Trois questions posées par trois élèves de Marion Firecka, enseignante de SES à Dunkerque, à Florence Jany-Catrice, Professeur des Universités à Lille.
1. Pourquoi toutes les entreprises ne cherchent-elles pas à faire partie de l’économie sociale et solidaire ? (Andy, 2nde)
C’est une question intéressante. Les entreprises sont de statuts divers et elles ont des objectifs multiples, d’autant qu’on ne peut pas mettre sur le même plan les petites entreprises locales et les très grandes multinationales de la finance par exemple. Mais généralement, une entreprise qui se crée dans l’économie conventionnelle vise à la fois à développer (c’est-à-dire à concevoir, à produire) un bien ou un service, et à le commercialiser sur un marché en vue d’accroître son chiffre d’affaires et son profit. Les biens et les services peuvent être très divers (agricoles, industriels etc.), et sous réserve qu’ils soient produits et commercialisés selon les normes et règles en vigueur, il n’y a pas de limites à ces productions (on peut produire des produits agroalimentaires, de l’énergie nucléaire, ou encore des psychotropes).
En revanche, dans l’économie sociale et solidaire, c’est plutôt en fonction d’un projet à finalité sociale que les entreprises émergent et se développent (l’aide auprès de personnes fragiles par exemple, ou encore l’éducation populaire en écologie). Ces entreprises de l’ESS cherchent, quand cela est possible, à établir modèle économique viable. Mais elles n’ont pas comme vocation première la recherche du profit. D’ailleurs une partie des acteurs de l’ESS développent leur activité sous des statuts (associations, mutuelles, coopératives) qui limitent fortement la lucrativité, et qui obligent à des formes de redistribution des bénéfices lorsqu’il y en a.
2. Pourquoi n’arrête-t-on pas de produire si c’est mauvais pour la planète ? (Carla, 1ère)
Cette question a le mérite d’être directe. De plus en plus le lien est établi par les sciences sociales (des économistes, des historiens…) entre la croissance économique et l’impact de cette croissance sur l’environnement. Les chercheurs qui mettent en avant ce lien insistent sur les dégâts causés par le modèle productiviste à la fois sur le climat, sur les pollutions de l’air et de l’eau, sur la perte de la biodiversité etc. Mais même parmi celles et ceux qui sont les plus critiques vis-à-vis du système productif, personne ne réclame d’arrêter de produire ! Il ne faut en effet pas confondre produire des richesses (c’est le niveau du PIB qui l’évalue) et augmenter dans le temps la production des richesses (c’est l’évolution du PIB en volume, c’est-à-dire la croissance, qui l’évalue). Celles et ceux qui critiquent la croissance pointent du doigt la suraccumulation de biens mais aussi de services (par exemple numériques dont on sait que l’empreinte écologique est très néfaste), et les inégalités de cette suraccumulation.
Des auteurs suggèrent que pour maitriser la dégradation de l’environnement, il faut à la fois drastiquement réorienter les productions vers des productions « douces », ayant en tout cas moins d’impact sur la nature (en développant des filières plus bio par exemple, en isolant mieux l’habitat, ou en se séparant des énergies fossiles), et réorganiser la production au niveau mondial, par exemple en relocalisant une partie significative de l’activité économique. Mais ils insistent aussi sur le fait que dans les pays riches en tout cas, il est urgent de produire et consommer plus sobrement (en réduisant nettement la consommation de produits d’emballage, en accroissant la durabilité des biens produits et consommés, en réduisant les transports aériens etc. ).
3. Pensez-vous que le PIB est un bon indicateur ? (Orlane, Terminale)
Comme tous les indicateurs macroéconomiques, en soi le PIB n’est ni « bon » ni « mauvais ». Ce sont surtout les usages qui en sont faits qui sont, dans le capitalisme contemporain, critiquables sur deux points. D’une part, quand le PIB est utilisé comme une approximation de bien-être, on peut s’interroger sur le fait que tout ce qui ait une « valeur ajoutée » soit considéré comme un plus pour le PIB et donc pour le bien-être. On peut aussi rappeler que le PIB ne compte pas des activités sans doute importantes pour le bien-être (par exemple le bénévolat, l’activité domestique ou encore les engagements civiques), et qu’il est totalement indifférent aux inégalités puisque c’est un indicateur global.
D’autre part, la croissance (l’évolution du PIB en volume), telle qu’elle est utilisée, c’est-à-dire un indicateur devenu une finalité pour les sociétés, n’est pas appropriée pour répondre aux grands enjeux du XXIème siècle que sont la dramatique dégradation du patrimoine naturel (au premier rang duquel le changement climatique), l’aggravation des inégalités économiques, la perte de cohésion sociale et certainement aussi les menaces que ces crises font peser sur la démocratie. Certains experts renversent aujourd’hui l’argument en attribuant au fait que la croissance soit cherchée « à tout prix », la raison principale de ces dégradations des patrimoines social et naturel.