Croissance et déficit public : le cas des Etats-Unis »

Melchior vous propose ce décryptage pédagogique de l’article de Bruno Jacquier « Quel est le secret de la croissance américaine ? », Atlantic Deivatives, Stratégie et Thématiques, Fleximadaire du 25 mars 2024.

 

 

Publié en mars 2024, cet article permet d’illustrer le chapitre  de spécialité Sciences économiques et sociales  de  Terminale « Quelles politiques économiques dans le cadre européen ? » ainsi que le chapitre « L’intervention économique des pouvoirs publics » du programme de classe préparatoire ECG.

Les + de l’article :

  • S’interroger sur les relations entre le déficit public et la croissance économique.

 

  • Se demander s’il y a une « bonne » ou/et une « mauvaise » dépense publique, et quels sont leurs effets sur l’économie.

Résumé

L’économie américaine affiche depuis quelques trimestres un rythme de croissance relativement soutenu (voir le graphique ci-dessous).

 

Croissance trimestrielle comparée des économies américaine et européenne

 

La vigueur de l’économie américaine est frappante quand on la compare à celle de la zone euro. Comment expliquer ce différentiel de croissance ?

Un point sur lequel tout le monde s’accorde est la relation entre le déficit public américain et la croissance économique. L’écart entre les dépenses de l’Etat (système de santé, retraites, défense, éducation…) et les revenus qu’il perçoit (impôts et taxes) a rarement été autant déséquilibré. L’année dernière par exemple (en 2023), les Etats-Unis ont affiché un déséquilibre budgétaire équivalent à 7,5% du PIB, contre 2,9% dans la zone euro. Ce phénomène ne s’inscrit pas spécialement dans la courte période, puisque depuis 15 ans et la crise des Subprimes, les finances publiques sont nettement plus déficitaires aux Etats-Unis que sur le Vieux Continent. Toute la question est de savoir si ce surplus de croissance est durable.

 

Deux arguments permettent d’apporter une réponse positive à cette question. Le premier argument est que le principe de l’équivalence ricardienne (voir le terme-clé) ne semble pas s’appliquer à l’économie américaine. On n’observe pas de baisse de la consommation aux Etats-Unis. Au contraire, l’épargne est stable et la consommation vigoureuse. Le deuxième argument est la crédibilité dont jouit la dette souveraine américaine. Le statut particulier des Etats-Unis, première puissance économique et militaire de la planète, avec le dollar qui continue de dominer les échanges internationaux, rend les investisseurs obligataires souverains, au moins pour le moment.

 

Cependant, cet optimisme mérite d’être nuancé dès lors qu’on examine la nature de la dépense publique. On peut en effet distinguer le  « bon déficit » qui alimente la production de long terme (ponts, autoroutes, hôpitaux, système éducatif, …) et le « mauvais déficit » qui repose sur la consommation, ce qui est le cas aux Etats-Unis. Le déficit public américain  alimente une consommation  qui n’aurait pas eu lieu sans lui, ce qui conduit à un gonflement artificiel du PIB. Ce « mauvais déficit » n’est pas durable parce qu’il engendre un surplus de croissance réduit, et surtout parce qu’il revient à dépenser aujourd’hui les revenus de demain. C’est en quelque sorte un « emprunt » sur les générations futures.

Retrouvez l’article complet :

Les termes clés :

  • Déficit public : Alors que le déficit budgétaire décrit une situation dans laquelle les recettes de l’Etat (hors emprunt) sont inférieures à ses dépenses (hors remboursements d’emprunts), le déficit public fait référence à une situation où les dépenses de l’Etat, mais aussi celles des collectivités locales et des administrations de Sécurité sociale, sont supérieures aux recettes publiques.

Le point théorique : Quels sont les effets d’un déficit public sur la conjoncture ?

La dépense publique est, avec la consommation, l’investissement et les exportations, une composante de la demande globale. Une augmentation de la dépense publique incite les producteurs à produire davantage, ce qui augmente le revenu global. Ce revenu additionnel induit une nouvelle augmentation de la demande, de la production, du revenu, etc. C’est ce mécanisme que Keynes décrit sous le nom de multiplicateur de dépenses publiques, pour montrer comment une politique budgétaire peut agir sur la conjoncture. Pour que cette hausse des dépenses publiques ait un effet sur l’activité économique, il est nécessaire qu’elle ne soit pas financée par une augmentation des prélèvements obligatoires qui impliquerait une baisse de la demande. La politique budgétaire de relance s’appuie sur  un déficit public (augmentation des dépenses supérieure à l’augmentation des prélèvements).

Cela dit, la politique budgétaire expansionniste présente quelques inconvénients potentiels :

  • Le niveau de déficit public ou de dette peut faire monter les taux d’intérêt, à la fois à cause de l’effet d’éviction (l’Etat qui finance son déficit par l’emprunt augmente la demande de fonds prêtables qui ne sont plus disponibles pour les projets d’investissement privé) et de l’augmentation du risque de défaut sur la dette, compensée par un taux d’intérêt plus élevé (hausse du taux qui peut finir par rendre la dette « insoutenable »).

  • La politique budgétaire expansive peut être anticipée par les agents économiques qui s’attendent tôt ou tard à une hausse des prélèvements obligatoires, et qui de ce fait ne dépensent pas le surcroît de revenu lié à la relance, ce qui finit annuler cette dernière (effet Ricardo-Barro).

  • La politique budgétaire de relance est inégalement inefficace si elle augmente la demande sans agir sur l’offre, ou si elle se heurte à une contrainte extérieure en faisant monter les importations. Elle est alors inflationniste, ce qui dégrade le pouvoir d’achat des agents économiques.

L’extrait pour la classe de terminale :

« Il existe deux sortes de déficits publics : le bon et le mauvais.

Le premier vise à améliorer la productivité marginale du capital privé (ponts, autoroutes, hôpitaux, système éducatif, etc.) et de la production à long terme. Le deuxième consiste à dépenser aujourd’hui les revenus de demain : il s’agit d’un « emprunt » effectué auprès des générations futures.

Si le mauvais déficit peut être temporairement envisagé, de manière à éviter une crise systémique ou à relancer la dynamique de croissance lors d’une récession, il doit absolument conserver un caractère exceptionnel. S’il devient récurrent, une partie de ce déficit sera consacré à des projets peu rentables. Concrètement, 1% de déficit générera moins d’1% de croissance. C’est ce qui se produit aux Etats-Unis depuis 2016. Pire encore, le mauvais déficit amoindrit la croissance de long terme, à l’exact opposé du bon déficit, car les charges d’intérêt qui pèsent sur les dettes souveraines finissent par freiner la capacité de dépense de l’Etat ».

Les sujets qui font débat :

  • A quelles conditions le déficit public est-il source de croissance économique ?

 

  • Le déficit public peut-il être la source d’une croissance de long terme ?

 

  • Toutes les dépenses publiques se valent-elles ?

Pour aller plus loin :

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