L’évolution récente des salaires du privé

Melchior vous propose ce décryptage pédagogique de l’article de l’INSEE « L’augmentation des salaires reste inférieure à l’inflation », INSEE Première, n° 2020, octobre 2024.

 

Résumé

En 2023, le salaire en équivalent temps plein (EQTP) dans le secteur privé est en moyenne de 3613 euros bruts par mois, soit 2735 euros nets de cotisations et contributions sociales. Le salaire net a augmenté de 4,0% entre 2022 et 2023. Comme l’inflation a augmenté de 4,9%, on peut dire que le salaire net a diminué de 0,8%  (après déjà -1,0% en 2022).

Quand on examine la distribution des salaires par déciles (voir point de méthode ci-dessous), on observe qu’un salarié sur dix gagne moins de 1512 euros par mois, alors qu’un salarié sur dix perçoit plus de 4302 euros. Un salarié sur cent gagne plus de 10222 euros par mois, soit près de 7,4 fois le Smic. Toujours en 2023, le pouvoir d’achat des salaires des deux premiers déciles a légèrement augmenté, en raison notamment des revalorisations automatiques du Smic à hauteur de l’inflation. A l’exception du troisième décile qui s’est stabilisé, tous les autres seuils de l’échelle se sont repliés en 2023 lorsqu’on raisonne en euros constants, et la baisse est d’autant plus forte que l’on s’élève dans l’échelle salariale.

Et quand on examine la distribution des salaires par Professions et catégories socio-professionnelles (PCS), en euros constants, on peut dire que le salaire net moyen a baissé pour toutes les catégories, en particulier pour les cadres (-2,8%), alors que la baisse est moindre pour les ouvriers et les employés (respectivement -0,3% et -0,5%). En effet, les cadres sont davantage représentés dans la moitié haute de l’échelle salariale, où le décrochage des salaires vis-à-vis de l’inflation est le plus marqué.

Si on observe cette évolution sur une période un peu plus longue (voir graphique ci-dessous), on constate que le salaire médian en euros constants a augmenté d’un peu plus de 13% depuis 1996. Le salaire des premiers déciles a progressé plus vite que celui des derniers déciles. Alors que le salaire du premier décile (D1) a augmenté de presque 20% depuis 1996, le salaire du neuvième décile (D9) a progressé à peu près à la même vitesse que le salaire médian (13%). Dans ces conditions, la dispersion des salaires mesurée par le rapport interdécile diminue : le rapport D9/D1 était de 3 en 1996 ; il est de 2,85 en 2023.

 

Voir la note de lecture du livre d’Antoine Foucher « Sortir du travail qui ne paie plus »

Les + de l’article :

  • Comprendre l’évolution récente des salaires.

  • S’interroger sur les méthodes de mesure des inégalités salariales.

Les termes clés :

 

  • Salaire brut et salaire net : Le salaire net est le salaire que perçoit le salarié avant prélèvement de l’impôt sur le revenu. Il s’obtient en retranchant du salaire brut les cotisations sociales salariales, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Quant au salaire super-brut, c’est le prix que coûte un salarié à l’employeur. Salaire super-brut = salaire net + cotisations sociales salariales + cotisations sociales patronales. Par exemple, un salaire brut de 2000 euros correspond à un salaire net de 1540 euros et à un salaire super-brut de 2840 euros (charges patronales de 840 euros). Le salaire brut représente généralement 182% du salaire net versé à l’employé, sauf dispositifs spécifiques tels que la réduction des charges sur les bas salaires ou le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’emploi (CICE).

  • Salaire en euros constants : Les prix courants sont les prix tels qu’ils sont indiqués sur une période donnée ; ils sont en valeur nominale. Les prix constants sont les prix en valeur réelle, c’est-à-dire corrigés de la variation des prix par rapport à une donnée de base ou de référence. Pour passer de la grandeur nominale à la grandeur réelle, on calcule la progression nominale en indice que l’on rapporte à la progression de l’indice des prix sur la même période. 

(Exemple : le salaire net des travailleurs du privé a augmenté de 4% entre 2022 et 2023. L’inflation quant à elle a augmenté de 4,9% entre 2022 et 2023. Donc l’évolution réelle du salaire net est de 104/104,9 x100 = 99, 14, soit -0,85%.)

  • Salaire Equivalent temps plein (EQTP) : Le salaire équivalent temps plein est un salaire converti à un temps plein pendant toute l’année, quel que soit le volume de travail effectif. Cela permet de faciliter les comparaisons,  par exemple entre salaires féminins et masculins, puisque les femmes sont plus souvent à temps partiel (voir l’extrait pour la classe). Le calcul se fait de la manière suivante : si un salarié a occupé un poste de travail pendant 6 mois et travaille à 80%, pour une rémunération totale de 20000 euros, le salaire EQTP est : 20000/0,5 x0,8 = 50000 euros.

Le point de méthode : Analyser la distribution des salaires :

Il est possible de classer les ménages en fonction de leurs salaires et de découper ensuite des groupes : les fractiles divisent une distribution en parts égales qui peuvent être plus ou moins grandes. On peut ainsi retenir des quartiles (division de la distribution en quatre parts égales), des quintiles (division de la distribution en cinq parts égales), ou encore des déciles (division en dix parts égales).

Dans le tableau ci-dessous, on a retenu des déciles. D1 est la valeur de la distribution telle que 10% des valeurs lui soient inférieures et 90% supérieures ( décile pointé ou borné). D5 est la médiane, qui partage la distribution en deux parts égales (50% de la population disposent d’un revenu inférieur à ce montant), et qui fournit une information différente de la moyenne. Quand le revenu moyen est supérieur au revenu médian, ce qui est le cas de la distribution du tableau, cela signifie que des hauts revenus tirent la moyenne vers le haut.

  • Le rapport D9/D1 met en évidence l’écart entre le haut et le bas de la distribution. Plus le rapport est élevé, plus les inégalités sont fortes.

  • Le rapport D9/D5 compare le haut de la distribution avec la valeur médiane.

  • Le rapport D5/D1 compare la médiane avec le bas de la distribution.

  • Les rapports interdéciles présentent l’inconvénient de se focaliser sur la valeur des bornes. Pour mieux apprécier les inégalités, on peut comparer des moyennes au sein de chaque fractile (décile centré). On rapportera ainsi par exemple le niveau de vie moyen des 10% les plus riches avec le niveau de vie moyen des 10% les plus pauvres. Evidemment, en retenant les déciles centrés, on fait apparaître un niveau d’inégalité plus fort que le rapport D9/D1 borné.

On peut aussi un découpage plus fin. Les centiles divisent la population en cent parts égales, chacune comprenant 1% de l’effectif total. L’analyse de la situation et de l’évolution du 1% le plus favorisé retient généralement une attention particulière. Dans le tableau, cette tranche de 1% correspond à un salaire supérieur à 10222 euros par mois.

 

L’extrait pour la classe de seconde : L’écart de salaire entre hommes et femmes continue de se réduire

« En 2023, les femmes gagnent en moyenne 13,5% de moins que les hommes en EQTP dans le secteur privé. En euros constants, le salaire net moyen en EQTP a diminué de 0,4% en 2023, soit moins que celui des hommes (-1,1%). Le fait que les femmes soient davantage représentées dans le bas de la distribution, où le pouvoir d’achat des salaires a mieux résisté, explique en partie cet écart entre les évolutions par sexe. L’écart de salaire moyen entre femmes et hommes continue de se réduire en 2023 : -0,5 point par rapport à 2022, portant à -7,4 points la réduction depuis 2008.

L’écart salarial moyen entre femmes et hommes traduit pour partie la sous-représentation des femmes dans le haut de la distribution des salaires : elles ne représentent que 23,5% des 1% des salaires les mieux rémunérés, contre 41,9% des salaires du privé. Ainsi l’écart des salaires entre les femmes et les hommes sur les 99 premiers centiles (-9,7%) est inférieur de 3,8 points à l’écart moyen sur l’ensemble des salaires.

L’écart salarial entre femmes et hommes reflète surtout l’effet de la ségrégation professionnelle et des inégalités qui l’accompagnent : la structure des emplois par secteur d’activité, taille d’entreprise, âge, catégorie socio-professionnelle et conditions d’emploi n’est pas la même pour les femmes et pour les hommes.

A poste comparable, c’est-à-dire à profession identique exercée au sein d’un même établissement, l’écart de salaire net moyen en EQTP entre les femmes et les hommes se réduit à 3,8% dans le secteur privé en 2023 (après 4,0% EN 2022). Pour autant, cet écart résiduel ne peut pas s’interpréter comme une mesure de l’ampleur des discriminations salariales entre femmes et hommes, du fait des différences de caractéristiques non observables dans les sources administratives sur les salaires (ancienneté, expérience, niveau de responsabilité et tâches effectuées, etc.) ».

 

Voir la question 2 du chapitre de la classe de seconde « Quelles relations entre le diplôme, l’emploi et le salaire ?

Les sujets qui font débat :

  • D’où vient que le travail ne paie plus ?

  • Comment sortir du travail qui ne paie plus ?

Voir les cours des programmes de Sciences économiques et sociales :

Voir la question 2 du chapitre du cours de terminale « Quelles mutations du travail et de l’emploi ? »

Pour aller plus loin : Voir la vidéo

Voir le fait d’actualité « Inégalités hommes-femmes au sein des entreprises et la note de lecture du livre de Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur « Partage vertueux entre salaires et profits: que mesure l’index de l’égalité professionnelle ?

Voir la notion Répartition

Newsletter

Suivre toute l'actualité de Melchior et être invité aux événements