De manière canonique, on distingue les crises d’ancien régime et les crises modernes. Les crises d’ancien régime concernent les périodes préindustrielles et ont donc en grande partie disparu à partir de la révolution industrielle : ce sont des crises de sous production agricole entrainant la disette dans un monde caractérisé par la dépendance de l’homme vis-à-vis de la production agricole. Elles ont la spécificité d’être des crises de sous-production marquée par des famines, et des épidémies notamment. Même si elle est ancrée dans le monde contemporain et sa mondialisation, la crise du Covid 19 a remis au jour des fragilités lointaines.
Les crises modernes sont, quant à elles, caractérisées comme des crises de surproduction c'est-à-dire des crises de débouchés. Pour les analyser, les théories des cycles à partir de travaux d’histoire économique (Kondratiev, Juglar, Kitchin) ont mis en avant le fait qu’elles s’inscrivaient dans les des cycles qui se décomposent en 2 phases à peu près égales : une phase A d’expansion et une phase B de récession et la crise au sens strict est donc le point de retournement entre ces phases. Dans les périodes de croissance les prix, les salaires et les profits, mais aussi les cours de Bourse sont tirés vers le haut entrainant la surchauffe, l’instabilité du système entrainant faillites bancaires, faillites des entreprises...Néanmoins, ces analyses a posteriori n’épuisent pas les mécanismes et les explications des crises du 19ème et du 20ème siècles. Chaque crise a un déroulement et des effets spécifiques qu’il convient d’étudier précisément. Certaines crises ont eu des répercussions plus importantes que d’autres notamment du point de vue de leurs conséquences : c’est le cas pour la crise de 1929.
Traditionnellement, on fait débuter la crise de 1929 avec le krach boursier new-yorkais du 24 Octobre 1929. La chute de la Bourse entraine la faillite de nombreuses banques et entreprises. Les productions industrielles et de produits primaires de même que le commerce international diminuent fortement. En 1933, la production industrielle mondiale a diminué de 40% par rapport à son niveau de 1929. La conséquence immédiate en est un chômage très élevé : 5,6 millions de chômeurs en Allemagne et 12 millions aux Etats-Unis bien décrit par J. Steinbeck dans Les Raisins de la colère (1939). Parallèlement, on assiste à une forme de démondialisation : les Etats augmentent leurs tarifs douaniers (les tarifs Hawley-Smoot de juin 1930 aux Etats-Unis). Les politiques d’autarcie ou de repli impérial pour le Royaume-Uni et la France se multiplient.
Si l’on s’appuie sur les analyses de l’Ecole de la Régulation notamment, on peut voir cette crise comme un changement majeur de système capitaliste. En effet, la décennie d’après Première Guerre mondiale a été marquée par une forte croissance qui s’est appuyée sur la régulation concurrentielle du système. La crise de 1929 en marque les limites. Au cours des années 1920 la forte augmentation des productions liée à la diffusion du taylorisme et au début du développement du fordisme (aux Etats-Unis notamment) ont nourri la croissance. Ceci est d’autant plus vrai que le développement du crédit a permis de nourrir la demande pour cette production, augmentant ainsi les profits. La crise boursière vient bloquer le système déjà fragilisé par une évolution des salaires trop faible pour absorber l’augmentation incessante de la production et par une interdépendance croissante des économies qui a conduit à une diffusion de la crise à tous les pays. Dès lors, le krach boursier a conduit a fragilisé fortement les ménages et les entreprises surendettés pour consommer et investir puisqu’il a conduit à une augmentation du coût du crédit croissant et donc va réduire d’autant la consommation et l’investissement, précipitant la crise et son importance. Cette crise La durée de la crise, les difficultés à en sortir (puisqu’on considère que c’est l’effort de guerre qui permet le redémarrage de l’économie dans la deuxième moitié des années 1930) montre que la crise est structurelle. Elle impose donc de revoir les modes de régulation du capitalisme, ce qui est en marche après la seconde guerre mondiale.
Si la période 1945/1970 a été qualifiée de Trente Glorieuses du fait d’une croissance ininterrompue, la période qui suit et ce jusqu’à aujourd’hui est caractérisée par des crises, des récessions et un ralentissement global de la croissance qui a conduit certains à parler de Trente Piteuses depuis les années 1970.
Les taux de croissance du PIB sont restés positifs sauf à des moments précis par exemple 1975, 1993, 2008 ou 2020 années au cours desquelles on a observé des stagnations voire des récessions dans la plupart des pays voire an niveau mondial. Cette période est marquée notamment en France par un chômage important et globalement croissant : les caps du million, des deux millions et trois millions de chômeurs sont franchis à chacune des décennies. Parallèlement dans la seconde moitié des années 1970 et jusqu’au début voire le milieu des années 1980 pour la France, l’inflation est forte. Cette situation marquée à la fois par du chômage et de l’inflation est appelée stagflation et va remettre en cause les analyses économiques jusque-là en vigueur et notamment la relation de Phillips qui associe un chômage fort à une faible inflation. Ceci n’est pas sans conséquence car cette vision est à la base de l’arbitrage inflation/chômage qui sert de cadre d’analyse aux politiques économiques.
Cette crise est associée au choc pétrolier de 1973 donc une augmentation très importante du prix du pétrole (plus qu’un triplement). Si la fin du pétrole bon marché est un élément important c’est parce que cela a eu pour conséquence d’augmenter les coûts de production. Néanmoins, le contre choc pétrolier ainsi que les multiples fluctuations du prix des matières premières depuis n’ont pas effacé ou remis en cause les difficultés des économies. Ceci s’explique par le fait qu’au-delà de sa dimension conjoncturelle, cette crise a une dimension structurelle dont les agents économiques commencent à prendre conscience dans les années 1980. En effet, à cette date, les instruments traditionnels de lutte contre les ralentissements économiques ont été tentés, et l’on peut écarter l’aspect conjoncturel puisque les économies s’enfoncent dans une situation marquée par l’instabilité et un chômage persistant. Avec la libéralisation financière qui commence au début des années 1980, les crises relevant du change ou de la finance se sont multipliées. C’est le cas des crises de change en Asie qui ont été en grande partie la conséquence des processus des 3D décrits par H. Bourguinat. Le début des années 2000 est lui marqué par le krach boursier portant sur les valeurs liées aux TIC : il s’agit de l’éclatement de la bulle internet qui avait vu augmenter les valeurs des entreprises de ce domaine sans commune mesure avec leurs résultats réels. L’éclatement de la bulle entraine une crise boursière dès 1998 aux Etats Unis qui se propage au reste du monde. En 2007/2008, éclate la crise des subprimes. Elle débute aux Etats Unis où des montages financiers visent à attirer des populations aux revenus faibles se sont multipliés à faveur de taux variable et de conditions pouvant paraitre dans un premier temps avantageuses à ces ménages. Les prêts sont gagés sur les biens immobiliers dont on est persuadé qu’ils prennent sans cesse de la valeur. A cela s’ajoutent des innovations financières visant à titriser ces prêts risqués. Ces titres sont alors d’autant plus rémunérateurs que le risque est élevé. Le risque ne se concrétise que lorsque la hausse des prix sur le marché immobilier s’arrête à partir de 2005/2006. Progressivement, le doute sur ces titres augmentent et génère une crise systémique d’abord aux Etats Unis puis dans les pays dont les banques sont très liées aux banques américaines. Ainsi le Royaume-Uni, la France, l’Espagne, l’Irlande…sont touchés très fortement par la crise de confiance bancaire qui ensuite se diffuse à l’ensemble de l’économie. Un certain nombre de banques font faillite, les autres sont sauvées grâce à l’intervention des Etats ce qui augmente d’autant la dépense publique. Dès lors, la crise des subprimes participe à la montée de l’endettement des Etats déclenchant en Europe la crise des dettes souveraines notamment dans les pays du Sud de l’Europe et l’Irlande.
La dernière grande crise mondiale en date est celle du COVID-19 qui contrairement aux dernières crises connues n’est pas née dans la sphère financière mais bien dans la sphère réelle car liée à la propagation du virus de la COVID-19 en Chine puis dans le monde. Cette infection submergeant les structures médicales des pays touchés, elle s’est traduite par des politiques de confinement strict qui se sont multipliés dans le monde entrainant un arrêt quasi complet de l’activité économique non essentielle. Ceci a conduit à une contraction très forte de l’économie mondiale suivi d’un rebond très important une fois les confinements levés et les vaccins trouvés. Néanmoins, les effets actuels montrent qu’à la déflation initiale liée aux confinements, a succedé une vague d’inflation forte liée aux pénuries et aux politiques de relance générant une surchauffe des économies.
Une fraction croissante de la littérature s’attache à cerner les conséquences de la double libéralisation financière, interne et externe, tant sur la stabilité macroéconomique que sur les performances en matière de croissance. Ainsi, les innovations, tant financières que réelles, semblent avoir joué un rôle déterminant dans le déclenchement de processus conduisant aux crises financières qui ont été observées.
Chaque crise apparaît spécifique car elle s’inscrit dans un contexte différent et combine de manière différente un certains mécanismes généraux. À l’origine de la plupart des épisodes de fragilité financière, se trouve un emballement du crédit qui déclenche un mécanisme d’accélérateur financier qui se propage à différents marchés, boursiers, immobiliers, des changes. Cette fragilité se convertit en une crise ouverte avec une probabilité d’autant plus forte qu’il y a eu libéralisation financière.
Les crises financières sont donc très diverses. D’abord par les marchés ou les institutions qu’elles frappent. On peut distinguer :
- les crises de change ;
- les crises bancaires ;
- les crises boursières ;
- les crises immobilières
- les crises obligataires
- les crises de la dette souveraine
Les trois premières sont les plus fréquentes et les autres sont souvent rattachées à elles (par exemple les crises immobilières et les crises bancaires ; les crises de la dette souveraine et les crises de change, et les crises bancaires).
On considère qu’une monnaie subit une crise de change lorsque sa valeur exprimée dans une monnaie de référence subit une dépréciation au cours d’une année supérieure à un certain seuil égal, en général, à 25 %.
Une crise bancaire est repérable aux difficultés de refinancement de ces dernières, aux indices de panique (gel des dépôts, fermeture de banques, garantie générale des dépôts) ou l’existence du plan de sauvetage d’une certaine ampleur organisé par les pouvoirs publics.
Enfin, les crises boursières sont définies par une chute importante des cours boursiers (en générale au moins 20% par référence aux crises de 1929 ou encore 1987) sur une période donnée.
Si les crises de change frappent maintenant plus rarement les pays développés, elles sont plus fréquentes pour les pays nouvellement financiarisés. En se combinant aux crises bancaires, elles ont engendré un type de crise financière nouvelle pour la période d’après-guerre : les crises jumelles. Ces crises jumelles se manifestent par la combinaison d’une spéculation intense contre la monnaie nationale et une vague de défaillances bancaires. Elles associent une méfiance à l’égard de la stabilité du taux de change (et donc du régime de change s’il existe), et une méfiance à l’égard de la liquidité ou de la solvabilité des intermédiaires bancaires, qui rétroagissent l’une sur l’autre en se renforçant mutuellement. On peut citer quelques exemples de crises financières récentes (hors crises déjà évoquées). La crise du SME en 1992-1993, est une des premières grandes manifestations de la grande contagiosité des crises récentes : partie de la Finlande (ou de l’Italie, qui fut la première économie européenne à déprécier sa monnaie après le non du référendum danois au Traité de Maastricht), elle s’est étendue aux autres pays européens. Cette crise de change remis en cause le système monétaire européen qui paraissait solide depuis 1987 a touché à la fois des monnaies effectivement fragiles et d’autres comme le franc beaucoup plus solide. La crise mexicaine de 1994 célèbre pour son effet Tequila montrent l’importance de la contagion dans les crises récentes puisqu’outre les monnaie et économie mexicaine, l’Argentine, le Brésil ont été touchées déclenchant des phénomènes de flight to quality touchant y compris des économies asiatiques. La crise asiatique de 1997 suivie de la crise russe de 1998 montrent le même degré de contagiosité. Ainsi, le décrochement du rouble en 1998 a été suivi dans le mois suivant par une brutale chute, inexplicable par les fondamentaux, de 50 % de la bourse brésilienne.
La théorie néoclassique traditionnelle semble relativement impuissante pour expliquer les crises financières ; en effet, pour elle, le marché est efficient, c’est à dire que les prix du marché reflètent intégralement l’information disponible et donc la valeur intrinsèque d’un actif, égale à la somme actualisée des gains présents et futurs qu’il permet de réaliser. Il s’agit de la valeur fondamentale de l’entreprise. Si tous les agents sont parfaitement rationnels, et le fonctionnement des marchés également, la valeur du titre sur le marché doit refléter parfaitement les fondamentaux des entreprises. On en déduit que la seule variation possible des cours résulte d’événements totalement aléatoires et imprévisibles. C’est le sens de la théorie d’E. Fama. Le problème est qu’il est difficile d’expliquer les bulles financières (ie les bulles spéculatives), c’est à dire les situations où le prix des titres s’éloignent durablement de leurs fondamentaux. Ce fut le cas notamment pendant la bulle internet où la valeur boursière des firmes technologiques en 1999-2000 s’est envolé alors que les bénéfices étaient faibles voire inexistants. A. Orléan donne ainsi un célèbre exemple celui de l’entreprise eToys, créée en 1997, dont le chiffre d’affaires se monte à 30 millions de dollars pour une perte de 28 millions. eToys représentait l’équivalent financier de trois magasins de Toys « R » Us et faisait des pertes quand son concurrent Toys R Us faisait des profits de 376 millions de dollars pour 11 milliards de chiffres d’affaires. Dans le même temps à la fin de l’année 1999, eToys était évalué en bourse 1/3 de plus que le géant américain du jouet. Avec l’éclatement de la bulle internet eToys fait faillite et disparait alors que Toys R Us s’est allié avec Amazon pour la vente de jouets en ligne.
Dès lors, il s’agit de comprendre l’existence de ces bulles spéculatives. Pour cela, on peut faire référence à l’analyse de Keynes (1936) qui s’appuyait sur l’incertitude radicale c’est-à-dire une situation où il est impossible de probabiliser l’avenir. Il est donc rationnel dans cette situation de chercher à imiter le comportement moyen. C’est la fameuse métaphore du concours de beauté pour un ensemble de photos. Le gagnant est celui dont la sélection se rapproche de plus de la sélection moyenne. Keynes explique qu’il ne faut pas chercher à découvrir la réalité objective (la beauté selon des critères précis) mais bien tenter de découvrir le comportement moyen des participants à ce jeu, les visages les plus consensuels. Chacun doit donc chercher à se comporter comme il pense que les autres se comportent.
O. Blanchard et M. Watson dans « Bulles, anticipations rationnelles et marchés financiers », en 1984, développe c’est idée de Keynes au travers de leur théorie des bulles rationnelles. Même si les agents sont parfaitement rationnels, il peut y avoir un écart entre la valeur marchande du titre et sa valeur fondamentale ; il suffit pour cela que les agents croient en la réalisation d’une bulle spéculative. En effet, un agent a intérêt à acheter un titre à un prix supérieur à sa valeur fondamentale s’il pense qu’il pourra le revendre à un prix plus élevé à une période future (donc s’il croit qu’une bulle spéculative va se réaliser).
On est ici dans le cadre d’anticipations auto-réalisatrices : le fait que l’on croit qu’une bulle spéculative va apparaître provoque effectivement son apparition.
Ch. Kindleberger dans Histoire mondiale de la spéculation financière, met en évidence les multiples exemples de spéculations, de bulles et de krachs dans l’histoire (au moins depuis la « tulip mania » au début des années 1630 aux Pays-Bas). Même si le phénomène de crises financières est ancien, la libéralisation financière des années 1980 les a rendu plus fréquentes dans la période contemporaine. La fréquence des crises financières (entendues comme crises bancaires ou de change) s’est accrue après 1971, c’est-à-dire depuis l’abandon du système de Bretton Woods qui régissait les relations internationales et avait institué en particulier le régime de taux de changes fixes mais ajustables d’après-guerre. Cette fréquence de plus en plus élevée des crises rapproche la période actuelle de l’entre-deux-guerres. Les études économétriques et notamment un travail de B. Eichengreen et Arteta (2000) confirment nettement l’existence d’une causalité directe. Elles montrent que la libéralisation accroît significativement la probabilité qu’une économie subisse une crise bancaire (augmentation d’environ 8 % pour les pays nouvellement financiarisés).
Pour l’expliquer, on peut s’appuyer sur la théorie de Minsky dans « Stabilizing an Unstable Economy », de 1986. Minsky s’y est inspiré, d’une part de la théorie de l’investissement et du cycle économique, présentée dans le chapitre 12 de la Théorie générale de Keynes, et d’autre part de la théorie des actifs financiers et des immobilisations du chapitre 17. Dans la mesure où elles sont prises dans des conditions fondamentalement incertaines, les décisions d’investissement sont sources de cycles économiques et d’instabilité. Des vagues successives d’optimisme et de pessimisme affectent la quantité globale de l’investissement, qui va déterminer à son tour le niveau global de la production et de l’emploi, à travers l’effet multiplicateur. Selon Minsky, qui reprend à son compte la vision pessimiste de la finance de Keynes, l’instabilité des marchés financiers est inhérente au comportement des acteurs financiers et des entreprises. Le principal mécanisme qui pousse l’économie capitaliste vers l’instabilité financière et vers les cycles économiques est l’accumulation de la dette par les entreprises. Le système financier est caractérisé par un mouvement alterné de phases de stabilité et d’instabilité du fait des interactions entre les différents types de comportements financiers. Ces basculements sont à l’origine des cycles économiques, c’est-à-dire des phases successives d’expansion et de récession.
Pour lui, lorsque les économies capitalistes connaissent des phases d’expansion longues, les déséquilibres et l’endettement deviennent très importants, et la phase d’ajustement est alors très violente. Les cycles économiques courts (de quelques années seulement) sont utiles pour assainir les économies, dans la mesure où chaque phase de ralentissement permet d’éliminer les unités les plus fragiles mais moins les ajustements sont nombreux, plus ils sont profonds. Cela peut permettre de comprendre la crise de subprimes. Celle-ci serait la conséquence de la phase exceptionnellement longue d’expansion des années 1990-2000 qui a vu s’accumuler des déséquilibres qui n’ont pas été corrigés, et en particulier l’accumulation d’une dette excessive des ménages. Cette analyse a donné naissance aux expressions de « paradoxe de tranquillité » et de « moment de Minsky ». Le paradoxe vient du fait que, c’est pendant les périodes de stabilité économique et monétaire, telles que l’épisode de la Grande modération, que se préparent les crises financières. Gauti B. Eggertsson et Paul Krugman dans leur article « Debt, Deleveraging, and the Liquidity Trap » (2011) montrent également que la déstabilisation croissante de l’économie est intimement liée à la dynamique de l’endettement ; les deux auteurs montrent alors que la crise résultante sera d’autant plus sévère que le processus de désendettement contracte le niveau d’activité. L’agrégation des comportements individuels conduit à des effets de composition. Ils génèrent donc 3 paradoxes :
- le « paradoxe de l’épargne » : les agents vont lors d'une crise être davantage incités à épargner. Bien qu’ils soient individuellement rationnels, de tels comportements adoptés collectivement et simultanément par l’ensemble des agents dépriment davantage l’activité économique, ce qui réduit finalement les montants agrégés de l’investissement et de l’épargne.
- le « paradoxe du labeur » : il survient avec un choc d’offre positif, au lieu de se traduire par une élévation de l’output, ce paradoxe va au contraire entraîner une chute des prix et par conséquent une contraction de l’activité selon le mécanisme de la déflation par la dette. La plus grande capacité ou volonté à travailler conduit à un moindre travail effectif.
- le « paradoxe de la flexibilité » : lorsque l’économie connaît un processus de désendettement, une flexibilité accrue des prix et salaires ne facilite pas la reprise de l’activité économique, mais décuple au contraire les effets récessifs. La déflation n’accroît pas la demande, mais élève la valeur réelle de la dette et réduit la dépense des débiteurs.
Enfin, on peut également expliquer les crises financières en s’appuyant sur le mécanisme de mimétisme qui peut se définir comme l’action qui consiste pour un opérateur à imiter les autres intervenants sur le marché financier bien expliqué par André Orléan, Le pouvoir de la finance (1999). Pour lui, il y a une hétérogénéité des acteurs sur les marchés financiers : tous les agents ne sont pas pareillement rationnel (un trader ne prendra pas ses décisions de la même façon que M. Dupont qui gère son portefeuille d’action sur internet) et n’ont pas accès à la même information (hypothèse d’information parfaite fausse).
On distingue traditionnellement deux catégories d’agents : ceux ayant de nombreuses informations et les traitant de manière sophistiquée (trader, banquiers,…) et ceux qui ont une information faible et ayant un traitement limité de cette info. On a ainsi d’un côté les investisseurs rationnels, et de l’autre les « noise traders » : on les nomme ainsi car ils perturbent les anticipations et les calculs des premiers.
Les acteurs rationnels doivent en effet tenir compte du comportement de ces agents non rationnels, ce qui perturbe la dynamique des prix : ils ne reflètent plus alors les fondamentaux. Les agents peuvent donc être conduits à ne pas tenir compte ou à moins tenir compte de l’information personnelle qu’il possède, pour rechercher uniquement à déterminer l’information que possèdent les autres. Un mécanisme de cascade d’opinions est alors envisageable : les agents suivent le comportement des autres opérateurs en ignorant tout ou une partie des informations dont ils disposent.
Plus un agent voit d’autres opérateurs adopter le même comportement plus il est tenté de les imiter et de privilégier cette information sur l’information qu’il détient. Il y a donc apparition de comportements auto-référentiels. En effet, il y a une déconnexion entre le prix de marché et la valeur fondamentale de l’entreprise. Comme tout le monde cherche imiter à un hypothétique comportement moyen, on a un jeu de miroir à l’infini : chacun cherche à anticiper ce que vont faire les autres, d’où des anticipations croisées infinies. Il y a alors une polarisation des anticipations et à l’émergence d’une convention, qui peut-être totalement déconnecté des fondamentaux. Emerge alors une bulle spéculative mais si la convention change, la tendance peut soudainement s’inverser et la bulle éclater : c’est ce qui crée la situation de crise financière. La convention repose sur des bases fragiles puisqu’elle n’est pas fondée sur des données objectives ; on peut alors dire que la crise asiatique ou mexicaine sont des situations où les conventions ont été remises en cause, et où il n’y a plus aucune référence commune. Dès, lors privés de repères, les opérateurs peuvent faire émerger une nouvelle convention provoquant une bulle spéculative négative : les agents vont vendre de manière excessive leurs titres provoquant un effondrement des cours.
Avant les années 1930, la fonction principale du budget de l’État était d’assurer le financement des administrations (des services publics). On ne lui attribuait pas de rôle économique. La gravité de la crise de 1929 va conduire les pouvoirs publics à considérer le budget de l’État comme un levier de la politique économique. Les travaux de l’économiste britannique J. M. Keynes montrant que l’utilisation du budget pouvait avoir une influence sur la demande des agents économiques (consommation, investissement) et, par conséquent sur le niveau de l’activité, vont donner un fondement théorique à cette nouvelle approche.L’après-1945 est souvent considéré comme l’âge d’or des politiques économiques conjoncturelles. En effet, la révolution keynésienne donne une justification très forte à l’intervention de l’Etat dans l’économie. Pour les politiques conjoncturelles l’outil budgétaire est privilégié ; en utilisant le mécanisme du multiplicateur que reprend Keynes, on montre qu’une action budgétaire (hausse des dépenses ou baisse des impôts) est susceptible de relancer l’économie, l’emploi et donc de diminuer le chômage considéré comme involontaire. Cette politique budgétaire peut être accompagnée par une politique monétaire expansive comme le montre le modèle IS-LM (METTRE LE LIEN HYPERTEXTE). Conformément à la courbe de Phillips vue par les keynésiens, lorsque le chômage est faible et l’économie proche du plein-emploi, l’Etat peut être chercher à limiter l’inflation, en menant des politiques plus restrictives. On parle alors de politiques de stop and go pour qualifier ces politiques permettant de piloter l’économie en s’appuyant sur des formes d’arbitrage entre inflation et chômage.
Ainsi, la politique budgétaire est une politique de régulation de la conjoncture. Elle peut servir soit à la relance en cas de crise ou de ralentissement économique soit à éviter la surchauffe de l’économie en freinant l’activité en réduisant la demande des agents économiques. On parle alors de politique de rigueur budgétaire contrairement à la situation de relance. Comment se font ces actions ? La régulation du cycle se fait grâce aux recettes et aux dépenses publiques et peut être volontaire (discretionnaire) ou mécanique (stabilisateurs automatiques). En effet, en cas de ralentissement de la conjoncture, les dépenses publiques (indemnités chômage, prestations sociales, etc.) tendent à augmenter d’elles-mêmes (il y a plus de chômage, plus de difficultés sociales), alors que les recettes perçues par l’État diminuent. Cette situation entraîne une dégradation du solde budgétaire. Ce transfert de revenus de l’État au profit des ménages et des entreprises permet de compenser mécaniquement les effets négatifs du ralentissement économique sans aucune décision spécifique des autorités budgétaires. Les recettes et les dépenses jouent donc le rôle de stabilisateurs automatiques du cycle économique.
Mais, lorsque la conjoncture économique se dégrade fortement ou en cas de crise, les pouvoirs publics peuvent décider d’intervenir directement et de mettre en œuvre des mesures spécifiques en termes de dépenses, d’impôts ou de transferts sociaux afin d’influer volontairement sur la conjoncture. L’État peut ainsi augmenter certaines dépenses publiques comme les aides aux entreprises, les dépenses d’investissement dans des infrastructures, etc. ou diminuer certaines recettes (réduction de l’impôt sur le revenu etc.). Le déficit budgétaire permet ainsi de stimuler l’activité économique à court terme : il s’agit d’une politique de relance qui s’appuie essentiellement sur le mécanisme du multiplicateur keynésien.
Ce type de mécanismes fonctionnent très bien lorsque les anticipations sont stables et l’économie plutôt fermée mais dans un contexte d’ouverture croissante des économies et d’instabilité des comportements économiques, les politiques de relance via la force de l’effet multiplicateur sont moins efficaces. Ainsi, une politique de relance dans ce contexte conduira par exemple à favoriser les entreprises étrangères au détriment des entreprises nationales ce qui aboutira à un effet de relance…à l’étranger !
En outre, le mode de financement du déficit budgétaire peut également poser problème. Si le déficit budgétaire est financé par un recours à la création monétaire, il peut provoquer de l’inflation. Si le déficit budgétaire est financé grâce à des emprunts auprès des agents économiques, il risque de créer un effet d’éviction, c’est-à-dire conduire à un déplacement trop important des ressources d’épargne disponibles vers l’État au détriment des autres agents économiques et peut également poser un problème de soutenabilité des dettes publiques. En effet, une dette importante implique en effet le versement d’intérêts considérables. Cette dépense due à la charge des intérêts aggrave le déficit, ce qui conduit à un nouvel endettement public et peut entraîner une hausse des taux d’intérêt générant un cercle vicieux de la dette qui peut se transformer en effet boule de neige c’est-à-dire une situation où plus on rembourse plus la dette est importante. À partir des années 1990, l’aggravation des déséquilibres budgétaires a conduit, de nombreux pays à adopter des règles contraignantes pour la politique budgétaire. Ces règles budgétaires strictes visent à atteindre un équilibre à long terme des dépenses et des recettes du budget de l’État. De même au sein de l’Union européenne, l’utilisation de la politique budgétaire est contrainte par la fixation d’un niveau maximal autorisé de déficit des administrations publiques (3% du produit intérieur brut).
La définition première de la politique monétaire est l’ensemble des moyens mis en œuvre par un État ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie. Le rôle de la politique monétaire est de veiller à la stabilité monétaire et financière. Ce qui consiste à fournir les liquidités nécessaires à la croissance de l’économie tout en garantissant la stabilité de la monnaie. L’augmentation de la quantité de monnaie disponible dans l’économie ne doit être ni trop faible (le risque est de limiter l’activité économique, si les moyens de paiement en circulation sont insuffisants), ni trop rapide par rapport à la croissance de la production (le risque est de provoquer une hausse des prix, inflation, si le pouvoir d’achat à la disposition des agents est supérieur à l’offre de biens et services disponibles).
Au sein de la zone euro, la politique monétaire commune menée par la Banque Centrale Européenne se caractérise par un objectif de maintien de la stabilité des prix avec une cible d’inflation à moyen terme de 2%. L’Euro système, qui est constitué de la Banque centrale européenne (BCE) et des banques centrales des 19 pays membres de la zone euro (dont la France) est chargé de piloter la politique monétaire de la zone euro. Afin de maintenir l’inflation à un niveau bas et stable de façon durable, les banques centrales disposent de plusieurs instruments. Le principal instrument de la politique monétaire est le pilotage des taux d’intérêt directeurs et des taux d’intérêt du marché monétaire (marché interbancaire). Il s’agit donc pour la BC de fournir les liquidités nécessaires à la croissance de l’économie tout en garantissant la stabilité de la monnaie. L’augmentation de la quantité de monnaie disponible dans l’économie ne doit être ni trop faible (le risque est de limiter l’activité économique, si les moyens de paiement en circulation sont insuffisants), ni trop rapide par rapport à la croissance de la production (le risque est de provoquer une hausse des prix, inflation, si le pouvoir d’achat à la disposition des agents est supérieur à l’offre de biens et services disponibles). Les taux directeurs correspondent aux taux d’intérêt que la banque centrale applique aux banques commerciales auxquelles elle accorde des prêts (cette opération correspond au refinancement des banques par la banque centrale). La banque centrale a ainsi la possibilité de faire varier le coût de la monnaie en fonction de la conjoncture économique. Les taux directeurs déterminent le niveau des autres taux bancaires, notamment ceux auxquels les banques commerciales accordent des crédits aux agents économiques (ménages, entreprises, etc.). On parle de "taux directeurs" car ils influent indirectement sur tous les autres taux d’intérêt. La demande de crédit va ainsi augmenter ou ralentir en fonction des taux directeurs. La banque centrale peut déterminer grâce à cet instrument le niveau de la création monétaire, c’est-à-dire la monnaie en circulation dans l’économie, créée via les crédits accordés par les banques commerciales. Le marché interbancaire permet aux banques de se prêter chaque jour des liquidités à court terme. Sur ce marché, le niveau des taux est déterminé par le jeu de l’offre et de la demande de monnaie. Comme la banque centrale est un acteur très important sur le marché monétaire son action permet d’orienter les taux. Les facilités de prêt ou de dépôt qui permettent aux banques commerciales d’emprunter ou de déposer des liquidités auprès de la banque centrale (pour une durée d’un jour à une semaine). Le système des réserves obligatoires qui sont des dépôts rémunérés que les banques doivent effectuer auprès de la banque centrale. Elles correspondent à une part du total des dépôts réalisés par les clients auprès de ces banques. Le montant des réserves obligatoires calculé en moyenne sur une période de quelques semaines permet de stabiliser le taux du marché monétaire et constitue une contrainte sur les liquidités des banques et augmente leur besoin d’emprunt.
L'Eurosystème dispose de ces instruments : il effectue des opérations d'open market, offre des facilités permanentes et impose aux établissements de crédit la constitution de réserves obligatoires rémunérées sur des comptes ouverts sur les livres des banques centrales nationales. Cependant, la crise financière de 2008 a conduit les banques centrales à mettre en œuvre de nouvelles mesures dites "non conventionnelles". L’objectif était d’adopter des moyens inédits pour améliorer le financement de l’économie, de lutter contre le risque de déflation (baisse des prix) et le ralentissement de la croissance. Ces mesures sont de différentes natures en fonction de l’objectif poursuivi et du mode de financement de l’économie (via les marchés financiers ou par l’intermédiaire du système bancaire). Il s’agit par exemple de l’introduction de taux d’intérêts négatifs afin de faire payer aux banques commerciales leurs dépôts à vue à la BCE pour les inciter plutôt à prêter ces fonds. Il y a également la mise en œuvre d’une stratégie de communication transparente dite de "guidage prospectif" qui consiste à annoncer à l’avance les orientations de la banque centrale comme les indications sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs. Alors qu’autrefois les banques centrales préféraient que leurs décisions soient imprévisibles, cette nouvelle approche offre aux agents économiques une meilleure visibilité sur l’évolution de la politique monétaire (l’environnement monétaire est plus stable ce qui facilite de futurs projets d’emprunt). Ensuite, on peut citer l’adoption d’une politique de taux directeurs très accommodante afin d’encourager la demande de liquidités par les banques commerciales avec l’octroi notamment de prêts à plus long terme. Enfin, il y a les programmes "d’assouplissement quantitatif" qui consiste dans le cas de la BCE à intervenir directement sur le marché secondaire (distinct du marché primaire où sont émis la première fois les titres et sur lequel la BCE ne peut pas intervenir) en achetant massivement des titres financiers aux banques (comme le rachat d’obligations émises par les États de la zone euro) afin de leur fournir davantage de liquidités et faire baisser les taux d’intérêt dans le but de stimuler le crédit. Une autre conséquence indirecte possible de la baisse des taux d’intérêt est un effet sur le taux de change à travers une baisse de la valeur de la monnaie qui peut favoriser les exportations.