
Des pistes pour le Grand Oral de :
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SES
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SES et SVT
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SES et Mathématiques
Présentation du Grand angle 6 :
Objectifs d’apprentissage et problématique
Questionnement 12 du programme – Comment l’assurance et la protection sociale contribuent-elles à la gestion des risques dans les sociétés développées ?
- Comprendre que l’exposition au risque et l’attitude face au risque (perception du risque, aversion au risque, conduites à risque) diffèrent selon les individus, les groupes sociaux et les sociétés, et être capable de l’illustrer par des exemples.
- Connaître les principes (prévention, mutualisation et diversification) qui permettent la gestion collective des risques et savoir les illustrer par des exemples.
- Cours sur Melchior
Questionnement 9 du programme – Quels sont les processus sociaux qui contribuent à la déviance ?
- Comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des formes de contrôle social.
- Comprendre que la déviance et/ou la désignation d’un acte comme déviant se définissent comme une transgression des normes et qu’elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux.
- Comprendre que la déviance peut s’analyser comme le produit de différents processus sociaux (étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).
- Cours sur Melchior
Compétences transversales travaillées :
- Mobilisation des connaissances
- Collecte et traitement de l’information
- Analyse et mobilisation de documents de natures diverses
- Construction d’une argumentation / d’un raisonnement rigoureux à l’écrit et à l’oral
Problématique : La vaccination, un enjeu collectif soumis aux conduites et perceptions individuelles des risques.
Entretien avec Cédric Villani :
Activité 1 – Consolidation des connaissances sur la notion de risques en SES, complétez ces phrases :
Activité 1 -
1. Définition du risque : possibilité de survenue d’un événement indésirable …
2. Les risques économiques renvoient généralement aux faillites des entreprises, …
3. Les risques sociaux désignent les risques pris en charge par la protection sociale comme la maladie mais aussi...
4. Paradoxalement, la couverture du risque peut transformer le comportement des agents en augmentant la prise de risques économiques : il s'agit de ...
5. Le partage des risques passe généralement par une prise en charge collective désignée comme la …
Activité 2 – La politique vaccinale : un exemple de gestion collective du risque
Activité 2 –
Modalité : En présentiel, accès internet nécessaire / Distanciel possible.
Lien vers l’éclairage Vaccins et politique vaccinale : quelle situation en France ? publié par Vie publique le 23 décembre 2020.
Questions :
1. Rechercher et définir – Quel est le principe de la vaccination ?
2. Expliquer - Par la vaccination, se protège-t-on soi-même ou protège-t-on les autres ?
3. Déduire – Si l’on protège les autres en se vaccinant, à quelle notion économique, étudiée dans les questionnements sur le marché, pouvons-nous avoir recours ici ?
4. Expliquer – La vaccination correspond à une gestion collective des risques mais selon quel principe : prévention, mutualisation ou partage des risques ?
5. Expliquer – Décrivez la « balance bénéfices/risques » citée dans le document, du point de vue de l’État.
6. Expliquer – Le principe de prévention implique deux axes d’action : l’information et la réglementation. Retrouvez ces deux axes dans « l’éclairage » de Vie publique.
7. Rechercher et définir - Selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la vaccination contre la Covid est un « bien commun mondial » à construire. L’utilisation de la notion de bien commun est-elle pertinente dans ce cas ?
Activité 3 – Se faire vacciner en France : une perception excessive du risque ?
Activité 3 –
1. Analyser – Selon « l’éclairage » de Vie publique, la vaccination est-elle obligatoire ?
2. Analyser - Pourquoi peut-on dire que la gestion des risques collectifs oscille ici entre prévention et obligation ?
3. Analyser – Quels arguments sociologiques justifient une perception du risque lié à la vaccination plus élevée dans la société française qu’ailleurs ? Expliquez les phrases suivantes.
Exercice 1 - Entraînement à la deuxième partie de l’épreuve composée
Deuxième partie – Étude d’un document (6 points)
Profil des personnes défavorables à certaines vaccinations selon la nature du vaccin
Questions :
1. A l’aide du document, vous montrerez que l’opinion défavorable à la vaccination contre la grippe saisonnière est corrélée au niveau de diplôme. (2 points)
2. A l’aide du document et de vos connaissances, vous expliquerez que l’attitude face au risque, en prenant l’exemple de la vaccination, dépend des groupes sociaux. (4 points)
Exercice 2 – Associer économie, sociologie et mathématiques … Calculer et interpréter des « odd-ratios » :
L’odds ratio peut être traduit en français « rapports de cotes » ou « rapport de chances relatives ». Il est fréquemment utilisé notamment en médecine mais également en sciences sociales pour mettre en évidence l’effet d’un facteur, notamment sur la mobilité sociale.
à Voir la page wikipedia pour une première approche mathématique.
Une cote est le rapport d'une probabilité P1 à sa probabilité complémentaire P2. Si P1 et P2 sont deux proportions (de sujets malades, de sujets exposés, etc.) ou deux risques mesurés dans deux groupes de sujets, le rapport de cotes (odds ratio) correspondant est : OR = [P1/1-P1] / [P2/1-P2].
Exemple : Ainsi, si l’on est une femme, la probabilité d’être défavorable à la vaccination contre la grippe saisonnière est de 20,5 % selon les données du document ci-dessus. La probabilité complémentaire est donc de 79,5 %. « L’odds » ou « le risque relatif » d’être défavorable plutôt que favorable à la vaccination quand on est une femme est de 0,25.
Pour un homme, les données sont respectivement 17, 5 % et 82,5 %. Donc ici OR = [(20,5/79,5) / (17,5/82,5)] = 1,2.
Lecture de OR : Comparées aux hommes, les femmes interrogées dans l’enquête de 2014 pour Santé publique France avaient 1,2 fois plus de risque d’être défavorable que favorable à la vaccination.
OR < 1 indique qu'il est peu probable que l'évènement se produise
OR = 1 indique qu'il n'y a pas associations entre les deux variables
OR > 1 indique qu'il y a une association d'autant plus forte que le nombre est grand
Remarque : en statistique, les OR sont calculés par rapport à une population de référence signalée dans le tableau (« réf. »)
1. Calculez le odds ratio figurant dans les cases indiquées (a, b, c, d, e).
Profil des personnes défavorables à certaines vaccinations selon la nature du vaccin
2. Interpréter - Insérez les données b et e dans deux phrases qui leur donnent un sens.
3. Analyser – Quel est l’intérêt de cet outil statistique ?
Pour aller plus loin : cet article rappelle les éléments de la controverse entre les mathématiciens Bernouilli et d’Alembert sur l’opportunité d’inoculer la variole au XVIIIe siècle.
Exercice 3 – Associer économie et sciences de la vie et de la Terre … Les vaccins à ARN messager, une innovation capitale.
1. A partir de votre programme de SVT de première, rappelez les mécanismes de transcription et de traduction de l'information génétique à partir de la synthèse de molécules d'ARN.
2. A partir de cette page du site de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), complétez le schéma de synthèse suivant :
Tâche finale - Dans la perspective du Grand oral : L’hésitation vaccinale peut-elle être interprétée comme une nouvelle forme de déviance ?
Introduction - 3 questions à … Laurent-Henri Vignaud
1) Historiquement, quelles sont les racines de l’antivaccinalisme? Quel est le sens de ce terme ? Quelles sont ses manifestations ?
2) Alors que la vaccination a montré son succès en termes de bénéfices/risques, sur quoi s’appuient les arguments contre la vaccination au XXe siècle jusqu’à aujourd’hui ?
3) Comment a évolué la politique publique de santé à l’égard de cette dimension de prévention ?
Partie 1 :
Partie 2 :
Laurent-Henri Vignaud est historien, maître de conférences d’histoire moderne à l’université de Bourgogne, et co-auteur avec Françoise Salvadori d'ANTIVAX. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, paru en janvier 2019 aux éditions Vendémiaire.
Quelle argumentation pouvez-vous construire à partir de ces documents ?
Document 1 – Définir : de quoi parle-t-on ?
Le groupe de travail SAGE (Strategic Advisory Group of Experts on Immunization) mis en place au sein de l’OMS pour traiter les questions relatives aux enjeux psychosociaux de la vaccination en propose la définition suivante : « L’hésitation vaccinale fait référence aux retards dans le recours à la vaccination ou aux refus des vaccins en dépit de la disponibilité de services de vaccination. L’hésitation vaccinale est un phénomène complexe et spécifique au contexte dans lequel elle s’inscrit : elle varie en fonction du temps, du lieu et des vaccins. Elle intègre des facteurs tels que la suffisance, la commodité et la confiance ».
Le premier de ces facteurs renvoie généralement à l’idée selon laquelle la vaccination est inefficace ou inutile, notamment parce que les risques sanitaires associés aux maladies contre lesquelles on peut s’immuniser sont perçus comme faibles.
Le second facteur est lié aux questions relatives à l’accessibilité des vaccins et à leurs prises en charge.
Le troisième renvoie à la confiance dans la sécurité des vaccins, ainsi que dans les différents acteurs du système de santé qui en assure l’élaboration, la production et l’administration. Même si la diffusion de la notion d’hésitation vaccinale constitue une avancée dans la compréhension des phénomènes de réticence croissante des populations à la vaccination, cette dernière fait néanmoins l’objet d’importantes critiques. Ainsi, pour Patrick Peretti-Watel, l’hésitation vaccinale reste une notion fondamentalement ambiguë et problématique dans la mesure où, premièrement, elle mobilise dans sa conceptualisation des éléments théoriques très disparates qui ont trait notamment aux croyances, aux attitudes et aux pratiques vaccinales, et deuxièmement, elle tend à regrouper sous un même « label » des personnes dont les motivations et les positions par rapports à la vaccination sont probablement très hétérogènes puisqu’elles s’inscrivent dans un continuum très large qui va de l’acceptation sans condition à l’opposition à toute injonction vaccinale.
Source : J. Raude « L’hésitation vaccinale : une perspective psychosociologique », Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, séance du 2 février 2016.
Document 2 – Mesurer statistiquement
2a - Adhésion à la vaccination en général (en % des personnes interrogées)
2b - « Si un vaccin contre le Covid-19 était disponible, je me ferais vacciner » :
Document 3 – Garder une perspective historique
« Vaccination : histoire d’une défiance française », Radiographies du coronavirus, France culture, 7 mai 2020.
Entretien avec Laurent-Henri Vignaud, historien.
Document 4 – Expliquer, 1ère piste : « Vacciner c’est convaincre »
Nombre d’arguments rationnels militent en faveur des vaccins : ils sont la seconde raison de la baisse spectaculaire de la mortalité au XXe siècle, après les progrès de l’hygiène, ils sauvent chaque année des millions de vie, aucun traitement n’atteint leur rapport coût/ bénéfice... et pourtant la vaccination rencontre des résistances qu’aucune chimiothérapie ne connaît. (…) Les autorités françaises l’ont découvert en 2009, comme les responsables de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite l’avaient fait près de dix ans plus tôt. La vaccination repose en effet sur un paradoxe qui conduit à l’échec toute politique de vaccination systématique qui l’oublie : c’est un acte intrusif, une agression physique, sur des individus en bonne santé. Un acte que ces individus n’accepteront que si on les a, d’abord, convaincus d’être vaccinés. (…)
On admet universellement le droit d’un malade à refuser un traitement. La loi française reconnaît « l’intangibilité corporelle de chaque personne » (…). Mais en France les vaccinations contre le tétanos, la diphtérie et la poliomyélite sont légalement obligatoires. Le vaccin contre l’hépatite B est obligatoire pour les professions médicales et paramédicales. La protection de la collectivité passe par l’interdiction de contracter et de transmettre certaines infections.
Un individu vivant au milieu d’une population entièrement vaccinée pourrait en toute sécurité ne pas être vacciné, du fait de l’immunité de groupe, excepté contre le tétanos. Mais qu’une proportion significative de la population refuse la vaccination et les épidémies reprennent leur cours. Le droit du groupe à se protéger s’oppose au droit de l’individu à disposer de son corps. D’où la nécessité d’une régulation par l’État, agissant au nom de l’intérêt général. L’État qui exerce le bio-pouvoir décrit par Michel Foucault, un pouvoir «qui s’exerce positivement sur la vie, qui entreprend de la gérer [...], d’exercer sur elle des contrôles précis et des régulations d’ensemble » [Foucault, 1976]. (…)
La vaccination devient ainsi un enjeu social et politique. Promue par le pouvoir, elle peut être l’occasion d’exprimer une méfiance, une frustration, une révolte envers les autorités. Alors que les ligues anti-vaccinales sont fréquemment dans le monde l’émanation de sectes religieuses, en France l’opposition organisée à la vaccination est essentiellement laïque. Les promoteurs de la vaccination, qui ne sont pas toujours dénués d’arrière-pensées politiques, ont peut-être voulu trop bien et trop bruyamment faire. Pasteur n’a-t-il pas été trop sacralisé par la République à la recherche de héros ? Un propos que Dominique Lecourt élargit à une crainte générale de la science et de ses fruits, très prégnante en France : «Notre pays a un problème particulier. La République s’est constituée autour d’une ‘magnification’ de la science. Avec même, parfois, une tonalité scientiste, positiviste, voire un peu dogmatique et anticléricale. [...] Aujourd’hui, nous vivons le retour du balancier. » [Dictionnaire de la pensée médicale, 2004]. (…) La Ligue nationale pour la liberté des vaccinations a été fondée en 1954, par la fusion d’associations françaises plus anciennes. Parmi ses animateurs, on trouvait un avocat alsacien qui avait perdu un enfant dans les années 1930 à la suite d’une vaccination orale par le BCG. Une des figures de la Ligue était le docteur Arbeltier, député et directeur d’hôpital. Célestin et Élise Freinet, fondateurs de la pédagogie Freinet la soutiennent. (…) Après un déclin dans les années 1960, la Ligue connaît un renouveau dans les années 1970, en liaison avec la montée du consumérisme, de l’écologie et de la contestation de la société. Elle est soutenue, par exemple, par un journaliste de Charlie Hebdo, fondateur de La Gueule ouverte, publication écologiste radicale. Son déclin, la décennie suivante, ne l’empêche pas de garder une place dans le paysage français. (…)
Les opposants à la vaccination se réclament de la liberté individuelle, forts de la conviction que le refus de faire vacciner leurs enfants ne se traduira pas par la disparition de la moitié d’entre eux avant l’âge de dix ans comme au XVIIIe siècle, ni même par un taux de mortalité et de morbidité tels qu’on en rencontre aujourd’hui dans les bidonvilles de Calcutta ou de Rio. Dans des pays développés, le risque qu’un enfant non vacciné soit frappé par la poliomyélite, la diphtérie, la coqueluche est faible, parce que la couverture vaccinale de l’ensemble de la population est bonne. En d’autres termes, lorsqu’ils avancent qu’ils « ne sont pas systématiquement contre les vaccinations mais contre les vaccinations systématiques », les détracteurs de la vaccination comptent sur les autres pour se faire vacciner à leur place. (…)
Les vaccins ont toujours été victimes de leur succès. Plus la crainte des maladies infectieuses est grande, plus le public est prêt à accepter les contraintes et les risques de la vaccination. Mais plus la menace s’estompe, moins il les tolère. Les spécialistes de la santé publique s’en plaignaient déjà au XIXe siècle à propos du seul et unique vaccin largement utilisé à l’époque, celui contre la variole. Un membre du Comité consultatif d’hygiène publique de France écrivait ainsi en 1891 à propos du vaccin et des mesures de santé publique en général : « Lorsqu’une épidémie exerce ses ravages, ces prescriptions sont rarement contestées, on les exécute généralement avec bonne grâce, la peur du fléau pousse même à des exagérations regrettables ; mais en temps normal [...] on est plus disposé à refuser à l’administration à la fois crédit et autorité » [Martin, 1891]. (…)
Il n’est pas rare de rencontrer des parents qui ne font pas vacciner leurs enfants contre les maladies épidémiques, car ils estiment nul le risque de les contracter. (…) La disparition de la crainte des épidémies fausse l’évaluation du rapport bénéfices/risques de la vaccination. Qu’une information alarmiste concernant un vaccin vienne au jour, une sorte de principe de précaution mal compris incite à se dire que puisqu’il y a doute, mieux vaut s’abstenir du vaccin. La précaution s’applique au vaccin, pas à la maladie. Ce à quoi Paul Offit, responsable des maladies infectieuses à l’hôpital pédiatrique de Philadelphie répond: « il faut convaincre les gens que le choix de ne pas se faire vacciner n’est pas un choix sans risque, mais que c’est le choix de courir un risque différent ».
Ajoutons à cela que l’information en la matière est difficile à communiquer. Le temps joue ici contre la raison : une information alarmiste occupe les médias en quelques jours, alors que sa réfutation scientifique demande des mois, voire des années d’enquête épidémiologique, d’analyses de laboratoire ou d’études statistiques. Pendant ces mois ou ces années les accusations apparaissent comme non réfutées, autrement dit fondées, aux yeux d’une partie du public. Et lorsque l’heure des réfutations scientifiques arrive, elles dégonflent un non-événement, ramènent le vaccin concerné à la situation banale qui était la sienne et n’ont guère de place dans l’actualité. (…)
La vaccination doit s’appuyer avant tout sur l’éducation de la population. La compréhension des maladies infectieuses, la connaissance des vaccins et la conscience des enjeux de santé individuels et sociaux constituent le socle de la réussite des politiques de vaccination. Sans cela, une bonne opinion générale des vaccins n’est pas une garantie suffisante du succès d’une campagne de vaccination.
Source : Bernard SEYTRE, « Vacciner c’est convaincre » in Dominique KEROUEDAN, Santé internationale, Presses de Sciences Po, 2011.
5a – Les « Antivax », des anti-Science ?
Pour comprendre cette multiplication récente des controverses vaccinales, il est utile d’adopter une perspective de sociologie politique des sciences, attentive au croisement des dynamiques collectives de mobilisation, de l’évolution des champs politique et médiatique, des transformations des mondes de la recherche scientifique et de la régulation des risques technologiques. (…)
Le cas des vaccins donne à voir un aspect particulier des controverses sociotechniques contemporaines. Si les stratégies discursives qui s’y déploient se concentrent sur la construction d’une crédibilité par la mobilisation d’études et arguments scientifiques, les stratégies d’étiquetage de l’adversaire peuvent y avoir un poids important, notamment la dénonciation de l’adversaire comme anti-scientifique ou irrationnel.
Ainsi, la plupart des représentants des sciences sociales à s’être intéressés aux controverses vaccinales contemporaines, notamment anglaises et américaines, ont noté que celles-ci sont marquées par la prégnance de la catégorie « antivaccin » dans les débats. Ils constatent que ce terme est principalement utilisé pour dénoncer publiquement les critiques des vaccins et insistent particulièrement sur le fait que, premièrement, l’usage de ce terme s’accompagne d’une occultation de la diversité des acteurs mobilisés et, deuxièmement que ces doutes et critiques se voient assimiler au refus radical du principe de la vaccination alors qu’ils sont souvent restreints à certains vaccins, campagnes ou substances contenues dans des vaccins. Sans le dire explicitement ni l’étudier directement, ces auteurs soulignent les attributs qui font du terme « antivaccin » une étiquette délégitimante. La dimension stéréotypique de cette désignation est notamment cruciale. (…)
Ainsi, si certains acteurs sont effectivement focalisés sur la question vaccinale et se mobilisent contre tous les vaccins, ce n’est pas le cas de tous. Cette forme d’étiquetage des critiques permet de suggérer que toutes ces mobilisations constituent des attaques du principe de la vaccination lui-même. Or, les vaccins occupent une place particulière dans le champ médical. Non seulement le principe biologique de l’immunisation fait l’objet d’un consensus scientifique, mais les travaux de Louis Pasteur sur les vaccins sont aussi distingués comme une étape décisive dans l’avènement de la médecine moderne et les campagnes de vaccination considérées comme la démonstration de la capacité de cette médecine à améliorer le sort des populations. Assimiler toute critique d’un vaccin au combat de ceux qui refusent la vaccination en général constitue donc une puissante opération de délégitimation. (…)
L’étude de ces stratégies d’étiquetage dans les controverses sociotechniques nous dit aussi beaucoup sur la manière dont la Science (avec une majuscule) est mobilisée comme valeur dans ces luttes et sur les attributs qu’on lui prête. Comme la « Justice », le terme de «Science » n’est pas uniquement utilisé pour désigner un ensemble d’activités (c’est-à-dire ce que font les scientifiques). Il est aussi érigé en valeur lorsqu’il est utilisé pour hiérarchiser des énoncés (jugés comme plus ou moins scientifiques) ou pour évoquer le principe permettant de réaliser cette hiérarchisation et l’importance de ce principe pour la société (« la Science » permettant « le Progrès »). Ainsi, le développement des savoirs à partir du XVIIe siècle dans les pays du Nord a grandement participé à l’émergence de nouvelles formes sociales qui constituent la modernité. Mais ces transformations sont trop souvent présentées comme inéluctables, les savoirs et inventions semblant constituer une force autonome qui ne nécessite aucune médiation sociale pour agir dans le monde. Or, certains historiens ont montré que le travail de promotion de ces activités, savoirs et objets par une variété d’acteurs – notamment économiques et politiques – a joué un rôle crucial dans ce processus. (…)
La construction et la défense d’une valeur se font par une multitude de mécanismes, dont l’un des plus répandus repose sur la construction collective d’une figure incarnant la transgression des normes associées à cette valeur. (…) Dans des situations de crise ou de transformation d’une société donnée, désigner pour tous un ennemi commun stéréotypé, même imaginaire, permet aux groupes sociaux dominants de resserrer les rangs et de réaffirmer leurs valeurs communes.
Source : Jeremy K. Ward, Paul Guille-Escuret, Clément Alapetite, « Les ‘Antivaccins’, figure de l’anti-science », Déviance et Société, 2019.
5b – “I’m not an antivaxxer, but"…
In the past ten years, France has become one of the most vaccine hesitant countries in the world, with up to 40% of the population doubting the safety of at least some vaccines. This rather sudden phenomenon has been all the more surprising that France does not have a long history of resistance towards vaccines, contrary to countries such as Great Britain or the United States of America. The first major vaccine scare only emerged at the end of the 1990s, targeting the Hepatitis B vaccine. (…) The spread of vaccine hesitancy always has multiple causes. But one explanation dominates the literature on vaccine hesitancy in France and in the other developed countries. Researchers have presented this trend as the effect of a resurgence of the antivaccine movement. This explanation boils down to the following argument. From their inception, vaccination campaigns have generated activists add - people who devote time and resources to convince other people and/or obtain policy changes often as part of collectives - who reject the science behind vaccines add (i.e. antivaccinationist). In the past decade, the Internet has made it easier for them to unite, organize, and spread their arguments (…). However, this explanation is challenged by reports coming from the United States of America, Great Britain and France. Specialists of vaccination have noted the growing success of critics who present themselves as different from antivaccinationists, using slogans such as “green our vaccines”, phrases such as “I am not antivaccine but. . .” and promoting so-called “alternative vaccination schedules” (…). These more moderate forms of criticism could reflect a shift in antivaccinationist activists’ communication strategies. Indeed, it has been shown that in more public settings, some antivaccininationists tend to favor arguments centered on additives and the alleged risks of specific vaccines, keeping their radical critique for more private settings such as activist assemblies or the less immediately visible pages of their websites (…). However, qualitative studies have suggested that some vaccine critical groups never criticize the principle of vaccination, publicly praising most existing vaccines and actively distancing themselves from proponents of alternative medicines and conspiracy theories. A competing explanation of these public stances would therefore be that vaccines are being taken on by new activists, fighting for less radical ideologies such as consumer rights or environmental health. Their public stance of distancing themselves from antivaccinationists would therefore be genuine, making them all the more dangerous that their arguments can be perceived as more credible (…).
Drawing on the contents of a large sample of websites, we found that the milieu of French-speaking vaccine critics is fragmented. On one side, radical antivaccinationists constitute a tightly-knit community where antivaccine non-profits, conspiracy theorists and proponents of alternative medicines exchange any type of argument as long as it is critical of one or more vaccines. On the other side, some reformist activists – including doctors and prominent politicians - strive to disassociate themselves from this community. They do this by focusing their arguments on a limited number of vaccines and substances present in vaccines and by only connecting with other “moderate” critics or by avoiding connecting with anyone – what sociologists call “boundary work” (48). This group comprises the most visible activists in the media. We also found that not all reformists maintain this distance with radical antivaccinationnists. Only half of reformist websites never cite radical websites. These results suggest both explanations of the emergence of slogans such as “green our vaccines” and “I am not an antivaxxer but...” are simultaneously true: they reflect both a communication strategy chosen by some radical activists who try to present themselves as more moderate than they actually are, and the choice to distance themselves from radicals made by other activists who genuinely only have issues with some vaccines. Each account applies to different activists, highlighting the importance of exploring the diversity of contemporary vaccine criticism.
Our findings have important implications for current debates on the upsurge of doubts toward vaccines and on the ways to restore trust in them. Recent research on vaccination behaviors shows that, in most cases, negative attitudes do not consist in radical rejection of vaccination in general (“antivaccinationism”) but rather in diffuse suspicion, schedule delays or rejection of a limited number of vaccines perceived as controversial (“vaccine hesitancy”). Our findings suggest that this is likely to be the effect of the behaviour of vaccine critical activists who rarely put forward arguments rejecting vaccination in general. It is therefore important, when analysing vaccine-critical arguments, to move beyond the current focus on their erroneous nature and conspiratorial tendencies. Instead, we should pay closer attention to the various ways vaccine critics build their arguments and how they anchor these arguments on vaccines in wider cultural and political discourses. These choices of political and cultural anchoring determine who is likely to be convinced by their arguments but also, in an era of filter bubbles and polarization, in which social groups they are likely to circulate. Also, for almost a decade now, specialists of attitudes to vaccines have underlined the limitations of communication strategies that mistake Vaccine Hesitancy with Antivaccinationism. Turning hesitants into antivaccinationists can be one form of backfiring effect. Indeed, when some parents feel they are not taken seriously by mainstream healthcare providers, or when their position is likened to anti-science or conspiracy theories, they turn closer to sources who reinforce their beliefs. This has become a widely accepted fact. But its implications for public discourses on vaccine-critical activists have not been widely recognized. Indeed, in a context where many vaccine critics present themselves as “not antivaccine” the tendency of public health officials and experts to call all reformist activists “antivaxxers” can paradoxically make them appear more credible to part of the public by suggesting their arguments have not been examined carefully. Researchers working on Vaccine Hesitancy promote a tailored approach to the various types of reluctant patients. It is also crucial to devise a tailored approach to the various types of activists to win public debates rather than abandon the stage to vaccine critics as some experts suggest.
Source : F.Cafiero, P.Guille-Escuret, J.Ward, “I’m not an antivaxxer, but…”: Spurious and authentic diversity among vaccine critical activists. Social Networks, Elsevier, 2021, www.hal.fr.
I. Refuser toute vaccination constitue une forme de déviance …
Exercice - Complétez le raisonnement argumenté suivant :
I. Refuser toute vaccination constitue une forme de déviance …
- J’affirme : définir la déviance et faire le lien avec la vaccination.
- J’illustre : proposer des données statistiques
- J’explique : comment s’exerce le contrôle social en matière de vaccination et quels sont les arguments des « anti »
II. … mais hésiter n’est pas refuser : se défier n’est pas dévier
II… mais hésiter n’est pas refuser : se défier n’est pas dévier
- J’affirme : définir l’hésitation vaccinale
- J ’explique : montrer la nuance des arguments des « hésitants »
- J’illustre : l’exemple la ligue nationale pour la liberté des vaccinations (doc. 4)
III. L’étiquetage « antivaccinaliste » est devenu contre-productif
III. L’étiquetage « antivaccinaliste » est devenu contre-productif
- J’affirme : montrer que la déviance peut être le fruit d’un étiquetage
- J’explique : « Anti » et « hésitants » ont tous la même étiquette, stéréotypée et trop large
- J’illustre : cette étiquette est contre-productive dans le cadre d’une politique de prévention
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