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de la déviance à la délinquance
Comme nous l'avons vu la déviance est à la fois une situation sociale de non conformité aux normes mais aussi un processus de désignation lors d'interactions sociales; la délinquance, quant à elle, se définit en sociologie comme la partie de la déviance juridiquement sanctionnée. Elle renvoie donc expressement au contrôle social formel.
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la définition sociologique de la déviance
Pour autant, le concept de délinquance est parfois présenté dans un sens beaucoup plus large dans le débat public: associé aux actes d'incivilité ou à la violence ou encore aux transgressions des lois en vigueur à l 'exception des plus graves (on les distingue ici des crimes). Il convient donc de clarifier la distinction déviance /délinquance en insistant sur la dimension juridique retenue par la définition sociologique; celle-ci implique donc nécessairement une délimitation institutionnelle en lien avec le contrôle social formel.
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la distinction déviance/délinquance permet de s'interroger sur l'évolution des valeurs, normes, des mentalités et du contrôle social dans les sociétés.
Pour illustrer cette distinction on pourra évoquer de nombreuses situations; l'exemple de l 'avortement en France est intéressant à commenter de ce point de vue: acte délinquant jusqu'à la loi Veil puis non délinquant depuis,mais acte encore déviant pour certaines communautés religieuses.
DOCUMENT 1: identifier le sens sociologique de la délinquance.
La prévention de la délinquance est actuellement concentrée sur les 12-25ans, il faut pouvoir remonter plus en amont», détaille-t-on dans l’entourage du premier ministre. Concrètement, cette nouvelle stratégie devrait donc rappeler l’importance des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Ces instances, pilotées par les maires, réunissent régulièrement associations, préfet, policiers, représentants de la justice, et peuvent permettre de détecter de façon précoce les cas de dérive sociale ou de radicalisation. Des mesures de soutien psychologique, scolaire ou à la parentalité, peuvent y être décidées. Cette nouvelle stratégie devrait en outre avoir un volet santé mentale, alors que cette dimension est l’un des parents pauvres des politiques publiques en France. Le premier ministre devrait acter le développement du réseau de «psychiatres coordonnateurs» dans les agences régionales de santé afin d’assurer un suivi précoce des personnes prises en charge. «Nous ne voulons ni psychiatriser la radicalisation ni criminaliser la maladie mentale,mais mieux éviter l’essor de profils mixtes», tient à rassurer Muriel Domenach, la secrétaire générale du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Enfin, une quarantaine de postes d’éducateurs de rue devraient être créés. Et ce, prioritairement dans les quartiers de reconquête républicaine, où doit se développer la police de sécurité du quotidien. Une mesure qui s’inscrit dans le «plan pauvreté» présenté en septembre 2018. De même, Edouard Philippe devait insister sur l’importance du futur service national universel comme levier de lutte contre la délinquance.
Source: Elise Vincent, «prévenir la délinquance pour éviter la radicalisation» Le Monde, 10 avril 2019.
QUESTIONS
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retrouvez les différentes dimensions du terme «délinquance» suggérées par cet extrait
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quelle dimension est retenue en sociologie?
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REPONSE :
1) Retrouvez les différentes dimensions du terme «délinquance» suggérées par cet extrait
L'article évoque effectivement différentes dimensions du terme «délinquance»: dans son évocation courante elle est plutôt le fait des jeunes «12-25 ans»; elle renvoie à des comportements qui relèvent d'une «dérive sociale» mais peuvent être aussi plus graves en termes de «radicalisation»; elle est associée également à des troubles psychologiques qui nécessitent un suivi médical; enfin elle est à relier à d'autres mécanismes d'exclusion comme la pauvreté, ou l'insécurité. Pour finir, la délinquance est aussi abordée à partir de la réponse sociale: les effectifs policiers ou encore de la justice ou de l 'administration publique - ce qui correspond à une définition plus institutionnelle de la déviance.
2) Quelle dimension est retenue en sociologie?
En sociologie, la délinquance est définie par le fait que l'acte transgressif est sanctionné juridiquement.
DOCUMENT 2: définir la délinquance et relier cette définition au contrôle social.
Prenons enfin l 'exemple du type d'infraction sans doute le doute le plus fréquent dans la vie quotidienne des
sociétés modernes: il est probable que la quasi-totalité des automobilistes a commis au moins une fois dans sa vie une infraction routière, ne fût-ce sans sans rendre compte.[...] Quels que soient le sexe, l'âge, le milieu social, le type d'infraction routière et de sanction prononcée, les contrevenants disent tous à peu près la même chose. En situation de conduite, leur comportement est une adaptation permanente aux données concrètes: la météo, le type de route, le nombre et le comportement des autres conducteurs au même moment, etc. Les automobilistes connaissent le code de la route, mais peuvent être amenés à le transgresser parce qu'il ne produit pas de sens pour eux dans la situation. Ils peuvent donc être amenés à commettre une infraction sans avoir le sentiment que cela soit répréhensible. Ils sont dès lors peu sensibles aux rappels à l 'ordre et perçoivent généralement la sanction sinon comme illégitime du moins comme disproportionnée. Dans ce cadre, ils intègrent le renforcement de la surveillance par le biais des radars et contrôle policiers parmi les données de situation de conduite, provoquant peut-être davantage un accroissement de la vigilance face à un risque supplémentaire qu'une modification profonde des habitudes par adhésion morale à un changement de la règle.
Source: Laurent Mucchielli, Sociologie de la délinquance, Armand Colin , 2018.
QUESTIONS
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De quels comportements est-il question dans cet extrait? S'agit -il de déviance ou de délinquance? Sous quel angle,peut-on néanmoins considérer ces comportements comme «normaux» ?
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expliquez pourquoi ces personnes déviantes ne se considèrent pas pour autant délinquantes?
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quel rôle joue alors la surveillance policière et la présence de radars du point de vue de la prise de conscience de ces automobilistes?
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REPONSE :
1) De quels comportements est-il question dans cet extrait? S'agit -il de déviance ou de délinquance? Sous quel angle,peut-on néanmoins considérer ces comportements comme «normaux»?
Ils s'agit ici des infractions routières, dont les sanctions pénales peuvent aller de la contravention, au retrait de points ou de permis à la peine de prison; il s'agit donc de délinquance au sens de la définition sociologique. On peut dire que cette déviance est «normale» c'est à dire fréquente. En effet les infractions routières constituent les délits les plus souvent sanctionnés par la justice.
2) Expliquez pourquoi ces personnes déviantes ne se considèrent pas pour autant délinquantes?
D'après l 'auteur, ces personnes ne se considèrent pas pour autant délinquantes car « Les automobilistes connaissent le code de la route, mais peuvent être amenés à le transgresser parce qu'il ne produit pas de sens pour eux dans la situation. Ils peuvent donc être amenés à commettre une infraction sans avoir le sentiment que cela soit répréhensible». Autrement dit, si les individus connaissent les normes à respecter ils estiment possible de les adapter sans conséquence.
3) Quel rôle joue alors la surveillance policière et la présence de radars du point de vue de la prise de conscience de ces automobilistes?
La présence policière, les radars et les informations signalétiques permettent aux automobilistes de réaliser la portée délinquante de leurs actes déviants même si au final il n'est pas acquis que l'on puisse parler d'une véritable adhésion aux normes attendues.
EXERCICE 1: illustrer la différence entre déviance et délinquance
classez les situations suivantes selon qu'elles correspondent à de la déviance ou de la délinquance (en France aujourd'hui)
a) ne pas se présenter à une convocation au tribunal
b) jeter un mégot sur la voie publique
c) être alcoolique
d) utiliser son téléphone en classe
e) conduire en ayant bu trois bières
f) téléphoner au volant
g) ne pas aller en classe sans motif
h) laisser son téléphone allumé lors d'une séance de cinéma
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REPONSE :
a) ne pas se présenter à une convocation au tribunal /Délinquance
b) jeter un mégot sur la voie publique/Délinquance
c) être alcoolique/ Déviance
d) utiliser son téléphone en classe / Déviance
e) conduire en ayant bu trois bières/Délinquance
f) téléphoner au volant /Délinquance
g) ne pas aller en classe sans motif/ Déviance
h) laisser son téléphone allumé lors d'une séance de cinéma/ Déviance
EXERCICE 2: préciser la définition sociologique de la délinquance
QUESTION:
1)établissez les différentes catégories comptabilisées sous le terme de délinquance d'après le texte.
2)quelle délinquance est en hausse en 2018 ? et en recul ? Quels éléments d'analyse de ces chiffres sont présentés?
Puisque la tendance de la rentrée est à l’évaluation, Gérard Collomb a pris les devants pour présenter lui-même son propre bilan sécuritaire, jeudi 6 septembre, devant la presse. Le ministre de l’intérieur a donné les détails chiffrés de l’évolution de la délinquance depuis le 1er janvier. Une manière de brosser lui-même le tableau de son action Place Beauvau, alors qu’ont été mis en lumière, ces dernières semaines, des chiffres alarmants sur les violences faites aux personnes. S’il reconnaît une augmentation générale des atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne (les AVIP en jargon policier) de l’ordre de 5,7%, M.Collomb tient à nuancer ce chiffre, en soulignant que «le nombre de violences dites crapuleuses, celles qui sont commises à des fins d’appropriation ou de vol, diminue très nettement de plus de 8,8%, soit une baisse de 5000 faits environ en sept mois, ce qui représente environ vingt-cinq actes de violence de moins chaque jour», soit la plus forte baisse depuis dix ans.En revanche, les coups et blessures volontaires progressent de 7,5%, passant de 129000 cas à 139000. Les femmes sont les premières victimes, souvent au sein de la sphère familiale. Elles représentent 6000 cas sur les 8000 nouveaux faits enregistrés dans ce cadre.Les violences de nature sexuelle suivent une courbe encore plus préoccupante avec une progression de 23,1% sur les sept premiers mois de 2018, par rapport à la même période de 2017 qui marquait déjà un pic. Les forces de l’ordre ont traité 3357 faits de harcèlement sexuel de plus en un an.Le mouvement de libération de la parole des femmes depuis l’automne 2017, qui a pu pousser certaines victimes à porter plainte alors qu’elles ne l’auraient pas fait auparavant, peut expliquer une partie de ces chiffres. Le ministère de l’intérieur a prévu de lancer en octobre«une plate-forme de signalement des violences sexuelles et sexistes»afin de faciliter le dépôt des plaintes.En revanche, M.Collomb se félicite de la diminution des atteintes aux biens : – 3,9% sur les sept premiers mois de l’année, avec 48000 faits de moins. Cela concerne notamment les vols avec violences (– 8,8), les vols à main armée (– 17,7%) et la délinquance liée à l’automobile (– 4,8%). Les cambriolages connaissent leur plus forte baisse depuis dix ans : –6,2% par rapport à 2017, au niveau national, même si un«point d’inquiétude»existe à Paris où ils progressent de 6,3%.Enfin, les forces de l’ordre voient leur taux d’élucidation s’améliorer légèrement, notamment sur les vols à main armée (+ 10 points).
Source : Nicolas Chapuis«Délinquance : hausse des chiffres des violences faites aux femmes»,Le Monde, septembre 2018
QUESTION :
1 Etablissez les différentes catégories comptabilisées sous le terme de délinquance d'après le texte.
2) Quelle délinquance est en hausse en 2018 ? et en recul ? Quels éléments d'analyse de ces chiffres sont présentés?
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REPONSE :
1) Etablissez les différentes catégories comptabilisées sous le terme de délinquance d'après le texte.
On retrouve dans cet article les différentes catégories qui définissent la délinquance. Il s'agit: des atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne (les AVIP) dont: les violences dites crapuleuses, les coups et blessures volontaires, et les violences de nature sexuelle (incluant le harcèlement sexuel) et des atteintes aux biens dont vols avec violence, vols à main armée, cambriolage et délinquance routière.
2) Quelle délinquance est en hausse en 2018? et en recul?Quels éléments d'analyse de ces chiffres sont présentés ?
le bilan 2018 fait apparaître une hausse des AVIP à l 'exception des motifs crapuleux, et notamment à l 'égard des femmes. Dans cette catégorie l'augmentation des violences de nature sexuelle et sexiste est particulièrement significative.
En revanche la délinquance pottant sur l 'atteinte aux biens est en net recul dans les statistiques officielles.
L'auteur du texte évoque néanmoins certaines précautions à prendre concernant l'étude de ces résultats: la hausse des violences faîtes aux femmes peut aussi être signifiante au regard du contexte plus favorable aux déclararations et plaintes des victimes (contexte #me too). La diminution des atteintes aux biens serait à relier à une plus grande efficacité des services de police puisque le taux d'élucidation a augmenté.
EXERCICE 3 : à partir d'un document vidéo
site: France Info vidéo,INA, 2018 «délinquance juvénile, il y en avait moins avant»
QUESTIONS
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Pourquoi peut-on dire que la délinquance juvénile relève d'une «prénotion» au sens de Durkheim?(pour vous aider à répondre: qu'est-ce que la délinquance juvénile? à quels termes est-elle associée dans les différents reportages évoqués?)
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Quels arguments sont apportés pour répondre à la question de départ?
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Que montre cet exemple quant à l'étude de la délinquance?
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REPONSE :
1) Pourquoi peut-on dire que la délinquance juvénile relève d'une «prénotion» au sens de Durkheim?(pour vous aider à répondre: qu'est-ce que la délinquance juvénile? à quels termes est-elle associée dans les différents reportages évoqués?)
Il s'agit des faits de délinquance opérés par les jeunes; pénalement la fin de la minorité à 18 ans permet d'identifier une classe d'âge (10-18 souvent retenue) mais les statistiques de l 'INSEE retiennent également le groupe 10 à 24 ans.
Les termes du reportage associent la délinquance juvénile aux «bandes», à l '«ultraviolence», aux vols aux troubles dans les cités ou encore aux «jeunes qui s'ennuient».
On voit bien que le concept même de délinquance juvénile ne va pas de soi et qu'il relève surtout d'une construction sociale préalable reposant plus ou moins sur les liens entre une certaine représentation de la jeunesse et l'insécurité. Il s'agit bien au ens de Durkheim d'une prénotion c'est-à dire un ensemble de jugements qui ont des raisons sociales mais pas pour autant une valeur scientifique.
2) Quels arguments sont apportés pour répondre à la question de départ?
Deux arguments contredisent la proposition de départ:
premièrement, un argument démographique: le taux de délinquance juvénile n'a pas considérablement augmenté si on le compare à la proportion des jeunes dans la population totale: le taux de mise en cause est alors de 3,6 % contre 7,1% en 1970.
Deuxièmement, le taux de réponse pénale s'est considérablement accru et notamment depuis les années 1990 passant de 60 % en 1994 à 94 % depuis 2013.
Au final la délinquance juvénile n'a pas augmenté au regard de l'accroissement démographique des jeunes et de l'intensification des procédures judiciaires.
3) Que montre cet exemple quant à l'étude de la délinquance?
Cet exemple montre que l'étude de la délinquance implique une grande prudence ! Prénotion, difficile à délimiter et à mesurer (voir question 5), il faut donc mettre en perspective toutes ses dimensions.