Première : cours et corrigés
Synthèse
Déroulé du chapitre :
QUESTION 1. COMMENT INTERPRETER LA PARTICIPATION ELECTORALE À PARTIR D’INDICATEURS ?
QUESTION 2. COMMENT COMPRENDRE LA PARTICIPATION ÉLECTORALE?
QUESTION 3. POURQUOI LE VOTE EST-IL A LA FOIS UN ACTE INDIVIDUEL ET UN ACTE COLLECTIF ?
QUESTION 4. COMMENT COMPRENDRE LA VOLATILITE ÉLECTORALE?
Conforme au programme officiel (BO)
Le comportement électoral traduit ponctuellement une attitude politique lors d’un scrutin et peut être analysé à partir de deux types de variables explicatives : les facteurs socio-politiques inhérents aux électeurs, et les facteurs contextuels.
1. Les variables explicatives socio-politiques du comportement électoral
Le degré d’intégration sociale
Émile Durkheim désignait l’intégration sociale comme l’insertion d’un individu dans un groupe, génératrice de liens sociaux, économiques et politiques entre les personnes qui composent la société. Or, les travaux de Pierre Bréchon ont montré qu’une faible intégration constituait un facteur permanent de l’abstention et de la non-inscription sur les listes électorales.
Les vecteurs de l’intégration sociale. Les formes de sociabilité variant selon l’âge (plus forte prégnance des études jusqu’à 25 ans, du travail entre 30 et 65 ans, du voisinage au-delà), les ruptures du lien social liées à une crise des instances d’intégration pèsent sur le comportement électoral. Le lieu d’habitation (fort contrôle social dans les communes rurales, politisation et comportement abstentionniste « dans le jeu » dans les communes urbaines ; vote d’extrême droite dans les zones d’habitation groupé) et la territorialisation (abstention et vote « hors système » dans les zones péri-urbaines) jouent par ailleurs un rôle croissant depuis les années 1980.
L’impact de la socialisation politique
La socialisation politique primaire, c’est-à-dire la transmission d’une culture politique et l’apprentissage d’un rôle politique avant l’âge adulte, surtout lorsqu’elle résulte de la famille, joue un rôle majeur dans la construction d’un intérêt pour la politique. Parce que l’intériorisation de valeurs, normes, attitudes politiques forge un cadre de repères inséré dans celui – plus large et extrêmement structurant et durable – des références morales (par exemple valoriser le principe de laïcité), elle va conditionner un phénomène largement majoritaire : l’héritage politique. Selon des enquêtes récurrentes du CEVIPOF, les deux tiers des français votent comme leurs parents, et cette proximité est encore plus forte entre époux.
Les travaux d’Annick Percheron ont montré que quatre facteurs, classés par ordre décroissants, expliquaient la forte reproduction des préférences partisanes : l’intérêt des parents pour la politique, la force de leurs préférences partisanes, l’homogénéité des choix entre conjoints, et leur visibilité pour les enfants. Par ailleurs, les taux de reproduction sont plus élevés à gauche qu’à droite, et lorsque les parents votent pour les extrêmes. En dehors de ce phénomène de transmission, les résultats agrégés pour la France montrent que les français se disent majoritairement peu intéressés par la politique, mais intéressés par l’élection présidentielle, rituel républicain au cœur de la démocratie représentative.
La socialisation politique, primaire, puis secondaire (s’ajoute le rôle joué par les pairs au travail qui influence les comportements comme voter ou s’abstenir, et celui des médias qui influence les opinions), couplée avec la reproduction sociale, explique également largement le sentiment de compétence politique, significatif de rapports de domination.
Mais celui-ci s’appréhende également au niveau macro-sociologique d’une culture politique nationale. Les deux politistes américains Gabriel Almond et Sydney Verba ont tenté, dans un ouvrage « développementaliste» devenu classique (The Civic Culture, 1963), de suggérer la supériorité d’un modèle national – fonctionnant comme cadre cognitif de la compétence -, celui développant une « culture politique civique » orientée vers la participation. Cette thèse a été critiquée par Bertrand Badie aux motifs qu’il n’est pas rigoureux de hiérarchiser les cultures politiques nationales et que l’hypothèse d’un consensus de valeurs et de croyances dans une population – fut-elle orientée vers la participation - est contestable.
2. Les variables contextuelles du comportement électoral
La perception des enjeux de l’élection
Trois types de scrutins obtiennent des taux de participation relativement élevés, pour des raisons différentes. Les scrutins nationaux – élections présidentielle et législative – s’inscrivent dans le cadre de ce que Bernard Manin nomme « l’âge de la démocratie du public », c’est-à-dire une configuration dans laquelle les citoyens, de plus en plus informés, obligent les partis à s’adapter en traduisant les enjeux d’une élection à l’aulne de leurs préoccupations concrètes (Principes du gouvernement représentatif, 1995). L’explicitation des cadres de la perception des enjeux de la part de l’électeur éclaire la réception positive d’une majorité de l’électorat de thématiques au cœur de l’offre politique, qui semblaient répondre aux attentes concrètes des citoyens inquiets des effets négatifs d’une globalisation subie : l’immigration comme danger (élection présidentielle de 2007, referendum sur le Brexit en juin 2016), le chômage comme problème complexe (présidentielle de 2012), la recherche pragmatique de solutions inédites (présidentielle de 2017).
Les scrutins municipaux quant à eux bénéficient de ce que l’historien Maurice Agulhon a nommé la « coulée démocratique » : les enjeux nationaux se traduisent en termes lisibles dans les élections locales, par ailleurs fondées sur des relations de proximité (La République au village, 1970).
Les types d ‘élection
Le degré de participation varie selon trois types d’élection : il reste élevé à l’occasion des élections présidentielles et municipales, d’un niveau moyen pour les élections législatives, principal vecteur d’une « crise de la représentation », et d’un niveau faible pour les scrutins infra-nationaux et européens.
Les référendums, dont il faut distinguer la forme plébiscitaire pratiquée par le général De Gaulle, ont connu sous la V° République des taux de mobilisation électorale très contrastés selon les enjeux perçus par les électeurs : ainsi, le passage au quinquennat présidentiel en 2000 n’a mobilisé que 30% des inscrits alors qu’inversement la question de l’adoption du traité constitutionnel européen a mobilisé environ 70% de ceux-ci.