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Enseignement Moral et Civique, Niveau Seconde, Axe 2 - Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat
Rappel du questionnement global : Comment évoluent la conception et l’exercice des libertés ?
Option Droit et Grands Enjeux du Monde Contemporain, Niveau Terminale, Partie 2 – Questions juridiques contemporaines
Durée indicative : 4 heures
Notions abordées :
- En EMC : laïcité, respect de la personne humaine, liberté, protection.
- En DGEMC : liberté, sécurité publique, dignité de la personne humaine, diffamation
Capacités travaillées :
En EMC :
- Savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité ; être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations, comprendre le sens de la complexité des choses, être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences.
- Identifier différents types de documents (récits de vie, textes littéraires, œuvres d’art, documents juridiques, textes administratifs, etc.), les contextualiser, en saisir les statuts, repérer et apprécier les intentions des auteurs.
- Être rigoureux dans ses recherches et ses traitements de l’information
En DGEMC :
- Contribuer à la formation de l’élève afin de lui permettre de devenir un citoyen éclairé par la découverte de l’environnement juridique dans lequel il évolue;
- Comprendre le sens de la règle de droit pour en percevoir l’utilité en lien avec d’autres champs disciplinaires ;
- Favoriser la construction de l’esprit critique de l’élève par l’acquisition de la rigueur nécessaire à l’expression d’une pensée éclairée.
Objet d’enseignement :
En EMC :
Les flux informationnels et leur régulation sur internet : la question de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique.
En DGEMC :
Quelle est la place de la liberté dans notre système juridique ?
Dans quelle mesure l’État peut-il limiter la liberté des individus ?
Domaines croisés en EMC :
- L’évolution de l’encadrement juridique de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique
- La pluralité des croyances et des expressions du religieux : laïcité et liberté de conscience.
- La reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ; lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ; lutte contre les discriminations faites aux personnes porteuses d’un handicap
Problématique
Activité 1 – Comprendre la complexité des choses :
La liberté d’expression, contenu et logiques de restriction
Ressources :
- Le principe de liberté :
En amont, les élèves et professeurs trouveront en suivant ce lien une déclinaison très complète du principe de liberté présenté par le site Vie publique.
- Sur la liberté d’expression :
Vie publique, Qu’est-ce que la liberté d’opinion ?, consulté le 26 octobre 2020.
Clemi, La liberté d’expression et ses limites, consulté le 26 octobre 2020.
Amnesty International Jeunes, La liberté d’expression, c’est quoi au juste ?, 15 septembre 2017.
Injure, diffamation, incitation à la haine, service-public.fr, consulté le 26 octobre 2020.
« Le délit de blasphème existe-t-il encore en Europe ? », France Inter, 10 juin 2017.
Vie publique, Quels sont les devoirs des fonctionnaires ?, consulté le 26 octobre 2020.
1. Définir : que signifie la liberté d’expression et quelles sont ses implications sur les autres libertés ? Complétez le schéma suivant
[1] Ce schéma s’inspire de l’ouvrage de Jean Morange, La liberté d'expression, PUF, 1993.
2. Définir : Quel est le cadre juridique qui entoure la liberté d’expression ?
1. Placer ces textes fondateurs dans le schéma selon qu’ils se réfèrent au droit international ou interne :
a. DDHC 1789 (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) :
- Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.
- Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
b. Article 19 de la DUDH (Déclaration Universelle des Droits de l'Homme) 1948 :
- Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Ce texte n’a pas de valeur juridique.
c. Article 19 du PIDCP (Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) : 1966. Ce texte dispose d’une valeur juridique supérieure à celle des lois dans des pays comme la France.
- 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions
- 2. Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
- 3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires.
a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui ;
b) À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
d. Convention européenne des droits de l’homme (1950) : article 10 sur la liberté d’expression
- 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
- 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
e. Loi sur la liberté de la presse : 29 juillet 1881
- Stipule dans son article 1 que « l'imprimerie et la librairie sont libres ».
- Il existe toutefois des limites légales à la liberté de la presse ; certaines concernent la sauvegarde de l’ordre public (la publication de messages incitant au racisme et à la xénophobie est par exemple interdite), d’autres la protection des mineurs et de la dignité humaine (messages à caractère violent ou pornographique). Le droit français sanctionne également l’injure et la diffamation.
f. Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État
- article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes.
- article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Elle prolonge ainsi l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre la liberté d’opinion, même religieuse.
3. Quel est l’intérêt de séparer l’origine du droit ?
Quel est l’intérêt de séparer l’origine du droit ?
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Plutôt que de raisonner de manière chronologique, suivant laquelle le droit national est généralement antérieur, une perspective juridique invite à présenter les textes fondateurs en distinguant le droit supranational du droit national car le premier a une autorité supérieure au second. Cela signifie que si une décision est prise par la Commission européenne des droits de l’homme, elle s’applique immédiatement en France par exemple.
4. Caractériser : dans quel champ s’applique la liberté d’expression
Dans quel champ s’applique la liberté d’expression (politique, social, religieux, …) ?
Sur quels supports ?
Avec quels modes d’expression ?
5. Caractériser : Quelles sont les limitations de la liberté d’expression ?
a) Retrouvez les articles du droit international qui les mentionnent :
b) Utilisez les notions suivantes, dont vous préciserez le sens, pour les associer aux différents critères de sauvegarde : diffamation, injure, apologie du terrorisme, incitation à la haine. (2)
c) Comment considérer l'obligation de réserve qui est stipulée dans certaines professions ? (3)
d) La limitation à la liberté d’expression est-elle uniquement juridique ?
[2] Pour une définition de ces notions : voir le portail Valeurs de la République du réseau Canopé.
[3] Marcel Pochard, Les 100 mots de la fonction publique, Presses Universitaires de France, 2011.
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a) Retrouvez les articles du droit international qui les mentionnent :
Article 19 du PIDCP, alinéa 3 : L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
Au respect des droits ou de la réputation d'autrui ;
À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
Article 10, alinéa 2 sur la liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme : L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
b) Utilisez les notions suivantes, dont vous préciserez le sens, pour les associer aux différents critères de sauvegarde : diffamation, injure, apologie du terrorisme, incitation à la haine. (2)
c) Comment considérer l'obligation de réserve3 qui est stipulée dans certaines professions ? (3)
Par les fonctions qu’elles occupent, certaines personnes ont une obligation de réserve : il s’agit des fonctionnaires en lien avec leur statut au service de l’État et des salariés de certaines entreprises en lien avec leur contrat de travail.
Concernant les premiers, ils jouissent d’une complète liberté d’opinion mais leur liberté d’expression est limitée : pendant le service, ils sont soumis à la neutralité et à la loyauté ; en dehors du service, s’applique l’obligation de réserve.
Dans le premier cas, la neutralité signifie par exemple l’interdiction de manifester ses convictions religieuses et politiques ; le loyalisme fait référence aux actes qui seraient de
nature à faire douter de leur respect des institutions républicaines, se montrer favorable à l’usage de drogues par exemple.
Quant à l’obligation de réserve, elle pèse sur tous les fonctionnaires, avec des nuances importantes. Aux deux extrémités, on trouve le professeur d’université et l’enseignant-chercheur, dont la libre expression et l’indépendance sont constitutionnellement garanties, et le militaire, dont l’obligation de réserve est fréquemment présentée ou perçue comme un quasi-devoir de se taire. La critique, même désobligeante, ne constitue pas un manquement au devoir de réserve, mais il leur est interdit ce qui peut avoir des répercussions négatives sur l’accomplissement du service ou porter atteinte à la considération qui lui est réservée (exposer publiquement les dysfonctionnements d’un service ou d’un établissement par exemple).
Elle s’impose d’autant plus lorsque le statut du fonctionnaire est élevé.
d) La limitation à la liberté d’expression est-elle uniquement juridique ?
Si l’autolimitation ou autorégulation consiste à renoncer à tenir certains propos par sens des responsabilités, du respect d’autrui sur les réseaux sociaux ou en suivant la déontologie (des journalistes par exemple), l’autocensure soulève davantage d’interrogations. Éviter, par devers-soi, de heurter les sensibilités ou de briser les tabous peut conduire à un conformisme néfaste à la vie en société en bloquant le débat et l’éveil critique.
6. Définir :
Quelle est le sens de la liberté, valeur de la République inscrite dans la devise française ?
Utilisez les notions de droit, limites, responsabilité.
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La liberté est la première valeur de la devise républicaine, elle est définie dans l’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen comme un droit naturel des individus : se déterminer en dehors de toute pression extérieure, y compris du pouvoir politique.
La liberté ne peut se poser qu’en s’opposant et en acceptant les conditions de sa coexistence avec les libertés des autres (art 4 de la DDHC : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »). La liberté n’existe donc qu’à travers les limites qu’elle induit.
C’est la loi qui assure cette conciliation : ainsi, tout personne doit répondre de ses actes ou de ses omissions, même réalisés par inadvertance, imprudence ou négligence. Chacun doit assumer les conséquences juridiques, pénales, disciplinaires ou pécuniaires de ses actes. La responsabilité est personnelle, elle est le contrepoids de la liberté.
La loi protège un droit équivalent à la liberté et au respect de chaque personne.
Exercice d’application :
Commentez les exemples suivants. Sont-ils répréhensibles au regard de l’application de la liberté d’expression ? Justifiez.
1. Un journaliste écrit dans son quotidien que les fast-foods sont mauvais pour la santé et peuvent provoquer obésité et maladies cardio-vasculaires.
2. Lors d’une réunion, un salarié déclare que son collègue a « falsifié son diplôme de baccalauréat ».
3. Lors d’une réunion, un salarié souligne « qu’il est très étonné que son nouveau collègue, Mohammed, ait pu réussir Sciences-Po ».
4. Excédé, un consommateur publie sur son compte Facebook que M. X est « vraiment un chauffagiste imbécile et incompétent ».
5. Le Président turc Erdogan prononce le 25 octobre 2020 un discours dans lequel il recommande au président français de « subir des examens médicaux ».
6. Mécontente d'une décision du principal qui a refusé l'inscription de son fils dans la classe football du collège, une mère d'élève l'a insulté en lui lançant notamment : « avec la tête que vous avez, maintenant je comprends mieux… Vous n'êtes qu'un con de fonctionnaire… Vous êtes un con, sale con, petit con… Vous êtes vraiment un petit con de fonctionnaire ».
7. L’animateur Tex raconte une plaisanterie dans un jeu télévisé d’une chaîne nationale : "Qu'est-ce qu'on dit à une femme qui a les yeux au beurre noir ? Rien : on lui a déjà expliqué".
8. Dans un de ses spectacles, l'humoriste Patrick Timsit déclare : "Les mongoliens, c'est des prototypes. On s'en sert pour prendre des pièces détachées. C'est comme les crevettes roses, tout est bon, sauf la tête".
9. Un youtubeur anonyme accuse certains humoristes français de plagiat en 2015 en en apportant la preuve.
10. Le cas du spectacle « Le bal des quenelles » joué à domicile en 2017 par le polémiste Dieudonné (suivre le lien).
11. Tarik Ramadan, islamologue (chercheur spécialisé dans l'étude de l'islam et du fait religieux islamique), déclare au Qatar après les attentats contre Charlie Hebdo en 2015, concernant ses dessinateurs : "ils n'ont pas arrêté de faire de l'humour sur les musulmans et j'ai dit que cet humour-là était un humour de lâches".
12.
Le Monde, 8 mars 2018.
13.
[1] Déclaré non coupable.
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1. Un journaliste écrit dans son quotidien que les fast-foods sont mauvais pour la santé et peuvent provoquer obésité et maladies cardio-vasculaires.
Entre dans le cadre de la liberté d’expression : sans argumentation statistique, ce constat peut apparaître comme une forme de dénigrement mais il est posé sans accuser une entreprise en particulier.
2. Lors d’une réunion, un salarié déclare que son collègue a « falsifié son diplôme de baccalauréat ».
Restriction : il s’agit d’une diffamation, publique. Pour rappel, une diffamation est une allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. La diffamation peut être raciste, sexiste, homophobe. Elle relève d'une procédure spécifique permettant de protéger la liberté d'expression.
Déclarée dans les 3 mois, l’auteur est passible d’une amende de 12000 €.
Cependant, si le fait est prouvé, la diffamation devient divulgation, elle est légale.
3. Lors d’une réunion, un salarié souligne « qu’il est très étonné que son nouveau collègue, Mohammed, ait pu réussir Sciences-Po ».
Restriction : il s’agit d’une diffamation, publique, à caractère raciste.
L’amende pour diffamation publique à motifs homophobes, racistes, sexistes ou à l’encontre de personnes handicapées peut quant à elle s’élever à 45 000 euros d’amende et 1 an de prison (et ce, même si les propos s’adressent à un groupe de personnes).
Ici le délai de prescription s’établit à un an, l’auteur est passible d’une amende de 45 000 €.
4. Excédé, un consommateur publie sur son compte Facebook que M. X est « vraiment un chauffagiste imbécile et incompétent ».
Restriction : il s’agit d’une injure, publique. Celle-ci est définie comme toute parole, écrit, expression quelconque de la pensée adressés à une personne dans l'intention de la blesser ou de l'offenser.
Elle peut être punie d’une amende de 12 000 €. En effet, cette attaque répond aux 4 éléments qui la définissent :
- une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective
- les termes s'appliquent à une personne ou à un ensemble de personnes déterminées
- l'intention est de nuire
- il y a publicité à travers le réseau social selon la loi de 1881.
Si l’injure a été diffusée sur un compte accessible uniquement à un nombre restreint d'amis sélectionnés par l'auteur des propos, elle est non publique, punissable d’une amende de 38 € minimum.
5. Le Président turc Erdogan prononce le 25 octobre 2020 un discours dans lequel il recommande au président français de « subir des examens médicaux ».
La victime n’a pas porté plainte mais on peut classer cette déclaration parmi les injures également. Il ne s’agit pas d’un outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique car la déclaration est publique.
6. Mécontente d'une décision du principal qui a refusé l'inscription de son fils dans la classe football du collège, une mère d'élève l'a insulté en lui lançant notamment : « avec la tête que vous avez, maintenant je comprends mieux… Vous n'êtes qu'un con de fonctionnaire… Vous êtes un con, sale con, petit con… Vous êtes vraiment un petit con de fonctionnaire ».
Il s’agit d’un outrage à un représentant de l’autorité publique qui s’est déroulé à Grenoble en 2003. La condamnation a été confirmée en appel. L'amende a été portée de 800 à 1000 euros avec en sus 600 euros à payer au principal pour sa défense.
7. L’animateur Tex raconte une plaisanterie dans un jeu télévisé d’une chaîne nationale : "Qu'est-ce qu'on dit à une femme qui a les yeux au beurre noir ? Rien : on lui a déjà expliqué".
Il n’y a pas eu de plainte déposée.
Soit on considère que cela relève de la liberté d’expression : on peut taxer cette plaisanterie de mauvais goût et se sentir offensé mais l’intention étant de faire rire, ce n’est pas nécessairement considéré comme injurieux. On peut arguer qu’il existe un droit à l’excès humoristique.
Soit on considère que l’animateur a des propos injurieux envers les femmes.
L’animateur a été licencié par la chaîne immédiatement.
8. Dans un de ses spectacles, l'humoriste Patrick Timsit déclare : "Les mongoliens, c'est des prototypes. On s'en sert pour prendre des pièces détachées. C'est comme les crevettes roses, tout est bon, sauf la tête".
Restriction : il a été poursuivi en justice en 1999 pour propos injurieux à l'encontre des personnes atteintes de trisomie 21. Il est cependant relaxé[1]par le Procureur général. A noter : à la suite de cette affaire, il fonde une association pour faciliter l’adaptation des personnes atteintes par cette maladie.
[1] Déclaré non coupable.
9. Un youtubeur anonyme accuse certains humoristes français de plagiat en 2015 en en apportant la preuve.
Liberté d’expression : les auteurs visés n’ont pas récusé l’accusation.
10. Le cas du spectacle « Le bal des quenelles » joué à domicile en 2017 par le polémiste Dieudonné (suivre le lien).
Restriction : condamnation à deux amendes pour injures à l’égard des juifs victimes de l’holocauste dans le cadre d’une référence à la tenue des déportés à Auschwitz.
11. Tarik Ramadan, islamologue (chercheur spécialisé dans l'étude de l'islam et du fait religieux islamique), déclare au Qatar après les attentats contre Charlie Hebdo en 2015, concernant ses dessinateurs : "ils n'ont pas arrêté de faire de l'humour sur les musulmans et j'ai dit que cet humour-là était un humour de lâches".
Liberté d’expression : on peut juger cette opinion très douteuse mais il ne fait pas l’apologie du terrorisme en justifiant les actes perpétrés.
12.
Ce dessin de presse de Plantu est publié le 8 mars, lors de la journée de la femme. On y voit un cardinal qui ordonne à une nonne de lui servir le café et raille la question de l’égalité des sexes. Cette caricature fait référence au manifeste publié sur Facebook quelques jours auparavant par les sœurs du Vatican dénonçant les mœurs sexistes de l’Église et leur asservissement à des tâches subalternes. Liberté d’expression : elle comprend le recours à à une certaine dose d’exagération, voire de provocation, y compris envers la religion, même si elle peut choquer et susciter la réaction.
13.
Liberté d’expression : ce dessin satirique de Lasserpe est destiné à dénoncer l’homophobie persistante dans la société.
Activité 2 – Une étude de cas juridique :
Condamnation de la France dans l’affaire de la pancarte « Casse-toi pov’con ».
Exercice 1 :
A partir de cet arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 14 mars 2013, précisez les différentes étapes qui ont conduit à son jugement (dans l’arrêt, examiner « les faits » et « l’appréciation de la Cour ») : les faits, l’application de la règle de droit français, l’application de la règle de droit européenne, le verdict de la CEDH.
Remarque : cette affaire a été résumée ici par le quotidien Le Figaro le 14 mars 2013.
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a) Les faits :
Lors d’une visite au Salon de l’Agriculture de 2008, l’ancien président N.Sarkozy, en exercice, invective une personne refusant sa poignée de main par un : « Eh ben casse-toi alors, pauv' con ! ». L’identité du visiteur en question est restée inconnue.
Largement relayée par les médias et commentée, cette phrase est reprise sur une pancarte brandie par un militant du parti socialiste, Hervé Eon, à Laval lors d’une visite du même président.
b) L’application de la règle de droit français :
Interpelé par la police, ce militant sera poursuivi en justice par le ministère public (ou parquet) qui est chargé de défendre l'intérêt de la collectivité et l'application de la loi devant les juridictions judiciaires.
Il lui est reproché l’offense au chef de l’État selon l’article 26 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui concerne le délit contre la chose publique, alors en vigueur : « « toute expression offensante ou de mépris, toute imputation diffamatoire qui, à l'occasion tant de l'exercice de la première magistrature de l'État que de la vie privée du président de la République antérieure à son élection, sont de nature à l'atteindre dans son honneur ou dans sa dignité ». Ce délit est passible de 45 000 € d’amende. Le contrevenant devra en réalité verser 30 € symboliques.
Plus précisément en 2009, la cour d’appel d’Angers, saisie à la suite de la première décision, justifie à nouveau la culpabilité du militant sous deux aspects :
- La matérialité des faits : article 23 de la loi sur la liberté de la presse
La pancarte était bien visible et exposée au public.
« Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet. »
- L’élément intentionnel : même si la phrase est devenue formule, il a été jugé que le prévenu a prononcé intentionnellement cette phrase afin d’offenser. Il ne peut pas se prévaloir de la « bonne foi », situation dans laquelle l’individu n’a pas conscience de la portée de ses actes.
Le prévenu n’a pas pu se pourvoir en cassation, faute de moyens financiers.
c) L’application de la règle de droit européenne :
Soutenu par Jean-Luc Mélenchon, situé à gauche de l’échiquier politique, Hervé Eon décide de saisir en 2010 la CEDH au motif de l’article 10 sur la liberté d’expression.
Les 7 juges de cette cour lui donnent raison en considérant qu’il y a bien une volonté d’offenser le président français mais dans un cadre politique et sur un registre satirique (c’est la propre phrase de la victime qui est reprise) autorisant l’exagération. La pancarte utilise en outre une formule devenue très médiatique, parfois utilisée comme slogan dans les manifestations.
En outre, un homme politique, de par sa fonction, s’expose nécessairement davantage qu’un simple citoyen et doit faire preuve d’une tolérance accrue envers la critique de ses faits et gestes.
Enfin, maintenir la condamnation peut avoir un effet dissuasif sur d’autres prises de position ultérieures, jugées saines pour le débat démocratique.
d) Le verdict : « la Cour juge que le recours à une sanction pénale par les autorités compétentes était disproportionné au but visé et n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique ». Il y a eu violation de la liberté d’expression institué à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Cette décision, émanant d’une institution juridique supranationale, s’impose à la France.
Par la suite, le délit d’offense au chef de l’État a été abrogé en France en 2013 et l’article 26 de la loi sur la liberté de la presse a été supprimé.
Activité 3 – Où en est la régulation des réseaux sociaux ?
Où en est la régulation des réseaux sociaux ?
Document iconographique 1 : quatre formes de prises de parole publiques
Dominique Cardon, Culture numérique, Presses de Sciences Po, 2019.
« 3 questions à » Dominique Cardon, professeur de sociologie à Sciences Po
Entretien réalisé le 12/11/2020. A écouter sur YouTube ou SoundCloud.
1. Dans Culture numérique, paru l’an dernier, vous avez dressé une typologie des prises de parole publiques. Comment se sont-elles diversifiées avec l’émergence du web ?
2. Quels sont les dispositifs existants de régulation des contenus sur les réseaux sociaux ?
3. Comment pourrait-on dépasser les limites actuelles de cette régulation extrajudiciarisée ?
Interview de Dominique Cardon, professeur de sociologie à Sciences po (le 12/11/2020)
1. Quelles sont les particularités des prises de parole situées à droite sur ce document ?
2. Que désigne le web en "clair-obscur" (5)
(5) Également étudié par les élèves en Seconde en Sciences Numériques et Technologie (SNT).
Voir la correction
1. Quelles sont les particularités des prises de parole situées à droite sur ce document ?
Avec l’émergence d’internet, des opportunités d’expression se sont ouvertes pour l’ensemble de la société vers la fin des années 1990. Désormais, alors que la publication était réservée aux professionnels (journalistes et éditeurs), de simples quidams, ou individus ordinaires, peuvent publier des points de vue et analyses, des histoires personnelles, des conseils en tout genre, des encyclopédies, des informations sur le monde ou leur voisin, mais également des messages de rejet ou de haine à destination de tous, professionnels ou autres individus ordinaires.
Cette amplification de l’accès à la prise de parole publique s’est donc accompagnée d’une diversification de ses formes. Le sociologue identifie deux zones dans cet espace public repensé : le web participatif et le « web en clair-obscur ». Dans le premier cas, il est fait référence aux wikis, aux blogs, aux pages Youtube. Signifiant rapide en langue hawaïenne, le terme « wiki » a été inventé en 1995 par l'informaticien Ward Cunningham. Il désigne un système participatif d’édition de sites, dont le plus célèbre est « wikipedia ». Tous les internautes peuvent aisément y collaborer (écrire, effacer, corriger) dans la perspective d’un partage libre et gratuit des savoirs de chacun pouvant bénéficier à tous. Mais la régulation est autogérée, elle n’est pas le fait de « gatekeepers », professionnels de l’édition vigilants sur les contenus. Il en est de même de la zone suivante.
2. Que désigne le web en "clair-obscur" ?
Au milieu des années 2000, se développent également les réseaux sociaux numériques. On peut les définir comme un service en ligne permettant à ses utilisateurs de publier les contenus de leur choix et de les rendre ainsi accessibles à tout ou partie des autres utilisateurs de ce service.
Ainsi de Facebook et Twitter qui sont ouverts au grand public en 2006, la messagerie instantanée WhatsApp en 2009 puis les applications de partages de photos et vidéos Instagram en 2010 et Snapchat en 2011. Ici, les individus ordinaires communiquent ensemble, partagent leurs goûts, les détails de leur vie, leurs opinions au gré de leurs envies immédiates.
Les utilisateurs des réseaux exposent cependant leur vie quotidienne tout en se cachant, d’où l’appellation de « clair-obscur ». Ils règlent leur visibilité grâce aux possibilités offertes par les applications de masquer ou effacer certaines publications, de bloquer leurs correspondants. Comme l’indique l’auteur, dans cette zone grise, on peut « se voir caché ». Dans cette configuration de l’entre-soi, la régulation s’est d’abord située dans l’autolimitation de la liberté d’expression évoquée plus haut. Elle a dû être néanmoins complétée d’un ensemble de règles extérieures en raison de la vitesse de propagation des messages : chacun en partageant, « likant », « retweetant », contribue à leur amplification y compris lorsqu’il s’agit de contenus ou de comportements inacceptables (incitant à la haine, terroristes, pédopornographiques, harcèlement en ligne, usurpation d’identité)
(5)Également étudié par les élèves en Seconde en Sciences Numériques et Technologie (SNT).
Document iconographique 2 : La régulation du droit à l’expression
Document texte - Le web n’est pas sans règles et les interventions du législateur y sont même de plus en plus précises et tatillonnes. En prenant un peu de recul, on constate qu’après avoir été indifférentes aux régulateurs, les plateformes ont dû se plier, bon gré mal gré, aux législations nationales. C’est le cas dans le domaine de la propriété intellectuelle où, après les grands conflits des années 2000, les détenteurs de droits ont progressivement obtenu des plateformes qu’elles enlèvent de leurs services les contenus piratés. C’est aussi le cas des droits concernant l’expression en public, qui fait l’objet de limitations et de contrôle. Pour le comprendre, reprenons notre modèle d’espace public et relisons-le avec les lunettes du droit. Les enjeux juridiques sont souvent le reflet d’un conflit entre deux droits opposés. Ici, le droit qui défend la liberté d’expression du locuteur peut s’opposer au droit qui défend la vie privée et l’image de la personne dont on parle. Pour les quatre configurations de prise de parole que nous avons identifiées, le législateur français a créé différents types de compromis entre ces deux droits (…).
Dans la première configuration, celle que nous avons appelée sphère publique restreinte, la tradition législative française privilégie la liberté d’expression du locuteur sur les droits de celui dont il parle. Le droit encourage la liberté d’expression. (…)
Dans la deuxième configuration (espace public), le droit français privilégie à l’inverse la défense de celui qui est l’objet d’une publication offensante portant atteinte à sa tranquillité ou à sa dignité. En France, le droit à l’image et le droit à l’anonymat des personnes mises en examen ont été construits dans cette perspective. (…) L’émergence, depuis 2015, d’un droit européen à l’oubli en est une caractéristique. (…)
Dans la troisième configuration, celle du web participatif, qui voit les utilisateurs déposer des contenus sur toutes sortes de plateformes, un juste équilibre est recherché entre la liberté d’expression de l’internaute (qui parle sans le filtre des gatekeepers) et le droit des personnes dont il parle. La solution juridique qui s’est imposée depuis le début des années 2000 est originale, fragile et légèrement hypocrite. Le législateur, en France comme dans beaucoup de pays, a décidé de séparer la responsabilité juridique de celui qui publie de celle de l’hébergeur (la plateforme de blogs, Facebook, Twitter, Youtube, etc.). L’hébergeur accueille un contenu édité par d’autres. Cette distinction est devenue la colonne vertébrale du droit du numérique. (…) La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 a défini pour la France le statut d’hébergeur. Celui-ci n’est plus responsable a priori des contenus qu’il abrite ; seul l’éditeur, celui qui a publié le contenu sur la plate-forme, est considéré comme responsable ; mais, dès lors qu’un contenu illicite, piraté, antisémite, violent est signalé à la plateforme comme contrevenant à la législation, l’hébergeur devient responsable de ce contenu s’il ne se met pas en conformité avec le droit en vigueur dans les États concernés. C’est la raison pour laquelle tous les dispositifs numériques disposent maintenant d’un bouton « signaler ce contenu ». (…) C’est une politique d’extrajudiciarisation qui s’est mise en place, puisque la plateforme doit décider d’elle-même si un contenu signalé est conforme ou non au droit en vigueur, avec le risque que certaines plateformes, par mesure de précaution, surinterprètent le droit et décident de censurer des propos que les tribunaux auraient tolérés.
Dans la quatrième configuration (web en clair-obscur), celle des propos échangés entre les internautes sur les réseaux sociaux, le droit en vigueur s’applique normalement dès lors qu’une plainte est déposée, mais on constate que les troubles produits dans cet espace franchissent rarement la porte des tribunaux. Si l’on tient compte que 34 millions de Français passent 37 minutes par jour sur Facebook, le nombre de plaintes pour harcèlement, cambriolage, diffamation ou usurpation d’identité est singulièrement bas. (…) Cela tient non seulement à une sous-déclaration des litiges, mais aussi à un processus endogène d’autorégulation, de correction mutuelle, de la part de la majorité des participants. (…) C’est donc dans le registre des pratiques, des mœurs et de l’éducation qu’une régulation doit s’établir sur les réseaux sociaux, par l’acquisition d’une bonne compréhension des spécificités du contexte d’énonciation de cet espace mi-privé mi-public que nous avons appelé clair-obscur. (…) À l’évidence, les utilisateurs des réseaux sociaux doivent se montrer toujours plus responsables et vigilants quant à ce qu’ils publient, mais il faudrait aussi interroger le comportement de ceux qui utilisent les informations en les sortant de leur contexte.
Dominique Cardon, op.cit
1. Entre la partie gauche et la partie droite de ce document, quel terme n’est pas repris ?
2. Comment s’établit la régulation des contenus depuis la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) en 2004 ?
3. Quels sont les autres outils dont disposent les plateformes pour modérer les publications ?
4. Quelles sont les tentatives des pouvoirs publics pour dépasser les limites de cette régulation, en France et en Europe ?
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1. Entre la partie gauche et la partie droite de ce document, quel terme n’est pas repris ?
S’agissant de la communication des professionnels comme les journalistes, les éditeurs ou les hébergeurs, le droit s’applique : loi sur la liberté de la presse, le droit à l’image, à l’anonymat ou encore à l’oubli s’imposent.
En revanche, les publications amateurs font l’objet d’une régulation a posteriori qui tient plus de la « solution juridique » que du droit mis en application par un État.
2. Comment s’établit la régulation des contenus depuis la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) en 2004 ?
Afin de ne pas limiter la liberté d’expression, le contrôle des publications s’effectue uniquement a posteriori. Si les hébergeurs tels que Facebook, Twitter ou Youtube ne sont pas tenus responsables des informations diffusées, la LCEN précise leur rôle en cas de faits litigieux.
Si les contenus font l’objet d’un signalement exposant les motifs pour lesquels ils contreviennent à la loi du pays dans lequel ils sont diffusés, les hébergeurs sont alors tenus responsables : après examen, ils doivent supprimer, ou non, ces éléments rapidement.
Ainsi, ce sont bien les grandes sociétés du numérique qui, en dernière instance, agissent et non un tribunal juridique. On parle d’extrajudiciarisation de la démarche de régulation. Il demeure toutefois la possibilité de porter plainte (pour diffamation par exemple) mais celles-ci restent minimes, comparées aux usages.
3. Quels sont les autres outils dont disposent les plateformes pour modérer les publications ?
La plupart des acteurs ont mis en place des « conditions générales d’utilisation » (CGU) indiquant les catégories de contenus acceptées sur le service, et des mécanismes de modération lorsque ces règles ne sont pas respectées par les utilisateurs.
Certains, comme YouTube, ont intégré des volets pédagogiques à destination des utilisateurs de la plateforme sur les comportements proscrits, ou à destination des victimes de comportements agressifs d’autrui. La plateforme a mobilisé des influenceurs pour faire évoluer le comportement des utilisateurs et notamment des plus jeunes d’entre eux. Des rapports de transparence sont publiés par Facebook. En outre, la fonction de modération ne passe pas uniquement par le retrait de contenus considérés comme nocifs, il existe une palette de réponses possibles selon le type de contenu et le degré de dommage potentiel causé par ce contenu (mise en en « quarantaine », cache avec un message de prévention, déréférencement, mise en garde, etc.).
L’ensemble de ces moyens se heurtent cependant aux volumes de publications et présentent toujours un caractère opaque et peu structuré : pour un citoyen comme pour un État, il est impossible de vérifier les démarches mises en œuvre par les plateformes, de faire évoluer les CGU. Chaque média social préserve jalousement la mainmise sur la régulation afin de préserver sa réputation d’espace de libre expression auprès des internautes.
4. Quelles sont les tentatives des pouvoirs publics pour dépasser les limites de cette régulation, en France et en Europe ?
Examiner les informations sur les liens suivants :
· Loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, www.vie-publique.fr, 29 juin 2020.
· Martin Untersinger, Alexandre Piquard, « La loi Avia contre la haine en ligne largement retoquée par le Conseil constitutionnel », Le Monde, 18 juin 2020.
· « Réseaux sociaux : un observatoire de la haine en ligne pour analyser les discours haineux », www.vie-publique.fr, 20 octobre 2020.
· Virginie Malingre, « Thierry Breton : ‘Dans bien des cas, l’espace numérique est une zone de non-droit’ », Le Monde, 27 octobre 2020.
· Serge Abiteboul, Jean Cattan, « Nos réseaux sociaux, notre régulation », https://legrandcontinent.eu/fr/2020/04/07/nos-reseaux-sociaux-notre-regulation/, 7 avril 2020.
On a pu le constater en suivant la chronologie funeste qui a précédé l’attentat du 16 octobre 2020 en France, les publications individuelles, rapidement propagées, génèrent des dérives, persistantes malgré les efforts de modération.
Écartés des dispositifs de régulation, les pouvoirs publics en France, mais aussi à l’échelle européenne, tentent de faire évoluer la loi pour obtenir des résultats plus probants.
Outre la LCEN de 2004, la loi Avia[6] a été votée le 25 juin 2020. Elle a cependant été censurée sur de nombreux aspects par le Conseil constitutionnel.
En effet, essentiellement axée sur le renforcement du volet répressif, elle disposait notamment que les réseaux sociaux soient tenus de supprimer en 24 heures tout contenu haineux sauf à supporter de lourdes amendes. Or, cette évolution a été jugée « inadaptée et disproportionnée ». Ces qualificatifs juridiques font référence au fait que les plateformes devaient décider elles-mêmes, sans l’intervention d’un juge compte tenu du délai, du caractère illicite de la publication. Cela augurait donc d’une tendance à la censure excessive de précaution, néfaste à la liberté d’expression.
De cette loi demeure donc aujourd’hui l’observatoire de la haine en ligne qui a été installé en juin 2020.
Il est à noter que l’Europe s’est engagée sur l’économie numérique à travers le Digital Services Act, actuellement en discussion. Ce texte européen, porté par le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, vise à réguler les contenus publiés sur les plateformes et les plateformes elles-mêmes. Sur le plan des contenus, « ce qui est autorisé off line doit l’être on line, ce qui est interdit off line doit l’être on line », déclare ce dernier. Outre la nécessité de retirer les contenus signalés illicites, il est question de désigner une autorité de surveillance (en France, la CNIL, le CSA ou autre) et de pouvoir identifier les auteurs des publications. Quant aux plateformes, leur poids sur le marché, facteur de blocage aux nouveaux entrants, ferait l’objet d’une attention accrue. Une harmonisation de la règle, commune aux 27 pays de l’Union européenne, aurait ainsi une portée plus forte.
[6] Du nom de la proposition de loi de la députée LREM Laëtitia Avia.
Tâche finale : Commision d'enquête parlementaire
Au nom de la liberté d’expression, les plateformes numériques peuvent-elles être les seuls acteurs de la régulation sur les réseaux sociaux ?
Pour traiter ce sujet, nous proposons de l’ancrer sur une question d’actualité précise : l’accusation de biais anti-conservateurs dans la suppression des contenus publiés sur les réseaux sociaux pendant la campagne électorale américaine de 2020.
Outre l’ensemble des ressources qui précèdent, les articles suivants permettent d’éclairer le débat :
Damien Leloup, « Les patrons de Google, Twitter et Facebook face au « coup politique » du Sénat américain », Le Monde, 28 octobre 2020.
Damien Leloup, Aux Etats-Unis, la campagne présidentielle pousse les réseaux sociaux vers un rôle « d’arbitres de la vérité », Le Monde, 27 octobre 2020.
Modalités : Un groupe d’élèves préparent les arguments des parlementaires américains, essentiellement républicains[1], qui mettent en doute la neutralité de Twitter dans le filtrage des contenus et proposent de nouvelles modalités d’encadrement.
Un autre groupe d’élèves préparent les arguments de la défense de Jack Dorsey, PDG de Twitter.
Un seul élève représente chacune des parties.
Un dernier groupe d’élèves se posent en maîtres du temps et évaluateurs du débat. Ils relèveront les arguments successifs présentés.
Exemples d’argumentaires :
Monsieur Dorsey,
En tant que PDG de Twitter qui compte environ 187 millions d’abonnés dans le monde, vous n’avez pas été en mesure d’assurer la neutralité de vos salariés ces derniers mois. Nous avons relevé quantité de tweets de notre candidat Donald Trump, modérés ou supprimés par vos services. Cela s’appelle de la censure et c’est contraire au 1er amendement de notre Constitution dont je vous rappelle le texte car vous semblez l’avoir oublié :
La preuve éclatante en a été faite avec l’article du New York Post qui montre bien que le fils de Joe Biden est arrivé, grâce à son père, au conseil d’administration d’une grande compagnie gazière ukrainienne. Peut-on savoir pour quelles obscures raisons vous l’avez limité ?
Vous avez rompu la neutralité qui doit être la vôtre au cours d’une campagne électorale. Hormis les contenus haineux, vous devez tout publier ! D’ailleurs, sur ce plan, vous n’êtes pas exempt de critiques. Vos excuses répétées sur les erreurs commises à ce sujet concernant la discrimination envers les femmes ou la propagation des thèses conspirationnistes ne suffisent plus. Nous attendons plus de transparence quant au filtrage que vos salariés exercent mais aussi plus de moyens alloués à cette fonction essentielle du service que vous offrez aux citoyens du monde entier. Pour aller au-delà, nous appelons à la supervision des contenus signalés, par une agence ou une institution neutre. Pourquoi ne pas proposer un temps de latence plus long avant les retweets ? Nous avons également d’autres propositions à vous faire : …
Réponse de Jack Dorsey :
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je suis né en 1976. L’idée que l’informatique en reliant les ordinateurs en réseau pouvait augmenter les capacités des individus en leur permettant d’échanger, de communiquer et d’agir sur le monde s’était déjà concrétisée avec les prémisses d’internet. Comme mes collègues, je m’inscris pleinement dans les valeurs portées par le web qui sera créé dans les années 1990 : la communication est devenue l’affaire des individus, sans blocage ni contrôle, sans gatekeepers. C’est un lieu d’émancipation, de création et d’inventivité qui passe par le réseau des utilisateurs et non par l’État. Toute restriction politique dévoie le projet initial.
Est-ce à dire qu’il faut tout accepter et que l’anarchie et la loi du plus fort ou du plus rapide doit régner, sous couvert d’anonymat parfois ? Non, nous avons pris acte des demandes de régulation émanant du gouvernement des États-Unis, et d’autres nations également. Nous réagissons au plus vite aux signalements des tweet ou retweet contraires au respect de la personne humaine. C’est ainsi que nous avons bloqué en effet le compte du New York Post car les allégations portées à l’encontre du fils de Joe Biden nous apparaissaient comme peu fondées. Le travail de tri est devenu complexe dès lors que les hommes politiques, parmi les plus puissants, postent des messages au contenu douteux, mensongers concernant la dangerosité de la Covid-19 par exemple. Comme les autres réseaux sociaux, Twitter n’est pas un média mais un intermédiaire technique, il n’est pas un arbitre de la vérité. Notre intention est de montrer en quoi des affirmations sont contradictoires et donner toutes les informations pour que les gens puissent se faire une opinion par eux-mêmes[1] ».
[1] Cette phrase a été effectivement prononcée par le PdG de Twitter, Jack Dorsey.
A propos
Vie publique :
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