et le communautarisme, soit la séparation forcée ou volontaire d’un groupe social avec d’autres.
Concurrence fiscale : La concurrence fiscale désigne les réactions des Etats aux stratégies de mise en compétition des systèmes fiscaux par les acteurs économiques dans un contexte de mondialisation. Dans le but d’attirer les facteurs mobiles de productions (des investissements d’entreprises, des travailleurs qualifiés, etc.), les Etats cherchent à définir des bases fiscales et des taux d’imposition attractifs. La concurrence fiscale fait craindre un phénomène de « dumping fiscal » dès lors qu’elle diminue la capacité des Etats à lever des recettes fiscales et réduit la progressivité de l’impôt. Ainsi, c’est un élément déterminant dans l’évolution des inégalités de richesse.
Démocratisation : En politique, la démocratisation est le processus qui permet à un régime de renforcer son caractère démocratique (extension du droit de vote, développement de la liberté de presse, etc.). Cette notion s’est ensuite étendue au delà de la sphère politique pour désigner un processus de changement social caractérisant l’accès au plus grand nombre à une chose qui était auparavant limitée à une partie de la population. Par exemple, la démocratisation scolaire désigne l’extension de l’accès à l’enseignement.
Reproduction sociale : La reproduction sociale est un phénomène sociologique conduisant à la transmission des positions sociales de génération en génération. Elle s’oppose en cela à la mobilité sociale intergénérationnelle, soit le changement de position sociale d’une génération à l’autre. Elle se traduit statistiquement par le fait que les enfants de cadres, d’ouvriers et des autres professions et catégories socio-professionnelles (PCS) ont tendance à occuper la même PCS que leurs parents. La reproduction est notamment étudiée par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans Les Héritiers (1964). Ils y étudient la situation des étudiants en lettres parisiens qui héritent du patrimoine culturel et intellectuel de leurs parents, ce qui favorise leur maintien au sein de la bourgeoisie. Dans La reproduction (1970), les deux auteurs approfondissent ce raisonnement en introduisant la notion de capital culturel, désignant la familiarité à la culture savante qui se transmet de génération en génération. Loin de mettre fin aux privilèges conférés par l’héritage, l’école s’appuie sur cette culture savante et la valorise, assurant et validant ainsi la reproduction des positions sociales de génération en génération.
Trappe à chômage : Parfois appelée « trappe à inactivité » ou de « piège à l’emploi », la trappe à chômage désigne les désincitations que connaît une personne sans emploi à en trouver un, notamment en raison de la perte de revenus d'assistance qui résulterait de l'obtention d'un emploi. Avec la création de la prime pour l’emploi en 2001, la France met pour la première fois en œuvre une politique visant explicitement à encourager l’emploi des personnes titulaires de bas salaires, alors que, depuis le milieu des années 1980, les politiques publiques, au premier rang desquelles la baisse des charges sociales sur les bas salaires, intervenaient sur la demande de travail non qualifiée.