Les transformations de l’entreprise et de sa gouvernance depuis le XIXème siècle -Dossier documentaire

Sommaire

Document 1 : Concentration des entreprises et mutations économiques au début du 20ème siècle

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A partir de la fin du 19ème siècle, la taille des entreprises s’accroît rapidement. Les causes en sont bien connues. Le développement des grands travaux industriels, comme la construction des chemins de fer transcontinentaux aux Etats-Unis, en Russie et dans les colonies européennes d’Afrique et d’Asie, multiplie par 10 les lignes ferroviaires en Europe et par 20 aux Etats-Unis entre 1850 et 1900. Le percement des canaux transocéaniques (Suez 1869, Panama 1881-1914) puis, plus généralement, le développement, dans les nouveaux Etats-nations, d’infrastructures publiques standardisées (les gares, les routes, les écoles, les hôpitaux, les équipements militaires) supposent des entreprises produisant de plus en plus rapidement, à prix faibles, des produits normalisés pour des commandes publiques. Parallèlement, la concentration de la population dans les villes impose des systèmes de transport et de distribution concentrés : aux Etats-Unis, 30 % de la population est urbanisée en 1890 contre 4,5 % en 1830 ; en France, 44,7 % en 1900 contre 18 % en 1800. Ces pressions économiques sont de puissants facteurs pour accroître la taille des entreprises et rationaliser la production.

Source : P-Y Gomez, H. Korine, L’entreprise dans la démocratie, De Boeck, 2009

 

Questions :

1) Dégager les principales mutations économiques qui caractérisent le début du XXème siècle

2) Quelles conséquences sur les entreprises ?

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1) Dégager les principales mutations économiques qui caractérisent le début du XXème siècle.

           L’époque se caractérise par le développement d’un certain nombre de voies de communication : les investissements dans le rail et les infrastructures liées, dans le percement de canaux sont les grands chantiers du moment. Dans le même temps, la construction d’infrastructures publiques est intense et accompagne la transformation des villes. Ces enjeux économiques s’accompagnent de transformations sociales.

2) Quelles conséquences sur les entreprises ?

Face à de telles commandes, les entreprises sont conduites à rationaliser leur processus de production : investissement dans les machines et organisation du travail sont les maîtres mots. L’ampleur des investissements nécessite des stratégies de concentration horizontale principalement à cette époque. La taille moyenne des entreprises augmente donc.

Document 2 : Les caractéristiques de la fonction d’entrepreneur

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Les caractéristiques de la fonction d’entrepreneur sont : une manière spéciale de voir les choses, […] la capacité d'aller seul et de l'avant, de ne pas sentir l'insécurité et la résistance comme des arguments contraires, enfin la faculté d'agir sur autrui. […] On voit maintenant pourquoi nous avons attaché tant d'importance au fait d'exécuter de nouvelles combinaisons et non au fait de les trouver ou de les inventer. La fonction d'inventeur ou de technicien en général, et celle de l'entrepreneur ne coïncident pas. […] La tâche d’entrepreneur est très spéciale : celui qui peut la résoudre, n'a pas besoin d'être sous d'autres rapports ni intelligent, ni intéressant, ni cultivé, ni d'occuper en aucun sens une « situation élevée » ; il peut même sembler ridicule dans les positions sociales où son succès l'amène par la suite. Par son histoire, il est hors de son bureau typiquement un parvenu, il est sans tradition, aussi est-il souvent incertain, il s'adapte, anxieux, bref il est tout sauf un chef. Il est le révolutionnaire de l'économie.

Source : J.A. Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1912

 

Questions :

1) Comment Schumpeter définit-il l’entrepreneur ?

2) Quelles sont ses qualités ?

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1) Comment Schumpeter définit-il l’entrepreneur ?

   Selon Schumpeter, l’entrepreneur est un être à part. Il se caractérise avant tout par ses qualités de visionnaire et sa capacité à sortir de la routine, à innover. La fonction d’entrepreneur ne se confond donc pas avec celle de propriétaire ou de gestionnaire.

2) Quelles sont ses qualités ?

L’entrepreneur schumpétérien n’est pas un être particulièrement intelligent et cultivé. Il n’est pas nécessairement issu d’un milieu à statut social élevé. Il est avant tout hors des traditions, des habitudes et du conformisme. C’est un individu libre, capable de modifier les pratiques habituelles. En ce sens, il a un esprit révolutionnaire.

Document 3 : Variation de la contration par secteurs aux Etats-Unis

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Questions : vrai-faux

 

Document 4 : Les firmes

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Pour l’historien A. Chandler (La main visible des managers, 1977),  […] la firme unitaire repose sur un système décisionnel centralisé, une division des tâches et une spécialisation des fonctions. La direction générale prend les décisions d’orientation économique générale de l’entreprise.

Au niveau inférieur, on trouve des directions spécialisées dans une fonction : production, marketing, finances … Elles sont dirigées par des spécialistes du domaine concerné. […] L’objectif d’une telle organisation est double : réaliser des économies d’échelle et rationaliser la production en centralisant la prise de décision et en séparant conception et exécution. […] La division du travail est horizontale, mais la circulation de l’information est verticale. La firme U est adaptée aux productions standardisées, […] mais la stricte séparation des fonctions rend difficile l’innovation, l’adaptation aux défauts de production et la réponse aux changements de demande du consommateur. […]

 La forme multidivisionnelle, adoptée par les entreprises américaines dans les années 1950 et par les firmes européennes dans les années 1960, offre d’importants avantages en termes de flexibilité et de circulation d’informations. Elle fonctionne sur le principe d’un système de prise de décisions décentralisées. La firme est séparée en divisions autonomes, qui peuvent correspondre à des activités productives ou à des zones géographiques. Chaque division est organisée sous forme unitaire agissant, à son niveau, comme une quasi-firme (ou « centre de profit »). […] Par rapport à la forme en U, cette forme d’organisation favorise une plus grande flexibilité.  […] Le passage de la forme en U à la forme en M se traduit par une nouvelle conception de la hiérarchie des fonctions au sein de l’entreprise : les managers prennent le pas sur les ingénieurs.

Source : A. Beitone et alii, Economie, Sociologie et Histoire du Monde contemporain, Bréal, 2013

 

Questions : QCM (plusieurs propositions peuvent être exactes)

1) Dans la firme unitaire, le système de décision …

  • a) décentralisé
  • b) centralisé
  • c) rationalisé

2) La firme multidivisionnelle est particulièrement adaptée aux…

  • a) productions flexibles
  • b) productions standardisées
  • c) productions en grandes séries homogènes

3) Dans la firme U, la division du travail est plutôt…

  • a) stricte
  • b) souple
  • c) uniforme

4)Dans les années 1950, la forme M est celle des entreprises …

  • a) Allemandes
  • b) Américaines
  • c) Françaises

 

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1) Dans la firme unitaire, le système de décision …

  • b) centralisé
  • c) rationalisé

2) La firme multidivisionnelle est particulièrement adaptée aux…

  • a) productions flexibles

3) Dans la firme U, la division du travail est plutôt…

  • a) stricte

4) Dans les années 1950, la forme M est celle des entreprises …

  • b) Américaines

Document 5 : La firme réseau

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Une firme-réseau regroupe contractuellement un ensemble de firmes juridiquement indépendantes reliées verticalement, au sein duquel une firme principale, qualifiée de firme-pivot, de firme-noyau ou encore d’agence centrale, coordonne de manière récurrente des opérations d’approvisionnement, de production et de distribution.

Les échanges intra-réseau, donc entre les firmes qui composent le réseau, sont en partie « hors marché », puisque les produits ne préexistent pas à l’échange. Dès lors, soit le produit existe sous forme de « plan » conçu par la firme-pivot, et le fournisseur se chargera de la fabrication, soit il n’existe que sous forme de « besoin » exprimé par le client et c’est en commun que le client et le fournisseur effectueront la conception, le fournisseur se chargeant ensuite de la fabrication. Le fournisseur doit ainsi accepter de nombreuses obligations contractuelles de la part du client, et notamment des directives techniques plus ou moins contraignantes (plan de la pièce, spécifications fonctionnelles, etc.). Il s’agit ici d’une originalité centrale de la firme-réseau dans la mesure où il n’existe pas de confrontation entre une offre et une demande portant sur des biens parfaitement standardisés et homogènes. Dans ces conditions, le problème central de la firme-pivot est un problème d’organisation de la production : elle doit rechercher des compétences dont elle ne dispose pas (ou plus si elle a externalisé l’activité) et, corrélativement, il existe un impératif de coordination important, lequel ne peut être résolu par le seul marché, marché entendu au sens classique du terme. […]

Ainsi définie, la firme-réseau se rencontre dans de nombreux secteurs, l’automobile, la construction aéronautique, la chaussure, le textile, le bâtiment, l’édition cinématographique, l’informatique, l’agro-alimentaire.

Source : Bernard Baudry, La question des frontières de la firme. Incitation et coordination dans la firme-réseau,  Revue économique 2004/2 (Vol. 55).

 

Questions :

1) Quelle est l'originalité de la firme réseau ?

2) En quoi les firmes qui la composent sont-elles davantage liées par des relations de co-traitance plutôt que de sous-traitance ?

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1) Quelle est l’originalité de la firme réseau ?

Le terme firme-réseau vise à mettre l’accent sur la spécificité de groupes industriels nés de la mondialisation. Une firme-réseau relie par des contrats un ensemble de firmes, chacune étant indépendante sur le plan juridique, dans une logique verticale. La firme firme-pivot est celle qui coordonne l’ensemble des relations intra-réseau entre ces acteurs.

2) En quoi les firmes qui la composent sont-elles davantage liées par des relations de co-traitance plutôt que de sous-traitance ?

Dans les échanges intra-réseau, les produits ne préexistent pas sur le marché. Il n’y a donc pas un besoin exprimé par le client et une confrontation des offres possibles. Le plus souvent le client et le fournisseur coconçoivent le produit

Document 6 : stockholders et stakeholders.

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Le terme « Stakeholder » est le plus souvent traduit par partie prenante et donc le mot « stake » par parti pris – bien que cette traduction soit approximative – mais également par partie intéressée, ayant droit, dépositaire. Cependant, il faut prendre garde lorsque l’on effectue un tel exercice de traduction à la signification que l’auteur lui-même souhaite conférer au terme employé et qui peut différer d’une contribution à une autre. (…) A l’origine, le terme Stakeholder est un néologisme provenant d’un jeu de mots avec le terme « Stockholder » désignant l’actionnaire et qui permet d’étendre cette dernière notion à des groupes à l’égard desquels l’entreprise a une responsabilité. Si le terme de Stakeholder en lui-même est apparu dans les années 1960 et ne s’est véritablement popularisé que dans les années 1980, les origines de la notion de partie prenante sont à rechercher dans les années 1930 : chez Bearle & Means (1932), tout d’abord, qui constatent très tôt que les dirigeants sont confrontés à une pression sociale afin qu’ils reconnaissent leurs responsabilités auprès de tous ceux qui peuvent être affectés par les activités organisationnelles. […] La General Electric Company identifie ainsi, dans les années 1930, quatre groupes majeurs en relation avec elle : les actionnaires, les employés, les clients et la communauté) afin de mieux pouvoir faire face à la dépression. […] Ces développements permettent de ne plus envisager l’entreprise comme un monde clos et de mettre fin à la vision actionnariale de la firme – selon laquelle seule la satisfaction des actionnaires compte – puisque celle-ci est désormais envisagée comme une entité ayant des relations avec son environnement au cours desquelles se nouent des liens avec et entre les parties prenantes. Ainsi, les considérations financières, si elles demeurent prééminentes, ne sont plus les seules. […] Le concept de Stakeholder sera, en effet, d’abord mobilisé en management stratégique avant de servir de fondement aux questions de gouvernance d’entreprise, d’éthique organisationnelle et même de politique (…).

Source : Astrid Mullenbach, L'apport de la théorie des parties prenantes à la modélisation de la responsabilité sociétale des entreprises, La Revue des Sciences de Gestion 2007/1 (n°223)

Questions :

1) Définir les termes stockholders et stakeholders.

2) En quoi cette approche conduit-elle à l’idée de « responsabilité » de la firme ?

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1) Définir les termes stockholders et stakeholders.

Les stockholders (ou shareholders) sont les actionnaires, les investisseurs. Les stakeholders incluent l’ensemble des parties prenantes impliquées par l’entreprise, c’est-à-dire ceux qui prennent part à l’activité : les fournisseurs, les clients, les salariés, les pouvoirs publics, les associations de riverains, etc.

2) En quoi cette approche conduit-elle à l’idée de « responsabilité » de la firme ?

Considérer l’existence de diverses parties prenantes conduit à l’idée d’une responsabilité sociale de l’entreprise mettant l’accent sur une orientation des choix, de la gouvernance de l’entreprise qui tienne compte des enjeux productifs mais aussi humains, sociaux, environnementaux. Dans cette logique, l’entreprise ne doit donc pas être gouvernée uniquement en fonction de l’évolution du cours des actions mais sa gouvernance doit intégrer aussi des choix plus éthiques.

Document 7 : Le rôle des managers

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Personnage pour le moins singulier que ce chef d’entreprise, impossible à classer dans les catégories classiques : ce n’est ni un capitaliste, ni un inventeur, ni même un entrepreneur. C’est d’abord un employeur, auquel la loi reconnaît, en corollaire du contrat de travail, des pouvoirs de direction vis-à vis des travailleurs. Mais c’est aussi un personnage dont le pouvoir l’emporte rapidement sur celui des associés-actionnaires.

 Adolphe Berle, juriste, décrit avec l’économiste Gardiner Means1 cette révolution provoquée par de la « modern corporation ». Dans l’entreprise, les actionnaires, qui étaient dans les sociétés commerciales de véritables associés et souvent des administrateurs, apparaissent davantage comme des fournisseurs de capitaux que comme de véritable membre du collectif. Berle et Means montrent que, dans la plupart des grandes sociétés américaines, aucun des actionnaires n’a suffisamment d’actions pour peser réellement sur les décisions stratégiques de l’entreprise. Mais la dilution de chaque actionnaire n’explique qu’en partie cette révolution. C’est aussi que la direction des entreprises du début du 20ème siècle n’est plus celle des sociétés commerciales. Si les propriétaires du capital incarnaient hier le pouvoir patronal légitime, les compétences requises pour organiser la dynamique de création industrielle ne sont plus celles des administrateurs de sociétés. Hormis quelques investisseurs-entrepreneurs, les actionnaires délèguent volontiers la direction aux hommes de terrain, souvent des ingénieurs, plus compétents, qui se consacrent à plein temps à l’entreprise. Cette délégation était prévue en France dans la loi de 1867, mais elle n’allait pas de soi : si l’on désigne un « étranger » (c’est-à-dire quelqu’un qui n’est pas actionnaire) comme directeur, c’est – selon un commentateur de l’époque – pour ne pas priver la société anonyme « du concours d’une personne étrangère dont les lumières et les aptitudes spéciales peuvent être l’instrument de sa fortune ». […]

 Le développement ultérieur de techniques de gestion (ou de management dans le vocabulaire contemporain) viendra fournir l’outillage qu’exige la mise en œuvre de ces grands principes. Mais la mission des chefs d’entreprise se démarque de celle des patrons traditionnels parce qu’elle est avant tout créatrice. Les dirigeants doivent inventer un nouvel usage des ressources disponibles. Ils ne sont pas appelés pour exécuter un plan déterminé, mais pour proposer des stratégies jusqu’alors inconnues de leurs mandants. A la fin du 19ème siècle, face à la dépression qu’accusent de nombreux secteurs industriels, on attend d’eux qu’ils améliorent la qualité des produits, renforcent la productivité, diversifient les marchés, voire réorientent complètement l’outil productif. Et c’est finalement à l’aune des capacités d’une entreprise à innover que sont évalués les qualités de son dirigeant. Le nouveau chef d’entreprise doit aussi démontrer sa capacité à mobiliser. Car s’il n’était pas capable de rallier des hommes à son projet, le chef d’entreprise serait comme un chef d’orchestre sans musiciens ! Dans l’ancien schéma de la manufacture, le salaire pouvait suffire à motiver les ouvriers. Mais le développement créatif d’une entreprise requiert des salariés un engagement autrement plus fort : ils doivent acceptés d’être formés, et leur participation, comme celle des actionnaires, doit s’inscrire dans la durée. Le projet collectif étant par nature incertain, l’entreprise n’est donc viable que si les dirigeants sont en mesure de construire un projet fédérateur et de remporter l’adhésion des salariés comme des actionnaires. Avec le recul, ces attributs du chef d’entreprise peuvent nous sembler banals. […]

L’autorité des dirigeants a nécessité un processus d’institutionnalisation complexe. Au début du 20ème siècle, leur compétence leur donnait un poids qui contrebalançait celui que la propriété du capital donnait aux actionnaires. Encore fallait-il que cette compétence administrative nouvelle soit explicitée et reconnue. En l’occurrence, il ne s’agit ni du savoir pratique des contremaîtres, ni du savoir savant et trop abstrait des économistes. […]. Autant les capitalistes travaillaient pour leur intérêt personnel, autant ces nouveaux dirigeants se prévalent, au moins dans leurs doctrines, de poursuivre le bien de l’entreprise.

Source : Blanche Segrestin, Armand Hatchuel, Refonder l’entreprise, La République des Idées, Seuil, 2012,

Note : Berle A. et Means G. (1932), The Modern Corporation and Private Property.

Questions :

1) En quoi le terme « entrepreneur » a-t-il pu couvrir des réalités très différentes ?

2) En quoi consiste la « révolution managériale » décrite par Berle et Means ?

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1) En quoi le terme « entrepreneur » a-t-il pu couvrir des réalités très différentes ?

Ce terme renvoie à la fois au chef d’entreprise, à l’employeur et au détenteur de capital. Or ces trois fonctions ne sont pas toujours assurées par la même personne. Au fil de l’histoire de l(entreprise moderne, la hiérarchie entre ces fonctions a évolué.

2) En quoi consiste la « révolution managériale » décrite par Berle et Means ?

Ces deux économistes montrent dans leur ouvrage publié dans les années 30 que le pouvoir du manager l’emporte sur celui des associés-actionnaires. D’une part, les actionnaires n’ont, en général, pas assez d’actions pour peser vraiment sur les décisions stratégiques de l’entreprise. Par ailleurs, les compétences techniques requises pour organiser la dynamique de production industrielle des grandes entreprises du début du XXème siècle nécessitent de faire appel des spécialistes (des managers), souvent des ingénieurs. Les actionnaires attendent d’eux qu’ils améliorent la qualité des produits, raugmentent la productivité, diversifient les marchés, etc. Ils doivent aussi être des meneurs d’hommes.

Document 8 : L’entreprise comme organisation collective de l’innovation

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Contrairement à une thèse courante, ce n’est pas la production de masse qui a suscité l’entreprise moderne. […] Malgré la concentration des machines, de la main d’œuvre ou des capitaux, les cadres de pensée et les représentations de l’action collective n’ont pas encore changé au milieu du 19ème siècle. […] L’entrepreneur apparaît comme le grand orchestrateur des différentes contributions. […] Les entrepreneurs anglais qui ont fait la Révolution industrielle au 18ème siècle ont développé des biens ou des machines qui n’existaient pas auparavant. Ce faisant, ils ont introduit un régime d’innovation qui a, par la suite, bouleversé la manufacture et la vente. La maison Watt & Boulton, par exemple, ne s’est pas contentée d’agréger des gestes artisanaux quand elle a mis au point sa nouvelle génération de machines à vapeur ; elle a repensé toute l’organisation du travail. Et elle s’est appuyée pour cela sur une activité intense de création de savoirs, en lien notamment avec la Lunar Society, qui fut l’une des sociétés savantes les plus originales du 18ème siècle. A la Lunar Society se côtoyaient de nombreux manufacturiers et inventeurs de la révolution industrielle. Parmi eux, Richard Arkwright. Celui-ci concevait et exploitait des filatures qui réunissaient des centaines de métiers automatiques. Mais Arkwright a aussi inventé un nouveau modèle économique car son affaire reposait aussi sur les royalties qu’il tirait de la vente des droits sur ses nouvelles techniques. Autre membre le Lunar Society, Josiah Wedgwood a bouleversé les techniques de la faïence et compris qu’il fallait accompagner le renouvellement rapide des goûts de la nouvelle bourgeoisie anglaise : il est considéré comme l’inventeur du marketing pour avoir, le premier, organisé un salon d’exposition à Londres. Ces pionniers ont donné le ton d’un rapport nouveau à l’action collective et à la richesse. Quelques années plus tard, Charles Babbage est l’un des premiers et des rares à penser ces bouleversements. Inventeur mais aussi économiste, il observe que la richesse ne tient pas seulement à la puissance commerciale du marchand ou aux acquis des métiers artisanal : il découvre que leur valeur est continuellement érodée par le renouvellement inventif des biens et des techniques avec lequel il est indispensable de compter. Mais comment susciter l’invention technique dans une manufacture traditionnelle ? Comment continuer à penser le travail quand il faut l’adapter à un flux constant d’idées nouvelles ? Tant que l’invention restait le fait d’individus isolés et que toute compagnie pouvait acheter leur invention, alors l’activité économique pouvait être assimilée à celle d’un marchand. Mais progressivement, une nouvelle génération d’ingénieurs et de techniciens va devenir nécessaire aux compagnies. Celles-ci prennent conscience que l’invention est une activité qui peut (et qui doit) être à la fois collective et organisée. L’entreprise telle que nous la concevons aujourd’hui correspond à une nouvelle représentation de l’action collective qui n’émerge qu’à la toute fin du 19ème siècle. Elle ne résulte ni de l’avancement du savoir économique ni même des révolutions politiques. Elle prend d’abord sa source dans la diffusion du machinisme et d’un esprit scientifique inédit. Et si elle se démarque d’emblée des formes d’organisation classiques, ce n’est pas par un renforcement de la division du travail ou par sa production de masse, mais par un objectif aussi surprenant qu’inattendu : celui qui consiste à organiser collectivement l’activité inventive, en mobilisant une démarche scientifique. […] L’entreprise se forme comme un collectif original, dédié à l’activité inventive. Son objectif n’est pas seulement d’accumuler du profit par les moyens du marchand ; elle se veut créatrice de nouveaux potentiels de valeurs. Elle ne cherche pas seulement à exploiter le progrès technique, mais à l’accélérer. Et pour cela, elle ne compte pas sur l’exploitation des ressources déjà là, mais sur le renouvellement de son infrastructure technique et la maîtrise de la dynamique de l’innovation. A cet égard, ce qui compte, ce n’est pas seulement le capital qu’elle accumule, mais les brevets qu’elle détient, les savoir-faire qu’elle suscite, les techniciens qu’elle forme, les méthodes de travail qu’elle déploie. […] L’entreprise n’est plus une société chargée de gérer le patrimoine de ses associés. Elle ne se définit ni par ses associés initiaux, ni par l’objectif de valoriser les biens sociaux, ni par une technique particulière : elle se décrit comme une capacité de développement, sans limite quant à la nature des biens qu’elle produira, aux techniques qu’elle mobilisera ou aux personnes qui participeront à son aventure. C’est une puissance de création sans équivalent dans la mesure où ni ses formes ni ses résultats ne sont prédéterminés. Une telle conception ne pouvait que bouleverser deux données majeures de l’action collective : la nature du travail et la légitimité du pouvoir patronal.

Source : Blanche Segrestin, Armand Hatchuel, Refonder l’entreprise, La République des Idées, Seuil, 2012.

 

Questions

1) Le progrès technique suffit-il, selon les auteurs, à expliquer l’émergence de l’entreprise moderne ?

2) A quelle définition de l’entreprise cette analyse mène-t-elle ?

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1) Le progrès technique suffit-il, selon les auteurs, à expliquer l’émergence de l’entreprise moderne ?

Le développement technique, le machinisme, la production de masse n’expliquent pas réellement l’entreprise moderne. En effet, la concentration des machines, de la main d’œuvre ou des capitaux, n’ont pas transformé directement la vision de l’entreprise. Il a fallu des entrepreneurs nouveaux pour introduire ce que A. Hatchuel et B. Segrestin appelle ici « un régime d’innovation » pour bouleverser la vision de la production et de la commercialisation. Ces entrepreneurs-innovateurs ont fait de la production une « action collective », ce qu’elle n’était pas auparavant.

2) A quelle définition de l’entreprise cette analyse mène-t-elle ?

L’entreprise est définie comme un « collectif » dont la finalité est l’innovation. C’est sa capacité de création qui la caractérise et non son mode de propriété.

Document 9 : La gouvernance actionnariale

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Depuis vingt ans, les données qui ont été accumulées montrent l’effet des principes de gouvernance sur les entreprises. La stature des dirigeants est la première touchée. […] La recherche systématique du profit à court terme a conduit les managers à passer outre les règles minimales du professionnalisme (et de la déontologie), comme on l’a vu en 2008 dans le cas des banques. Une banque comme Goldman Sachs, qui arborait pourtant des principes de bonne gouvernance dès 1979, pouvait spéculer au détriment de ses clients en vendant des produits financiers complexes tout en pariant sur leur chute prochaine […]  Assurément, les incitations financières accordées aux dirigeants ne sont pas étrangères à ces dérives. Avec le développement des stock-options, les dirigeants sont devenus très attentifs à la valeur de l’entreprise en bourse. […]. En pratique, les dirigeants s’effacent parfois devant les actionnaires qui prennent eux-mêmes les commandes de l’entreprise. […] Dans certaines entreprises, les dirigeants semblent être devenus les commis des actionnaires. Mais il faut souligner un fait trop rarement évoqué. Les dirigeants sont souvent accusés de mener une gestion à court terme et au bénéfice des actionnaires. Mais ont-ils vraiment le choix ? Incités financièrement, les dirigeants sont aussi menacés, à tout moment, d’être démis de leurs fonctions. Les actionnaires, faut-il le rappeler, peuvent les révoquer ad nutum, c’est-à-dire sans avoir à justifier leurs décisions. Et il est de moins en moins rare de voir les dirigeants débarqués simplement parce qu’ils n’ont pas satisfait aux exigences de leurs actionnaires. . Une étude a montré qu’entre 1995 et 2006 le turnover annuel des dirigeants a augmenté de 59 % : en 1995, un départ sur huit était involontaire, tandis que plus du tiers des départs sont forcés en 2006. Les révocations des dirigeants liés expressément à la faiblesse des résultats ont augmenté de 318 %. Et si cela ne suffit pas, la menace de révocation interne est doublée d’un contrôle par le marché : d’autres actionnaires peuvent se porter acquéreur de l’entreprise (via une OPA) s’ils jugent que le cours en bourse est mal traité. […] La marge de manœuvre des dirigeants est donc de plus en plus étroite. Si on pouvait craindre, au début du 20ème siècle, l’extraordinaire pouvoir dont jouissaient les managers, c’est leur faiblesse que l’on doit craindre en ce début de 21ème siècle.

Source : Blanche Segrestin, Armand Hatchuel, Refonder l’entreprise, La République des Idées, Seuil, 2012.

 

Questions :

1) Quels sont les effets de la gouvernance actionnariale ?

2) En  quoi les dirigeants d’entreprise voient-ils leur position fragilisée ?

 

 

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1) Quels sont les effets de la gouvernance actionnariale ?

La priorité, imposée par les actionnaires, à recherche du profit à court terme a modifié les pratiques managériales en matière de prise de risques (l’exemple des banques le montre, comme on l’a vu avec la crise financière de 2008). Par ailleurs, c’est la gestion de court-termiste qui prime. D’une certaine façon, les actionnaires ont pris les « commandes de l’entreprise » comme l’écrivent A. Hatchuel et B. Segrestin.

2) En  quoi les dirigeants d’entreprise voient-ils leur position fragilisée ?

Le pouvoir des managers s’est effrité comme en témoigne l’accroissement de leur taux de turnover. La mobilité des dirigeants de sociétés dépend de facteurs internes mais aussi externes. D’une part, leur position est instable du fait de menaces de révocation par les actionnaires si les résultats ne conviennent pas à leurs attentes. Par ailleurs, en externe, d’autres actionnaires potentiels peuvent entrer, via des acquisitions de titres, à tout moment dans le capital et exclure le manager. L’action du dirigeant est donc également observée par les acteurs du marché financier;

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