Politiques structurelles et interventions de l'Etat face aux défaillances de marché - Colles et dissertations

Problématisation du sujet

La question de savoir si l'économie de marché est capable de répondre aux enjeux climatiques soulève des interrogations complexes sur la compatibilité entre la logique capitaliste, fondée sur la recherche du profit et la maximisation de l'efficacité, et la nécessité de préserver l'environnement pour les générations futures. Les enjeux climatiques exigent une transition vers une économie décarbonée et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, des objectifs qui semblent parfois entrer en contradiction avec les intérêts économiques à court terme des acteurs du marché. Ainsi, l'intérêt du sujet réside dans l'exploration des limites et des potentialités de l'économie de marché à s'adapter à ces défis globaux, tout en questionnant le rôle de l'État, des régulations et des innovations technologiques dans cette transformation.

Introduction

Les défis climatiques, caractérisés par une hausse des températures mondiales de 1,2°C depuis l’ère préindustrielle et l'intensification des événements climatiques extrêmes, posent une question cruciale : l’économie de marché, avec sa quête de profit et son dynamisme, peut-elle se transformer pour répondre aux impératifs environnementaux ? Les critiques, à l'instar de Nicholas Stern dans son rapport de 2006 sur l'économie du changement climatique, soulignent que l'échec à considérer les coûts des externalités environnementales constitue la plus grande défaillance du marché. Pourtant, l'économie de marché a aussi démontré sa capacité à innover et à s'adapter face à des défis historiques majeurs. 
Peut-on dès lors concilier la dynamique du marché avec les impératifs climatiques ? 
Cette question exige une exploration des limites du marché libre, la nécessité d'une intervention étatique et le rôle de l'innovation dans une transition écologique.

Annonce du plan : Nous analyserons d'abord les effets de l'économie de marché sur l'environnement (I). Ensuite, nous discuterons des limites du marché pour répondre aux enjeux climatiques (II). Enfin, nous évaluerons les solutions possibles, notamment les régulations étatiques et les innovations, pour rendre l'économie de marché compatible avec les objectifs climatiques (III).

 

 

Développement

I. L’économie de marché et son impact sur l’environnement

L’économie de marché, moteur de croissance depuis la révolution industrielle, a aussi catalysé une exploitation intensive des ressources naturelles, au détriment de l'environnement.

  1. L’exploitation des ressources et la pollution : Historiquement, l'économie de marché a permis une industrialisation rapide, mais aussi une exploitation effrénée des ressources naturelles. Karl Polanyi, dans La Grande Transformation (1944), décrit comment la montée de l'économie de marché a désenclavé les activités économiques de leur ancrage social et environnemental, conduisant à une "désorganisation" écologique.

  2. Les externalités négatives : Arthur Pigou, dans The Economics of Welfare (1920), a été l'un des premiers à formaliser le concept d'externalités négatives, ces coûts non pris en compte par le marché. Les émissions de CO₂, par exemple, sont une externalité négative typique où le coût est supporté par la société plutôt que par les entreprises.

  3. Les gains d’efficacité et l’effet rebond : William Stanley Jevons, dans son ouvrage The Coal Question (1865), a introduit l'idée que les gains d'efficacité énergétique peuvent paradoxalement conduire à une augmentation de la consommation globale de ressources, un phénomène désormais connu sous le nom d'effet rebond.

II. Les limites de l’économie de marché pour répondre aux enjeux climatiques

Malgré ses forces, l'économie de marché montre des limites structurelles lorsqu'il s'agit de répondre aux défis climatiques.

  1. L'insuffisance de la tarification du carbone : Le marché du carbone, bien qu'inspiré par l'économie de Ronald Coase et son célèbre théorème sur les externalités (1960), reste sous-optimal. Joseph Stiglitz et Nicholas Stern ont estimé en 2017 qu’un prix du carbone de 40 à 80 USD par tonne serait nécessaire pour limiter le réchauffement à 2°C, bien au-dessus des prix actuels.

  2. La myopie des investisseurs : John Maynard Keynes évoquait déjà la "préférence pour la liquidité" dans La Théorie Générale (1936), soulignant la tendance des investisseurs à privilégier les gains à court terme. Ce biais limite les investissements à long terme nécessaires pour financer la transition énergétique, comme le souligne également la Commission mondiale sur l'économie et le climat (2018).

  3. Les inégalités de pouvoir et de richesse : Thomas Piketty, dans Le Capital au XXIe siècle (2013), met en évidence comment les grandes entreprises, grâce à leur pouvoir économique et politique, peuvent influencer les régulations pour minimiser leur impact environnemental, freinant ainsi les efforts globaux de transition.

III. Vers une économie de marché verte : solutions et régulations

Pour que l'économie de marché devienne un levier de la transition écologique, elle doit être encadrée et réorientée par des régulations appropriées et des innovations technologiques.

  1. Renforcement des régulations et gouvernance mondiale : L'économiste Elinor Ostrom, lauréate du prix Nobel d'économie en 2009, a montré dans Governing the Commons (1990) que les biens communs, comme le climat, nécessitent des régulations collectives robustes pour être gérés durablement. L'Accord de Paris (2015) est un exemple de tentative de gouvernance mondiale, bien que son efficacité dépende de l'engagement des États.

  2. Innovation technologique et finance verte : Joseph Schumpeter, dans Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1942), a mis en avant le rôle crucial de l'innovation dans la dynamique capitaliste. Aujourd'hui, les investissements dans les technologies vertes, soutenus par des mécanismes comme les obligations vertes (620 milliards de dollars en 2022), illustrent comment l'innovation peut être orientée vers des objectifs environnementaux.

  3. Responsabilité sociale des entreprises (RSE) : Michael Porter et Mark Kramer, dans leur article Creating Shared Value (2011), ont plaidé pour une redéfinition du capitalisme où les entreprises créent de la valeur à la fois pour la société et pour elles-mêmes. La montée de la RSE et des critères ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance) dans l'évaluation des entreprises témoigne d'une prise de conscience croissante du rôle que les entreprises peuvent jouer dans la transition écologique.

Conclusion

L'économie de marché, si elle a contribué aux problèmes environnementaux actuels, possède aussi les outils et la flexibilité nécessaires pour contribuer à leur résolution. Toutefois, cela nécessite une intervention étatique déterminée pour corriger les défaillances du marché, des investissements substantiels dans l'innovation verte et une transformation des comportements des acteurs économiques. Les travaux de nombreux économistes, de Pigou à Stiglitz, montrent qu'un cadre régulatoire robuste, associé à des incitations économiques judicieuses, peut aligner les forces du marché avec les objectifs climatiques. 

En guise d'ouverture, il serait pertinent d'examiner comment des approches économiques alternatives, comme l'économie circulaire proposée par Walter Stahel, pourraient compléter l'économie de marché traditionnelle pour relever les défis environnementaux.

 

La France, autrefois l'une des puissances industrielles les plus influentes d'Europe, a vu son secteur manufacturier se contracter de manière significative au cours des dernières décennies. En 1980, l'industrie représentait 24 % du PIB français, mais ce chiffre est tombé à environ 13 % en 2019, une tendance qui a alimenté les débats sur la perte de souveraineté économique, la désindustrialisation des territoires et les impacts sociaux d’un tel recul. Cette désindustrialisation a provoqué la fermeture de nombreuses usines, en particulier dans des régions autrefois prospères, aggravant le chômage et accentuant les disparités régionales. En réponse à ces défis, la réindustrialisation s’impose aujourd’hui comme une priorité nationale. Elle renvoie à un processus de renforcement du tissu industriel par la relocalisation d’activités stratégiques, l'innovation technologique et la revitalisation des territoires affectés. 
Le sujet de la réindustrialisation interroge ainsi la capacité de la France à reconquérir sa souveraineté industrielle, à relocaliser des activités stratégiques, et à répondre aux défis contemporains tels que la transition écologique et l'emploi.

Problématisation

La réindustrialisation de la France soulève plusieurs questions clés :

  • Souveraineté et indépendance économique : Dans un contexte marqué par les crises géopolitiques et les pandémies, comme celle de la Covid-19, la dépendance excessive aux chaînes de valeur mondiales s'est révélée problématique. Comment la réindustrialisation pourrait-elle contribuer à renforcer l’autonomie stratégique de la France ?

  • Transition écologique : La réindustrialisation doit-elle être pensée dans le cadre de la transition écologique, en se concentrant sur les industries vertes et les technologies propres ? Comment concilier croissance industrielle et impératifs environnementaux ?

  • Cohésion territoriale et sociale : Les territoires les plus touchés par la désindustrialisation (ex. le Nord-Pas-de-Calais) ont connu une montée du chômage et des inégalités. La réindustrialisation peut-elle être un levier pour revitaliser ces régions et rétablir une certaine cohésion sociale ?

Introduction

Depuis les années 1980, la France a vu son secteur industriel décliner, passant de 24 % du PIB à seulement 13 % en 2019, entraînant la perte de 2 millions d'emplois industriels. Ce phénomène de désindustrialisation, exacerbé par la mondialisation et la montée de la concurrence internationale, a laissé des régions entières en difficulté, accru les inégalités territoriales et fragilisé l'économie nationale. Face à ces défis, la question de la réindustrialisation est devenue centrale. 

Le concept de réindustrialisation renvoie à un processus de reconquête et de renforcement des capacités industrielles d’un pays, souvent associé à la relocalisation de certaines productions, à l'innovation technologique et à une nouvelle dynamique de croissance. Ce débat se pose dans un contexte global de crises (sanitaire, climatique, géopolitique) qui ont révélé les vulnérabilités d'une trop grande dépendance extérieure. Dès lors, il convient de s'interroger : faut-il réindustrialiser la France ? 
Autrement dit, comment la réindustrialisation pourrait-elle permettre de répondre aux défis contemporains en matière de souveraineté économique, de transition écologique, et de revitalisation des territoires ?

 

Développement

I. La réindustrialisation, un enjeu de souveraineté économique et stratégique

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière la dépendance de la France à l'égard des chaînes d'approvisionnement mondiales, en particulier pour les produits stratégiques.

A. La perte de souveraineté industrielle :

  • Le recul de l'industrie française a conduit à une dépendance accrue vis-à-vis de l'étranger pour des produits stratégiques, tels que les médicaments ou les composants électroniques. Depuis les années 1980, la France a perdu environ 2 millions d’emplois industriels, une tendance qui a affaibli sa capacité à produire des biens stratégiques, des médicaments aux composants électroniques. 

     

  • Le plan France Relance, doté de 100 milliards d’euros, consacre 35 milliards d’euros à l’industrie, avec l’objectif de relocaliser des productions jugées essentielles à la souveraineté nationale, notamment dans les secteurs de la santé, de l’électronique, et de l’énergie. La réindustrialisation pourrait permettre à la France de regagner une autonomie stratégique, essentielle dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.

B. La nécessité de relocaliser les industries stratégiques : 

  • Certaines industries, jugées critiques pour la sécurité nationale (pharmaceutique, électronique, défense), pourraient faire l'objet de programmes de relocalisation, soutenus par l'État, afin de réduire les dépendances extérieures. 

     

  • Le plan France Relance a notamment ciblé 500 millions d’euros pour soutenir la relocalisation de projets industriels stratégiques. Par exemple, des investissements ont été réalisés pour relocaliser la production de principes actifs pharmaceutiques, cruciaux pour l’autonomie sanitaire du pays. À titre d'exemple, la société Seqens a relocalisé en 2021 la production de certains de ces principes, renforçant ainsi la capacité de la France à répondre à ses besoins en cas de crise.

C. Le soutien aux filières d'avenir : 

  • La réindustrialisation doit aussi passer par un soutien massif à l'innovation, notamment dans les secteurs de pointe comme l'intelligence artificielle, la robotique, et les technologies vertes, afin de positionner la France comme leader dans ces domaines. 

  • Le plan France 2030, lancé en octobre 2021, prévoit un investissement de 30 milliards d’euros pour soutenir les secteurs de pointe tels que l’hydrogène vert, les biotechnologies, et l’intelligence artificielle. L’objectif est de faire de la France un leader dans ces domaines, tout en créant les emplois industriels de demain.

 

II. Réindustrialiser pour réussir la transition écologique

Face à l'urgence climatique, l'industrie doit se transformer en acteur central de la transition énergétique et écologique. 

  • A. Développer une industrie décarbonée : La réindustrialisation pourrait se concentrer sur le développement de technologies vertes (énergies renouvelables, véhicules électriques, etc.) et la modernisation des infrastructures existantes pour réduire l'empreinte carbone de l'industrie.

  • B. Le rôle des énergies renouvelables : L'essor d'une industrie basée sur les énergies renouvelables pourrait permettre de réduire la dépendance aux énergies fossiles tout en créant des emplois dans des secteurs durables.

  • C. Les opportunités de l'économie circulaire : En intégrant les principes de l'économie circulaire, la réindustrialisation pourrait permettre de réduire les déchets, de réutiliser les matériaux, et de créer des chaînes de valeur plus résilientes et durables.

III. Réindustrialiser pour revitaliser les territoires et lutter contre les fractures sociales

La désindustrialisation a profondément marqué le paysage social et territorial français, exacerbant les inégalités et le chômage dans les régions autrefois industrielles. 

A. Revitalisation des régions sinistrées : 

  • Certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais ou le Grand Est, ont été particulièrement touchées par la désindustrialisation. Le plan France Relance inclut un volet spécifique pour ces territoires, avec 1 milliard d’euros dédié à la revitalisation des friches industrielles. Par exemple, le site de la friche PSA à Aulnay-sous-Bois est en cours de transformation pour accueillir de nouvelles activités industrielles, créant ainsi des emplois locaux.

B. Amélioration de la compétitivité territoriale :

  • L'attractivité des territoires est également renforcée par le soutien à l’implantation de nouvelles industries. Le plan Territoires d’industrie, lancé en 2018 et renforcé par France Relance, vise à accompagner 146 territoires identifiés comme prioritaires pour l'industrie, avec des financements pour moderniser les infrastructures, favoriser l'innovation et attirer des entreprises. 

  • En 2021, ce plan a permis de soutenir plus de 500 projets industriels.

C. Formation et adaptation des compétences : 

  • La réindustrialisation ne peut réussir sans une main-d'œuvre qualifiée. Le plan France Relance prévoit 1 milliard d’euros pour la formation et la reconversion professionnelle, avec une attention particulière pour les métiers industriels. 

  • En 2021, plus de 200 000 personnes ont bénéficié de programmes de formation aux métiers de l’industrie, notamment dans les secteurs de la production manufacturière et des technologies avancées.

Conclusion

La réindustrialisation de la France s’impose comme une réponse nécessaire aux défis de souveraineté économique, de transition écologique, et de revitalisation territoriale. Grâce aux plans France Relance et France 2030, le pays dispose de leviers importants pour relocaliser des activités stratégiques, développer une industrie verte, et revitaliser les territoires les plus touchés par la désindustrialisation. Cependant, cette réindustrialisation doit s'accompagner d'un effort massif de formation pour adapter les compétences aux besoins de l'industrie du futur. L’avenir de la France passe ainsi par une réindustrialisation innovante, durable et inclusive, capable de répondre aux enjeux du XXIe siècle.

Ouverture : La réindustrialisation pose également la question du modèle de développement à adopter. L'Industrie 4.0, avec l'intégration des nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle et l'Internet des objets, pourrait transformer radicalement les processus industriels, tout en posant de nouveaux défis en termes de formation et de protection des travailleurs. La France devra donc adapter son modèle industriel pour rester compétitive tout en assurant une croissance inclusive et durable.Haut du formulaire

 

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