SAINT-GOBAIN : Une entreprise toujours en phase avec son temps
Introduction
Saint-Gobain est une entreprise qui possède une histoire extraordinaire, très bien relatée dans deux ouvrages complémentaires qui sont « Du Soleil à la Terre, Une histoire de Saint-Gobain » de Maurice Hamon (publiée pour la première fois chez J-C Lattès en 1988) et « Saint-Gobain 1665-2015, Le passé du futur » (publiée chez Albin Michel à l’occasion des 350 ans de l’entreprise).
L’histoire de cette entreprise commence en 1665, à l’initiative de Louis XIV et de Colbert, pour protéger le royaume de France des importations vénitiennes. Progressivement, cette entreprise s’est ouverte à l’Europe au XIXème siècle, et au reste du monde à partir du XXème siècle. Aujourd’hui, Saint-Gobain est devenue une multinationale présente dans 64 pays, qui emploie 160000 personnes (dont 3 salariés sur 4 qui travaillent hors de France), qui réalise 47,9 milliards de chiffre d’affaires, 3,24 milliards de résultat net courant, et 2,03 milliards d’investissements industriels.
Comment une telle longévité et une telle réussite ont-elles été possibles ?
Pour Arnaud de Vogüe, Président de Saint-Gobain au moment de son tricentenaire, la réussite de Saint-Gobain dans la durée repose sur son esprit d’entreprise et sur l’innovation. L’esprit d’entreprise compte forcément pour beaucoup dans le succès du Groupe. Comme le fait remarquer Pierre-André de Chalendar, Président-Directeur Général de Saint-Gobain dans sa préface à « Saint-Gobain 1665-2015 », si Saint-Gobain n’a jamais été une entreprise familiale mais fut longtemps une entreprise de familles avec une direction collégiale très marquée, elle a gardé de cet héritage un « esprit de famille », un sentiment d’appartenance et d’attachement à l’entreprise qui lui permettent aujourd’hui de se bâtir une dimension internationale, tout en préservant sa culture d’origine et en la faisant partager aux entreprises qui ont rejoint le Groupe au fil du temps. L’innovation est également un facteur clé de la réussite de Saint-Gobain. Tout au long de son histoire, Saint-Gobain s’affirme comme une machine à innover, ce qui se traduit par l’achat de licences pour des procédés découverts par d’autres ou par la mise au point de ses propres brevets. On peut citer à titre d’illustration le coulage du verre sur une table métallique au XVIIIème siècle, les améliorations portant sur les machines à polir ou à doucir pour le verre ainsi que la fabrication d’acide sulfurique au XIXème siècle, les procédés Bicheroux et Boudin de laminage en continu du verre à chaud au début du XXème siècle, le brevet TEL de 1957 de fabrication de la laine de verre dont les licences seront vendues dans le monde entier, ou encore la conversion à l’aventure du floating glass dans les années 1960 (procédé mis au point par l’anglais Pilkington en 1958). Cette dimension d’innovation est permanente chez Saint-Gobain. Aujourd’hui encore, l’entreprise dépose 400 brevets par an, ce qui lui vaut de faire partie du Top 100 Global Innovators de Thomson Reuters. La majorité de ces brevets portent sur le vitrage et les matériaux dits « haute performance ».
Dernier facteur de succès dont on trouvera quelques points de repère dans les lignes qui suivent : le choix pertinent de diversifications et de fusions, sans lesquels une entreprise ne peut croître et acquérir une véritable dimension internationale. A différents moments de son histoire, on peut citer Saint-Quirin en 1858, Perret-Olivier en 1874, Pont-à-Mousson en 1970, plus récemment les Céramiques, la Distribution Bâtiment, le Placoplâtre… Ces fusions et diversifications sont à chaque fois pour Saint-Gobain un ensemble de risques et de paris, qui constituent pour l’historien Maurice Hamon « le seul grand modèle qui se dégage à long terme », et qui se poursuit aujourd’hui avec la nouvelle stratégie autour de l’habitat durable.
Voir la question 2 du chapitre de Première « Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées ? »
I- Les origines
A- Une création difficile
Fondée en 1665, la Manufacture royale des glaces de Miroirs passe encore aujourd’hui pour l’archétype de la création colbertiste (Colbert, ministre de Louis XIV, est l’inspirateur au XVIIème siècle d’une politique interventionniste et mercantiliste qui a favorisé le développement du commerce et de l’industrie par la création de fabriques et l’institution de monopoles royaux).
Voir la notion « Mercantilisme »
A l’époque, la République de Venise disposait d’un monopole technique et commercial de la production de miroirs qui étaient faits d’un verre très blanc, le cristallino, recouverts ensuite d’une couche d’étain et de mercure, et qui étaient fabriqués par des maîtres verriers installés sur l’île de Murano. Au XVIIème siècle, les miroirs étaient un artisanat de luxe qui n’était pas une composante négligeable dans l’économie de l’Ancien Régime, et la volonté de Louis XIV est alors de contrer les célèbres créations vénitiennes par la création d’une production sur le sol national. Cela dit, si le soutien du Roi est réel, si le monopole et les exemptions de taxes accordés à la Manufacture sont des atouts considérables, il ne s’agit pas pour autant d’une entreprise publique au sens moderne du terme. Le colbertisme du XVIIème siècle repose sur une certaine forme de clientélisme, consistant à mobiliser un réseau complexe d’intérêts particuliers. Les capitaux à l’origine de l’entreprise sont privés et instables, et le savoir-faire technique difficile à arracher aux Vénitiens. Malgré un prêt initial du Roi pour frais de premier établissement de 12000 livres, le capital de la Manufacture (60000 livres environ) se révèle vite insuffisant, et les querelles se font jour entre les associés. Quant au débauchage d’ouvriers vénitiens, voulu par le pouvoir politique (les lettres patentes signées en 1665 précisent qu’il faut « faire venir de ladite ville de Venise en celle de Paris des ouvriers Vénitiens les plus habilles dans ledit art de faire des glaces et autres ouvrages de cristal »), il débouche vite sur une série de difficultés. Les ouvriers en question, malgré des avantages personnels considérables, se révèlent être de fortes têtes, violents, querelleurs, débauchés, refusant de former les apprentis français.
La Manufacture, si mal partie, sera sauvée par le propriétaire d’une glacerie du Cotentin, à Tourlaville, Richard Lucas de Nehou. Evincé du premier montage colbertiste, alors que sa glacerie réalisait d’excellents produits depuis longtemps et était connue du Ministre, il fait un retour en force en recevant une part du capital et en apportant en échange ses installations et son personnel pour construire à neuf une glacerie à côté de la verrerie existante. Cette réorganisation qui voit la Manufacture acquérir la première filiale de son histoire dès 1667 est un fait capital. En transportant la fabrication à Tourlaville, près de Cherbourg, où matières premières, bois de chauffe et possibilité de transport fluvial sont à commodité, on rationalise l’exploitation en réduisant les coûts : soufflées en Normandie, les glaces sont ensuite transportées à Paris, lieu principal de commercialisation, où elles acquièrent une valeur ajoutée supplémentaire après les opérations de transformation (doucissage et polissage).
B- Une innovation décisive
Le décollage définitif de l’entreprise au XVIIIème siècle sera cependant assuré par la coïncidence entre l’émergence d’un marché des glaces et la maîtrise d’un nouveau procédé de fabrication des verres.
C’est Louis Lucas de Nehou, neveu de Richard, qui est l’auteur de ce nouveau procédé de fabrication de la glace qui permet d’augmenter la taille des miroirs et d’en améliorer la qualité. Le verre n’est plus soufflé par un homme mais coulé sur une table métallique et laminé. Au passage, on notera l’importance pour le développement de l’entreprise de la figure du « directeur-chercheur », qu’on retrouvera à différentes périodes de l’histoire de la Manufacture, et dont le terrain de recherche est celui de l’usine. Grâce au procédé révolutionnaire de Louis Lucas de Nehou, la concurrence vénitienne est distancée. Ce procédé permet en effet de gagner considérablement en productivité, et en abaissant les coûts unitaires de fabrication, la Manufacture royale des glaces va s’emparer en quelques décennies d’un quasi-monopole du marché européen, que beaucoup tenteront cependant de lui contester, en montant des fabrications concurrentes en violation du privilège accordé. Mais la Manufacture réussira non sans peine à faire respecter dans le temps ce privilège accordé par le pouvoir royal.
Voir la question 2 du programme de la classe de Première « Quelles sont les principales défaillances du marché ?»
Et en même temps qu’apparaît cette « innovation de procédé », la demande de glaces augmente dans la conjoncture générale d’un XVIIIème siècle actif et prospère. L’augmentation des fortunes de toute une frange de la société, noblesse et haute bourgeoisie, s’accompagne d’une transformation du goût. L’emploi de la glace change : on agrandit la conception des cabinets de glaces « à l’italienne » faits de la juxtaposition de petits volumes cloisonnées (dont la galerie des glaces de Versailles représente l’apogée par ses proportions), mais surtout la mode s’impose peu à peu d’espaces plus intimes, dans lesquels la glace joue un rôle nouveau. Placée au-dessus de la cheminée, en trumeau entre fenêtres ou dans leur embrasure, elle reflète désormais les images quotidiennes et se fait pourvoyeuse indirecte de la lumière du jour. Malgré son coût, l’engouement pour la glace se développe continûment et vigoureusement jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. De 1725 à 1788, les ventes quadruplent, à prix constants. Il est vrai que dans la même période le commerce global de la France augmente dans les mêmes proportions -entre 400% et 560% selon les estimations.
La réussite de l’entreprise s’appuie sur un nouvel outil de travail, l’usine de Saint-Gobain (lieu éponyme du groupe actuel), créée en 1692, que Lucas de Nehou dirigera de 1692 à 1696, et de 1711 à 1728. Située entre Laon et Soissons, au sein d’un massif forestier, le lieu a été choisi pour mettre au point le coulage en table à l’abri des regards indiscrets, tout en profitant des commodités de la forêt pour les matières premières et combustibles et de celles de l’Oise, proche d’une quinzaine de kilomètres, pour les transports fluviaux. L’activité de la « Manufacture » de Saint-Gobain et de ses transformations tout au long du XVIIIème siècle va épouser l’essor de l’entreprise. C’est là que se feront les progrès décisifs réalisés au moment de la pré- révolution industrielle, malgré le partage des tâches avec l’établissement de Tournaville, à la marche inégale et surtout consacré au soufflage du verre.
II- Saint-Gobain et l’évolution du marché du verre au XIXème siècle
A- Un paysage métamorphosé
La nuit du 04 août 1789 a supprimé tout le maquis des privilèges du pays, ceux de la noblesse et du clergé, mais aussi ceux des provinces, des communautés urbaines et villageoises, des corporations, des particuliers entrepreneurs ou manufacturiers. Celui de la Manufacture royale est bien sûr du nombre. A partir de 1789, la perte du privilège, donc du monopole légal de fabrication et de vente de la glace coulée, s’est traduite par un réveil vigoureux de la concurrence en France, tandis que la concurrence étrangère, surtout anglaise, profitait du dérèglement économique quasi complet du pays. A partir des années 1820, la Manufacture se bat dans un paysage métamorphosé : elle doit partager pour moitié le marché de la glace en Europe continentale avec une rivale, la compagnie de Saint-Quirin. En 1824 se crée une troisième glacerie concurrente, à Commentry, puis en 1827 apparaît celle de Prémontré, installée de façon symboliquement provocatrice à quelques kilomètres de Saint-Gobain, dans l’ancienne abbaye du même nom. Plus grave encore, les glaceries anglaises qui tâtonnaient dans leurs fabrications à la fin du XVIIIème siècle ont désormais dépassé la production de l’ensemble des glaceries françaises.
Pendant cette période, la Manufacture fait preuve d’un immobilisme relatif, qui tient à une conception traditionnelle des affaires de la part de ses milieux dirigeants. Même si l’entreprise adopte un nouveau cadre juridique avec le statut de société anonyme en 1830, celle-ci est encore marquée par une forte orientation patrimoniale. L’actif de la société en 1830 montre certainement une proportion nouvelle des immobilisations (40% au lieu de 10% précédemment), mais révèle encore une part importante des titres de placement (20%) qui constituent un trésor de guerre plus défensif qu’offensif. Ce qui sépare à ce moment la Manufacture de ses rivales directes, c’est une culture différente des milieux dirigeants. A Saint-Quirin, l’entreprise est tenue par des capitalistes gestionnaires, bons techniciens pour la plupart, qui ont la responsabilité directe de l’établissement. Commentry, de son côté, se rapproche du modèle de l’idéal-type de l’entreprise au temps de la révolution industrielle, où sont associés un maître des forges propriétaire des mines de charbon, le banquier Laffitte, et un scientifique, Chaptal fils.
Du côté de la Manufacture, en 1830, le capital est détenu pour l’essentiel par des héritiers d’actions d’Ancien Régime, et des nouveaux venus qui ont placé, généralement sous l’Empire, une partie de leurs disponibilités. L’ensemble a une tonalité très aristocratique, plus sensible à la notion de conservation durable d’un patrimoine plutôt qu’à celle du risque industriel. Cet actionnariat attend essentiellement de la Manufacture le versement de dividendes réguliers, sans prise de risques excessifs. Quant à la gouvernance de l’entreprises, elle est assurée en 1830 à travers un Conseil de 7 membres qui ne représentent que 6% du capital. L’exercice du pouvoir repose donc sur une pratique collégiale, héritage ancien, mais qui se poursuit après la transformation du statut de l’entreprise en société anonyme. De ce point de vue, Saint-Gobain se caractérisera longtemps par un refus du pouvoir personnel, ce qui constitue un cas unique dans l’industrie française au moins jusqu’en 1936. Le modèle schumpétérien de l’entrepreneur-roi, du type Schneider, Kuhlmann ou Solvay y est inconnu. Ce n’est pourtant pas à ce modèle collégial qu’il faut imputer toutes les difficultés de l’entreprise dans les années 1820. Ce même modèle, notamment sous l’impulsion du milieu genevois du Conseil sera à l’origine du renouveau de l’entreprise après 1830.
Voir la notion « Entrepreneur »
B- L’expansion de la seconde moitié du XIXème siècle
La conversion de la Manufacture au mouvement général des choses se fait dans les années 1830. Les investissements stratégiques de l’entreprise ont lieu avant 1838, ce qui est d’autant plus remarquable que, dans le domaine des glaces, la conjoncture est alors catastrophique.
Mais il est vrai que l’essor de l’entreprise est favorisé par l’avènement de « l’âge d’or » de l’industrie des glaces. Mesurée globalement, la production mondiale de glaces croît après 1848 à un rythme annuel moyen de 9%. Cette croissance s’explique par des mutations qualitatives importantes de l’usage des glaces. Les grandes glaces en vitrine de boutiques se substituent aux surfaces cloisonnées, et l’espace privé se transforme : les grandes glaces se répandent dans les habitations riches, le miroir prend de la place dans les intérieurs. Et un nouvel urbanisme se développe avec de nombreux bâtiments publics, culturels, marchands, qui associent désormais le verre à d’autres matériaux, fer et fonte principalement. Et le marché de la glace s’internationalise. Les tableaux des ventes de la Manufacture dans les années 1860 témoignent d’une baisse relative de la part de la France, qui passe de 51% à 40% du total, avec une montée simultanée de la part des Etats-Unis, de l’Angleterre, de l’Allemagne, et à un degré moindre de l’Italie et de l’Autriche.
Dans ce contexte porteur, Saint-Gobain amplifie ses efforts pour établir une étroite relation entre demande et prix de revient. Sur la lancée précédente, des progrès techniques sont réalisés dans les usines, et notamment l’adoption définitive des premiers fours Siemens et l’extension des capacités du travail à froid, tout ceci permettant une chute du prix de revient spectaculaire : de 1846 à 1870, elle représente une baisse moyenne d’environ 30% par décennie.
De manière plus générale, les années 1860 sont celles d’une nouvelle rationalité, qui prend la place de celle des années 1830, encore marquée par la logique administrative de l’Ancien Régime. Cette rationalité repose sur deux éléments fondamentaux : reconstituer pour l’industrie française des glaces une position de force dominante sur le continent européen, face à la très sérieuse menace belge (et à la tentation allemande de créer sa propre industrie nationale) et regrouper les moyens techniques et financiers à la programmation d’investissements lourds. Ce plan d’action est réalisé par la fusion de Saint-Gobain et de Saint-Quirin de 1855 à 1858, dans le configuration où Saint-Quirin souffre à son tour des handicaps et des dissensions entraînés par la structuration familiale de son capital.
La réussite de Saint-Gobain n’est pas seulement attribuable à sa stratégie verrière. Le développement de l’industrie chimique y est pour beaucoup, illustrant déjà les vertus de la diversification. De 1829 à 1835, la soudière de Chauny passe de 3% à 15% de la production nationale, représentée essentiellement par les soudières marseillaises. Saint-Gobain devient vite un gros vendeur de ses produits chimiques à l’extérieur de l’entreprise, ce qui signifie que son activité d’industrie chimique s’affranchit progressivement de sa fonction de pourvoyeur de la glacerie. Jusqu’en 1830, 75% de la production chimique était à usage interne. En 1847, cette proportion est ramenée à 15%. Et rapidement l’activité chimique va venir compléter celle de la glacerie, jouant le rôle d’élément sécurisant que l’on attribue généralement à la diversification. La stratégie chimique rejoint d’ailleurs vite celle de la glacerie, en s’orientant vers la recherche de restructuration. En 1872, Saint-Gobain fusionne avec Perret-Olivier. Reprenant une affaire très prospère, Saint-Gobain représente après cette opération plus du tiers de la chimie française, ce qui fait que l’équilibre est désormais à peu près atteint après la fusion entre les activités glacière et chimique, fusion que l’on peut considérer comme étant symétrique de la première avec Saint-Quirin.
L’expansion de Saint-Gobain se mesure de manière très concrète, puisque de 1600 personnes on est passé à 6500 en 1870, à la veille de la fusion avec Perret-Olivier. Et l’originalité de l’entreprise est d’avoir fondé son développement industriel en harmonie avec un modèle original de gouvernance qui façonnera son identité ultérieure : pas de paternalisme réducteur ou de « capitalisme familial », mais un groupe de dirigeants animés d’un « esprit social ». Depuis le XVIIIème siècle, l’usine de Saint-Gobain est le creuset d’un système social dans lequel l’entreprise a le souci d’assurer à chacun, et tout particulièrement à ses ouvriers, une existence matérielle convenable, et en même temps la dignité de l’âme et de l’esprit. A Saint-Gobain, le XIXème siècle est moral et religieux, conformément aux enseignements du catholicisme social.
Au total, sur la période du XIXème siècle, on ne peut que saluer la formidable capacité d’adaptation du corps collectif de la Compagnie qui a su partir d’une situation compromise en 1820 pour retrouver en 1880 le rang de première entreprise de France qu’elle occupait sous l’Ancien Régime.
Voir la question 2 du programme de Première « Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées ? »
III- Saint-Gobain au XXème siècle
A- De 1914 aux années 1950
Jusqu’aux années 1950, Saint-Gobain passe progressivement de la glace aux industries du verre. La période se caractérise par une extension des activités de l’entreprise à l’ensemble des secteurs verriers. La Compagnie accompagne les grands changements technologiques de l’époque (procédé Bicheroux en semi-continu, puis procédé Boudin en coulée continue pour le verre à chaud, progrès du travail à froid dû au britannique Pilkington, à savoir le douci-poli continu, puis le twin-douci), ne se contentant plus de la fabrication des glaces : elle produit aussi du verre à vitre, des pavés et des briques de verre pour le bâtiment, des pare-brise pour l’automobile, des verres de lunetterie et d’optique, etc. Par exemple, dès 1918, Saint-Gobain révolutionne la production de bouteilles (verre creux ) en Europe. Jusqu’à la première guerre mondiale, l’activité du verre creux était aux mains d’une multitude d’entreprises familiales et la production n’était que partiellement mécanisée : les souffleurs de verre étaient au centre du processus. Dans le contexte nouveau de reconstruction et de rationalisation de l’industrie qui marque les lendemains de la guerre, Saint-Gobain organise le transfert des technologies américaines et crée la Société d’étude verrière appliquée (SEVA), pour fabriquer les fours et les machines nécessaires aux verriers. La société s’installe à Châlon-sur Saône en 1930 et joue un rôle important dans la coordination technique de toutes les usines de verre creux placées sous l’influence de la Compagnie. Très rapidement, Saint-Gobain prend des participations dans les Etablissements Claude Boucher à Cognac, les Verreries du Saumurois, la Société des Verreries à Bouteilles du Nord. C’est ainsi que sont introduites dans les usines françaises les machines automatiques de façonnage à chaud du verre qui remplacent la soufflerie, complétées par des machines de traitement des objets qui éliminent les manutentions : convoyeur et feeder permettant de débiter la quantité exacte de verre correspondant aux caractéristiques de l’objet.
Trois éléments nouveaux apparaissent dans l’entre-deux-guerres : le progrès technique qui comme on vient de le voir améliore les produits et les procédés et entraîne de nouvelles formes d’organisation ; le fait que les améliorations ne concernent plus des produits isolés (rapprochement par exemple de la glace et du verre à vitre), ce qui implique de considérer l’industrie verrière dans son ensemble ; et enfin un mouvement de concentration et d’ententes, puisque faute de moyens et de poids suffisants, les entreprises petites et moyennes disparaissent face aux grands leaders du métier. C’est dans ce cadre que l’on assiste en Europe comme aux Etats-Unis à une série d’accords entre membres du »Club des grands » : à titre d’illustration, en témoigne l’association en 1929 entre Saint-Gobain et la société américaine Corning Glass Work pour créer à Modane dans les Alpes Italiennes une unité de production de blocs réfractaires électrofondus capables de supporter des températures supérieures à 1000°C, et qui se substituent aux réfractaires agglomérés qui avaient tendance à se désagréger sous l’effet des attaques chimiques et thermiques qui accompagnaient la fusion du verre. Sur la base des interpénétrations des intérêts stratégiques des entreprises, on voit se constituer bientôt des blocs d’alliances qui entérinent un mouvement de concentration des glaceries : le monde des grands verriers est alors dominé par trois leaders, à savoir Saint-Gobain, l’anglais Pilkington et l’américain Pittsburgh Plate Glass (PPG), qui se trouvent dans une situation d’oligopole concurrentiel.
Face à ce développement, la stratégie chimique de Saint-Gobain est moins nette et s’achève sur un bilan morose. Au moment où des concurrents étrangers se lancent hardiment dans la chimie de synthèse (B.A.S.F, Hoescht, Ciba), et où des concurrents français (Gillet, Usines du Rhône) s’intéressent très tôt aux recherches organiques, Saint-Gobain demeure ancré dans la chimie lourde, arrimée aux engrais. Si l’entreprise prend conscience du déclin de ses fabrications traditionnelles, puisque sa part de marché dans la chimie minérale ne cesse de décliner (érosion des superphosphates, déclin des ventes d’acide sulfurique) pour passer de 25% après-guerre à 10-15% en 1938, elle néglige pourtant de se donner les moyens de constituer un grand groupe chimique international. Deux possibilités se sont pourtant présentées : en 1927-1928 avec Solvay pour constituer un groupe franco-belge, et la même époque avec Kulhmann. Le refus de Saint-Gobain est motivé par le souci de ne pas perdre son identité dans le conglomérat ou d’éviter de se lier à une grande banque d’affaires (Rothschild dans le projet Kulhmann).
Pour résumer, durant cette première moitié du XXème siècle, alors que l’industrie des glaces sort de son pré carré en préparant l’avenir, la chimie se signale par des tentatives avortées, dont les conséquences seront importantes au seuil de la période contemporaine. En tout cas, rétrospectivement, cela montre les difficultés pour une entreprise à se donner les moyens d’un regard critique sur la technologie d’une filière (ici chimique) et surtout que le choix d’une diversification hors de son métier de base (le verre) n’est jamais simple et sans conséquences pour une entreprise.
Voir la question 3 du programme de Première « Quelles sont les principales défaillances du marché ? »
B- Des années 1950 au seuil des années 1990
Dans l’après-guerre, la reprise économique s’accompagne d’une forte progression des industries du verre, qui connaissent une croissance vigoureuse, de 10 % à 11% par an, avec l’entrée de deux produits qui entrent dans l’ère de la consommation de masse. Le premier est la glace polie, qui profite de l’essor du marché de l’automobile et des bouleversement du monde architectural. La production de Saint-Gobain passe de 3.5 millions de mètres carrés en 1950 à 45 millions en 1969. Le second produit est la fibre de verre qui connaît un essor remarquable. De 4% du chiffre d’affaires verrier en 1950, elle atteint 20 % en 1969, le tonnage de production progressant de 10 000 à 300 000 tonnes. En la matière, la Compagnie de Saint-Gobain s’est assuré un avantage majeur avec l’invention en 1957 du procédé « TEL » pour la fabrication de la fibre d’isolation, aboutissement de plus d’une dizaine d’années de recherche, qui l’affranchit des technologies étrangères. Le procédé connaît un grand succès et permet à Saint-Gobain de négocier au mieux sa position internationale sur le marché. C’est à travers cette spécialité que Saint-Gobain implante sa filiale Fibravide au Brésil et qu’elle assure son développement au Etats-Unis, par l’apport des brevets du TEL à la compagnie Certain-teed.
Tout cela explique la prospérité de l’entreprise. De 1950 à 1969, le chiffre d’affaires consolidé de Saint-Gobain connaît un taux de croissance annuel moyen d’environ 10 % en valeur réelle, soit sa plus forte progression historique. Les effectifs du groupe passent de 35 000 à 100 000 personnes, les valeurs immobilières du bilan de 18 milliards d’anciens francs à 2.5 milliards de nouveaux francs.
Si la prospérité est réelle du côté du verre, il n’en est pas de même en ce qui concerne la chimie. Quoique représentant un chiffre d’affaires égale à celui des activités verrières la chimie de Saint-Gobain demeure hexagonale avec des fabrications qui couvrent, comme par le passé, la chimie minérale lourde et la production d’engrais. Pour surmonter ces difficultés, on assiste en 1962 à la création de Péchiney-Saint-Gobain, qui regroupe à part égale les actifs chimiques des deux sociétés mères. Ce regroupement correspond à une volonté de rationalisation et un effet de taille. Péchiney apporte une activité qui complète celle de Saint-Gobain, dans la production de chlore et dans les matières plastiques. Un autre intérêt du regroupement concerne les engrais, la fusion avec Péchiney permettant à Saint-Gobain d’abaisser la part de cette spécialité déclinante dans le chiffre d’affaires. Cette opération s’achèvera cependant en 1969-1971, notamment en raison de stratégies différentes des deux actionnaires, l’un préoccupé par le verre essentiellement et l’autre par l’aluminium et le cuivre. C’est en définitive Rhône-Poulenc qui va racheter Péchiney-Saint-Gobain en 1969 et devenir ainsi le leader incontesté de la chimie française.
En revanche, une fusion réussie sera celle de Saint-Gobain avec Pont-à-Mousson, vieille entreprise française créée en 1856 et spécialisée dans les tuyaux de fonte. La fusion de Saint-Gobain et de Pont-à-Mousson est un moment très important dans l’histoire du groupe. Elle survient au moment où Saint-Gobain s’était trouvée affaiblie par la tentative de prise de contrôle du groupe Boussois-Souchon-Neuvesel (BSN) , autre groupe spécialisé dans la fabrication du verre d’emballage et du verre plat. Le 21 décembre 1968, Antoine Riboud, Président de BSN, avait annoncé son intention de se porter acquéreur de 30 % du capital de Saint-Gobain en offrant aux actionnaires de cette dernière d’échanger des titres contre des obligations convertibles BSN (Offre Publique d’Echange– OPE). Si cette tentative se solde par un échec, puisque l’OPE qui s’étend du 3 au 27 janvier 1969 ne réunira à sa clôture qu’environ 7 % du capital de Saint-Gobain, elle n’en a pas moins affaibli la Compagnie au moment où elle se trouvait engagée dans un effort d’investissement considérable pour se convertir à la révolution technologique du floating glass ( technique mise au point par la firme anglaise Pilkington consistant à faire flotter à la sortie du four de fusion un ruban de verre étiré en continu sur un bain d’étain).
Si cette fusion surprend à l’époque, elle n’en a pas moins du sens car elle correspond au moment où Saint-Gobain souhaite se désengager des activités chimiques (pour les raisons évoquées plus haut), et où Pont-à-Mousson, dont le premier métier restait la fabrication des canalisations en fonte, avait décidé de se retirer de la sidérurgie et cherchait à se diversifier. Il est vrai que le défi était de taille puisque beaucoup de choses opposaient les deux entreprises : leur histoire, leur taille, leurs productions et leur style de management. Cependant l’histoire montrera la réussite de ce groupe nouveau, à travers une ambitieuse politique de diversification. Dans les années 1970, la crise de l’économie mondiale affecte le verre plat lié à la construction et à l’automobile, ainsi que la branche papier-carton et le département canalisation. Dans ce contexte tourmenté, les restructurations du groupe se développent dans trois directions : l’achèvement du retrait de la sidérurgie avec la vente des participations de Pont-à-Mousson, le renforcement dans les activités traditionnelles avec la prise de contrôle en 1976 de la majorité du capital de Teed corporation aux Etats-Unis, et l’entrée dans des activités nouvelles. C’est ainsi que SGPM se lance dans l’informatique en prenant des participations dans la Compagnie des Machines Bull et se diversifie également dans les travaux publics (avec la Société Générale d’Entreprises-SGE) dans le traitement et la distribution d’eau potable (avec la Compagnie de Service et d’Environnement -CISE), et dans le verre optique avec Essilor.
Les années 1980 sont marquées par les moments de nationalisation et de privatisation de l’entreprise. Les nationalisations de 1982 n’empêchent pas une remise en ordre dans la gestion du groupe. Au début des années 1980, les opérations de diversification que l’on vient d’évoquer avaient entraîné un fort endettement de l’entreprise. L’effort va se porter sur plusieurs fronts, s’appliquant à des rationalisations ou des fermetures de sites qui vont représenter en cinq ans ,de 1981 à 1986, une baisse de 16 % des effectifs. En 1986, la Compagnie et la première privatisée en raison de son ancienneté, de sa position internationale et de sa solidité financière. Cette privatisation se concentre entre décembre 1986 et janvier 1987, avec 20 millions d’actions cédées au public qui trouve preneurs auprès de plus d’un million de demandeurs, ouvrant la voie à un véritable « capitalisme populaire ». A l’issue de celle-ci, 20 % des souscripteurs sont des particuliers, le personnel possède 10 % des actions alors que, faut-il le rappeler, les administrateurs de 1935 ne détenaient que 6 % du total des actions.
Voir la note de lecture du livre de Pierre Bauchet « Concentration des multinationales et mutation des pouvoirs de l’Etat »
IV- Saint-Gobain à l’époque contemporaine
A- De la privatisation à 1996
Durant ces dix années, on assiste à un recentrage de la stratégie industrielle de Saint-Gobain, qui a tiré les leçons de la nationalisation et de l’aventure informatique, stratégie formalisée autour de plusieurs axes qui s’appuient sur les atouts historiques du Groupe constitués par une forte compétence technologique dans les matériaux et par ses positions internationales. A partir de là, le Groupe va développer plusieurs axes qui sont, outre la poursuite de l’effort de rentabilité, le développement des métiers de base en privilégiant les produits de spécialité, le développement international à partir du socle européen, et l’acquisition de compétences nouvelles complémentaires des métiers existants.
L’acquisition de nouvelles compétences se fait dans les années 1990 par le rachat de sociétés majeures, qui ouvrent sur de nouveaux métiers et de nouveaux marchés. Le pôle Céramiques et abrasifs en est une bonne illustration, à travers Norton Company et Carborundum. Norton Company est une vieille entreprise américaine dont le métier d’origine a été celui des meules abrasives ; son essor date du début de la seconde révolution industrielle, vers 1880. Dès le début du XXème siècle, la société s’est internationalisée et, entre les deux guerres, Norton détient le premier rang mondial dans l’industrie des abrasifs. A partir des années 1970, l’entreprise s’est diversifiée vers les céramiques industrielles, les plastiques, les produits pour les dérivés chimiques. C’est cet ensemble qui intéressera Saint-Gobain lors de l’Offre Publique d’Achat (OPA) proposée en 1990, qui lui permet d’acquérir aussi l’ensemble des activités abrasifs, lesquels incluent les abrasifs appliqués de Carborundum, rachetés préalablement par Norton en 1986.
Le développement à l’international autour des métiers de base est illustré par l’acquisition de Ball et Foster aux Etats-Unis en 1995. Ball Glass détient de bonnes positions dans l’emballage en verre pour l’alimentaire et le secteur vinicole, et Foster (à l’origine Foster-Forbes) est très engagé dans le marché de la bière. Très anciennes dans le paysage industriel américain, les deux sociétés donnent à Saint-Gobain le deuxième rang américain dans le secteur du verre creux, et le premier rang mondial si on ajoute les positions européennes.
Au total, sur la période, au passage si riche pour qu’il soit possible d’en rendre compte en détail, on assiste à une internationalisation et une mondialisation très importante de Saint-Gobain. L’ampleur de ce mouvement a pu faire naître à l’époque quelques inquiétudes sur l’identité du Groupe. Quelle identité pour une multinationale « à la française » qui est à ce moment en train de perdre son caractère de nationalité d’origine avec un tiers d’actionnaires anglo-saxons et la même proportion de son chiffre d’affaires en Amérique et en Asie ? La réponse à cette question repose sur la nature de l’extension et de la diversification choisies. Fort heureusement, les nouvelles acquisitions partagent beaucoup de critères communs avec les métiers d’origine du Groupe : une histoire ancienne, un destin associé à des lieux fondateurs, une culture de l’innovation, une pratique déjà longue de diversification et d’internationalisation, et un statut initial de firme familiale avec des « pères fondateurs ».
B- De 1996 à nos jours
La période qui s’ouvre en 1996 est riche en événements pour Saint-Gobain. Après la phase de réorganisation autour de matériaux technologiques, le redéploiement stratégique se poursuit à travers un acte majeur, l’entrée dans le secteur de la distribution spécialisée et dans les métiers en aval de ceux de l’industrie.
On retient 1996 comme date charnière parce que c’est à ce moment que Saint-Gobain entre dans le domaine de la distribution, avec l’acquisition de Poliet. Cette intégration est le point de départ d’une série d’acquisitions importantes, qui engagent Saint-Gobain dans le secteur de la distribution des matériaux de construction : elle concrétise le recentrage du groupe sur l’habitat et servira de base au développement, à partir de 2000, du pôle Saint-Gobain Distribution Bâtiment, SGDB, qui représente aujourd’hui plus de la moitié du chiffre d’affaires.
Poliet est une entreprise qui a été fondée en 1901. A l’origine un fabricant et un négociant en chaux, ciment et plâtre centré sur la région parisienne, elle est devenue un des principaux groupes cimentiers dans l’entre-deux-guerres et s’est réorientée à partir des années 1970 vers la distribution de matériaux de construction comme Lapeyre en 1975 et la création d’enseignes comme Point P en 1979, tout en conservant des activités de construction.
Avec l’acquisition de Poliet, c’est un ensemble de 23 milliards de francs qui fait son entrée dans Saint-Gobain, répartis entre deux tiers pour la distribution et un tiers d’activités industrielles (menuiseries, mortiers, tuiles et terres cuites, béton). Installé dans de nouvelles fonctions et sur de nouveaux territoires, le Groupe va se transformer sur le fond et grandir en taille. Encore largement tributaire d’une image de conglomérat verrier, l’ensemble entame sa transformation. La part relative des secteurs verriers (Vitrage, Isolation, Fibres de renforcement, Conditionnement) va en diminuant régulièrement pour tomber à 25% en 2004. Parallèlement, la Distribution s’installe durablement au-dessus de 40% sous l’effet d’une croissance organique venue de nouvelles acquisitions. Quant au chiffre d’affaires, il double entre 1998 et 2005 (de 18 milliards d’euros à 35 milliards d’euros), et le taux de rendement de l’action est très élevé (12% par an depuis la privatisation).
A la fin de l’année 2005, Saint-Gobain poursuit son développement dans le secteur de la construction avec une OPA réussie sur le capital de British Plaster Board (BPB), leader mondial de la plaque au plâtre, avec une part du marché mondial estimée à 20%. Cette opération, la plus grosse acquisition pour 5,9 milliards d’euros de la longue histoire du Groupe, apporte à celui-ci un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros, et surtout de fortes complémentarités entre les produits de BPB et les matériaux de construction de Saint-Gobain. Si sur le moment l’acquisition de BPB représente un bon exemple de croissance à partir de métiers historiques, elle fait cependant date dans l’élaboration d’une stratégie qui aboutira très vite au concept d’Habitat.
A la fin des années 2010, Saint-Gobain est devenu un groupe résolument mondial qui a su faire une mue à la fois opportune et nécessaire, présent à la fois dans les pays riches et dans les pays émergents. Dans les pays développés, comme ceux d’Europe de l’Ouest, les marchés sont désormais tirés par les exigences de performance énergétique, ce qui justifie le choix de concepts et de formats d’offre adéquats, comme les composantes d’une maison du futur, éventuellement à énergie passive, respectueuse de l’environnement et des écosystèmes. Pour les pays en transition, le Groupe se montre capable de répondre aux besoins en infrastructures qui accompagnent la croissance démographique et l’urbanisation (approvisionnement en eau, mortier, plâtre, vitrage…). Tout cela confirme la validité opérationnelle du modèle de Saint-Gobain : bâtir une nouvelle culture internationale, mais en conservant les traits essentiels de la culture d’origine.
Conclusion
Depuis près de 360 ans, Saint-Gobain a constamment démontré sa capacité à s’adapter aux changements en diversifiant ses activités et en renforçant son empreinte. Dès 1850, l’Europe était l’espace naturel dans lequel pouvaient évoluer ses ambitions industrielles, mais aujourd’hui Saint-Gobain voit encore plus grand. Avec sa vision d’être le leader mondial de la construction durable, c’est sur tous les continents et dans 76 pays que le Groupe développe sa stratégie. Présentée en 2020 par Pierre-André de Chalendar, sa Raison d’être « Making the World a Better Home » a marqué une nouvelle ère, et ses objectifs ambitieux – comme l’atteinte du « zéro émission nette de carbone » à horizon 2050 – sont aujourd’hui portés par le Président-Directeur Général du Groupe, Benoit Bazin.
S’appuyant sur une histoire riche, Saint-Gobain continue d’innover et de se réinventer, apportant des solutions concrètes aux enjeux environnementaux et sociaux majeurs que sont le climat, les ressources naturelles et l’accès à un logement décent pour tous. Fort de ses avancées technologiques et de son engagement sociétal, le Groupe dispose de tous les atouts pour relever les défis globaux et bâtir un monde plus durable et inclusif.
Partie pédagogique réalisée par Judith Leverbe
QCM sur l’histoire de Saint-Gobain
Thèmes pédagogiques
Un lien avec les programmes de 1ère sur : Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées ?
Thème 1 : la place de la R&D et des innovations pour Saint-Gobain
Doc 1 : Les différents types d’innovation
L'innovation est l'introduction sur le marché d'un produit ou d'un procédé nouveau. Elle doit d'abord être distinguée de l'invention qui n'a pas forcément de débouché économique.
En économie, deux types d'innovation jouent donc un rôle particulier :
L’innovation de produits, qu’il s’agisse de biens ou de services. Ce premier type d’innovation inclut les transformations radicales (nouveau produit) mais aussi plus limité ; on parle alors d’innovation incrémentale. Un changement significatif au niveau des fonctions ou du design relève de ce second type.
L’innovation de procédés concerne les méthodes de production qu’il s’agisse de l’outillage, de la logistique ou des modes d’organisation.
Joseph Schumpeter a identifié 5 types d’innovations pouvant jouer un rôle clé dans la croissance économique : l'innovation de produits, de procédés, de modes de production, de débouchés, de matières premières.
Source : melchior.fr
Doc 2 : Quels points communs entre la Manufacture des glaces de 1665 et le groupe Saint-Gobain d’aujourd’hui ?
Le point le plus frappant est l’ancrage dans l’innovation. Avec cette galerie des Glaces de Versailles, la Manufacture l’a prouvé immédiatement dès son origine. Elle a inventé le « verre coulé sur table », alternative à la technique de soufflage pratiquée à l’époque. Aujourd’hui, l’innovation est un de nos axes majeurs de développement. Nous avons même une division « Matériaux innovants », qui joue un rôle primordial dans notre stratégie. Nous sommes à la pointe dans de nombreux domaines et beaucoup de nos produits ont une forte valeur ajoutée. C’est bien évidemment le cas dans l’habitat en général et, de façon plus spécifique, dans l’isolation ou l’efficacité énergétique.
Source : Les Echos, 16 janvier 2015
Doc 3 : L’enjeu de la R&D
Doc 4 : Inventer et innover
Il ne s'agit pour l'heure que d'un prototype en vue de démontrer la faisabilité technique mais aussi de pousser l'adoption réglementaire de cette innovation technologique. Saint-Gobain Sekurit, filiale du grand groupe du CAC 40, et Lynred, spécialiste des détecteurs infrarouges basé à Veurey-Voroize, non loin de Grenoble (Isère), ont travaillé en partenariat pendant quatre ans pour réaliser un pare-brise intégrant une caméra thermique en complément de la caméra visible, avec détection de piétons, en conditions de vision dégradée.
Source : Les Echos, 21 septembre 2023
1. Activités :
Questions : Vrai-Faux ?
1) Une innovation est une invention. V-F
2) Une innovation caractérise un bien économique nouveau introduit sur un marché. V-F
3) Une innovation de produit est nécessairement un bien. V-F
4) Une innovation incrémentale est une innovation radicale. V-F
5) Une innovation dans l’organisation de la production est une innovation de procédés. V-F
2. Caractériser la place de l’innovation pour Saint-Gobain
Voir la correction
1. Activités : Vrai-Faux ?
Réponses :
1) Une innovation est une invention. FAUX
2) Une innovation caractérise un bien économique nouveau introduit sur un marché. VRAI
3) Une innovation de produit est nécessairement un bien. FAUX
4) Une innovation incrémentale est une innovation radicale. FAUX
5) Une innovation dans l’organisation de la production est une innovation de procédés. VRAI
2. Caractériser la place de l’innovation pour Saint-Gobain
Réponses :
Une place historique : le développement de l’entreprise est lié à une innovation majeure : la technique du verre coulé et non soufflé, ce qui a permis de produire des miroirs de façon industrielle.
Une place stratégique : face à ses concurrents, Saint-Gobain innove massivement (cf le nombre élevé de brevets, le nombre d’ingénieurs- chercheurs, le niveau des dépenses de R&D)
Une place centrale dans les mutations économiques et sociales : recherche sur les matériaux, la sécurisation …
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Thème 2 : la stratégie de diversification du groupe Saint-Gobain
Doc 1 : Le cycle de vie de l’entreprise
On retient généralement cinq grandes phases dans la vie d’une entreprise : c’est le « cycle de vie de l’entreprise ». Dès la fin du XIXème siècle, l’économiste Alfred Marshall compare la longévité des entreprises à celle d’un processus naturel lié à la présence des dirigeants et à leur capacité de management. […] Les cinq phases peuvent être résumées de la manière suivante :
1) La création : la société est en phase de création ou vient juste d’être créée, et elle ne réalise pas encore de chiffre d’affaires. Trois conditions sont requises au moment de la création de l’entreprise : l’innovation, la faisabilité, la solvabilité. […] Durant ce moment, des activités clés typiques sont : la planification, la recherche de capital, le développement de prototypes ou de modèles de services afin d’établir la marque. […]
2) Le démarrage : Il faut alors coordonner toutes les ressources de l’entreprise et lancer les produits sur le marché. À l’issue de cette étape, l’entreprise réalise du chiffre d’affaires, mais ses résultats peuvent néanmoins être encore déficitaires. Lorsque l’entreprise est fondée, fonctionne et commence croître, les dirigeants lancent généralement des actions en matière de marketing et de ventes, d’embauche de personnel, d’amélioration de l’organisation du travail.
3) L'adolescence de la croissance : l'entreprise est en activité, réalise du chiffre d'affaires et possède un véritable portefeuille de clients. La croissance nécessite des investissements supplémentaires qui nécessitent de nouvelles solutions de financement. Au cours de cette phase, elle doit également réaliser des profits.[...] Une manière de soutenir la croissance de l'entreprise est alors de s'ouvrir au marché à l'international ou par le commerce en ligne.[...] Une autre manière d'atteindre de nouveaux marchés est de diversifier l'offre de biens et services pour satisfaire les goûts des clients, avec une plus grande sélection de produits.
4) La maturité : il s’agit de la phase la plus longue, l’entreprise a généralement plusieurs années d’existence, son chiffre d’affaires est plus solide […] Pour réussir, l’entreprise doit reposer sur des fondamentaux solides, une bonne planification, et continuer à innover sur les marchés.
5) Le vieillissement : l’entreprise arrive alors à l’étape de la transmission, qui peut se traduire par une entrée en Bourse ou une cession, que ce soit à un fonds, au management ou à une autre entreprise. L’entreprise se prépare à la succession des créateurs.
Source : melchior.fr
Activité : QCM sur le cycle de vie de l’entreprise
Autres activités
Doc 2 :
[…] la diversification se présente souvent comme la seule solution de survie, sur des marchés où les activités traditionnelles sont menacées d'obsolescence face aux initiatives innovantes d'une concurrence foisonnante et acharnée. « La diversification, option ainsi largement suivie par les PME et les grandes entreprises, reste une manœuvre stratégique risquée ».
Source : Les échos, 17 septembre 1991
Doc 3 :
Activités :
1) A côté de l’innovation, quelle est l’autre stratégie menée par les grands groupes ?
2) Parmi les éléments suivants choisissez deux facteurs qui peuvent justifier une stratégie de diversification et argumentez.
- Etroittesse du marché
- Synergie avec d’autres activités de production
- Risque lié à la spécialisation
- Concurrence
- Ralentissement de la demande
3) Parmi les éléments suivants choisissez deux facteurs qui peuvent illustrez le risque d’une stratégie de diversification et argumentez.
- Concurrence
- Investissement
- Maîtrise technique
4) A partir de l’affiche du document 4, illustrez en quoi Saint-Gobain a diversifié ses activités ?
Voir la correction
Réponses :
1) A côté de l’innovation, quelle est l’autre stratégie menée par les grands groupes ?
La diversification de la production est un moyen de développer l’activité de l’entreprise et de l’ancrer dans plusieurs marchés, ce qui est un moyen de limiter les risques inhérents à la spécialisation.
2) Parmi les éléments suivants choisissez deux facteurs qui peuvent justifier une stratégie de diversification et argumentez.
Exemple de réponse : l’étroitesse du marché et/ou la forte concurrence peuvent freiner le développement de l’entreprise qui peut donc choisir de développer une offre nouvelle, soit dans un secteur différent (stratégie financière), soit dans un secteur proche avec lequel peuvent parfois apparaître des synergies.
3) Parmi les éléments suivants choisissez deux facteurs qui peuvent illustrez le risque d’une stratégie de diversification et argumentez.
Exemple de réponse : l’un des enjeux qui peut devenir un risque pour l’entreprise est le coût initial d’une stratégie de diversification en matière d’investissements. Le coût d’entrée dans une branche « nouvelle » pour l’entreprise peut être un frein à cette stratégie.
4) A partir de l’affiche du document 4, illustrez en quoi Saint-Gobain a
L’affiche de Saint-Gobain illustre bien sa diversification : verrerie, bâtiment, équipements de la maison (robinetterie), transports, engins de chantier, etc.