COURS 3 : Les grands courants de l’analyse économique depuis le XVIe siècle

Sommaire

L’économie politique est née, au XVIIIe siècle, de diverses tentatives qui ont été faites pour expliquer certains faits sociaux à l’aide de méthodes proches de celles qui sont utilisées dans les sciences de la nature. Les activités économiques ont d’abord dû s’émanciper de la tutelle religieuse pour qu’on puisse commencer à s’interroger sur leurs fonctionnements et motivations.

A La préhistoire de l’analyse économique

I : La longue gestation de la science économique.

a : De la condamnation antique des activités marchandes à leur réhabilitation à partir de la Renaissance en Europe

Les anciens philosophes grecs ont décrit la vie économique qu’ils avaient sous les yeux, et l’ont confrontée aux idées qu’ils s’étaient formés sur la nature et les fins de la vie sociale. Nous aurons donc à rendre compte, très brièvement, d’une première phase de l’histoire de la pensée économique, qui est, si l’on veut, préscientifique en ce sens qu’elle ignore la discipline que nous nommons aujourd’hui économie politique. Il n’y a pas, chez les Grecs, d’économie politique, parce que la vie économique, pour les penseurs grecs, n’est qu’un aspect, soit de la vie sociale, soit de la vie de la Cité. On assistera à un déclin de la pensée politique et économique dans le monde romain et au Moyen-Age avec le succès du christianisme. Depuis le XVIe siècle, l’économie se libère de la morale au nom de l’individualisme et de l’efficacité. A l’époque de la Renaissance, la philosophie économique ne se développe plus à l’intérieur du christianisme mais en dehors de lui et souvent contre lui. L’économique va construire une nouvelle idéologie qui va « libérer » l’économie des soupçons qui pesaient sur elle jusqu’alors. L’époque dans laquelle nous entrons est marquée par un vigoureux mouvement d’émancipation à l’égard de l’Eglise. En opposition à la conception ancienne une vision de l’homme se forme, qui exalte la valeur absolue de l’Etat, d’une part, et de la richesse d’autre part. Le point de départ est la doctrine mercantiliste (XVIe-XVIIIe siècle) et le point d’arrivée est la pensée des économistes classiques (XVIIIe-XIXe siècle). Durant cette période, l’économie est passée de l’immoralité à l’amoralité : de la condamnation de l’économie au nom de la morale à la condamnation de la morale au nom de l’économie.

b : La naissance d’une pensée économique autonome

La pensée mercantiliste est parvenue à défaire l’emprise de la religion sur les activités économiques, mais sans les rendre indépendantes du bon vouloir du prince. Ce sera l’œuvre des libéraux qui affirmeront que le système économique est un ordre naturel, indépendant du pouvoir politique. Dans la tradition libérale des « droits naturels », la propriété privée est naturelle et, dès la fin du XVIIe siècle, le courant physiocratique représente le fonctionnement de l’ordre naturel de l’économie à l’aide d’un « tableau économique », celui de F Quesnay. Le mercantilisme a séparé le glaive de l’autel en rapprochant le pouvoir royal de celui de l’économie : le libéralisme redonne l’autonomie de l’économie. B. Mandeville dans La Fable des abeilles en 1705, montre que les vices privés font le bien public car l’intérêt égoïste de chacun est plus efficace que la charité.  Cette nouvelle conception de l’ordre naturel est ainsi fondée sur les actions d’individus amoraux. A. Smith au XVIIIe siècle, celui même qui donna un sens au terme mercantilisme, sera l’héritier de cette nouvelle pensée en affirmant dans La Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations en 1776 que : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre diner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts ».  

II : Les mercantilismes

A partir du XVIe siècle, les économistes mercantilistes vont avoir une influence considérable sur la conduite des politiques économiques des gouvernements de l’époque. Ils ne cherchent pas à savoir si les actes économiques sont conformes à la morale chrétienne, mais à trouver les moyens dont dispose un pays pour s’enrichir. Les modalités concrètes proposées pour accroitre la richesse des nations ont différé selon les pays et ont donné naissance à plusieurs courants.

a : le mercantilisme bullioniste espagnol ou l’obsession des métaux précieux

La politique mercantile menée par l’Espagne a consisté à favoriser le rapatriement des métaux précieux du « Nouveau Monde » et à entraver leur sortie du territoire espagnol. Ainsi, les aventuriers espagnols avaient-ils pour mission de s’intéresser en priorité, non pas aux pays abondamment approvisionnés en matières premières exploitables, en bétail ou autres biens utiles, mais aux régions largement nanties d’or et d’argent. De même, pour empêcher la fuite des métaux précieux vers l’étranger, les autorités espagnoles ont été conduites à pratiquer une politique protectionniste en grévant leurs exportations de très fortes taxes. La publication par L. Ortiz en 1558 d’un Mémoire au roi pour empêcher la sortie d’or témoigne de la préoccupation du gouvernement d’alors. La poursuite d’une telle politique ne contribua pas à enrichir le pays de façon durable, elle généra une forte hausse des prix, qui fit s’interroger ceux que les questions économiques intéressaient. La dure condamnation proférée à l’encontre des erreurs des bullionistes espagnols ne fut pas récusée pendant une centaine d’années. On s’attacha à la défense des politiques mercantilistes, en montrant qu’elles sont rationnelles si on les considère comme les moyens appropriés à la réalisation de certaines fins, c’est-à-dire des fins d’affirmation du pouvoir de l’Etat. Le souci manifesté par les mercantilistes pour l’afflux d’or était peut-être aussi l’intuition de la relation entre l’abondance de la monnaie et la faiblesse du taux d’intérêt.

b : le mercantilisme français

Les économistes français proposèrent des politiques tout à fait différentes de celles des espagnols.  En France, J Bodin, dans une Réponse aux Paradoxes de M. de Malestroit touchant le fait des monnaies et l’enrichissement de toutes choses, mit en évidence une relation entre quantité de monnaie en circulation et niveau des prix et constitua une première explication monétariste de l’inflation. Au XVIIe siècle, en France, les conseillers du prince voyaient dans le développement des manufactures la source essentielle de l’enrichissement. Le mercantilisme français a ainsi été qualifié d’industriel. Un soutien important de l’Etat à l’industrie nationale par la mise en place d’une politique protectionniste efficace et une intervention directe dans la vie des affaires pour assurer la très haute qualité des produits nationaux constituent les voies privilégiées de l’enrichissement. Ce sont les idées qui ont été défendues en France par A de Montchrestien qui fit paraître en 1615 un Traité d’économie politique. Une telle conception du mercantilisme est fondée chez lui sur une distinction entre monnaie et richesse : « Ce n’est pas l’abondance d’or ou d’argent, la quantité de perles ou de diamants, qui fait que les Etats riches et opulents, c’est l’accommodement des choses nécessaires à la vie et propres au vêtement ».

III : La physiocratie ou la première analyse économique de l’ordre naturel

La réflexion économique commence bien avec les mercantilistes, mais elle n’est alors que le produit de penseurs isolés qui ne construisent pas un système de pensée globale, cohérent et moderne. L’école physiocratique marque donc les débuts du classicisme français et leurs travaux vont donner naissance à une école de pensée structurée et systématique.

a : Les physiocrates contre l’Etat tout puissant

Les physiocrates ont forgé leur nom à partir de physis qui signifie nature et kratos pour puissance. L’expression « gouvernement de la nature » a une double signification : d’une part, la théorie de la valeur part de la productivité de l’agriculture et le cycle économique est le reflet du cycle agricole. Dupont de Nemours utilise la métaphore de la ruche pour définir le gouvernement naturel de l’économie : « les abeilles se soumettent d’un commun accord et dans leur propre intérêt à l’organisation de la ruche. »  D’autre part, la conception de l’organisation économique préfigure une foi dans les mécanismes spontanés du marché. La confiance des physiocrates en l’harmonie spontanée surgissant de la nature les oppose aux mercantilistes pour lesquels l’économie est la science des affaires du prince. Pour eux, l’économie ne doit être au service des seuls puissants mais elle doit servir les producteurs et les citoyens. En France, alors que le volontarisme industriel de Colbert avait favorisé les manufactures royales, les physiocrates sont pour privilégier l’agriculture et non l’industrie. Cela les conduit à défendre la liberté des prix agricoles. Mais là encore, il ne faut pas que les pouvoirs publics agissent à la place des agriculteurs, il faut seulement les inciter à l’action. Les physiocrates veulent un prix plus rémunérateur pour les grains afin de stimuler l’activité des producteurs.

b : le chef de file de l’école : J. Turgot

Pour Turgot, les lois ou institutions humaines sont bonnes si elles sont conformes à l’ordre naturel. Théoricien, il tente de comprendre le lien entre la formation des prix et l’échange et établit que la terre fournit des rendements décroissants. Il annonce une loi fondamentale pour les classiques et les néoclassiques, la loi des rendements non proportionnels. Il annonce aussi les classiques en faisant de l’épargne le source de la formation du capital et de l’emploi. Il fait de l’intérêt le fruit d’une rencontre entre l’offre des capitaux et l’offre d’épargne. Il préfigure aussi les néoclassiques car il donne une place clé à l’interaction des individus sur un marché concurrentiel. Il forge des rudiments de théorie de la monnaie et de l’intérêt. Cela le conduit à dépasser un raisonnement économique purement physique en esquissant une approche monétaire du circuit économique. Il est vu comme l’ancêtre de ceux veulent un Etat minimum et dénonce l’inefficacité de l’intervention publique dans les affaires privées.

En 1774, ministre des finances de Louis XVI, son acte décisif est un acte libéral puisqu’il rétablit la liberté du commerce pour les céréales. C’est le laissez-faire des physiocrates. Il supprime le système des corvées et souhaite que les paysans soient les premiers bénéficiaires des décisions de politique économique, d’où la baisse des charges fiscales sur ceux-ci. Il pratique une rigueur budgétaire sélective qui atteint les dépenses improductives de la cour et touche aux intérêts des puissants.

c : F. Quesnay : analyse en termes de classes sociales et modèle de fonctionnement de l’économie.

Quesnay distingue trois classes fondamentales dans la vie économique de la nation : la classe productive, la classe des propriétaires et la classe stérile. Sa représentation de la société est celle d’une harmonie : à l’image du corps humain, chaque classe remplit une fonction nécessaire à maintenir la bonne santé de l’ensemble. Il faut empêcher tout ce qui limite la circulation des biens et des valeurs entre les classes sociales pour que le flux de richesse irrigue tout le corps. Chaque classe a une fonction indispensable à la vue de tous. Pour Quesnay, la classe productive des agriculteurs crée plus de valeur qu’elle n’en consomme. La classe des propriétaires comprend les propriétaires fonciers ; elle vit sur le surplus de valeur créé et consommation les biens produits par les autres classes : elle reçoit la rente foncière comme revenu. Enfin, la classe stérile comprend tous les citoyens occupés à des travaux autres que l’agriculture et en particulier les artisans ; elle se contente de transformer les biens existants et restitue juste la valeur qu’elle utilise. Toutes ces classes sont donc liées au sein d’un circuit qui mène de la production à la répartition des revenus, pour aboutir à la dépense.  Quesnay prend un exemple numérique qui concrétise son modèle économique. Il explique que les dépenses font la production, que les production font les revenus et que les revenus font les dépenses. Dans son tableau (v document 5), les trois grands types d’agents économiques dont les fonctions sont bien définies sont ainsi reliés par une circulation des biens physiques et des paiements monétaires. Sans nul doute, Quesnay va marquer son siècle et l’histoire de la pensée économique.

 

B :  Les économistes classiques

Après une introduction rapide présentant l’état de la pensée économique à l’aube de la période classique, sont étudiés désormais les économistes classiques dénommés encore libéraux orthodoxes. Toute classification, tout découpage historique comporte un certain arbitraire. La délimitation précise de la période pendant laquelle s’est exprimée la pensée classique n’y échappe pas. Il n’est donc pas étonnant de trouver une délimitation quelque peu différente selon les auteurs mais la plupart des économistes font débuter la période classique avec Adam Smith dans la mesure où son ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations était considérée comme un tournant décisif dans la façon d’appréhender les questions économiques.

I : Qui sont les classiques ?

a : Préoccupations des classiques et défense du libéralisme

Les classiques vont s’attacher à traiter les problèmes économiques sous tous les aspects : production, échange, répartition, liaisons des problèmes sociaux. Les physiocrates firent la théorie d’un capitalisme agraire que la France ne connaissait que da façon exceptionnelle. L’Angleterre possédait un capitalisme agraire mais ce pays, dès 1750 était arrivé au stade de la construction d’un capitalisme industriel et, c’est en pensant aux progrès de l’industrie que A. Smith, élabore une théorie du monde de production capitaliste. Les classiques vont s’attacher aux mêmes questions particulièrement nombreuses : d’où vient la richesse ? Quelle est l’origine de la valeur et comment se déterminent les prix ? Faut-il être libéral ou interventionniste ? Protectionniste ou libre-échangiste ? Comment s’effectue la répartition des revenus ? Quelles sont les conditions de la croissance ?

Les classiques vont systématiser la démarche physiocratique en essayant de dégager des « lois économiques », loi de l’offre et de la demande, loi des débouchés, mais aussi loi d’airain des salaires. Désormais, l’économie ou l’économie politique est considérée comme une science à part entière où il s’agit de décrire et d’analyser les mécanismes de la vie économique. Les économistes classiques vivent dans le même contexte historique, celui de l’immense misère ouvrière de la fin du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe siècle. Comment être libéral face à la misère et quel système proposé si l’on considère que le capitalisme est à l’origine de cette misère ? Mais pour tous, la question de fond reste identique, il s’agit de définir l’organisation qui assure l’optimum économique et social. Une véritable unité doctrinale va se mettre en place qui s’accompagnera cependant de grandes diverses théoriques. Les économistes classiques différent des auteurs postérieurs à la crise des années 1870 par la faible utilisation de l’outil mathématique. D. Ricardo est considéré comme ayant joué un rôle majeur dans le développement de l’abstraction en économie, mais la modélisation de Ricardo a beaucoup moins recours aux instruments mathématiques que celle des néoclassiques contemporains.

b : La théorie de la valeur : objet fondamentale de réflexion

Selon quelles règles s’échangent les différents biens ? Cette question porte un des débats majeurs des deux siècles et demi qui nous séparent de Smith. Celui-ci différencie d’abord « valeur d’usage » et « valeur d’échange ». Cette dernière est déterminée par la valeur relative des différents biens alors que la valeur d’usage est liée à l’utilité. Pour bien marquer cette distinction, Smith formule le « paradoxe de la valeur » selon lequel des biens qui ont une très grande valeur d’usage peuvent avoir une faible valeur d’échange et inversement (l’eau et le diamant). Comment déterminer un étalon qui permette de mesurer la valeur d’échange des différents biens ? Smith estime que le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. Il propose donc une théorie de la « valeur travail commandé ». Ricardo reprend la distinction de Smith entre valeur d’usage et valeur d’échange et adhère au principe de la valeur travail mais son raisonnement diffère sur de nombreux points. Il va proposer une analyse en termes de « travail incorporé ». Selon Ricardo, la valeur d’échange des marchandises est proportionnelle à la quantité de travail nécessaire à la production. Il précise que la quantité de travail incorporée est composée du travail direct (le nombre d’heures de travail effectués pour la réalisation du bien) et du travail indirect qui est le temps de travail passé à la réalisation des moyens de production nécessaires pour ce même bien.

En ce qui concerne le salaire, celui-ci est défini par les classiques comme de subsistance. Les variations de la situation du marché du travail ne peuvent changer ce salaire : plus généralement, les salaires oscillent autour du prix naturel du travail et seuls, les progrès de la productivité du secteur agricole déterminent le coût du travail. A la différence de Ricardo, Smith insista davantage sur les inégalités de salaire pour des emplois salariés de nature proche. J.B. Say se distingue des classiques anglais qui, jusqu’à J.S. Mill, ont fondé la valeur d’échange sur le travail. Au contraire, ce classique français reprendra J. Bentham, anticipe sur les néoclassiques en faisant de l’utilité la source de la valeur.

II : Des économistes soucieux de la question sociale et de l’avenir du système économique

a : La répartition des richesses en lien avec l’analyse des classes sociales

Comme beaucoup d’auteurs de son époque, A. Smith retient trois catégories de revenu, au lieu de deux pour la plupart des auteurs néoclassiques, dans la mesure où il fait une distinction entre la rente et le profit. Par ailleurs, il distingue ce que l’on appelle aujourd’hui revenus primaires, ici d’un effort productif, et qu’il nomme « source primitive de tout revenu » des autres catégories de revenu. Salaire, profit et rente sont les trois sources primitives de tout revenu, aussi bien que de toute valeur échangeable. Smith tente de dégager les lois auxquelles obéit la détermination de chacun de ses revenus. Il reconnaît qu’il y a conflit d’’intérêt entre les maitres et les ouvriers et donc la lutte pour le partage des richesses. Cependant, les maîtres étant presque toujours gagnants, en raison de leur capacité de coalition et de leurs moyens financiers, les salaires réels tendent à être voisins du salaire de subsistance. Les salaires sont donc le produit de rapports de force inégaux. Quant aux profits, Smith explique que leur montant est proportionnel au capital engagé. Il expose enfin que la rente est la différence entre le prix des récoltes, d’une part, et, d’autre part, la somme des salaires et des profits qui doivent être payés pour obtenir cette récolte, étant donné les quantités de travail et de capital employées. Ricardo est considéré comme le fondateur du raisonnement différentiel. Pour la valeur, il raisonne en termes de moyenne, mais l’analyse des rendements décroissants des terres mises en culture l’amène à penser de façon différentielle. C’est un des apports majeurs de Ricardo à l’analyse économique qui pensait alors le plus souvent en moyenne. Sa théorie de la rente différentielle consiste à expliquer l’origine du prix des terres payées au propriétaire foncier lorsqu’il les donne en exploitation à autrui.

b : L’avenir du capitalisme pour les classiques

Pour Ricardo, le capital et l’épargne sont au cœur de la croissance économique. Son approche de la croissance est classique en ce sens qu’elle attribue à l’épargne le rôle clé dans la constitution du capital. Le capital étant à un niveau donné, il déduit un niveau de revenu et de l’emploi et, un pays est d’autant plus riche au départ qu’il dispose en abondance de moyens de production efficaces nécessaires au travail et à la production. La dynamique de l’accumulation du capital est expliquée par la répartition des richesses. Sous l’effet de l’augmentation de la population, il faut mettre un nombre croissant de terres en culture. Ricardo reprend la thèse de Malthus qui souligne le décalage entre les taux de croissance de la population et des biens de subsistance mais défend la loi des rendements décroissants en agriculture qui fait que les dernières terres cultivées sont de plus en plus médiocres. La rente différentielle va donc augmenter et la part du produit brut consacrée au paiement des propriétaires fonciers aussi. Comme les salariés ont touchent des revenus incompressibles et que leur nombre est croissant, la masse salariale augmente à court terme proportionnellement à la population. La conséquence logique est que le profit va être laminé. Autrement dit, en longue période, le profit va tendre vers zéro. Ricardo parle donc d’état stationnaire. Pour Smith, la division du travail est source d’efficacité et de croissance sans limite. Plus une nation est riche, plus elle spécialise les talents de ses membres et obtient une productivité supérieure, mais cet optimisme est possible car il ignore la loi de la surpopulation absolue de Malthus et celle de la rente différentielle de Ricardo. Seul J.B. Say défendra l’économie de marché capable d’éviter les crises en privilégiant dans son analyse l’offre. Dans sa loi des débouchés, il affirme que créer un bien nouveau, c’est créer de la valeur et ainsi acquérir la pouvoir d’acheter un produit d’une valeur équivalente. L’idée de base de la loi des débouchés est que la valeur de tout produit est aussi transformée en revenus pour ceux qui l’ont créée. On paiera des salaires, des profits, des fournisseurs et cet argent qui circule toujours sera automatiquement dépensé. Ainsi la valeur totale de la production sera égale à la valeur totale des revenus distribués qui, elle-même, provoquera autant de dépenses en biens de consommation et en biens de production.

 

C : Marx et l’exploitation de l’homme par l’homme

I : La critique de l’économie politique

Marx élabore une analyse d’ensemble du mode de production capitaliste ; il refuse toute réforme et met sa vie au service de la révolution. Situation totalement exceptionnelle dans le domaine des sciences sociales, seules les postérités de Keynes et de Freud peuvent lui être comparées, dans des domaines plus restreints. Marx n’est pas qu’un économiste, c’est un philosophe qui, par militantisme, a fondé un socle épistémologique nouveau pour l’ensemble des sciences sociales, et ne s’est jamais totalement spécialisé dans celle qui jugea la plus utile de critiquer et de développer.

On comprend que sa pensée soit essentiellement critique : selon la conception de l’évolution historique de Marx, l’homme se constitue progressivement à partir de son « affrontement utilitaire à la nature ». Pour analyser ce processus, il élabore quatre concepts de base : la production, les forces productives, les rapports sociaux de production et le mode de production. L’analyse économique et sociale de Marx s’intègre dans un système de pensée beaucoup plus vaste. Elle n’est qu’un aspect d’une approche matérialiste qui part de « l’aliénation » pour conduire à la libération dans le communisme. L’économie et la sociologie de Marx ne représentent pas une théorie élaborée pour elle-même, et dont les propositions seraient à mettre sur le même plan que celles d’autres courants de pensée. Si Marx recherche l’union de la pensée et de l’action, pour aboutir à la critique de l’économie politique, c’est par le concept d’aliénation qu’il faut commencer. L’aliénation est un processus de dépossession et Marx lui fera jouer un rôle central dans son analyse du prolétariat. Aliéné, car ne possédant pas les moyens de production, le prolétariat ne peut être qu’exploité par les capitalistes.

II : l’exploitation capitaliste

L’ouvrier n’est pas rémunéré selon son travail mais selon le prix de sa force de travail qui est le temps de travail socialement nécessaire pour le produire. Son salaire est donc lié aux prix des marchandises nécessaires pour permettre au prolétaire de travailler et non en fonction des valeurs des marchandises fabriquées. Marx affirme ainsi que l’ouvrier produit plus de richesses qu’ils n’en consomment et, c’est ce qu’il appelle le surtravail ou plus-value capitaliste. La plus-value apparaît à la fin du cycle de production comme la différence entre le montant des recettes et le capital avancé. La plus-value est une augmentation de valeur qui, à première vue, semble prendre naissance dans l’échange. Le capitaliste s’enrichirait parce qu’il vendrait les marchandises au-dessus de leur valeur. Si on s’en tient à cette origine, on se heurte à des difficultés insurmontables nous dit Marx. Ce n’est pas dans la circulation qu’il faut rechercher l’origine de la plus-value, mais bien dans la production. La journée de travail se divise, dans l’entreprise capitaliste, en deux grandes parties. Pendant la première, le salarié produit sous forme de marchandises une valeur équivalente à la valeur de sa force de travail ; pendant la seconde, il produit, sous forme de marchandises également, une valeur supplémentaire que s’attribue légalement le capitaliste puisqu’il est momentanément propriétaire de la force de travail de l’ouvrier. A la différence du système féodal où le serf savait qu’il travaillait bénévolement quand il était sur les terres du seigneur, dans l’usine capitaliste, la plus-value se présente de manière non-visible, paraît se confondre avec le produit lui-même et n’apparaît pas à la conscience des producteurs comme le résultat d’une exploitation de la force de travail.

III : la crise capitaliste

Marx montre la contradiction permanente dans un mode de production qui repose sur la propriété privée des moyens de production entre le développement des forces productives et les rapports sociaux de production. Un mode de production a deux composantes : la base économique et sociale du mode de production, composée des rapports des hommes avec la nature (les forces de production) et les rapports des hommes entre eux (les rapports sociaux de production). La superstructure composée des institutions et de l’idéologie, découle de l’infrastructure. Le capitalisme est un système d’exploitation qui favorise le développement des richesses ou des forces productives mais l’accumulation de ces richesses se transforme inéluctablement en suraccumulation du capital. La suraccumulation est définie comme l’excès d’accumulation du capital par rapport aux limites de la somme totale de plus-value qu’il est possible d’obtenir pour valoriser ce capital. Dans le cas extrême de suraccumulation ne correspond aucun profit additionnel ou un profit si faible que tout motif d’accumulation disparaît en principe. Il est donc nécessaire qu’une partie du capital accumulé ne se mette plus en valeur ou qu’elle soit dépréciée. On assiste alors à une rupture du processus d’accumulation à partir d’un certain degré de baisse du montant du profit correspondant au capital additionnel. Le taux de profit étant le rapport entre le profit (plus-value accumulée) et les fonds engagés (achat des moyens de production et paiement des salaires aux ouvriers), celui-ci ne pourra que baisser. Marx parle de la loi de la baisse du taux de profit.

 

D : Les néoclassiques

I : la naissance de la pensée néoclassique

L’émergence du courant néoclassique au milieu du XIXe siècle est une réponse à un défi théorique posé aux économistes libéraux, par l’approche de la valeur des économistes classiques. Ce courant va  ajouter à la lecture de l’économie des classiques une approche plus formelle et systématique en termes de marché et d’équilibre. Deux nouveautés décisives par rapport aux classiques sont introduites : le passage d’une théorie de la valeur-travail à une analyse en termes de valeur-utilité. Puis, l’élaboration de raisonnements à la marge pour expliquer à la fois les comportements des consommateurs et des producteurs.

L’attention des néoclassiques se porte sur le fait que l’utilité attachée à un bien est non seulement variable d’un individu à un autre, mais diffère aussi pour un même individu selon la quantité de ce bien dont il dispose au moment où il apprécie cette utilité. Les néoclassiques vont alors construire une analyse qui donne une place particulière à l’utilité de la dernière unité de bien détenu, l’utilité marginale. Nous passons donc de la valeur utilité à l’analyse de la marge. Pour comprendre cette approche, il faut d’abord percevoir que l’utilité de la dernière unité disponible d’un bien ne se confond pas avec l’utilité moyenne de ce même bien. Les néoclassiques montrent que l’utilité de la dernière unité de bien détenue tend à décroître au fur et à mesure que les quantités détenues du bien considéré augmentent. Ainsi l’utilité marginale est décroissante et, ce sera le point de départ d’un ensemble d’analyses à la marge qui se révéleront à l’origine d’une approche nouvelle qu’on qualifiera de « révolution marginaliste ». Ainsi les néoclassiques concentrent leur attention sur la question de l’affectation des ressources rares et puisque le capitalisme est d’abord une économie de marché, ils analyseront le fonctionnement de ce marché. les néoclassiques vont concentrer leur attention sur les conditions d’équilibre entre l’offre et la demande sur les différents marchés.

II : Les courants néoclassiques

Nous distinguons traditionnellement plusieurs courants parmi les néoclassiques.

a : Le courant anglo-saxon

W.S. Jevons est le premier néoclassique anglais qui se révèle un fondateur de l’économie pure. Dans son ouvrage majeur, Theory of Political Economy en 1872, en une formule lapidaire, il résume l’essentiel des propositions marginalistes : « Le coût de production détermine l’offre ; l’offre détermine le degré final d’utilité, le degré final d’utilité détermine la valeur ». Il élabore une théorie subjective de la valeur et construit sa pensée contre celle de Ricardo. Il sera le détracteur acharné de la valeur travail. Il reprend l’utilité marginale du viennois Von Wieser et la rareté de L. Walras et affirme l’idée que la somme des utilités marginales permet d’obtenir l’utilité totale qui fournit une unité absolue de la valeur ressentie au cours d’une série de consommations. Il apporte une première contribution à la théorie de l’équilibre sur un marché unique. Ayant établi la nature subjective de la valeur, l’échange devient la clé de tout son discours. Il expose l’idée de convergence vers l’équilibre lors d’un échange de la manière suivante : « L’échange se continuera jusqu’à ce que chacune des parties ait obtenu tout le profit possible, et si on échangeait davantage, il en résulterait une perte d’utilité. Le point d’équilibre s’établira lorsqu’une quantité infiniment petite de produit échangée en plus, dans le même rapport, n’apportera ni gain, ni perte d’utilité. En d’autres termes, si les incréments de produits sont échangés dans le rapport établi, leurs utilités seront égales pour les deux parties ». Il s’agit de l’exposition claire du principe des utilités marginales et, nous sommes au cœur du raisonnement marginaliste.

b :  le courant français et l’école de Lausanne ou courant de l’équilibre général

L. Walras (1834-1910) sera, en revanche, considéré comme le géant de l’économie néoclassique en raison du succès de sa révolution théorique pour les néoclassiques. Triomphe de la science économique pour les uns, boite vide pour les autres, ce modèle central est encore l’objet de polémiques parmi les économistes. Walras veut faire de l’économie une science et son raisonnement se situe d’emblée dans le cadre de la concurrence pure et parfaite. Il se situe dans ce cadre parce qu’il pense pouvoir montrer ensuite que les autres types de marché sont moins efficaces.  Il s’intéresse au problème de l’échange en général et il formule pour cela la loi de l’offre et de la demande effectives ou loi d’établissement des prix d’équilibre. Pour Walras, il existe une interdépendance générale entre tous les marchés, interdépendance liée en ce qui concerne le consommateur à la contrainte de revenu qui rend les choix alternatifs. Certaine interdépendance rend insatisfaisante une approche de l’équilibre entre offre et demande qui se situe au niveau d’un seul produit (logique de l’équilibre partiel). Pour Walras, l’étude de la formation des prix doit prendre en compte cette interdépendance et, en conséquence, doit se situer au niveau de l’ensemble des marchés. Il existe donc un système des prix qui assure l’égalité entre l’offre et la demande sur tous les marchés.

II : du marginalisme aux nouvelles théories de la microéconomie.

Une des spécificités des différentes approches néoclassiques actuelles par rapport aux courants néoclassiques traditionnels est la volonté des auteurs contemporains de répondre aux critiques développés contre l’analyse néoclassique traditionnelle. Le point commun des économistes néoclassiques actuel est leur défense de l’économie de marché. Pendant longtemps considérées comme inconsistantes parce que marquées par une approche peu formalisée, les idées autrichiennes ont retrouvé une certaine influence à la fin du XXe siècle, sans doute parce qu’elle a toujours reconnu le caractère imparfait des marchés réels.

L’approche de l’école de Lausanne, il est vrai, se heurte à plusieurs problèmes. Les mécanismes par lesquels se réalise l’équilibre général sont fragiles et la question du commissaire-priseur est posée. Certains économistes vont tenter de résoudre en utilisant les moyens des mathématiques modernes. On parlera d’un courant normatif de l’équilibre général. Cette approche trouve son expression la plus célèbre dans le modèle Arrow-Debreu qui s’est élaboré à partir de leur analyse. Une des directions de recherche adoptée par la pensée néoclassique depuis les années 1930 est celle des jeux dont l’ouvrage de J. von Neumann et O. Morgenstein, Théorie des jeux et comportements économiques constitue la référence la plus classique. L’objet est l’étude de l’interaction des comportements de plusieurs individus conscients de l’existence de ces interactions. Le but est prendre en compte des comportements plus réalistes que ceux retenus dans les analyses de la concurrence parfaite. Les néoclassiques ont vu dans cette théorie le moyen d’expliquer à partir des comportements individuels maximisateurs un certain nombre de phénomènes économiques importants, qui vont de la négociation bilatérale aux diverses formes possibles de coopérations entre les individus qui ne cherchent pourtant que leur propre intérêt.

Nombre de néoclassiques cherchent à intégrer l’imperfection du marché. Ainsi, dans le domaine de la formation des salaires, la flexibilité des prix, hypothèse néoclassique de base, se heurte aux comportements réels au sein des entreprises en matière de salaire où la rigidité est la norme. La théorie des contrats implicites développée par C. Azariadis veut donner une explication, qui soutient les conclusions néoclassiques, à une rigidité constatée des prix. Le principe de l’explication est simple : comme les entreprises ont une aversion pour le risque moins forte que le salarié, elle joue auprès de lui le même rôle qu’une compagnie d’assurances, en lui évitant de subir les conséquences des fluctuations conjoncturelles, assimilées à des états de nature. Ainsi, en période faste, le salaire est moins élevé que la productivité marginale du travail car le travailleur verse « implicitement » une prime d’assurance à l’employeur qui, en contrepartie, maintient ce salaire au même niveau lorsque la conjoncture est mauvaise (le salaire étant alors supérieur à la productivité marginale).

 

E : Keynes : son œuvre, ses détracteurs, ses followers (de la NEC à la NEK).

I : la révolution keynésienne

Quand on évoque les grands économistes, le nom de Keynes est un des tout premiers qui vient à l’esprit et seuls A. Smith, K. Marx et peut-être un ou deux autres ont atteint une telle notoriété. En inventant les bases de la macroéconomie, il renouvelle profondément l’économie politique et, contre les théoriciens du « laisser-faire », il prône une intervention active de l’Etat. Robert Skidelsky, professeur d’économie politique à l’université de Warwick (Royaume-Uni) et auteur de la biographie de référence sur Keynes, rappelle que John Maynard Keynes avait écrit à George Bernard Shaw : « Je crois que je suis en train d’écrire un livre sur la théorie économique qui révolutionnera en grande partie – non pas, je suppose, d’un coup, mais au cours des dix prochaines années – la manière dont le monde réfléchit à propos de ses problèmes économiques. ».

a :  La révolution de la théorie générale

a : 1 Sortir de la crise

Keynes est profondément affecté par la crise de 1929 aux conséquences désastreuses. Il craint qu’une épargne trop élevée ne soit source de la montée du chômage. Jusqu’alors, le chômage avait été combattue par les recettes classiques de baisse du salaire réel. En baissant les salaires, on réduisait les coûts de production, jugés trop élevés, mais la chute de la demande liée à la contraction de la masse salariale était alors à l’origine des faillites d’entreprises. L’originalité de Keynes sera de mettre l’accent sur la demande. Contre les classiques qui voient le marché comme naturellement efficient, il considère que le sous-emploi est un état de l’économie qui peut durer. Dans la Théorie générale, Keynes réfute tout d’abord la loi des débouchés de JB Say, selon laquelle toute offre crée sa propre demande. Il considère que les crises de surproduction existent et pour lui, le niveau de demande n’atteint pas forcément celui de l’offre car les entreprises n’augmentent leur production qu’en fonction des prévisions des ventes (la demande effective, au sens de « effectivement prise en compte » par les entreprises). Selon Keynes, le niveau de l’emploi dépend de la demande effective qui correspond à son tour au volume de production décidé par les entrepreneurs en fonction de leurs anticipations sur les ventes et la rentabilité des investissements. Or, contrairement aux thèses classiques, rien de garantit que ce volume de production corresponde au plein-emploi. Dans certaines circonstances, un équilibre durable de sous-emploi peut s’établir. Cet équilibre résulte d’anticipations pessimistes auto-réalisatrices : les entrepreneurs ne prévoient pas d’augmentation de leurs débouchés, donc ils n’embauchent pas, de telle sorte que la demande globale s’en trouve effectivement déprimée, ce qui confirme ex post leurs anticipations, donc ne les incite pas à réviser leurs plans, etc. Keynes, en introduisant la notion d’incertitude en économie, qui peut être radicale, montre qu’aucun mécanisme de marché ne permet de sortir de cette spirale dépressive. A l’innovation majeure de l’incertitude en économie, s’ajoute une seconde qui est le nouveau statut de la monnaie, cette fois demandée pour elle-même. L’épargne est une fuite dans le circuit économique qui génère à son tour du sous-emploi car elle affecte la demande effective.

Les problèmes du capitalisme contemporain découlent de la conjonction d’une propension à consommer et d’une efficacité marginale du capital trop faibles, ainsi que d’une préférence pour la liquidité trop forte. Les solutions consistent pour l’Etat à agir sur ces variables et à créer lui-même une demande supplémentaire par les dépenses publiques. En substituant à l’analyse microéconomique par marchés une analyse macroéconomiques par fonctions, Keynes considère qu’il appartient à l’Etat de relancer la demande en agissant sur la consommation et/ou l’investissement. L’augmentation des dépenses publiques exerce un effet multiplicateur sur l’activité et par conséquent sur l’emploi. Le déficit budgétaire initial est finalement réduit par l’augmentation des recettes fiscales résultant de la reprise (effet de stabilisation automatique). Par ailleurs, une politique monétaire expansionniste (injection de liquidités, baisse des taux d’intérêt) favorise, elle aussi, la demande effective.

a : 2 La fin du « no bridge »

Le « no bridge » de Keynes signifie qu’il est impossible de faire le lien entre la microéconomie et la macroéconomie. Les variables macroéconomiques ne peuvent avoir que des déterminants macroéconomiques. Les néoclassiques pensaient au contraire que l’analyse économique consiste en l’étude du comportement d’agents représentatifs et qu’il suffit d’agréger ensuite ces différents comportements individuels pour avoir une connaissance de l’économie globale. Ainsi, l’économie néoclassique n’exclut absolument pas une vision macroéconomique ; d’ailleurs, le modèle de l’équilibre général relève davantage d’une conception macroéconomique que d’une conception microéconomique. Les néoclassiques proposent une démarche microéconomique par marchés quand Keynes propose une démarche macroéconomique par fonctions (de consommation, d’épargne, d’investissement et d’emploi).

b : Approche de la synthèse

J. Hicks tient une place particulière car, dans son célèbre article publié en 1937 Mr Keynes and the classics, il centre ses recherches sur l’intégration des idées de Keynes à l’analyse de Walras. Il marque le point de départ du courant dit de la « synthèse » qui voit dans l’analyse de Keynes un cas particulier non pris en compte dans l’analyse de Walras mais intégrable à une analyse néoclassique élargie. Son fameux modèle IS/LM tente de présenter sous forme graphique les conditions d’équilibre d’une part sur le marché des biens IS d’autre part sur le marché de la monnaie LM (v document 13).       

Le courant de la synthèse s’oriente aussi dans une autre direction, celle de l’explication de la succession de périodes de croissance et de crises par l’instabilité du taux d’investissement. P. Samuelson développe ainsi une explication de l’instabilité du niveau de l’emploi par la conjonction de l’effet multiplicateur de Kahn et de l’effet d’accélération mis en évidence par Aftalion. Il montre comment l’interaction des deux mécanismes peut engendrer des cycles ou oscillations dont l’origine est endogène car ils sont déterminés par le modèle, et non en dehors de lui. A. Leijonhufvud en 1968, montre que, dans les conditions économiques proches du plein-emploi, l’économie retrouve aisément son équilibre. Il existerait donc des situations dans lesquelles les forces qui tendent à rétablir l’équilibre, l’emportent sur les forces qui tendent à le perturber. Mais dans d’autres cas, le système est susceptible de se dérégler. On doit donc pratiquer une politique keynésienne que lorsque l’économie est déstabilisée.

II : Les adversaires de la pensée keynésiennes

a : le monétarisme : une alternative à l’analyse keynésienne

M. Friedman a défendu une explication monétariste de la crise de 1929, liée à la mise en place d’une politique excessivement restrictive par la Fed. A la différence de Keynes, le monétarisme estime que la monnaie est neutre et n’exerce d’influence que sur le niveau des prix et non sur les prix relatifs. Friedman renoue avec la théorie quantitative qui pose le principe de la neutralité de la monnaie en affirmant que toute variation de la masse monétaire n’a, à long terme, d’influence que sur les variables nominales, le PIB en valeur et les prix. Les monétaristes estiment également qu’il existe un niveau de chômage autour duquel gravite l’économie et qui correspond à un taux de croissance séculaire « normal » du salaire réel. Ce taux est celui qui peut être maintenu lorsque le stock de capital, le progrès technique, etc., demeurent à leurs taux de croissance longs ; il est appelé le « taux naturel de chômage », largement indépendants de l’inflation puisque déterminé par des facteurs réels. On peut considérer qu’il représente le plein-emploi pour les monétaristes. A court terme, une inflation non anticipée, en raison de la hausse du stock de monnaie provoqué par l’Etat afin de réduire le chômage, est perçue par les entreprises comme une augmentation de la demande, ce qui les incite à produire plus et à offrir des salaires nominaux plus élevés. En raison de leur perception de la hausse des prix futurs, les employeurs interprètent la croissance des salaires nominaux comme une réduction des salaires réels. Cependant, les salariés victimes d’illusion monétaire sont persuadés que leurs salaires réels se sont accrus. Ce décalage entre la perception des firmes et des salariés conduit des premières à demander davantage de travail, et les seconds à en offrir plus : le chômage diminue. Mais cette situation est temporaire et les salariés finissent par constater que l’inflation est supérieure à celle qu’ils avaient anticipée aussi on assite à une demande de hausses de salaires nominaux qui réduit la demande de travail des entreprises et le chômage revient à sa valeur naturelle. Friedman avance qu’une politique monétaire active ne peut qu’amplifier les fluctuations et engendre la stagflation.

b : La nouvelle école classique (NEC)

Les nouveaux classiques et les nouveaux keynésiens vont s’accorder pour considérer que l’analyse macroéconomique doit se fonder sur l’analyse microéconomique ; c’est l’agrégation des comportements individuels qui forme l’économie générale. Le « no bridge » est définitivement enterré. Toutefois, l’opposition entre les deux courants restent grande.

Une partie de la pensée et de la méthodologie monétariste forme le soubassement de la NEC, une autre partie étant issue de la théorie classique proprement dite. Chez les nouveaux classiques (R. Lucas, R. Barro), les comportements des agents possèdent trois caractéristiques microéconomiques. Ce sont des optimisateurs en équilibre permanent. Les décisions sont prises sur la base de facteurs réels et pas monétaires. Et, en troisième lieu, ces décisions se prennent sans erreurs systématiques sur les variables, ce qui signifie que les anticipations sont rationnelles. L’introduction par Lucas des anticipations rationnelles, jointe à l’absence d’illusion monétaire, lui permet d’affirmer la neutralité de la monnaie à court et à long terme et déduit l’incapacité pour les pouvoirs publics de réduire le taux de chômage même à court terme. Puisque les nouveaux classiques supposent un comportement optimisateur des agents et que ces derniers forment, à l’image de la théorie des jeux, des anticipations rationnelles sur les actions des autres, il est logique d’utiliser la notion d’équilibre, en particulier celle d’équilibre général concurrentiel qui supposent un ajustement permanent des marchés. C’est dans cet esprit que la NEC a bâti des modèles en y ajoutant deux aspects défaut antérieurement : l’incertitude et la dynamique. En outre, les modèles de la NEC sont d’essence walrasienne dont l’objectif est de décrire la réalité telle que la conçoivent les auteurs et non pas telle qu’elle est.

R. Lucas attaque les anciens modèles dans leur manière de prendre en compte la politique économique : leurs équations de comportement et leurs coefficients ne peuvent rester fixes ad infinitum face aux règles de politique économique. Il estime que les modèles ne sont utilisables que si les règles sont stables. Or, si ces dernières sont modifiées, les anticipations sur la future politique se modifient. Les anciens modèles ne peuvent permettre de comparer des politiques économiques alternatives puisqu’ils supposent leurs coefficients constants. Lucas est aussi à l’origine d’une nouvelle fonction d’offre. Pour lui, les firmes ne peuvent séparer les modifications du prix relatif de leur produit et celle du niveau général des prix. Si le prix d’un produit s’accroit, deux possibilités se présentent. La première situe l’origine de la hausse dans celle du niveau général des prix. Dans ce cas, le prix n’est pas modifié et les entreprises n’ont pas de raison de modifier leur offre. La seconde possibilité est un accroissement du prix relatif du bien : les entreprises sont donc incitées à augmenter leur offre. Face à des variations de prix, les entreprises sont donc confrontées à un problème « d’extraction de signal » :  lorsque le prix varie, quelle est la part due à un changement du prix relatif qui incite les firmes à modifier leur offre ? Supposons une politique monétaire keynésienne expansionniste, les agents confondent ce « choc » avec une hausse des prix relatifs et la fluctuation du stock de monnaie se traduit par de la croissance économique. Ainsi l’imperfection de l’information joue un rôle dans le cycle économique. Les effets d’une politique monétaire systématique sur les prix sont intégrés dans les anticipations et ne peuvent modifier les niveaux ni actuel ni prévu des prix ; le PIB réel et le chômage ne sont donc pas modifiés. Le jugement de la NEC est clair : toute tentative de stabilisation à l’aide des règles monétaires est vouée à l’échec en raison de sa prise en compte intégrale dans les anticipations.

L’école des cycles réels est, encore plus que la NEC, une rupture avec la pensée keynésienne, notamment quand elle étend les chocs aux dépenses publiques et à la monnaie (King et Plosser). Les modèles de base de Kydland et Prescott expliquent le cycle économique par des seules variables réelles, en particulier les chocs technologiques ou de productivité. Dans les modèles suivants, la demande est introduite par le biais des dépenses publiques. Ils montrent que ces variables constituent une source de distorsion dans l’allocation optimale des ressources ; en tant que telles, leur prise en compte dans un modèle de cycle réel ne peut que se traduire par un équilibre sous-optimal. Long et Plosser, affirment dans leur modèle de 1983, que les fluctuations des prix et des agrégats ne sont dues ni à des perturbations dans les politiques publiques, ni à des politiques monétaires et, dans ces conditions, les politiques de stabilisation ne peuvent que réduire le bien-être social.

III Les postkeynésiens et le maintien de la méthode holiste

Si le néo-keynésianisme a pour objectif de réaliser la synthèse entre les néoclassiques et les idées de Keynes, les post-keynésiens sont ceux qui estimer développer et généraliser fidèlement la pensée de Keynes. J. Robinson affirma même que les économistes de la synthèse ne sont que des soi-disant économistes « keynésiens » qui visent uniquement à insérer des principes originaux de Keynes relatifs au court terme dans un modèle néanmoins néoclassique de long terme. Ils ne seraient que des « faux keynésiens » ! Disons que les post-keynésiens sont « loin de former un groupe homogène », toutefois, ils partagent des thèmes communs comme l’insuffisance de la demande effective, des fondements microéconomiques de la macroéconomie, leur interprétation de la demande et les solutions, l’endogénéité de la monnaie. Si M. Kalecki a privilégié l’analyse réelle, P. Sraffa développa plutôt la théorie de la valeur et de la répartition.

a : Croissance, répartition des richesses et fluctuations économiques

Les post-keynésiens tentèrent de dynamiser la pensée keynésienne et de l’étendre à la croissance économique. Leur objectif est de montrer que le capitalisme est aussi bien instable à court terme qu’à long terme. L’extension de la théorie keynésienne consiste à appliquer sur la longue période l’égalité de l’épargne et de l’investissement en utilisant les principes d’accélération et de multiplication. Le modèle, dit de croissance équilibrée, connue sous le nom d’Harrod-Domar repose sur la double nature de l’investissement, créateur de capacités de production d’une part, et source d’accroissement de la demande et du revenu national d’autre part. Ce modèle débouche sur la nécessité d’utiliser la politique budgétaire ou la politique des revenus et des prix afin de modifier le taux d’épargne comme moyens de stabilisation. La répartition du revenu national est étroitement liée à la croissance économique ainsi qu’à la formation des prix. Les premiers modèles établis sur des idées de Keynes et de Kalecki qui aura cette formule célèbre, « Les travailleurs dépensent ce qu’ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent », s’opposent radicalement à la pensée classique : la répartition n’est pas déterminée par la théorie de la productivité marginale des facteurs, mais par des agrégats macroéconomiques et des forces sociales, retournant ainsi à la pensée ricardienne adoptant une approche teintée de marxisme. L’analyse de Kalecki divise ainsi le revenu national en deux catégories de revenu, les salaires et les profits, où les profits sont l’unique source du taux d’investissement et que ce dernier est entièrement maîtrisé par les capitalistes. Dès la sortie de la Théorie générale, Kalecki avait montré que, dans un monde dominé par une concurrence imparfaite, la part des salaires dans la valeur ajoutée industrielle était une fonction du degré de monopole, déterminé par la concurrence et les conditions de coûts. Au niveau macroéconomique, la part des salaires dans le revenu dépend donc du degré de monopole, lui-même déterminé par l’élasticité du prix à la demande. Si le degré de monopole s’élève, cela implique, en raison d’une répartition du revenu plus favorable aux capitalistes, une hausse du taux d’épargne.

b : inflation et chômage

b 1 : l’inflation

Pour les post-keynésiens, l’inflation est principalement provoquée par le conflit de répartition qui oppose les détenteurs du capital aux travailleurs. Les rapports sociaux sont au cœur de l’analyse et la causalité quantitativiste est invalidée. La quantité de monnaie ne détermine pas les prix, ce sont l’activité et les termes du conflit de répartition qui le font. C’est ainsi que la théorie post-keynésienne s’inscrit dans la tradition de l’économie politique classique qui met au cœur de ses raisonnements la répartition des revenus. La théorie post-keynésienne de l’inflation est de type cost-push : un ensemble de pressions institutionnelles peut induire une hausse des coûts qui peut se répercuter sur les prix. Les salaires nominaux (qui jouent un rôle dans la détermination des prix) sont fixés de manière exogène en particulier par les forces syndicales. Les prix sont vus comme le produit d’une lutte entre salaires et profits dans le partage des richesses produites (S. Weintraub). La marge de profit étant constante, les entreprises peuvent, pour la maintenir face aux revendications de salaires réels, user de leur pouvoir de monopole pour augmenter les prix. Si les salariés sont les premiers à déclencher la lutte pour la répartition du revenu, une spirale prix-salaires peut en résulter. Dans cette optique, on peut signaler la contribution de N. Barbosa-Filho (2014), poursuivant une voie initiée par L. Taylor (2004). Cet auteur post-keynésien propose un modèle d’inflation dans lequel celle-ci est provoquée par le conflit de répartition, tout en prenant en compte également comme variables explicatives les anticipations des agents sur l’inflation future. Le raisonnement développé permet de réactualiser la courbe de Phillips (1958) qui met en évidence la relation décroissante entre inflation et chômage. N Barbosa-Filho met en évidence la relation croissante entre la part des salaires et l’inflation. Les banques centrales adoptent des cibles d’inflation depuis 1980 : or, s’il existe une relation dans le long terme entre l’inflation et la part des salaires dans la valeur ajoutée, cela signifie pour les autorités monétaires qu’avoir une cible de taux d’inflation est équivalente à cibler la part des salaires dans le PIB. Une politique de ciblage d’inflation fait bien de la part des salaires dans le revenu national la variable d’ajustement et cette analyse est compatible avec celle développée par P Davidson. Afin de maintenir l’inflation à un niveau faible, il est nécessaire que les salariés comme les entreprises soient découragés d’avoir des cibles de salaires et de taux de marge pouvant créer de l’inflation.

b 2: le chômage

Pour les keynésiens, le chômage involontaire est essentiellement le résultat d’une insuffisance de la demande globale et peut se produire à n’importe quel niveau de PIB d’équilibre. Ils estiment qu’aucun mécanisme automatique ne peut restaurer le plein-emploi et le taux de chômage naturel n’existe pas. Le taux de chômage d’équilibre, celui qui permet de stabiliser l’inflation, est alors extrêmement influencé par les taux de chômage réalisés, qui sont eux-mêmes déterminés par l’activité économique et donc par la demande globale. Ainsi le taux de chômage d’équilibre n’est pas un « attracteur » du taux de chômage réalisé. C’est, à l’inverse, le taux de chômage réalisé, déterminé par la demande globale, qui tend à attirer vers lui le taux de chômage d’équilibre (Storn et Naastepad 2012).

Toutefois, certains post-keynésiens pensent que la rigidité des salaires et les effets d’hystérèse (persistance de l’effet après disparition de la cause) peuvent jouer un rôle. Ils estiment dans ce cas que ce sont les salaires réels qui importent, la flexibilité des salaires nominaux étant insuffisante parce que la lenteur d’ajustement des prix est telle que le salaire réel ne baisse pas suffisamment pour faire augmenter l’emploi. On peut admettre la thèse de la rigidité si elle est reliée à la répartition du revenu et aux conflits entre salaires et profits. D’une façon générale, les post-keynésiens considèrent que le problème majeur en économie est le chômage et que celui-ci ne peut se régler par la baisse des salaires nominaux qui conduisent à une réduction de la demande. Les politiques budgétaire (avec ses effets directs sur l’économie et monétaire (éviter le rationnement du crédit pratiqué par les banques) ont pour but de stimuler la demande globale.

 

B :  Les économistes classiques

Après une introduction rapide présentant l’état de la pensée économique à l’aube de la période classique, sont étudiés désormais les économistes classiques dénommés encore libéraux orthodoxes. Toute classification, tout découpage historique comporte un certain arbitraire. La délimitation précise de la période pendant laquelle s’est exprimée la pensée classique n’y échappe pas. Il n’est donc pas étonnant de trouver une délimitation quelque peu différente selon les auteurs mais la plupart des économistes font débuter la période classique avec Adam Smith dans la mesure où son ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations était considérée comme un tournant décisif dans la façon d’appréhender les questions économiques.

I : Qui sont les classiques ?

a : Préoccupations des classiques et défense du libéralisme

Les classiques vont s’attacher à traiter les problèmes économiques sous tous les aspects : production, échange, répartition, liaisons des problèmes sociaux. Les physiocrates firent la théorie d’un capitalisme agraire que la France ne connaissait que da façon exceptionnelle. L’Angleterre possédait un capitalisme agraire mais ce pays, dès 1750 était arrivé au stade de la construction d’un capitalisme industriel et, c’est en pensant aux progrès de l’industrie que A. Smith, élabore une théorie du monde de production capitaliste. Les classiques vont s’attacher aux mêmes questions particulièrement nombreuses : d’où vient la richesse ? Quelle est l’origine de la valeur et comment se déterminent les prix ? Faut-il être libéral ou interventionniste ? Protectionniste ou libre-échangiste ? Comment s’effectue la répartition des revenus ? Quelles sont les conditions de la croissance ?

Les classiques vont systématiser la démarche physiocratique en essayant de dégager des « lois économiques », loi de l’offre et de la demande, loi des débouchés, mais aussi loi d’airain des salaires. Désormais, l’économie ou l’économie politique est considérée comme une science à part entière où il s’agit de décrire et d’analyser les mécanismes de la vie économique. Les économistes classiques vivent dans le même contexte historique, celui de l’immense misère ouvrière de la fin du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe siècle. Comment être libéral face à la misère et quel système proposé si l’on considère que le capitalisme est à l’origine de cette misère ? Mais pour tous, la question de fond reste identique, il s’agit de définir l’organisation qui assure l’optimum économique et social. Une véritable unité doctrinale va se mettre en place qui s’accompagnera cependant de grandes diverses théoriques. Les économistes classiques différent des auteurs postérieurs à la crise des années 1870 par la faible utilisation de l’outil mathématique. D. Ricardo est considéré comme ayant joué un rôle majeur dans le développement de l’abstraction en économie, mais la modélisation de Ricardo a beaucoup moins recours aux instruments mathématiques que celle des néoclassiques contemporains.

b : La théorie de la valeur : objet fondamentale de réflexion

Selon quelles règles s’échangent les différents biens ? Cette question porte un des débats majeurs des deux siècles et demi qui nous séparent de Smith. Celui-ci différencie d’abord « valeur d’usage » et « valeur d’échange ». Cette dernière est déterminée par la valeur relative des différents biens alors que la valeur d’usage est liée à l’utilité. Pour bien marquer cette distinction, Smith formule le « paradoxe de la valeur » selon lequel des biens qui ont une très grande valeur d’usage peuvent avoir une faible valeur d’échange et inversement (l’eau et le diamant). Comment déterminer un étalon qui permette de mesurer la valeur d’échange des différents biens ? Smith estime que le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. Il propose donc une théorie de la « valeur travail commandé ». Ricardo reprend la distinction de Smith entre valeur d’usage et valeur d’échange et adhère au principe de la valeur travail mais son raisonnement diffère sur de nombreux points. Il va proposer une analyse en termes de « travail incorporé ». Selon Ricardo, la valeur d’échange des marchandises est proportionnelle à la quantité de travail nécessaire à la production. Il précise que la quantité de travail incorporée est composée du travail direct (le nombre d’heures de travail effectués pour la réalisation du bien) et du travail indirect qui est le temps de travail passé à la réalisation des moyens de production nécessaires pour ce même bien.

En ce qui concerne le salaire, celui-ci est défini par les classiques comme de subsistance. Les variations de la situation du marché du travail ne peuvent changer ce salaire : plus généralement, les salaires oscillent autour du prix naturel du travail et seuls, les progrès de la productivité du secteur agricole déterminent le coût du travail. A la différence de Ricardo, Smith insista davantage sur les inégalités de salaire pour des emplois salariés de nature proche. J.B. Say se distingue des classiques anglais qui, jusqu’à J.S. Mill, ont fondé la valeur d’échange sur le travail. Au contraire, ce classique français reprendra J. Bentham, anticipe sur les néoclassiques en faisant de l’utilité la source de la valeur.

II : Des économistes soucieux de la question sociale et de l’avenir du système économique

a : La répartition des richesses en lien avec l’analyse des classes sociales

Comme beaucoup d’auteurs de son époque, A. Smith retient trois catégories de revenu, au lieu de deux pour la plupart des auteurs néoclassiques, dans la mesure où il fait une distinction entre la rente et le profit. Par ailleurs, il distingue ce que l’on appelle aujourd’hui revenus primaires, ici d’un effort productif, et qu’il nomme « source primitive de tout revenu » des autres catégories de revenu. Salaire, profit et rente sont les trois sources primitives de tout revenu, aussi bien que de toute valeur échangeable. Smith tente de dégager les lois auxquelles obéit la détermination de chacun de ses revenus. Il reconnaît qu’il y a conflit d’’intérêt entre les maitres et les ouvriers et donc la lutte pour le partage des richesses. Cependant, les maîtres étant presque toujours gagnants, en raison de leur capacité de coalition et de leurs moyens financiers, les salaires réels tendent à être voisins du salaire de subsistance. Les salaires sont donc le produit de rapports de force inégaux. Quant aux profits, Smith explique que leur montant est proportionnel au capital engagé. Il expose enfin que la rente est la différence entre le prix des récoltes, d’une part, et, d’autre part, la somme des salaires et des profits qui doivent être payés pour obtenir cette récolte, étant donné les quantités de travail et de capital employées. Ricardo est considéré comme le fondateur du raisonnement différentiel. Pour la valeur, il raisonne en termes de moyenne, mais l’analyse des rendements décroissants des terres mises en culture l’amène à penser de façon différentielle. C’est un des apports majeurs de Ricardo à l’analyse économique qui pensait alors le plus souvent en moyenne. Sa théorie de la rente différentielle consiste à expliquer l’origine du prix des terres payées au propriétaire foncier lorsqu’il les donne en exploitation à autrui.

b : L’avenir du capitalisme pour les classiques

Pour Ricardo, le capital et l’épargne sont au cœur de la croissance économique. Son approche de la croissance est classique en ce sens qu’elle attribue à l’épargne le rôle clé dans la constitution du capital. Le capital étant à un niveau donné, il déduit un niveau de revenu et de l’emploi et, un pays est d’autant plus riche au départ qu’il dispose en abondance de moyens de production efficaces nécessaires au travail et à la production. La dynamique de l’accumulation du capital est expliquée par la répartition des richesses. Sous l’effet de l’augmentation de la population, il faut mettre un nombre croissant de terres en culture. Ricardo reprend la thèse de Malthus qui souligne le décalage entre les taux de croissance de la population et des biens de subsistance mais défend la loi des rendements décroissants en agriculture qui fait que les dernières terres cultivées sont de plus en plus médiocres. La rente différentielle va donc augmenter et la part du produit brut consacrée au paiement des propriétaires fonciers aussi. Comme les salariés ont touchent des revenus incompressibles et que leur nombre est croissant, la masse salariale augmente à court terme proportionnellement à la population. La conséquence logique est que le profit va être laminé. Autrement dit, en longue période, le profit va tendre vers zéro. Ricardo parle donc d’état stationnaire. Pour Smith, la division du travail est source d’efficacité et de croissance sans limite. Plus une nation est riche, plus elle spécialise les talents de ses membres et obtient une productivité supérieure, mais cet optimisme est possible car il ignore la loi de la surpopulation absolue de Malthus et celle de la rente différentielle de Ricardo. Seul J.B. Say défendra l’économie de marché capable d’éviter les crises en privilégiant dans son analyse l’offre. Dans sa loi des débouchés, il affirme que créer un bien nouveau, c’est créer de la valeur et ainsi acquérir la pouvoir d’acheter un produit d’une valeur équivalente. L’idée de base de la loi des débouchés est que la valeur de tout produit est aussi transformée en revenus pour ceux qui l’ont créée. On paiera des salaires, des profits, des fournisseurs et cet argent qui circule toujours sera automatiquement dépensé. Ainsi la valeur totale de la production sera égale à la valeur totale des revenus distribués qui, elle-même, provoquera autant de dépenses en biens de consommation et en biens de production.

C : Marx et l’exploitation de l’homme par l’homme

I : La critique de l’économie politique

Marx élabore une analyse d’ensemble du mode de production capitaliste ; il refuse toute réforme et met sa vie au service de la révolution. Situation totalement exceptionnelle dans le domaine des sciences sociales, seules les postérités de Keynes et de Freud peuvent lui être comparées, dans des domaines plus restreints. Marx n’est pas qu’un économiste, c’est un philosophe qui, par militantisme, a fondé un socle épistémologique nouveau pour l’ensemble des sciences sociales, et ne s’est jamais totalement spécialisé dans celle qui jugea la plus utile de critiquer et de développer.

On comprend que sa pensée soit essentiellement critique : selon la conception de l’évolution historique de Marx, l’homme se constitue progressivement à partir de son « affrontement utilitaire à la nature ». Pour analyser ce processus, il élabore quatre concepts de base : la production, les forces productives, les rapports sociaux de production et le mode de production. L’analyse économique et sociale de Marx s’intègre dans un système de pensée beaucoup plus vaste. Elle n’est qu’un aspect d’une approche matérialiste qui part de « l’aliénation » pour conduire à la libération dans le communisme. L’économie et la sociologie de Marx ne représentent pas une théorie élaborée pour elle-même, et dont les propositions seraient à mettre sur le même plan que celles d’autres courants de pensée. Si Marx recherche l’union de la pensée et de l’action, pour aboutir à la critique de l’économie politique, c’est par le concept d’aliénation qu’il faut commencer. L’aliénation est un processus de dépossession et Marx lui fera jouer un rôle central dans son analyse du prolétariat. Aliéné, car ne possédant pas les moyens de production, le prolétariat ne peut être qu’exploité par les capitalistes.

II : l’exploitation capitaliste

L’ouvrier n’est pas rémunéré selon son travail mais selon le prix de sa force de travail qui est le temps de travail socialement nécessaire pour le produire. Son salaire est donc lié aux prix des marchandises nécessaires pour permettre au prolétaire de travailler et non en fonction des valeurs des marchandises fabriquées. Marx affirme ainsi que l’ouvrier produit plus de richesses qu’ils n’en consomment et, c’est ce qu’il appelle le surtravail ou plus-value capitaliste. La plus-value apparaît à la fin du cycle de production comme la différence entre le montant des recettes et le capital avancé. La plus-value est une augmentation de valeur qui, à première vue, semble prendre naissance dans l’échange. Le capitaliste s’enrichirait parce qu’il vendrait les marchandises au-dessus de leur valeur. Si on s’en tient à cette origine, on se heurte à des difficultés insurmontables nous dit Marx. Ce n’est pas dans la circulation qu’il faut rechercher l’origine de la plus-value, mais bien dans la production. La journée de travail se divise, dans l’entreprise capitaliste, en deux grandes parties. Pendant la première, le salarié produit sous forme de marchandises une valeur équivalente à la valeur de sa force de travail ; pendant la seconde, il produit, sous forme de marchandises également, une valeur supplémentaire que s’attribue légalement le capitaliste puisqu’il est momentanément propriétaire de la force de travail de l’ouvrier. A la différence du système féodal où le serf savait qu’il travaillait bénévolement quand il était sur les terres du seigneur, dans l’usine capitaliste, la plus-value se présente de manière non-visible, paraît se confondre avec le produit lui-même et n’apparaît pas à la conscience des producteurs comme le résultat d’une exploitation de la force de travail.

III : la crise capitaliste

Marx montre la contradiction permanente dans un mode de production qui repose sur la propriété privée des moyens de production entre le développement des forces productives et les rapports sociaux de production. Un mode de production a deux composantes : la base économique et sociale du mode de production, composée des rapports des hommes avec la nature (les forces de production) et les rapports des hommes entre eux (les rapports sociaux de production). La superstructure composée des institutions et de l’idéologie, découle de l’infrastructure. Le capitalisme est un système d’exploitation qui favorise le développement des richesses ou des forces productives mais l’accumulation de ces richesses se transforme inéluctablement en suraccumulation du capital. La suraccumulation est définie comme l’excès d’accumulation du capital par rapport aux limites de la somme totale de plus-value qu’il est possible d’obtenir pour valoriser ce capital. Dans le cas extrême de suraccumulation ne correspond aucun profit additionnel ou un profit si faible que tout motif d’accumulation disparaît en principe. Il est donc nécessaire qu’une partie du capital accumulé ne se mette plus en valeur ou qu’elle soit dépréciée. On assiste alors à une rupture du processus d’accumulation à partir d’un certain degré de baisse du montant du profit correspondant au capital additionnel. Le taux de profit étant le rapport entre le profit (plus-value accumulée) et les fonds engagés (achat des moyens de production et paiement des salaires aux ouvriers), celui-ci ne pourra que baisser. Marx parle de la loi de la baisse du taux de profit.

D : Les néoclassiques

I : la naissance de la pensée néoclassique

L’émergence du courant néoclassique au milieu du XIXe siècle est une réponse à un défi théorique posé aux économistes libéraux, par l’approche de la valeur des économistes classiques. Ce courant va  ajouter à la lecture de l’économie des classiques une approche plus formelle et systématique en termes de marché et d’équilibre. Deux nouveautés décisives par rapport aux classiques sont introduites : le passage d’une théorie de la valeur-travail à une analyse en termes de valeur-utilité. Puis, l’élaboration de raisonnements à la marge pour expliquer à la fois les comportements des consommateurs et des producteurs.

L’attention des néoclassiques se porte sur le fait que l’utilité attachée à un bien est non seulement variable d’un individu à un autre, mais diffère aussi pour un même individu selon la quantité de ce bien dont il dispose au moment où il apprécie cette utilité. Les néoclassiques vont alors construire une analyse qui donne une place particulière à l’utilité de la dernière unité de bien détenu, l’utilité marginale. Nous passons donc de la valeur utilité à l’analyse de la marge. Pour comprendre cette approche, il faut d’abord percevoir que l’utilité de la dernière unité disponible d’un bien ne se confond pas avec l’utilité moyenne de ce même bien. Les néoclassiques montrent que l’utilité de la dernière unité de bien détenue tend à décroître au fur et à mesure que les quantités détenues du bien considéré augmentent. Ainsi l’utilité marginale est décroissante et, ce sera le point de départ d’un ensemble d’analyses à la marge qui se révéleront à l’origine d’une approche nouvelle qu’on qualifiera de « révolution marginaliste ». Ainsi les néoclassiques concentrent leur attention sur la question de l’affectation des ressources rares et puisque le capitalisme est d’abord une économie de marché, ils analyseront le fonctionnement de ce marché. les néoclassiques vont concentrer leur attention sur les conditions d’équilibre entre l’offre et la demande sur les différents marchés.

II : Les courants néoclassiques

Nous distinguons traditionnellement plusieurs courants parmi les néoclassiques.

a : Le courant anglo-saxon

W.S. Jevons est le premier néoclassique anglais qui se révèle un fondateur de l’économie pure. Dans son ouvrage majeur, Theory of Political Economy en 1872, en une formule lapidaire, il résume l’essentiel des propositions marginalistes : « Le coût de production détermine l’offre ; l’offre détermine le degré final d’utilité, le degré final d’utilité détermine la valeur ». Il élabore une théorie subjective de la valeur et construit sa pensée contre celle de Ricardo. Il sera le détracteur acharné de la valeur travail. Il reprend l’utilité marginale du viennois Von Wieser et la rareté de L. Walras et affirme l’idée que la somme des utilités marginales permet d’obtenir l’utilité totale qui fournit une unité absolue de la valeur ressentie au cours d’une série de consommations. Il apporte une première contribution à la théorie de l’équilibre sur un marché unique. Ayant établi la nature subjective de la valeur, l’échange devient la clé de tout son discours. Il expose l’idée de convergence vers l’équilibre lors d’un échange de la manière suivante : « L’échange se continuera jusqu’à ce que chacune des parties ait obtenu tout le profit possible, et si on échangeait davantage, il en résulterait une perte d’utilité. Le point d’équilibre s’établira lorsqu’une quantité infiniment petite de produit échangée en plus, dans le même rapport, n’apportera ni gain, ni perte d’utilité. En d’autres termes, si les incréments de produits sont échangés dans le rapport établi, leurs utilités seront égales pour les deux parties ». Il s’agit de l’exposition claire du principe des utilités marginales et, nous sommes au cœur du raisonnement marginaliste.

b :  le courant français et l’école de Lausanne ou courant de l’équilibre général

L. Walras (1834-1910) sera, en revanche, considéré comme le géant de l’économie néoclassique en raison du succès de sa révolution théorique pour les néoclassiques. Triomphe de la science économique pour les uns, boite vide pour les autres, ce modèle central est encore l’objet de polémiques parmi les économistes. Walras veut faire de l’économie une science et son raisonnement se situe d’emblée dans le cadre de la concurrence pure et parfaite. Il se situe dans ce cadre parce qu’il pense pouvoir montrer ensuite que les autres types de marché sont moins efficaces.  Il s’intéresse au problème de l’échange en général et il formule pour cela la loi de l’offre et de la demande effectives ou loi d’établissement des prix d’équilibre. Pour Walras, il existe une interdépendance générale entre tous les marchés, interdépendance liée en ce qui concerne le consommateur à la contrainte de revenu qui rend les choix alternatifs. Certaine interdépendance rend insatisfaisante une approche de l’équilibre entre offre et demande qui se situe au niveau d’un seul produit (logique de l’équilibre partiel). Pour Walras, l’étude de la formation des prix doit prendre en compte cette interdépendance et, en conséquence, doit se situer au niveau de l’ensemble des marchés. Il existe donc un système des prix qui assure l’égalité entre l’offre et la demande sur tous les marchés.

II : du marginalisme aux nouvelles théories de la microéconomie.

Une des spécificités des différentes approches néoclassiques actuelles par rapport aux courants néoclassiques traditionnels est la volonté des auteurs contemporains de répondre aux critiques développés contre l’analyse néoclassique traditionnelle. Le point commun des économistes néoclassiques actuel est leur défense de l’économie de marché. Pendant longtemps considérées comme inconsistantes parce que marquées par une approche peu formalisée, les idées autrichiennes ont retrouvé une certaine influence à la fin du XXe siècle, sans doute parce qu’elle a toujours reconnu le caractère imparfait des marchés réels.

L’approche de l’école de Lausanne, il est vrai, se heurte à plusieurs problèmes. Les mécanismes par lesquels se réalise l’équilibre général sont fragiles et la question du commissaire-priseur est posée. Certains économistes vont tenter de résoudre en utilisant les moyens des mathématiques modernes. On parlera d’un courant normatif de l’équilibre général. Cette approche trouve son expression la plus célèbre dans le modèle Arrow-Debreu qui s’est élaboré à partir de leur analyse. Une des directions de recherche adoptée par la pensée néoclassique depuis les années 1930 est celle des jeux dont l’ouvrage de J. von Neumann et O. Morgenstein, Théorie des jeux et comportements économiques constitue la référence la plus classique. L’objet est l’étude de l’interaction des comportements de plusieurs individus conscients de l’existence de ces interactions. Le but est prendre en compte des comportements plus réalistes que ceux retenus dans les analyses de la concurrence parfaite. Les néoclassiques ont vu dans cette théorie le moyen d’expliquer à partir des comportements individuels maximisateurs un certain nombre de phénomènes économiques importants, qui vont de la négociation bilatérale aux diverses formes possibles de coopérations entre les individus qui ne cherchent pourtant que leur propre intérêt.

Nombre de néoclassiques cherchent à intégrer l’imperfection du marché. Ainsi, dans le domaine de la formation des salaires, la flexibilité des prix, hypothèse néoclassique de base, se heurte aux comportements réels au sein des entreprises en matière de salaire où la rigidité est la norme. La théorie des contrats implicites développée par C. Azariadis veut donner une explication, qui soutient les conclusions néoclassiques, à une rigidité constatée des prix. Le principe de l’explication est simple : comme les entreprises ont une aversion pour le risque moins forte que le salarié, elle joue auprès de lui le même rôle qu’une compagnie d’assurances, en lui évitant de subir les conséquences des fluctuations conjoncturelles, assimilées à des états de nature. Ainsi, en période faste, le salaire est moins élevé que la productivité marginale du travail car le travailleur verse « implicitement » une prime d’assurance à l’employeur qui, en contrepartie, maintient ce salaire au même niveau lorsque la conjoncture est mauvaise (le salaire étant alors supérieur à la productivité marginale).

E : Keynes : son œuvre, ses détracteurs, ses followers (de la NEC à la NEK).

I : la révolution keynésienne

Quand on évoque les grands économistes, le nom de Keynes est un des tout premiers qui vient à l’esprit et seuls A. Smith, K. Marx et peut-être un ou deux autres ont atteint une telle notoriété. En inventant les bases de la macroéconomie, il renouvelle profondément l’économie politique et, contre les théoriciens du « laisser-faire », il prône une intervention active de l’Etat. Robert Skidelsky, professeur d’économie politique à l’université de Warwick (Royaume-Uni) et auteur de la biographie de référence sur Keynes, rappelle que John Maynard Keynes avait écrit à George Bernard Shaw : « Je crois que je suis en train d’écrire un livre sur la théorie économique qui révolutionnera en grande partie – non pas, je suppose, d’un coup, mais au cours des dix prochaines années – la manière dont le monde réfléchit à propos de ses problèmes économiques. ».

a :  La révolution de la théorie générale

a : 1 Sortir de la crise

Keynes est profondément affecté par la crise de 1929 aux conséquences désastreuses. Il craint qu’une épargne trop élevée ne soit source de la montée du chômage. Jusqu’alors, le chômage avait été combattue par les recettes classiques de baisse du salaire réel. En baissant les salaires, on réduisait les coûts de production, jugés trop élevés, mais la chute de la demande liée à la contraction de la masse salariale était alors à l’origine des faillites d’entreprises. L’originalité de Keynes sera de mettre l’accent sur la demande. Contre les classiques qui voient le marché comme naturellement efficient, il considère que le sous-emploi est un état de l’économie qui peut durer. Dans la Théorie générale, Keynes réfute tout d’abord la loi des débouchés de JB Say, selon laquelle toute offre crée sa propre demande. Il considère que les crises de surproduction existent et pour lui, le niveau de demande n’atteint pas forcément celui de l’offre car les entreprises n’augmentent leur production qu’en fonction des prévisions des ventes (la demande effective, au sens de « effectivement prise en compte » par les entreprises). Selon Keynes, le niveau de l’emploi dépend de la demande effective qui correspond à son tour au volume de production décidé par les entrepreneurs en fonction de leurs anticipations sur les ventes et la rentabilité des investissements. Or, contrairement aux thèses classiques, rien de garantit que ce volume de production corresponde au plein-emploi. Dans certaines circonstances, un équilibre durable de sous-emploi peut s’établir. Cet équilibre résulte d’anticipations pessimistes auto-réalisatrices : les entrepreneurs ne prévoient pas d’augmentation de leurs débouchés, donc ils n’embauchent pas, de telle sorte que la demande globale s’en trouve effectivement déprimée, ce qui confirme ex post leurs anticipations, donc ne les incite pas à réviser leurs plans, etc. Keynes, en introduisant la notion d’incertitude en économie, qui peut être radicale, montre qu’aucun mécanisme de marché ne permet de sortir de cette spirale dépressive. A l’innovation majeure de l’incertitude en économie, s’ajoute une seconde qui est le nouveau statut de la monnaie, cette fois demandée pour elle-même. L’épargne est une fuite dans le circuit économique qui génère à son tour du sous-emploi car elle affecte la demande effective.

Les problèmes du capitalisme contemporain découlent de la conjonction d’une propension à consommer et d’une efficacité marginale du capital trop faibles, ainsi que d’une préférence pour la liquidité trop forte. Les solutions consistent pour l’Etat à agir sur ces variables et à créer lui-même une demande supplémentaire par les dépenses publiques. En substituant à l’analyse microéconomique par marchés une analyse macroéconomiques par fonctions, Keynes considère qu’il appartient à l’Etat de relancer la demande en agissant sur la consommation et/ou l’investissement. L’augmentation des dépenses publiques exerce un effet multiplicateur sur l’activité et par conséquent sur l’emploi. Le déficit budgétaire initial est finalement réduit par l’augmentation des recettes fiscales résultant de la reprise (effet de stabilisation automatique). Par ailleurs, une politique monétaire expansionniste (injection de liquidités, baisse des taux d’intérêt) favorise, elle aussi, la demande effective.

a : 2 La fin du « no bridge »

Le « no bridge » de Keynes signifie qu’il est impossible de faire le lien entre la microéconomie et la macroéconomie. Les variables macroéconomiques ne peuvent avoir que des déterminants macroéconomiques. Les néoclassiques pensaient au contraire que l’analyse économique consiste en l’étude du comportement d’agents représentatifs et qu’il suffit d’agréger ensuite ces différents comportements individuels pour avoir une connaissance de l’économie globale. Ainsi, l’économie néoclassique n’exclut absolument pas une vision macroéconomique ; d’ailleurs, le modèle de l’équilibre général relève davantage d’une conception macroéconomique que d’une conception microéconomique. Les néoclassiques proposent une démarche microéconomique par marchés quand Keynes propose une démarche macroéconomique par fonctions (de consommation, d’épargne, d’investissement et d’emploi).

b : Approche de la synthèse

J. Hicks tient une place particulière car, dans son célèbre article publié en 1937 Mr Keynes and the classics, il centre ses recherches sur l’intégration des idées de Keynes à l’analyse de Walras. Il marque le point de départ du courant dit de la « synthèse » qui voit dans l’analyse de Keynes un cas particulier non pris en compte dans l’analyse de Walras mais intégrable à une analyse néoclassique élargie. Son fameux modèle IS/LM tente de présenter sous forme graphique les conditions d’équilibre d’une part sur le marché des biens IS d’autre part sur le marché de la monnaie LM (v document 13).       

Le courant de la synthèse s’oriente aussi dans une autre direction, celle de l’explication de la succession de périodes de croissance et de crises par l’instabilité du taux d’investissement. P. Samuelson développe ainsi une explication de l’instabilité du niveau de l’emploi par la conjonction de l’effet multiplicateur de Kahn et de l’effet d’accélération mis en évidence par Aftalion. Il montre comment l’interaction des deux mécanismes peut engendrer des cycles ou oscillations dont l’origine est endogène car ils sont déterminés par le modèle, et non en dehors de lui. A. Leijonhufvud en 1968, montre que, dans les conditions économiques proches du plein-emploi, l’économie retrouve aisément son équilibre. Il existerait donc des situations dans lesquelles les forces qui tendent à rétablir l’équilibre, l’emportent sur les forces qui tendent à le perturber. Mais dans d’autres cas, le système est susceptible de se dérégler. On doit donc pratiquer une politique keynésienne que lorsque l’économie est déstabilisée.

II : Les adversaires de la pensée keynésiennes

a : le monétarisme : une alternative à l’analyse keynésienne

M. Friedman a défendu une explication monétariste de la crise de 1929, liée à la mise en place d’une politique excessivement restrictive par la Fed. A la différence de Keynes, le monétarisme estime que la monnaie est neutre et n’exerce d’influence que sur le niveau des prix et non sur les prix relatifs. Friedman renoue avec la théorie quantitative qui pose le principe de la neutralité de la monnaie en affirmant que toute variation de la masse monétaire n’a, à long terme, d’influence que sur les variables nominales, le PIB en valeur et les prix. Les monétaristes estiment également qu’il existe un niveau de chômage autour duquel gravite l’économie et qui correspond à un taux de croissance séculaire « normal » du salaire réel. Ce taux est celui qui peut être maintenu lorsque le stock de capital, le progrès technique, etc., demeurent à leurs taux de croissance longs ; il est appelé le « taux naturel de chômage », largement indépendants de l’inflation puisque déterminé par des facteurs réels. On peut considérer qu’il représente le plein-emploi pour les monétaristes. A court terme, une inflation non anticipée, en raison de la hausse du stock de monnaie provoqué par l’Etat afin de réduire le chômage, est perçue par les entreprises comme une augmentation de la demande, ce qui les incite à produire plus et à offrir des salaires nominaux plus élevés. En raison de leur perception de la hausse des prix futurs, les employeurs interprètent la croissance des salaires nominaux comme une réduction des salaires réels. Cependant, les salariés victimes d’illusion monétaire sont persuadés que leurs salaires réels se sont accrus. Ce décalage entre la perception des firmes et des salariés conduit des premières à demander davantage de travail, et les seconds à en offrir plus : le chômage diminue. Mais cette situation est temporaire et les salariés finissent par constater que l’inflation est supérieure à celle qu’ils avaient anticipée aussi on assite à une demande de hausses de salaires nominaux qui réduit la demande de travail des entreprises et le chômage revient à sa valeur naturelle. Friedman avance qu’une politique monétaire active ne peut qu’amplifier les fluctuations et engendre la stagflation.

b : La nouvelle école classique (NEC)

Les nouveaux classiques et les nouveaux keynésiens vont s’accorder pour considérer que l’analyse macroéconomique doit se fonder sur l’analyse microéconomique ; c’est l’agrégation des comportements individuels qui forme l’économie générale. Le « no bridge » est définitivement enterré. Toutefois, l’opposition entre les deux courants restent grande.

Une partie de la pensée et de la méthodologie monétariste forme le soubassement de la NEC, une autre partie étant issue de la théorie classique proprement dite. Chez les nouveaux classiques (R. Lucas, R. Barro), les comportements des agents possèdent trois caractéristiques microéconomiques. Ce sont des optimisateurs en équilibre permanent. Les décisions sont prises sur la base de facteurs réels et pas monétaires. Et, en troisième lieu, ces décisions se prennent sans erreurs systématiques sur les variables, ce qui signifie que les anticipations sont rationnelles. L’introduction par Lucas des anticipations rationnelles, jointe à l’absence d’illusion monétaire, lui permet d’affirmer la neutralité de la monnaie à court et à long terme et déduit l’incapacité pour les pouvoirs publics de réduire le taux de chômage même à court terme. Puisque les nouveaux classiques supposent un comportement optimisateur des agents et que ces derniers forment, à l’image de la théorie des jeux, des anticipations rationnelles sur les actions des autres, il est logique d’utiliser la notion d’équilibre, en particulier celle d’équilibre général concurrentiel qui supposent un ajustement permanent des marchés. C’est dans cet esprit que la NEC a bâti des modèles en y ajoutant deux aspects défaut antérieurement : l’incertitude et la dynamique. En outre, les modèles de la NEC sont d’essence walrasienne dont l’objectif est de décrire la réalité telle que la conçoivent les auteurs et non pas telle qu’elle est.

R. Lucas attaque les anciens modèles dans leur manière de prendre en compte la politique économique : leurs équations de comportement et leurs coefficients ne peuvent rester fixes ad infinitum face aux règles de politique économique. Il estime que les modèles ne sont utilisables que si les règles sont stables. Or, si ces dernières sont modifiées, les anticipations sur la future politique se modifient. Les anciens modèles ne peuvent permettre de comparer des politiques économiques alternatives puisqu’ils supposent leurs coefficients constants. Lucas est aussi à l’origine d’une nouvelle fonction d’offre. Pour lui, les firmes ne peuvent séparer les modifications du prix relatif de leur produit et celle du niveau général des prix. Si le prix d’un produit s’accroit, deux possibilités se présentent. La première situe l’origine de la hausse dans celle du niveau général des prix. Dans ce cas, le prix n’est pas modifié et les entreprises n’ont pas de raison de modifier leur offre. La seconde possibilité est un accroissement du prix relatif du bien : les entreprises sont donc incitées à augmenter leur offre. Face à des variations de prix, les entreprises sont donc confrontées à un problème « d’extraction de signal » :  lorsque le prix varie, quelle est la part due à un changement du prix relatif qui incite les firmes à modifier leur offre ? Supposons une politique monétaire keynésienne expansionniste, les agents confondent ce « choc » avec une hausse des prix relatifs et la fluctuation du stock de monnaie se traduit par de la croissance économique. Ainsi l’imperfection de l’information joue un rôle dans le cycle économique. Les effets d’une politique monétaire systématique sur les prix sont intégrés dans les anticipations et ne peuvent modifier les niveaux ni actuel ni prévu des prix ; le PIB réel et le chômage ne sont donc pas modifiés. Le jugement de la NEC est clair : toute tentative de stabilisation à l’aide des règles monétaires est vouée à l’échec en raison de sa prise en compte intégrale dans les anticipations.

L’école des cycles réels est, encore plus que la NEC, une rupture avec la pensée keynésienne, notamment quand elle étend les chocs aux dépenses publiques et à la monnaie (King et Plosser). Les modèles de base de Kydland et Prescott expliquent le cycle économique par des seules variables réelles, en particulier les chocs technologiques ou de productivité. Dans les modèles suivants, la demande est introduite par le biais des dépenses publiques. Ils montrent que ces variables constituent une source de distorsion dans l’allocation optimale des ressources ; en tant que telles, leur prise en compte dans un modèle de cycle réel ne peut que se traduire par un équilibre sous-optimal. Long et Plosser, affirment dans leur modèle de 1983, que les fluctuations des prix et des agrégats ne sont dues ni à des perturbations dans les politiques publiques, ni à des politiques monétaires et, dans ces conditions, les politiques de stabilisation ne peuvent que réduire le bien-être social.

III Les postkeynésiens et le maintien de la méthode holiste

Si le néo-keynésianisme a pour objectif de réaliser la synthèse entre les néoclassiques et les idées de Keynes, les post-keynésiens sont ceux qui estimer développer et généraliser fidèlement la pensée de Keynes. J. Robinson affirma même que les économistes de la synthèse ne sont que des soi-disant économistes « keynésiens » qui visent uniquement à insérer des principes originaux de Keynes relatifs au court terme dans un modèle néanmoins néoclassique de long terme. Ils ne seraient que des « faux keynésiens » ! Disons que les post-keynésiens sont « loin de former un groupe homogène », toutefois, ils partagent des thèmes communs comme l’insuffisance de la demande effective, des fondements microéconomiques de la macroéconomie, leur interprétation de la demande et les solutions, l’endogénéité de la monnaie. Si M. Kalecki a privilégié l’analyse réelle, P. Sraffa développa plutôt la théorie de la valeur et de la répartition.

a : Croissance, répartition des richesses et fluctuations économiques

Les post-keynésiens tentèrent de dynamiser la pensée keynésienne et de l’étendre à la croissance économique. Leur objectif est de montrer que le capitalisme est aussi bien instable à court terme qu’à long terme. L’extension de la théorie keynésienne consiste à appliquer sur la longue période l’égalité de l’épargne et de l’investissement en utilisant les principes d’accélération et de multiplication. Le modèle, dit de croissance équilibrée, connue sous le nom d’Harrod-Domar repose sur la double nature de l’investissement, créateur de capacités de production d’une part, et source d’accroissement de la demande et du revenu national d’autre part. Ce modèle débouche sur la nécessité d’utiliser la politique budgétaire ou la politique des revenus et des prix afin de modifier le taux d’épargne comme moyens de stabilisation. La répartition du revenu national est étroitement liée à la croissance économique ainsi qu’à la formation des prix. Les premiers modèles établis sur des idées de Keynes et de Kalecki qui aura cette formule célèbre, « Les travailleurs dépensent ce qu’ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent », s’opposent radicalement à la pensée classique : la répartition n’est pas déterminée par la théorie de la productivité marginale des facteurs, mais par des agrégats macroéconomiques et des forces sociales, retournant ainsi à la pensée ricardienne adoptant une approche teintée de marxisme. L’analyse de Kalecki divise ainsi le revenu national en deux catégories de revenu, les salaires et les profits, où les profits sont l’unique source du taux d’investissement et que ce dernier est entièrement maîtrisé par les capitalistes. Dès la sortie de la Théorie générale, Kalecki avait montré que, dans un monde dominé par une concurrence imparfaite, la part des salaires dans la valeur ajoutée industrielle était une fonction du degré de monopole, déterminé par la concurrence et les conditions de coûts. Au niveau macroéconomique, la part des salaires dans le revenu dépend donc du degré de monopole, lui-même déterminé par l’élasticité du prix à la demande. Si le degré de monopole s’élève, cela implique, en raison d’une répartition du revenu plus favorable aux capitalistes, une hausse du taux d’épargne.

b : inflation et chômage

b 1 : l’inflation

Pour les post-keynésiens, l’inflation est principalement provoquée par le conflit de répartition qui oppose les détenteurs du capital aux travailleurs. Les rapports sociaux sont au cœur de l’analyse et la causalité quantitativiste est invalidée. La quantité de monnaie ne détermine pas les prix, ce sont l’activité et les termes du conflit de répartition qui le font. C’est ainsi que la théorie post-keynésienne s’inscrit dans la tradition de l’économie politique classique qui met au cœur de ses raisonnements la répartition des revenus. La théorie post-keynésienne de l’inflation est de type cost-push : un ensemble de pressions institutionnelles peut induire une hausse des coûts qui peut se répercuter sur les prix. Les salaires nominaux (qui jouent un rôle dans la détermination des prix) sont fixés de manière exogène en particulier par les forces syndicales. Les prix sont vus comme le produit d’une lutte entre salaires et profits dans le partage des richesses produites (S. Weintraub). La marge de profit étant constante, les entreprises peuvent, pour la maintenir face aux revendications de salaires réels, user de leur pouvoir de monopole pour augmenter les prix. Si les salariés sont les premiers à déclencher la lutte pour la répartition du revenu, une spirale prix-salaires peut en résulter. Dans cette optique, on peut signaler la contribution de N. Barbosa-Filho (2014), poursuivant une voie initiée par L. Taylor (2004). Cet auteur post-keynésien propose un modèle d’inflation dans lequel celle-ci est provoquée par le conflit de répartition, tout en prenant en compte également comme variables explicatives les anticipations des agents sur l’inflation future. Le raisonnement développé permet de réactualiser la courbe de Phillips (1958) qui met en évidence la relation décroissante entre inflation et chômage. N Barbosa-Filho met en évidence la relation croissante entre la part des salaires et l’inflation. Les banques centrales adoptent des cibles d’inflation depuis 1980 : or, s’il existe une relation dans le long terme entre l’inflation et la part des salaires dans la valeur ajoutée, cela signifie pour les autorités monétaires qu’avoir une cible de taux d’inflation est équivalente à cibler la part des salaires dans le PIB. Une politique de ciblage d’inflation fait bien de la part des salaires dans le revenu national la variable d’ajustement et cette analyse est compatible avec celle développée par P Davidson. Afin de maintenir l’inflation à un niveau faible, il est nécessaire que les salariés comme les entreprises soient découragés d’avoir des cibles de salaires et de taux de marge pouvant créer de l’inflation.

b 2: le chômage

Pour les keynésiens, le chômage involontaire est essentiellement le résultat d’une insuffisance de la demande globale et peut se produire à n’importe quel niveau de PIB d’équilibre. Ils estiment qu’aucun mécanisme automatique ne peut restaurer le plein-emploi et le taux de chômage naturel n’existe pas. Le taux de chômage d’équilibre, celui qui permet de stabiliser l’inflation, est alors extrêmement influencé par les taux de chômage réalisés, qui sont eux-mêmes déterminés par l’activité économique et donc par la demande globale. Ainsi le taux de chômage d’équilibre n’est pas un « attracteur » du taux de chômage réalisé. C’est, à l’inverse, le taux de chômage réalisé, déterminé par la demande globale, qui tend à attirer vers lui le taux de chômage d’équilibre (Storn et Naastepad 2012).

Toutefois, certains post-keynésiens pensent que la rigidité des salaires et les effets d’hystérèse (persistance de l’effet après disparition de la cause) peuvent jouer un rôle. Ils estiment dans ce cas que ce sont les salaires réels qui importent, la flexibilité des salaires nominaux étant insuffisante parce que la lenteur d’ajustement des prix est telle que le salaire réel ne baisse pas suffisamment pour faire augmenter l’emploi. On peut admettre la thèse de la rigidité si elle est reliée à la répartition du revenu et aux conflits entre salaires et profits. D’une façon générale, les post-keynésiens considèrent que le problème majeur en économie est le chômage et que celui-ci ne peut se régler par la baisse des salaires nominaux qui conduisent à une réduction de la demande. Les politiques budgétaire (avec ses effets directs sur l’économie et monétaire (éviter le rationnement du crédit pratiqué par les banques) ont pour but de stimuler la demande globale.

 

 

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