Le télétravail est un mode d’organisation du travail défini essentiellement par deux critères (voir l’accord cadre européen de 2002) : l’utilisation des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et un travail effectué hors des locaux de l’employeur de façon régulière alors que les tâches auraient pu être accomplies sur le poste de travail habituel. Il se distingue nettement à la fois du travail à domicile, du travail en déplacement, et du travail « en débordement » (ramener du travail chez soi le soir et/ou le week-end). Voir le chapitre de Terminale « Comment s’articulent marché du travail et organisation dans la gestion de l’emploi ? ».
Le télétravail se développe lentement depuis les années 2000. En 2003, 2% des salariés étaient considérés comme des télétravailleurs à domicile. Les enquêtes Sumer 2017 et Réponses 2017 réalisées par la DARES (voir DARES analyses, « Quels sont les salariés concernés par le télétravail ? », novembre 2019, n°051) montrent depuis cette période une légère progression du télétravail (3% des salariés le pratiquent régulièrement). Elles montrent surtout que les télétravailleurs réguliers sont essentiellement des travailleurs qualifiés : 60,6% des télétravailleurs sont cadres alors que cette catégorie socioprofessionnelle ne représente que 16,9% des salariés. Ainsi, alors que 11,1% des cadres déclarent pratiquer le télétravail au moins un jour par semaine, la pratique de celui-ci demeure marginale chez les employés (1,4%) et quasiment inexistante chez les ouvriers (0,2%).
D’après l’enquête Deskeo (premier opérateur de bureaux flexibles en France), réalisée sur la période du 19 au 24 mars 2020, le confinement a donné un gros coup d’accélérateur au télétravail. Selon cette enquête, 59% des Français déclarent travailler à domicile et 11% de leur résidence secondaire. Parmi ces 70% de télétravailleurs, 89% n’ont pas l’habitude de travailler à distance.
Le télétravail a des vertus évidentes. Il permet notamment d’éviter la fatigue et le temps perdu dans les transports, de contribuer à la lutte contre le changement climatique en réduisant la pollution, de réduire la consommation de carburant et donc d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages, et aussi au salarié de mieux organiser son temps de travail en restant chez lui. Il présente cependant aussi un certain nombre d’inconvénients, particulièrement visibles dans les circonstances actuelles.
Ces inconvénients sont bien présents dans l’enquête Deskeo. Ainsi, l’organisation efficace en télé travail exige de disposer d’une pièce dédiée à cet effet. Or, 73% des personnes interrogées ne disposent pas de cet espace réservé pour le « home office ». L’impact sur le temps de travail va globalement dans le sens de la prolongation. Avec l’élimination de leur trajet quotidien, 59% des Français constatent travailler plus, même si un certain nombre d’enquêtés utilisent également ce temps gagné pour cuisiner plus et dormir un peu plus, ou jouer avec les enfants. Par ailleurs, le télétravail réduit la pause déjeuner, puisque 51% des Français actuellement en télétravail ont du mal à faire cette pause (37% déjeunent de façon occasionnelle et 14% continuent de travailler à l’heure du repas), et remet en cause le lien social qui unit les travailleurs à leurs collègues. 74% des sondés ne font pas grand-chose pour utiliser les moyens technologiques à leur disposition pour maintenir ou entretenir ce lien. À terme, cette absence ou insuffisance de socialisation pourrait affecter le sentiment d’appartenance à l’entreprise, et l’adhésion aux valeurs de celle-ci, qui ne sont pas négligeables pour l’identité, et même la compétitivité, des organisations productives.
Ces données sont confirmées par l’article de l’INSEE « Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ? », de Sébastien Hallépée et Amélie Mauroux, in INSEE Références, édition 2019). Les télétravailleurs ont tendance à travailler plus que les non-télétravailleurs, avec des horaires assez atypiques. Ils sont aussi plus souvent confrontés à des changements importants d’organisation de leur entreprise qui se traduisent par un sentiment relativement important d’insécurité économique. Enfin, ils se déclarent aussi en moins bonne santé et présentent des risques dépressifs plus élevés que les non-télé travailleurs.
Pour conclure, le télétravail n’est pas forcément une évolution positive de l’emploi et ne dispense pas d’un encadrement par le Code du travail (ce qui est déjà le cas dans les articles 1222-9 et suivants du Code), même si son cadre légal doit demeurer assez souple.