Les questions ont été posées par les élèves de Marion Firecka, enseignante de SES à Dunkerque à Sébastien Jean, Directeur du CEPII.
Questions :
Y a-t-il des pays qui n’échangent pas du tout avec les autres ?
La réponse courte est non : aucun pays n’est véritablement en autarcie, et cela n’a jamais été le cas dans l’histoire –même dans l’Antiquité, les pays échangeaient entre eux. La première raison est liée à l’indisponibilité. Tous les produits et toutes les matières premières ne sont pas disponibles dans un pays, il faut donc les importer. La France n’a guère de pétrole, par exemple, et beaucoup de minerais ne sont pas disponibles sur son sol. De même, des produits exotiques comme le café ou le cacao n’y poussent pas, sauf exception.
Au-delà de la stricte indisponibilité, les pays échangent parce qu’il est très couteux de tout faire soi-même. Echanger permet de bénéficier de la division du travail, en vertu de laquelle chacun peut se spécialiser dans les productions dans lesquelles il est le plus efficace. Cela peut être lié par exemple à une tradition industrielle (la Suisse a acquis avec le temps un savoir-faire hors-pair dans l’horlogerie), à la qualification de la main-d’œuvre (l’abondance d’informaticiens de haut niveau en Californie) ou au bas prix de la main-d’œuvre non qualifiée (la Chine hier et le Bangladesh aujourd’hui). En produisant ce que l’on fait le mieux et en achetant le reste, on augmente considérablement son niveau de vie.
Résultat, non seulement tous les pays échangent, mais leur commerce extérieur représente toujours une partie significative de leur PIB. C’est surtout le cas s’ils sont de petite taille (il est alors encore plus difficile de tout faire soi-même, parce que cela demanderait de produire en petite quantité, ce qui est généralement plus couteux), mais c’est également vrai pour les grands. Parmi les grands pays, les moins ouverts sont le Brésil, l’Argentine et les Etats-Unis.
Le commerce international est-il compatible avec le développement durable ?
La question est naturelle, parce que le commerce nécessite de transporter les marchandises, ce qui est à l’origine de pollution. Ainsi, les soutes internationales maritimes et aériennes représentent chaque année au moins 1,1 Gt de CO2, soit 3,1 % des émissions dues à la combustion d’énergie dans le monde (Fontagné, Schubert et Bureau, CAE, 2017). C’est loin d’être négligeable.
Alors la solution serait-elle de limiter les échanges pour sauvegarder l’environnement ? Une telle politique poserait problème parce qu’elle serait très couteuse. Cela baisserait le pouvoir d’achat des ménages, suscitant probablement beaucoup d’opposition. Cela empêcherait également de produire de la façon la plus efficace, ce qui se traduit souvent par des procédés de production plus polluants. On constate d’ailleurs que le niveau de pollution par unité de production a tendance à décroître avec le niveau de richesse, et même que la pollution par personne décroît au-delà d’un certain niveau de revenu. Une baisse du niveau de richesse peut être considérée comme le prix à payer pour la protection de l’environnement, cela semble même nécessaire. Mais dans ce cas, sachant que la baisse acceptable est nécessairement limitée, il faut s’efforcer de mettre en œuvre la façon la plus efficace de lutter contre la pollution. En général, elle consiste à cibler le niveau de pollution de chaque activité, y compris le commerce international, mais sans se focaliser exclusivement sur ce dernier. S’agissant des émissions de gaz à effets de serre (GES), c’est la raison pour laquelle on met en place des politiques publiques taxant le carbone, et subventionnant les investissements permettant de lutter contre les émissions, que ce soit par des nouvelles technologies, des rénovations d’équipements ou des infrastructures adaptées. Il est vrai néanmoins que la taxation des émissions des émissions de GES du transport international sont les plus difficiles à mettre en œuvre, parce qu’elle nécessite des accords internationaux.
La coopération internationale est, justement, une autre raison pour se méfier d’une solution passant par la limitation des échanges internationaux. Le changement climatique est une menace mondiale, ce n’est qu’en limitant les émissions au niveau de la planète que l’on parviendra à le combattre. Si une politique appliquée en Europe, par exemple, limite ses émissions mais l’oppose à ses partenaires, elle gênera sa capacité à les influencer. Or, l’Europe est un leader en la matière, et il est crucial qu’elle déploie son influence autant qu’elle le peut auprès de ses partenaires. C’est le redoutable défi du changement climatique : lutter contre nécessite des sacrifices et n’a de sens que si tout le monde y participe. Pour y parvenir, il faut trouver des solutions acceptables par tous. Au sein de chaque pays, cela demande une mise en œuvre joignant la justice sociale à l’efficacité environnementale ; au niveau international, cela nécessite de trouver des modalités efficaces non seulement au sein des pays qui les prennent, mais également dans l’influence qu’elles ont sur leurs partenaires.
Est-ce que c’est grave d’avoir un déficit commercial ?
Un pays qui a un déficit commercial achète plus de biens qu’il n’en vend (en France, la balance commerciale concerne seulement les biens, pas les services, mais on peut étendre le même concept aux biens et services). Pour savoir si c’est un problème, il faut se demander si ce déséquilibre répond aux besoins du pays. Considérons par exemple un pays qui sort d’une guerre ou vient de subir une lourde catastrophe naturelle : son appareil productif est partiellement détruit, il est utile qu’il achète des produits à l’étranger pour répondre à ses besoins immédiats et pour pouvoir investir dans la reconstruction de son économie. Il est alors normal, et même souhaitable qu’il ait un déficit commercial. Le revers de la médaille est qu’un pays qui a un déficit commercial fait des dépenses d’importation qui sont supérieures à ses recettes d’exportation : cela lui coûte de l’argent. Dans certain cas, il peut se le permettre sans problème parce qu’il a des recettes par ailleurs, par exemple s’il gagne beaucoup d’argent par le tourisme, par les remises de fonds de travailleurs émigrés qui rapatrient de l’argent dans le pays, voire par des aides extérieures.
C’est la raison pour laquelle on considère une mesure plus large, la balance courante, lorsque l’on veut se faire une idée plus précise de l’équilibre des recettes et dépenses du pays. Le solde de la balance courante d’une économie décrit cet équilibre. S’il est déficitaire, c’est que le pays s’endette : il consomme ou investit plus qu’il ne produit ; autrement dit, ce qui revient au même, il investit plus qu’il n’épargne. En conséquence, il accumule des dettes vis-à-vis des autres pays. Ce n’est pas grave si cela reste dans des proportions modérées, mais cela peut le devenir si son endettement extérieur devient trop important.