Document 1 : La pensée Aristote
Jusqu’à la Renaissance, la distinction d’Aristote s’impose car, dans la pensée théologique médiévale, l’économie est d’abord perçue comme une chrématistique, une activité immorale que le droit doit contraindre à respecter les principes de justice, car « la grâce vaut mieux que l’or ». Les activités économiques sont encadrées au sein de l’organisation domaniale de l’économie féodale. La philosophie économique de saint Thomas d’Aquin s’impose et les activités financières, comme le prêt à intérêt, sont condamnées moralement par la religion catholique. Dans son livre, la Somme théologique, il s’agit de déterminer quelles sont les pratiques économiques « justes » selon la religion chrétienne et la volonté de Dieu, comme le « juste prix », le « juste profit », le « juste salaire ».
Histoire de la pensée économique H. Denis PUF 1988 p 24
Question 1
La pensée d’Aristote est-elle la même que celle de Platon ? Pourquoi dit-on que l’économie est subordonnée à la morale ?
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Question 1 : si pour Platon, l’organisation économique est un instrument du salut des âmes, pour Aristote, l’organisation économique doit être adaptée à la finalité propre de l’être humain. La distinction entre économie et chrématistique, chez ce dernier, est une opposition entre des activités économiques naturelles, car orientées par la recherche de la satisfaction des besoins (oïko-nomia, les lois qui règlent la gestion de la maison) et des activités « capitalistes » car animées par la recherche du gain pour lui-même. L’art d’acquérir des richesses, qui est celui du marchand est condamnable. Aristote évoque trois formes condamnables : le commerce extérieur, le prêt à intérêt, et le travail salarié, c’est-à-dire de vendre son travail contre de l’argent. Le désir d’accumulation est présenté comme insatiable et donc dangereux pour la Cité. L’économie est au service de la communauté, elle est condamnable si elle s’autonomise et ce faisant, perd son sens, ce qui signifie que la condamnation est non bornée.
Document 2 : Le discours mercantiliste
L’œuvre des mercantilistes vis-à-vis de la morale est la justification de la chrématistique. Les penseurs mercantilistes se caractérisent a posteriori par leur place dans la transition entre le monde féodal et le monde industriel : ils abandonnent la critique médiévale des activités marchandes sur une base morale, mais sont incapables de penser l’économie sur ses bases réelles. Selon les mercantilistes, la puissance d’un Etat dépend de la puissance économique du pays à laquelle est liée sa capacité à lever et entretenir une armée. Dans Les Six Livres de la République, Jean Bodin résume clairement ce lien par sa citation célèbre : « Il n’y a de richesse que d’homme ». La puissance économique d’un royaume repose sur le nombre de ses soldats car la guerre est un « état normal ». Toutefois, afin de financer les efforts de guerre, l’Etat a besoin de l’impôt qui n’est possible que si les populations s’enrichissent : aussi la puissance du pays et de l’Etat repose sur les quantités de métaux précieux (or et argent) qui circulent dans le royaume. Ainsi se développe une approche pragmatique de l’économie, la timide défense d’une activité vulgaire mais nécessaire au prince. L’économie abandonne la référence aristotélicienne au bien public et devient un art au service du roi à une époque où l’on imagine que la nation naissante se gère comme une affaire de marchands. L’or, l’activité commerciale, les profits sont désormais justifiés non au nom de la morale, mais de l’efficacité. La mauvaise conscience de la recherche du gain laisse place à l’efficacité économique au service du souverain.
Histoire de la pensée économique H. Denis PUF 1988 p 38
Question 2 : quelle est la provenance de la masse monétaire qui fait la puissance d’un Etat ?
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Question 2 : cette masse monétaire doit être amassée dans le cadre du commerce international et, seul l’excédent de la balance commerciale permet le gonflement des stocks de monnaie. Autrement dit, le commerce qu’il soit national mais surtout international doit être soutenu par les pouvoirs publics et leurs politiques protectionnistes. L’Etat a pour mission de soutenir le commerce lointain, de promouvoir les exportations de biens manufacturiers et d’instaurer des barrières tarifaires aux importations de ces mêmes biens. Antoine de Montchrestien dira au XVIe siècle que « tout ce qui est étranger corrompt ».
Document 3 : Les mercantilistes espagnols
Les mercantilistes espagnols ont été accusés d’avoir confondu richesse et détention d’or ou d’argent . L’accumulation de métaux précieux a provoqué une inflation sans précédent qui déséquilibra la balance commerciale au profit de pays notamment de l’Angleterre qui exporta vers l’Espagne des produits manufacturés moins chers. T. Mun, dont les écrits ne datent que de 1630, s’était rendu compte qu’un afflux de métaux précieux élève le niveau des prix du pays, et que « vendre cher et acheter bon marché » conduit à inverser le solde de la balance commerciale. R. Cantillon et D. Hume reprirent cet argument au XVIIIe siècle, et pendant un siècle et plus, ce mécanisme du flux des métaux précieux fournit une réfutation particulière des principes mercantilistes. La démonstration consistait à dire que des forces purement automatiques tendent à « redistribuer naturellement les métaux précieux » entre les pays commerçants du monde et à fixer le niveau intérieur des prix de façon à ce leurs exportations égalent leurs importations.
Histoire de la pensée économique G. Delaplace Dunod p 88
Question 3 : Quelle a été l’erreur du mercantilisme espagnol ?
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Question 3 : pour eux, l’or est une richesse en soi. L’accumulation d’or ne pouvait que provoquer une haussse des prix, compte tenu de l’incapacité de l’Espagne à répondre à la demande. Tous les éléments d’une théorie du mécanisme autorégulateur de la répartition de la monnaie étaient rassemblés au XVIIe siècle. Le principe physique des vases communicants était appliqué à l’économie et J. Locke, qui écrivait dans les années 1690, démontra parfaitement que les prix varient en relation exacte avec la quantité de monnaie en circulation. Une seconde interprétation consiste à penser qu’ils n’auraient pas perçu que ce qui est exact au niveau d’un ménage ou d’une entreprise, à savoir que la capacité d’acquisition de biens dépend des quantités de monnaies détenues, est moins vrai au niveau d’un pays. Ils confondaient ce qu’on appellera plus tard la microéconomie avec la macroéconomie.
Document 4 : Le mercantilisme anglais
Le mercantilisme anglais a été qualifié de « commercial », l’enrichissement devait provenir de l’excédent de la balance commerciale ; il fallait donc acheter peu à l’étranger et vendre beaucoup. Les modalités retenues pour freiner les importations consister à les grever de droits élevés et à leur substituer des produits nationaux compétitifs et de haute qualité. Parallèlement, des aides financières aux activités tournées vers l’exportation étaient préconisées. Les mercantilismes anglais prônaient une politique d’abondance monétaire et de taux d’intérêt qui favorise l’essor du commerce. Ainsi J.M. Keynes rend hommage à J. Child qui préconisait un faible taux d’intérêt pour favoriser le commerce. En revanche, T Mun pensait que « commerce et taux d’intérêt s’élèvent et tombent ensemble ». Le commerce de réexportation est promu par T Mun et J Child, les dirigeants de l’East India Company, la Compagnie des Indes orientale dont le monopole du commerce dans l’océan Indien est accordé en 1600 pour 21 ans par la reine Elisabeth 1er. C’est la première des grandes compagnies européennes créées au XVIIe siècle qui va garder les positions avec la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et éliminer la Compagnie française des Indes orientales en reprenant tous ses comptoirs indiens.
Question 4 : pourquoi dit-on que le mercantilisme se conjugue au pluriel ?
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Question 4 : si le mercantilisme espagnol recherchait essentiellement l’accumulation de métaux précieux, le mercantilisme français est un mercantisme « industrialiste » car l’Etat a d’abord pour mission de développer les manufactures nationales. Quant au mercantilisme anglais, il est commercial et a pour fonction la recherche du monopole de la navigation afin de favoriser l’approvisionnement des matières premières à bon compte et d’encourager les exportations de biens finis.
Document 5 : Le tableau économique de Quesnay
Question 5 : décrivant la situation hypothétique d’un royaume où la production est portée à son à son maximum, le tableau présente les flux monétaires reliant les trois classes de la société. Montrez, en utilisant les chiffres donnés, que la représentation proposée de l’activité productive est un processus de reconstitutions d’avances, générant à chaque période un « produit net ».
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Question 5 : comme le propose Quesnay, supposons donc qu’un royaume dont le territoire porté à son plus haut degré d’agriculture rapporterait tous les ans une reproduction de la valeur de 5 milliards. Le Tableau économique renferme les trois classes et leurs richesses annuelles et décrit leur commerce dans la forme qui suit : Ainsi la classe productive vend pour 1 milliard de productions aux propriétaires de revenu, et pour 1 milliard à la classe stérile qui y achète les matières premières de ces ouvrages pour 2 milliards. Le milliard, que les propriétaires du revenu ont dépensé en achats à la classe stérile, est employé par cette classe pour la subsistance des agents dont elle est composée en achats de production prises à la classe productive. Le total des achats faits par les propriétaires des du revenu et par la classe stérile à la classe productive s’élève à 3 milliards. De ces 3 milliards reçus par la classe productive pour 3 milliards de productions qu’elle a vendues, elle en doit 2 milliards aux propriétaires pour l’année courante du revenu, et elle en dépense 1 milliard en achats d’ouvrages pris à la classe stérile. Cette dernière classe retient cette somme pour le remplacement de ses avances, qui ont été dépensées d’abord à la classe productive en achats de matières premières qu’elle a employées dans ses ouvrages. Ainsi ses avances ne produisent rien, elle les dépense, elles lui sont rendues et restent toujours en réserve d’année en année.
Les matières premières et le travail pour les ouvrages montent les ventes de la classe stérile à 2 milliards, dont 1 milliard est dépensé pour la subsistance des agents qui composent cette classe ; et l’on voit qu’il n’y a là que consommation ou anéantissement d productions et point de production ; car cette classe ne subsiste que du paiement successif de la rétribution due à son travail, qui est inséparable d’une dépense employée en subsistances, c’est-à-dire en dépenses de pure consommation, sans régénération de ce qui s’anéantit par cette dépense stérile, qui est prise en entier sur la reproduction annuelle du territoire. L’autre milliard est réservé pour le remplacement de ses avances, qui, l’année suivante, seront employées de nouveau à la classe productive en achats de matières premières pour les ouvrages que la classe stérile fabrique. Ainsi donc, les 3 milliards, que la classe productive a reçus pour les ventes qu’elle a faites aux propriétaires du revenu et à la classe stérile, sont employés par la classe productive au paiement du revenu de l’année courante de 2 milliards et en achats de 1 milliard d’ouvrage qu’elle paie à la classe stérile. Quesnay a ainsi présenté une économie sous la forme moderne d’un circuit économique avec accumulation (produit net).
Document 6 : Les classiques : unité doctrinale et divergences théoriques
Au-delà ce ces points communs, il existe de profondes divergences entre les classiques. D’une certaine façon, chacun est profondément différent de l’autre par les thèmes qu’il a choisi d’approfondir, les options qu’il a prises face à un problème donné. Même ceux qui se réclament de tel économiste s’en écartent sur de nombreux développements. Ainsi, J.B Say, D. Ricardo, R. Malthus s’opposent sur de nombreuses questions à A. Smith. Mais si l’on fait abstractions de ces particularismes, il est possible de définir les principaux clivages dominant la pensée économique de la période classique. On peut distinguer les économistes libéraux orthodoxes, les économistes libéraux réformistes et les économistes socialistes. Les premiers font à des degrés divers l’apologie de la propriété privée et de la liberté économique tant sur le plan interne qu’en ce qui concerne les échanges extérieurs. Les seconds mettent en évidence le effets pervers d ce libéralisme et préconisent une intervention compensatrice de l’Etat en matière économique et/ou sociale. Enfin, le courant socialiste prévoit des changements radicaux tendant à induire une transformation complète des structure économiques.
Mise à part ce dernier courant qui rejoindra plus tard le marxisme comme critique de l’économie politique vue comme le discours de la bourgeoisie dominante, le qualificatif d’école classique regroupe un certain nombre d’économistes dont les propositions apparaissent globalement favorables au libéralisme économique. Cette caractéristique est particulièrement marquée si l’on examine l’influence de leurs travaux au moment historique où ils écrivent. A Smith s’oppose radicalement aux idées mercantilistes favorables à l’intervention économique de l’Etat. Ses analyses justifient la division naturelle du travail qui se met en place ; le jeu du marché apparaît comme globalement conforme aux intérêts de la société dans son ensemble. J.B Say sera encore plus optimiste car pour lui, les crises économiques que l’on voit apparaître ne peuvent être générales et durables, ce sont de simples phases d’ajustement entre l’offre et la demande. Quant à D. Ricardo, s’il est plus pessimiste sur l’évolution à long terme qui lui paraît devoir être marquée par l’état stationnaire, son argumentation sur le libre-échange reste le fondement actuel des analyses en faveur de la suppression des barrières douanières.
Les économistes classiques Brémond. J Hatier 1989 p 41
Question 6 : quels sont les exemples de divergences entre les auteurs classiques (pour répondre à cette question, essayez de relier Smith, Ricardo et Malhus à des courants ou auteurs du XXe siècle?
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Question 6 : Si le caractère globalement favorable au libéralisme de ces auteurs est indiscutable, le lecteur contemporain ne peut qu’être frappé par la perception des ambiguïtés et des effets pervers du libéralisme chez ces auteurs. A Smith défend le protectionnisme dans nombre de situations, même s’il défend le libre-échange et la spécialisation sur la base des coûts absolus. Il décrit aussi les antagonismes d’intérêt entre les classes sociales dans les termes que ne renierait pas un marxiste, même s’il fait l’apologie de la division sociale du travail. La pensée de Ricardo a donné naissance à un courant de pensée que l’on qualifie de socialisme ricardien et l’analyse de la valeur de Marx est le prolongement de celle de Ricardo, sauf bien évidemment que pour ce dernier le salaire est le prix du travail et non de la force de travail. Au XXe siècle, P. Sraffa trouvera dans Ricardo les prémisses d’une analyse qui conteste les fondements de l’analyse néoclassique actuelle. Malthus a, à la fois, des mots atroces pour décrire le monde ouvrier responsable de sa misère, des propositions ultra libérales en matière de politique sociale et, en même temps, il perçoit avant Keynes comment la déficience de la demande peut être à l’origine de crises économiques qu’il qualifie de sous-consommation.
Document 7 : La rente différentielle chez Ricardo
Dans Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), il donne un exemple de raisonnement à la marge. Il suppose que l’économie se compose de trois terrains produisant 100, 90 et 80 quintaux de blé : il explique que le propriétaire du terrain donnant 90 avec la même quantité de travail que celui qui donne 80, va attribuer à sa terre cette différence de production. Celui qui a la meilleure terre aura 20 quintaux de rente, car c’est la différence entre ce que produit cette terre (100 q) et ce que produit la plus mauvaise (80 q). Ainsi Ricardo invente le raisonnement à la marge.
Les économistes classiques Brémond. J Hatier p 46
Question 7 : Qu’est-ce que la rente différentielle pour Ricardo ? Est-il un marginaliste ?
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Question 7 : La rente foncière est un revenu qui provient de la propriété de la terre. Elle est absloue quand elle découle du monopole sur une ressource rare comme la terre. Pour Ricardo, la rente différentielle résulte des différences de fertilité entre les exploitations ou des différences de productivité. Notons que ce sont les néoclassiques qui développeront formellement le marginalisme car ils prendront l’approche subjective de la valeur. Les marginalistes coupleront la théorie subjective de la valeur avec un calcul différentiel de la productivité des facteurs et c’est pourquoi on peut dire que Ricardo n’est pas un marginaliste en ce domaine. Le salaire étant le prix du travail égal ou légèrement supérieur au minimum de subsistance, le profit de la troisième classe sociale, les capitalistes, le profit est donc envisagé comme un simple solde, c’est-à-dire ce qui reste du produit brut, une fois payés les salaires et les rentes.
Document 8 : Profit
Pour Ricardo, les capitalistes n’épargnent et n’investissent qu’en vue d’obtenir un profit. Le stock de capital existant va donc se stabiliser à un niveau donné. Le nombre des salariés employables étant fonction du stock de capital, le volume d’emploi devient fixe et la masse salariale aussi. L’état stationnaire de Ricardo est donc inévitable et seul le progrès technique peut le modifier. Une découverte qui réduit le coût des moyens de subsistance relance les profits, mais à nouveau on atteindra par le même mécanisme un nouvel état stationnaire. Malthus est un des rares économistes classiques à affirmer que la demande peut stimuler l’offre afin d’échapper à une crise de sous-consommation, mais sa théorie de la population placée sous le signe de la sous-production de nourriture l’emporte sur la première. Seul Ricardo parle d’état stationnaire et cette conclusion l’incitera à rechercher des issus dans le commerce international. Sa théorie du libre-échange et de la spécialisation selon les avantages comparatifs sera perçue comme un moyen de réduire le coût des biens de subsistance pour l’Angleterre afin de faire baisser les salaires nominaux, condition de fond pour permettre une reprise des profits.
Question 8 : quel lien peut-on faire entre la loi de surpopulation de Malthus et l’état stationnaire de Ricardo ? Ricardo aborde t-il la question du progrès technique ?
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Question 8 : la dure loi de la population de Malthus limite à long terme l’accroissement démographique qui sera bornée par la quantité de nourriture disponible. Ricardo appuie son raisonnement sur cette loi et déduit l’impossiblité pour le capitalisme de poursuivre l’accumulation du capital. D’une certaine façon, Ricardo préfigure Schumpeter qui verra dans l’épuisement du progrès technique la fin d’une onde longue de croissance, mais Ricardo n’étudie pas précisément ce mécanisme de diffusion du progrès technique dans l’économie.
Document 9 : le fétichisme de la marchandise pour Marx
Marx reprend l’idée de Ricardo du travail direct et indirect qu’il appelle le travail vivant et le travail « mort » ou « cristallisé » (dans l’outil de travail), mais approfondit la démarche bidimensionnelle du travail en opposant travail concret et abstrait. Pour lui, les classiques commettent l’erreur d’aborder directement le problème de la grandeur des marchandises alors qu’il faut résoudre le problème de la substance de la valeur. Il oppose le travail concret qui est la dépense de la force de travail sous une forme productive déterminée au travail abstrait qui est la dépense de cette force en général. Cette distinction lui permet d’aborder le fétichisme de la marchandise, archétype de toutes les alinéations. Dans le mode de production marchand, les rapports de production sont voilés et apparaissent qu’en se matérialisant dans les marchandises qui semblent dotées de propriétés intrinsèques. Ces marchandises paraissent entrer en relation les unes aux autres, alors qu’en réalité elles ne peuvent s’échanger que parce qu’en tant que produits du travail.
Marx : vie œuvres et concepts : Elleboode. C : Ellipses 1995
Question 9 : Qu’est-ce que le fétichisme de la marchandise ? Pourquoi le fétichisme de la marchandise atteint son plus haut degré dans le capitalisme ?
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Question 9 : pour Marx, le produit en devenant marchandise n’obéit plus à son producteur. Les rapports de production ne sont pas immédiatement tangibles. Ils sont voilés et n’apparaissent que sous forme fantastique, en se matérialisant dans les marchandises. C’est dans le capitalisme que le fétichisme atteint son plus haut degré, puisque c’est dans ce mode de production que tout phénomène social prend la forme de marchandise et en particulier la force de travail. Dans le capitalisme, la force de travail se transforme en marchandise qui a nécessairement une valeur d’usage (capacité à fournir un travail donné) et une valeur d’échange (qui s’exprime par le salaire). Le salarié, démuni de moyens de production, ne possède que sa force de travail qu’il doit vendre au capitaliste, seul propriétaire des moyens de production. C’est au cours de cet échange que l’exploitation peut se faire. Tout phénomène social tend à prendre la forme marchandise.
Document 10 : La crise capitaliste et la misère ouvrière chez Marx
La crise capitaliste et la misère ouvrière chez Marx
Marx a décomposé le taux de profit de la manière suivante : pl / c+ v où pl est la plus-value, c, le capital constant, c’est-à-dire les moyens de production et v, le capital variable qui produit plus de richesses qu’elle n’en coûte, c’est-à-dire les salaires. Il divise le numérateur et le dénominateur par v et obtient ainsi : pl/v / c/v + 1 où pl/v est le taux d’exploitation et c/v la composition organique du capital. La suraccumulation du capital correspond à une élévation de la composition organique du capital, mais supérieure la hausse possible du taux de plus-value ou taux d’exploitation. Malgré la hausse du chômage, il est impossible d’accroître la plus-value, quelques soient ses formes, et le taux de profit ne peut que baisser. On peut noter que la misère ouvrière n’est aucunement de la responsabilité des ouvriers, comme l’affirmait Malthus. Il n’y pas, chez Marx l’idée d’exubérance démographique, mais uniquement une surpopulation relative qui signifie trop de population ouvrière relativement aux besoins des capitalistes qui, de toute manière, cherchent à s’affranchir des contraintes démographiques afin de faire pression à la baisse sur les salaires.
Marx : vie, œuvres et concepts Elleboode. C Ellipses 1995
Question 10 : pourquoi la baisse tendancielle des taux de profit chez Marx ?
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Question 10 : pour Marx, le capitalisme est incapable d’accroitre le taux d’exploitation aussi vite que l’élévation de la composition organique du capital : aussi le chute des profits est inéluctable et provoque la misère sociale qui, à son tour, renforce la lutte des classes et le succès inévitable du prolétariat.
Document 11: La nouvelle démarche de A. Marshall
Marshall, dans Principes d’économie politique en 1890, fera apparaître la liaison entre approche à la marge et maximisation de l’utilité. Cette nouvelle démarche se prête aisément à la formalisation et on pourra exprimer les différentes utilités marginales des biens en fonction des quantités de biens détenues. Cette approche à la marge conduit directement à analyser les conditions de la maximisation de l’utilité qui sera au cœur de l’approche néoclassique. Le problème de base est le suivant : compte tenu de la décroissance subjective de l’utilité marginale des biens au fur et à mesure que s’accroissent les quantités de bien détenus, et compte rendu aussi de la croissance des coûts nécessaires à l’obtention de ces biens, comment obtenir le maximum d’utilité ? Maximiser son utilité, c’est aussi diriger son activité dans des directions qui permettent d’obtenir la plus grande utilité totale. Ainsi, avec des terminologies diverses, les fondateurs de l’école néoclassique admettent la proportionnalité des utilités marginales aux prix.
Les économistes néoclassiques Brémond. J Hatier 1989 p 65
Question 11 : en prenant un exemple simple, expliquez la proportionnalité des utilités marginales aux prix
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Question 11 : Soit donc deux biens :
Utilité marginale de A/ Utilité marginale de B = prix de A/prix de B
Ainsi, si l’utilité marginale du bien A est deux fois plus élevé que celle du bien B, parallèlement, le prix du bien A tendra à être deux fois plus élevé que celui du produit B. Si les rapports de prix ne reflétaient pas les rapports d’utilité, les acteurs économiques auraient intérêt à modifier leur offre et leur demande de produit et, ce, jusqu’à ce que la loi de proportionnalité soit respectée. Cette règle peut aussi s’écrire de la façon suivante : prix de A/ Utilité marginale de A = prix de B/Utilité marginale de B et cette liaison permet de passer d’une analyse en termes d’utilité à une analyse en termes de prix et donc d’expliquer le fonctionnement du marché et la formation des prix sur ce marché.
Document 12 : La fin de la concurrence imparfaite pour Hayek
Pour Hayek, le marché n’est pas seulement un lieu anonyme où s’échangent des biens et des services, ni un mécanisme statique de répartition des pénuries, mais aussi, simultanément et de façon inséparable, un instrument dynamique de mobilisation, de production et de diffusion des informations et de connaissances nécessaires à la régulation des sociétés complexes. Pour H. Lepage (Demain le libéralisme PUF 1980), ce qui justifie le marché, chez Hayek, « c’est d’abord et avant tout qu’il s’agit d’un mécanisme créateur de messages qui jouent un rôle clé dans la chaine des décisions et processus d’apprentissage qui mènent progressivement à la coordination des projets individuels ; coordination sans laquelle il ne peut y avoir de vie sociale équilibrée ». J-P. Dupuy, dans L’Individu libéral, cet Inconnu : d’Adam Smith à Friedrich Hayek, il souligne l’idée que, dès classiques aux nouveaux néoclassiques, « l’ordre spontané » se caractérise par le fait que les individus peuvent produire ensemble sans se connaître et sans jamais faire connaissance. Leur seul moyen de communication est le prix qui est donc essentiel à la survie de cet ordre, ni n’a été ni imaginé, ni construit mais qui est le résultat de l’évolution. On comprend mieux le développement actuel des analyses autrichiennes si on a à l’esprit les caractéristiques du courant autrichien : subjectivisme méthodologique et méfiance vis-à-vis de la concurrence parfaite.
Histoire de la pensée économique G.M Henry A. Colin p 121
Question 12 : Qu’est-ce que la concurrence pure et parfaite ? Pourquoi la critique de Hayek de ce concept ? Peut-on faire le parallèle entre Hayek et un économiste comme G. Stigler ?
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Question 12 : « La concurrence existe parce qu’elle est imparfaite » : voilà les propos du grand « pape » du libéralisme F Hayek, prix Nobel d’économie en 1974. Il critique ainsi la concurrence parfaite qui est le modèle de référence de la théorie microéconomique néoclassique. Pour Hayek, la concurrence est imparfaite car les hypothèses de la CPP ne sont pas réalistes. Il en résulte que les agents économiques doivent prendre leurs décisions en tenant compte des actions et des réactions des autres. C’est dans cette perspective que s’inscrit un auteur comme G. Stigler (prix Nobel en 1982) qui part de l’hypothèse retenue par les premiers néoclassique) selon laquelle les agents économiques sont gratuitement informés sur les différentes opportunités alternatives, est irréaliste. Or, à priori si l’on renonce à cette hypothèse, ni l’optimum de Pareto, ni l’équilibre ne sont plus réalisés. Le problème est alors de retrouver par de nouveaux cheminements les mécanismes d’ajustement automatique.
Document 13 : Le modèle de synthèse IS-LM de J. Hicks
Question 13 : interprétez le schéma proposée par Hicks.
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Question 13 : quand il y a équilibre sur les deux marchés, la situation est considérée comme stable, mais l’équilibre ne correspond pas nécessairement au plein-emploi de la main-d’œuvre. Il s’agira alors d’examiner les politiques permettant de se rapprocher du plein-emploi, en particulier en agissant sur le niveau de la masse monétaire ou en pratiquant une politique de déficit budgétaire. Toutefois, le caractère keynésien de ce modèle est contesté par de nombreux keynésiens qui n’adhèrent pas à la synthèse néoclassique. Le modèle de Hicks contient des liaisons qui, a priori, semblent keynésiennes : l’investissement est d’autant plus élevé que le taux d’intérêt est faible et un accroissement de la masse monétaire agit sur le niveau de l’emploi. Ce que les keynésiens de Cambridge (J Robinson, M Kalecki) reprochent à ce modèle, c’est d’être très réducteur par rapport à la pensée de Keynes, de négliger ses apports essentiels en termes d’anticipation et de prise en compte du temps historique.
Document 14 : IS-LM : les raisons d’un succès
Peu d’articles ont eu une destinée aussi extraordinaire : une fortune, qui aujourd’hui encore ne semble pas faiblir. Le succès d’IS-LM est dû à deux faisceaux de causes bien différentes. D’abord, IS-LM a pu constituer un instrument de clarification du message de la Théorie Générale pour bon nombre d’économistes parfois peu à l’aise dans la lecture du texte keynésien lui-même. Celui-ci n’est pas toujours simple à saisir : le style de Keynes, la construction de son argumentation présentent parfois des ambiguïtés. Le modèle IS-LM s’est empressé de gommer ces ambiguïtés. Le résultat en est alors une interprétation sans doute sélective, mais simple et claire…et donc de nature à faciliter l’accès, au plus court, à la pensée de Keynes. Seconde raison de la réussite de la « synthèse » : le modèle IS-LM a constitué de fait, les outils incontournables de l’analyse et de la détermination des politiques économiques conjoncturelles, et ce, tout au long des années 1950 et 1960. Les politiques de stop and go sont anticipées e dimensionnées à partir de modèles physico-financiers dérivés d’IS-LM. Plus précisément, le modèle offre globale/demande globale (AS-AD), qui intègre la détermination du niveau général des prix, permet à l’autorité publique de régler finement l’activité économique par une séquence adaptée de décisions de politique budgétaire : lorsque le plein-emploi est atteint et que les tensions inflationnistes paraissent fortes, on décide du « stop « , avec une réduction des déficits publics ; lorsqu’elles s’éloignent, on « relance (go) » pour recréer de nouveaux emplois, cette fois en creusant le déficits. L’intégration de la flexibilité des prix dans le modèle avait l’immense avantage de reproduire facilement la courbe de Phillips que l’on pouvait alors observer statistiquement. C’est l’époque du « dilemme inflation-chômage » : la réduction du chômage s’associe nettement à de l’inflation, car c’est en jouant sur l’illusion monétaire des agents qu’on obtient une relance des activités. Ceci jusqu’à un certain point, où les agents réalisent leurs erreurs et ajustent leurs comportements (l’économie redevient alors « classique »).
L’économie par les prix Nobel : Elleboode. C Bréal 2021
Question 14 : Hicks et son modèle IS-LM et les critiques des keynésiens
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Question 14 : plus tard, Hicks a écarté l’interprétation statique IS-LM de la Théorie Générale, réalisant les incohérences interne du modèle quant à ses laps de temps différents pour les ajustements du marché monétaire et du marché des biens et des services. Hicks a même changé la façon dont il signait ses articles, de « J.R. » à « John » Hicks, afin de prendre ses distances avec ses propositions précédentes. Le modèle IS-LM souffre principalement des conséquences de sa grande simplicité que R. Kahn trouvait « tragique ». Le modèle IS-LM est la modélisation la plus contestée en tant que modèle représentatif des idées de Keynes à tel point que J. Robinson parla de trahison car il présente l’analyse de Keynes comme un cas particulier non pris en compte par Walras mais intégrable dans une analyse néoclassique élargie. « Que signifie le fait que le taux d’investissement est fonction du taux d’intérêt ? », dit-elle. Toutefois, si sa relative simplicité a pu rendre ce modèle attirant, de nombreux aspects ont été omis ici qui inspirent une réserve face à un recours inconsidéré à ce modèle qualifié de mécaniste (ou « d’hydraulique »).
Document 15 : (tableau et texte) Chômage classique et keynésien pour E. Malinvaud
Malinvaud intervient dans des domaines variés de l’analyse économique : micro et macroéconomie, théorie pure, étude des facteurs de la croissance française et théorie du chômage. Par-delà la volonté de prendre en compte aussi bien les apports du courant néoclassique que ceux du courant keynésien, la référence originelle est la théorie de l’équilibre générale. Les travaux les plus récents et les plus novateurs de Malivaud portent sur la théorie de l’emploi et les politiques économiques de lutte contre le chômage ; ils constituent une contribution majeure à la théorie des équilibres non walrassiens à prix fixe, improprement désignée théorie du déséquilibre.
Histoire de la pensée économique : S. Ferey et S. Rivot Pearson p 88
Question 15
Interprétation de la démarche de Malinvaud ?
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Question 15 : le français E. Malinvaud publie en 1977 une analyse du chômage qui distingue le chômage keynésien qui provient d’une insuffisance de la demande et le chômage classique qui trouve son origine dans le fait que l’offre ne peut être réalisée qu’à des conditions qui ne permettent pas de rentabiliser cette production.
Document 16 : Lien entre stabilité et instabilité économique pour P. Samuelson
Il est notamment réputé pour ses travaux sur l’inflation qu’il considère comme l’un des plus grands dangers pour les sociétés occidentales, mais il craint tout autant la déflation qui risque d’être aussi néfaste car la baisse des prix provoque un report des achats et des investissements dans le temps. Il a donné son nom à un modèle qui reprend l’effet multiplicateur keynésien et le principe d’accélérateur appelé l’oscillateur de Samuelson, nouvel outil d’analyse des fluctuations de court terme.
Dans l’analyse keynésienne, une augmentation de l’investissement entraine une variation amplifiée du revenu national et c’est ce que l’on appelle le multiplicateur, source de stabilité économique. Le principe d’accélération signifie qu’une variation de la demande finale induit une variation plus que proportionnelle de l’investissement, source d’instabilité. L’interaction de ce multiplicateur et de cet accélérateur peut engendrer des cycles ou oscillations, dont l’origine est endogène, du fait des problèmes de comportement et de coordination. Cinq types de situation se présentent dans l’oscillateur : il n’y a aucune fluctuation et le niveau de revenu décroit vers le revenu initial ; puis l’oscillation du niveau de revenu prend la forme de fluctuations atténuées ; ces oscillations prennent de l’amplitude ; la croissance est plus forte ; puis enfin, des oscillations auto-entretenues peuvent se reproduire. Samuelson est souvent présenté comme un des pères de la synthèse néoclassique. Pour lui, une hausse des dépenses publiques entraîne une hausse de la production. Celle-ci requiert des investissements supplémentaires, et donc la production de nouveaux biens d’investissement, mais une fois cette dernière réalisée l’investissement baissera, diminuant la production et donc à la consommation, etc. Une telle économie oscille entre des niveaux de production hauts et bas, tout en se rapprochant ou non de l’équilibre keynésien.
Histoire de la pensée économique : G. Delaplace Dunod p 89
Question 16 : comment définir l’oscillateur de Samuelson ?
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Question 16 : l'auteur a donné son nom à un modèle simple, qui reprend le multiplicateur Keynésien et le principe de l'accélérateur : « l'oscillateur de Samuelson ». L'interaction du multiplicateur keynésien et de l'accélérateur peut engendrer des cycles (des oscillations), dont l'origine est alors endogène (déterminés par le modèle lui-même, et non en dehors de lui). Une telle explication des cycles est fondée sur des problèmes de comportement et de coordination : cet oscillateur combine une « loi psychologique », la fonction de consommation, et un principe, l'accélérateur, qui résulte des conditions techniques.
Document 17 : La courbe initiale de W. Phillips (Document Melchior)
Question 17 : intérêt de la courbe de Phillips ?
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Question 17 : mise en évidence en 1958, la courbe de Phillips est une courbe illustrant une relation empirique négative (c'est-à-dire décroissante) entre le taux de chômage et l'inflation ou taux de croissance des salaires nominaux. Cette relation s'explique par le fait qu'au-delà d'un certain niveau de chômage, les salariés ne sont plus en position de force pour exiger une hausse de salaire ; le partage des gains de productivité s'effectue alors en faveur de l'entreprise. Donc, les salariés ont plus de pouvoir quand il y a un faible taux de chômage. Elle est issue des travaux de l'économiste W. Phillips sur la relation entre le chômage et la variation des salaires nominaux ; or l'augmentation des salaires nominaux est source d'inflation, car elle accroît les coûts de production des entreprises et celles-ci se voient alors contraintes de rehausser leurs prix afin de restaurer leur marge bénéficiaire. Phillips se retire rapidement après la publication de sa courbe, qui restera son unique découverte. Elle sera reprise et améliorée par Modigliani.
Document 18 : (schéma et texte) La courbe de Phillips révisée par M. Friedman
Avant même que ce glissement de la courbe de Phillips ait été constaté dans les faits, M. Friedman (1968) et E. Phelps (1967) avaient prédit, sur la base d'arguments théoriques, qu'il n'y avait pas d'arbitrage possible à long terme. Ils sont arrivés à cette conclusion en mettant en évidence le rôle des anticipations. En cas de hausse de salaire, les salariés pensent d'abord qu'ils bénéficient d'une hausse de pouvoir d'achat et augmentent leur consommation. Ils se rendent rapidement compte que les prix ont augmenté et qu'ils ont été victimes d'une illusion monétaire et ils calibrent leur dépense sur leur revenu réel permanent. L'effet de la dépense sur l'activité économique a été aussi éphémère que l'illusion monétaire elle-même. Mais si les gouvernements persistent à promouvoir une inflation élevée, ils ajustent leurs anticipations d'inflation à la hausse et réclament des augmentations de salaire en conséquence. Alors que l'inflation avait réduit le coût réel du travail et stimulé l'embauche, l'anticipation de l'inflation accroît les revendications sociales et oblige les entrepreneurs à maintenir les salaires réels. A partir de ce moment, l'inflation augmente en permanence et l'effet sur l'activité et le chômage disparaît rapidement.
SES Melchior : la courbe de Phillips pour E. Phelps et M. Friedman
Question 18 : elle est la traduction de la courbe de Phillips pour les monétaristes ? Quel lien avec l’interprétation de l’inflation ?
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Question 18 : traduite graphiquement, cette différence entre le court et le long terme signifie que si la courbe de Phillips présente une pente négative à court terme, elle devient verticale à moyen-long terme. On retrouve là un grand enseignement monétariste. L'inflation et le chômage ont des déterminants totalement différents : l'inflation est un phénomène monétaire ; à l'inverse, le chômage résulte de déterminants réels, comme par exemple le niveau des salaires réels, l'efficacité du processus de recherche sur le marché du travail, l'inadéquation qualitative entre l'offre et la demande de travail, etc. Sur le long terme, une expansion monétaire ne modifie en rien ces déterminants réels. L'interprétation de Phelps et de Friedman fait de la courbe de Phillips un phénomène essentiellement transitoire lié à une situation de déséquilibre, elle-même liée à une erreur d'anticipation. L'élément fort de cette approche, c'est la réinterprétation de la notion d'anticipation. Ainsi, Phelps et Friedman estiment qu'il serait plus judicieux d'introduire le taux d'inflation anticipé (plutôt que le taux d'inflation observé) dans l'équation des salaires. Cela va permettre de refonder la relation de Phillips (on parle désormais de « courbe de Phillips augmentée des anticipations »).
Document 19 : La courbe de Phillips pour R. Lucas
SES Melchior : la courbe de Phillips revue par Lucas
Question 19 : pourquoi la courbe de Phillips est-elle une droite pour Lucas ?
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Question 19 : au départ augmentée des anticipations adaptatives de Friedman (anticipations « naïves »), elle prédisait une efficacité de la politique monétaire à court terme. Avec les anticipations rationnelles de Lucas, la politique monétaire se retrouve inefficace à long terme (droite verticale) mais aussi à court terme, car les agents économiques anticipent parfaitement les politiques économiques et intègrent ces anticipations dans leurs comportements. La relation inflation-chômage est toujours verticale et la politique économique est ainsi incapable de faire reculer le chômage ; au plus elle accroît le taux d'inflation.
Document 20 : Les cycles économiques pour les post-keynésiens
Les explications post-keynésiennes du cycle économique ont en commun le rôle majeur de la demande et prennent en considération le temps, qu’il se manifeste par le passé ou par les anticipations sur le futur qui influencent les décisions présentes. Cette influence est prise en compte par les comportements d’épargne et d’investissement. Pour les keynésiens, toute variation de la demande se répercute surtout sur l’emploi et non sur les prix quand on raisonne à court terme. Les fluctuations économiques sont dues à des défaillances du marché conduisant à des écarts entre les plans des consommateurs et des entreprises : c’est ce que S. Weintraub appelle des « défauts de coordination ». Les post-keynésiens, fidèles à Keynes, soutiennent la thèse que le cycle est le produit de fluctuations dans l’économie réelle et dans l’économie monétaire, intimement lié, dans la décision d’investir, aux anticipations des producteurs. Les post-keynésiens reviennent en force sur une idée, peut-être oublié de Keynes, celle du rôle important des marchés financiers et de la spéculation qui les caractérise. H. Minsky va développer une conception endogène et financière des fluctuations économiques qui s’oppose nettement à la conception de l’instabilité développée par la NEC (théorie des cycles d’équilibre) et théorie des cycles réels. Il va construire une théorie originale des cycles de affaires qualifiée de d’hypothèse d’instabilité financière (Wall Street paradigm). Les variations de l’offre de monnaie, ratifiées par les banques centrales, sont déterminées par les variations spontanées de l’optimisme ou du pessimisme des agents économiques. Durant la phase ascendante du cycle, le recours à l’endettement permet d’accroître les profits. Cette profitabilité observée améliore la confiance, incite à augmenter le financement par endettement et débouche sur une hausse de l’investissement. Cette confiance accrue tend à réduire la liquidité et les agents sont incités, aussi longtemps que les taux courts sont inférieurs aux taux longs, à recourir à un financement à court terme. Une telle situation traduit un degré de fragilité financière de l’économie qui va rendre la situation financière plus risquée des entreprises et des banques. En cas de choc négatif sur l’économie, les dettes des entreprises augmentent par rapport aux profits, les banques sont contraintes de réduire les crédits et des faillites en chaîne peuvent se produire dans une phase descendante du cycle.
Histoire de la pensée économique G.M Henry A. Colin p 187
Question 20
Interprétation des cycles financiers pour H. Minsky (les trois types de comportement)?
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Question 20 : la contribution de Minsky a été d’ajouter à la théorie de l’investissement et du cycle de Keynes sa propre théorie du financement de l’investissement. Selon Minsky, qui reprend à son compte la vision pessimiste de la finance de Keynes, l’instabilité des marchés financiers est endogène, en d’autres termes inhérente au comportement des acteurs financiers et des entreprises. Le principal mécanisme qui pousse l’économie capitaliste vers l’instabilité financière et vers les cycles économiques est l’accumulation de la dette par les entreprises. Minsky distingue trois types de comportements en ce qui concerne le financement des investissements : (1) le financement couvert (hedge financing) dans lequel le paiement des intérêts et du principal de la dette est couvert par le rendement attendu de l’investissement ; (2) le financement spéculatif (speculative financing), où le rendement anticipé de l’investissement ne couvre que le paiement des intérêts, la dette étant constamment reconduite ; enfin (3) le financement à la Ponzi (Ponzi financing), où les revenus de l’investissement ne permettent même pas de couvrir les charges d’intérêt, la survie du projet dépendant de la possibilité de s’endetter encore plus, ou de vendre des actifs.