Définition :
Chef d’entreprise qui met en œuvre l’innovation (selon Schumpeter)
L'essentiel :
Malgré la révolution industrielle et le développement de l’entreprise au XIXème siècle, les économistes ont tardé à définir l’entrepreneur. Turgot (1727-1781), le premier, définit l’entrepreneur ou plutôt les taches qui caractérisent son rôle (transformer l’épargne en capital, avancer le capital, etc.). C’est Cantillon (1680-1734) qui emploie pour la première fois le terme entrepreneur dans une acception proche de celle retenue aujourd’hui en l’associant à l’incertitude et à la prise de risque mais c’est vraiment Jean-Baptiste Say (1767-1832) qui distingue l’entrepreneur du propriétaire capitaliste. Au XIXème siècle, les économistes néoclassiques se sont peu intéressés à cette figure de l’entrepreneur.
Finalement, c’est avec les analyses de Joseph Schumpeter (1883-1950) que l’entrepreneur prend une place importante dans l’analyse économique. Avec Schumpeter, l’entrepreneur n’est pas un simple créateur ou repreneur d’entreprise ; il est le moteur de l’évolution économique. Il est celui qui vient bouleverser l’activité économique en apportant l’innovation. Son dynamisme et sa volonté de créer sont au cœur de la croissance du système capitaliste. Par l’innovation, l’entrepreneur réforme, dynamise et révolutionne le circuit économique. Il casse la routine de la production en fabriquant de nouveaux produits, en utilisant de nouvelles matières premières, en trouvant de nouveaux débouchés, en transformant les méthodes de production ou encore en améliorant l’organisation du travail. L’entrepreneur est celui qui amène ces cinq types d’innovations. L’entrepreneur est donc défini par son comportement.
Bien sûr, cette attitude suppose des qualités spécifiques que Schumpeter estime indispensables : énergie, sens de la décision, intuition, capacité à convaincre (les financeurs, les consommateurs, etc.). Ces qualités font, selon Schumpeter, la différence entre l’entrepreneur et un simple gestionnaire routinier et prudent.
Le profit constitue la récompense de l’entrepreneur dynamique et innovant ; c’est grâce à cette motivation que l’entrepreneur est incité à innover. Mais la recherche du profit ne résume pas l’entrepreneur ; c’est un créateur, un aventurier moderne. Il bouleverse les modes de consommation et de production et transforme le marché. En innovant, il devient le seul à fabriquer un produit spécifique et échappe ainsi à la concurrence : il se met dans une position de monopole. Quand une innovation de procédé lui permet de diminuer ses coûts de production, il se donne un avantage concurrentiel. Sa stratégie d’innovation, quelle qu’elle soit, génère donc une rente de monopole mais le surprofit n’est que temporaire, d’autres entreprises imitant inévitablement l’entreprise innovatrice afin de profiter du débouché nouveau. La position de monopole étant instable, ce dernier ne peut être durable. Schumpeter pense donc que la recherche du monopole est un moteur de la croissance, ce qui le distingue des économistes néoclassiques attachés au modèle de concurrence pure et parfaite.
En identifiant le rôle central de l’entrepreneur et de l’innovation dans la dynamique de la croissance économique, Schumpeter entrevoit aussi le risque de la disparition de cette fonction d’entrepreneur-innovateur. Dans Capitalisme, Socialisme et démocratie (1942), il explique que l’innovation verse dans une certaine routine dans l’entreprise moderne. Le progrès technique y est organisé, rationalisé, ce qui réduit l’initiative individuelle. La banalisation et la routinisation de l’activité d’innovation, son organisation en laboratoire, en équipe conduisent à une sorte de bureaucratisation du progrès technique dans les grandes entreprises. Tout se passe comme si le système s’habituait à l’innovation et avec la concentration des entreprises, la figure emblématique de l’entrepreneur s’efface au profit du manager, du gestionnaire. Le passage à un capitalisme managérial dans lequel les propriétaires du capital délèguent de plus en plus leur rôle de gestionnaire à des cadres et techniciens de haut niveau chargés de développer l'entreprise ne laisse plus de place à l’entrepreneur schumpetérien, destiné à disparaître et le capitalisme entrepreneurial avec lui.
Cette analyse de la disparition de l’entrepreneur au profit des managers-gestionnaires transformant le capitalisme entrepreneurial en capitalisme managérial est reprise par des économistes ultérieurs. Ainsi John Kenneth Galbraith, dans Le nouvel Etat industriel (1967), analyse le pouvoir des gestionnaires et l’émergence d’une « technostructure », idée présente également chez Alfred Chandler qui, dans La main visible des managers (1988), montre le poids des cadres dans la grande entreprise.
La définition, finalement assez étroite, de l’entrepreneur schumpetérien a évidemment été nuancée par des économistes et des historiens. Il suffit d’ailleurs d’observer le rôle direct ou indirect de l’Etat dans l’émergence de nombreux grands entrepreneurs pour relativiser le portrait qu’en fait Schumpeter. Pourtant, les réussites d’entrepreneurs-innovateurs dans les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) tels que bill Gates, Steeve Jobs ou Jeff Bezos ramènent aux analyses de Schumpeter.
3 questions à : (à venir)
1) Le développement de start up dans de nombreux domaines est-il le signe d’un retour de l’esprit d’entreprise ?
2) L’entrepreneuriat est-il une affaire individuelle ou collective ?
3) L’organisation de la recherche dans l’entreprise présente-t-elle les risques qu’entrevoyait Schumpeter ?