Synthèse
Déroulé du chapitre :
Question 1. Qu'est ce qu'une entreprise ?
Question 2. Croissance et gouvernance des entreprise
Question 3. L'entrepreneur et l'organisation du travail
Conforme au programme officiel (BO)
Les figures de l’entrepreneur
Les figures de l’entrepreneur
L’entrepreneur est un personnage clé du capitalisme. L’histoire de l’économie de marché depuis les prémisses de la révolution industrielle au XVIIIème siècle est d’abord émaillée d’entrepreneurs de légende. Du barbier perruquier Richard Arkwright, qui se lance dans la filature dans les années 1760 à Steve Jobs d’Apple, Mark Zuckerberg de Facebook ou Elon Musk de Tesla aujourd’hui, les success stories se succèdent depuis trois siècles, et les grandes entreprises ont longtemps porté le nom de leur illustre créateur à l’instar de Ford, Peugeot, Tata, etc. L’analyse retient pour cerner ce personnage légendaire les diverses fonctions de l’entreprise moderne : tantôt le financier, tantôt l’innovateur, tantôt le gestionnaire avisé se succèdent pour incarner le personnage de l’entrepreneur. Preneur de risques ? Faiseur de projets ? Révolutionnaire de l’économie ? Découvreur d’opportunités de profits sur les marchés ? Les qualités dominantes du chef d’entreprise font encore débat de nos jours.
Dans la modélisation microéconomique, l’entrepreneur est conçu comme un acteur guidé par le profit, c’est-à-dire par la différence entre le coût des ressources (y compris le coût d’opportunité du capital utilisé) et le prix de sa production. L’activité entrepreneuriale consiste à capturer des profits monétaires qui étaient restés inaperçus jusqu’alors. Le profit joue aussi un rôle incitatif très important dans cette modélisation. Mais cette approche est réductrice et les projets entrepreneuriaux peuvent au contraire avoir des ambitions multiples, qu’elles soient sociales, environnementales ou scientifiques (par exemple, développer une technologie pour capturer le CO2, ou développer des logiciels pour l’apprentissage de la musique…).
Mais si le rôle de l'entrepreneur peut apparaître déterminant dans la phase de démarrage de l’entreprise puis au cours de son développement, celle-ci reste une aventure collective (une volonté de s’associer, un affectio societatis), dont la réussite repose également sur un environnement et des institutions plus ou moins favorable à l’entrepreneuriat : moyens financiers (personnels, familiaux, bancaires), poids des institutions (famille, État et grandes entreprises), ressources scientifiques et techniques, état de la société (revenu, goûts des consommateurs, infrastructures), ou réglementations plus ou moins favorables à la libre entreprise.
De surcroît, l’activité entrepreneuriale contribue à la coordination des activités économiques : au final, la fonction entrepreneuriale est indispensable à l’accroissement de la productivité des facteurs de production et elle est en cela un élément fondamental de la croissance économique.
Mais l’entrepreneur a aussi d’autres fonctions : il peut être un actionnaire au sens où, en tant que propriétaire du capital, il apporte des capitaux indispensables au lancement de l’entreprise en assumant le risque, et il peut avoir également une fonction de management lorsqu’il faut prendre des décisions relatives à l’organisation de l’entreprise, à ses projets, à son développement.
L’entrepreneur dans la théorie économique
Dans les écrits des auteurs précurseurs de l’économie, entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle, comme Adam Smith ou David Ricardo, les entrepreneurs sont issus des deux classes sociales qui détiennent le capital : les capitalistes ou les propriétaires fonciers. L’entrepreneur est donc un simple rouage dans les structures économiques, et l’analyse des phénomènes globaux est privilégiée, comme les rouages de la croissance ou ceux de la crise économique. Certains économistes du XIXe siècle, comme Karl Marx, ont analysé le comportement de l’entrepreneur (ou du capitaliste) en le replaçant dans un cadre social plus général, qui est celui de la société capitaliste. Pour autant, Marx préfère le terme de « capitaliste » pour le désigner. Son analyse met en évidence la propriété privée des moyens de production et la nécessité de faire du profit. Pour Marx, l’entrepreneur n’existe que parce que la société capitaliste lui permet d’exister. Cette société est basée sur le profit maximum. La recherche de ce profit conduit l’entrepreneur à sans cesse « révolutionner » les moyens de production et l’innovation devient un levier de la concurrence. Selon Marx, en favorisant la croissance des firmes, la concurrence favorise la socialisation de la production, qui nécessitera au final une transformation révolutionnaire des sociétés pour faire coïncider le régime de propriété avec la production collective. Ainsi se dissout l’entrepreneur, en même temps que la société capitaliste.
Paradoxalement, la théorie économique néoclassique à partir de la fin du XIXème siècle ne laisse que peu de place à l’entrepreneur (on évoque simplement « l’équilibre du producteur »). Dans ce cadre, l’entrepreneur est celui qui permet d’articuler le marché des facteurs de production à celui des produits dans l’équilibre général, mais ce rôle n’est pas vraiment théorisé. L’entrepreneur dans la théorie néoclassique n’est pas un individu exceptionnel, qui se distinguerait par des facultés spécifiques : son rôle d’intermédiaire entre des marchés, du travail, des biens et services est reconnu, mais il est difficile d’établir sa contribution à la création de richesse.
Pour John Maynard Keynes (1883-1946), en revanche, les entrepreneurs favorisent par leurs comportements peureux et moutonniers (Keynes évoque des « esprits animaux » ou les « esprits déréglés des milieux d’affaires ») la diffusion des crises économiques. L’entrepreneur renvoie donc plutôt, chez lui, à un concept collectif en liaison avec le principe de la demande anticipée. Marginal dans l’analyse néoclassique dominante, l’entrepreneur va pourtant apparaître chez quelques économistes comme un être exceptionnel, mû par des mobiles originaux et des capacités hors du commun, un inlassable preneur de risques dans la concurrence.
L’entrepreneur innovateur
C'est à l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950) qu’il revient d’avoir donné à l’entrepreneur cette place devenue mythique dans le développement du capitalisme, en l’identifiant à la fonction d’innovation. L’entrepreneur « schumpetérien » est en effet un esprit, une fonction plus qu’une personne que l’on pourrait identifier. Cette fonction est de rompre le « flux circulaire » (la routine) en détournant les facteurs de production des usages anciens vers de nouvelles combinaisons productives. Il rompt cette routine grâce au crédit des banques, ce qui lui permet de diriger le capital hors de son usage établi (reproduction du système à l’identique) pour l’affecter à de nouvelles combinaisons productives (technique, organisation, gestion). L’entrepreneur est donc celui dont l’existence fait que le changement vient de l’intérieur du processus économique, dans une dynamique endogène. Il ne s’adapte pas à un environnement, comme l’expose la théorie néoclassique, mais c’est lui qui, au contraire, par son intervention, façonne les structures économiques en modifiant les techniques de production et les préférences des consommateurs. La fonction de l’entrepreneur, selon Schumpeter, est donc uniquement d’innover : l’entrepreneur est ce personnage hors du commun, au cœur des déséquilibres économiques et du processus de « destruction créatrice » qui révolutionne perpétuellement les structures du capitalisme. Pour Schumpeter, l’entrepreneur est pourtant destiné à disparaître et le capitalisme entrepreneurial avec lui. C’est la thèse qu’il développe dans son ouvrage Capitalisme, Socialisme et démocratie (1942). La routinisation de l’activité d’innovation (travail d’équipe et de laboratoire), la diminution des résistances à l’innovation dans des sociétés habituées à innover (et qui n’ont plus besoin d’être domptées par l’entrepreneur) font que le progrès technique tend à se bureaucratiser dans les grandes entreprises, et Schumpeter annonce alors le « crépuscule de la fonction d’entrepreneur ». Il est donc pessimiste sur l’évolution du capitalisme de libre entreprise.
L’entrepreneur, un acteur central de l’économie
Dans l’actualité économique, les créateurs d’entreprise sont souvent cités comme un moteur crucial de l’innovation, de la croissance et de l’emploi, surtout dans les pays avancés. L’entrepreneur est en effet un personnage au cœur de l’économie qui assume le risque d’entreprise, la décision d’investir, et mobilise des ressources humaines, technologiques, financières, pour développer son activité. S’il subsiste des critiques sur les gains qui peuvent être réalisés par les chefs d’entreprise (les fameux salaires des « grands patrons ») et des débats sur la fiscalité des hauts revenus, les entrepreneurs conservent une image positive dans de nombreuses enquêtes. La question du « moral des patrons » est par ailleurs souvent évoquée comme indicateur avancé de la conjoncture, et mesuré dans les différents baromètres de confiance sur la politique économique, comme celui établi par l’INSEE en France, portant sur le « climat des affaires ».
Dans une économie de marché de libre concurrence, l’entrepreneur est guidé par le profit monétaire, c’est-à-dire par la différence entre le coût des ressources (y compris le coût d’opportunité du capital utilisé) et le prix de sa production. L’activité entrepreneuriale consiste à capturer des profits monétaires qui étaient restés inaperçus jusqu’alors. Le profit joue aussi un rôle incitatif très important. De surcroît, l’activité entrepreneuriale contribue à la coordination des activités économiques.
Au final, la fonction entrepreneuriale est indispensable à l’accroissement de la productivité des facteurs de production et elle est en cela un élément fondamental de la croissance économique.