Adam Smith (1776-1790) est considéré comme l’un des pères fondateurs de l’économie politique et de l’école classique ; il marque une rupture avec la pensée économique dominante de son époque. Ses travaux s’inscrivent dans un contexte historique de profonde transformation des sociétés (siècle des Lumières, Révolution industrielle).
La division du travail est au cœur de la dynamique de croissance à travers les gains de productivité, mais également les apprentissages et les innovations qui en découlent. Smith propose une analyse des fonctions économiques de l’État. L’État n’intervient pas seulement pour assurer ses fonctions régaliennes : il doit aussi assurer la production des biens qui produisent des effets externes positifs (infrastructures publiques, éducation).
Smith se penche sur une question centrale dans la réflexion des penseurs du xviiie siècle : comment une société composée d’individus autonomes et libres peut-elle ne pas sombrer dans l’anarchie ? Pour Smith, tout individu a un penchant naturel à échanger avec autrui pour satisfaire ses besoins. En se spécialisant dans une activité et en échangeant les biens fabriqués, les individus produisent de façon plus efficace et l’échange génère un gain (la production est plus importante que dans une situation sans échange, où tout le monde produit tous les biens et consomme sa propre production).
Chaque individu cherche à satisfaire son intérêt personnel, mais, indirectement et involontairement, « conduit par une main invisible », il permet aux autres d’augmenter également leur bien-être. Le mécanisme de la concurrence oblige en effet les producteurs à proposer des biens dont le rapport qualité/prix est compétitif pour s’imposer sur le marché. La recherche de son intérêt personnel permet donc l’intérêt général, et ne s’oppose pas au bien-être collectif. La division du travail, qui est source de productivité, permet alors d’augmenter les quantités produites et échangées, engendrant ainsi la « richesse des nations ».
Alfred Marshall (1842-1924) est un économiste britannique, l’un des pères fondateurs de l’école néoclassique, professeur à l’Université de Cambridge. Il a notamment rédigé les Principes d’économie politique, en 1890, et Money, Credit and Commerce, en 1924. Il a occupé la chaire d’économie politique à Cambridge et fait partie de l’école néoclassique. On lui doit certains concepts très importants comme celui de l’équilibre partiel qui introduit les courbes d’offre et de demande et qui constituent aujourd’hui la représentation la plus utilisée du marché. Contrairement à l’approche de Léon Walras, qui dans la théorie de l’équilibre général s’intéresse simultanément à l’ensemble des marchés, Marshall raisonne « toutes choses égales par ailleurs » qui ne prend pas en compte la complexité des interactions avec les autres marchés. Dans son modèle le prix est déterminé par les seules variations de l’offre et de la demande du bien considéré. Mais Alfred Marshall a également développé des travaux sur la question des coûts et de la valeur. Selon lui, sur le court terme, c’est essentiellement l’utilité (satisfaction procurée par le bien au consommateur) qui détermine le prix d’un bien : les consommateurs sont prêts à payer davantage pour un bien qui leur apporte une utilité plus grande. Mais sur le long terme, les coûts de production deviennent déterminants dans la formation du prix d’un bien. Marshall intègre par ailleurs dans son analyse la question des rendements de la production, et il développe notamment la loi des rendements non proportionnels. Marshall développe ainsi au sein d’une théorie unifiée les concepts d’offre et de demande, de prix, de coût et d’utilité marginale.
Léon Walras (1834-1910), économiste français, est un des fondateurs de l’école néoclassique en lui donnant un cadre d’équilibre général fondé sur l’étude de l’interdépendance des marchés, qui est encore au cœur de l’analyse contemporaine. Il publie Éléments d’économie politique pure ou théorie de la richesse sociale, 1874. En montrant qu’il peut exister un système de prix compatible avec un équilibre de tous les marchés en concurrence pure et parfaite, il a donné un contenu scientifique à la métaphore de la « main invisible » d’Adam Smith. Cependant, si Walras conçoit la théorie de l’équilibre comme de l’économie politique « pure », au sens d’une mécanique pure et sans frottement, il s’inscrit en matière d’économie « appliquée » dans le courant du socialisme libéral, en prônant la nationalisation du sol, des coopératives, l’annulation de l’intérêt et des lois sociales (la fixation d’une durée maximum du travail par exemple).
Contestant la doctrine du « laissez faire » en vogue à son époque, il pense que l’État doit intervenir pour empêcher « certains entrepreneurs de faire des bénéfices autrement que dans les conditions normales de la libre concurrence, c’est-à-dire par leur coup d’œil, leur habileté, leur économie » ce qui suppose d’organiser la « libre concurrence » et de la mimer lorsqu’elle ne peut exister. Il évoque, à cet égard, trois domaines d’intervention particuliers : la monnaie, les services publics et les industries où les conditions naturelles sont telles que le monopole de production apparaît nécessaire. Si le rôle de l’État dans la défense de l’ordre monétaire est déjà acquis chez les classiques, son action dans les services publics relèvent pour Walras d’une autre logique : ils intéressent en effet les hommes non en tant qu’individus mais comme membre de la collectivité ou de l’État, les besoins collectifs sont les mêmes pour tous et ils sont égaux pour tous. Ils sont donc des « monopoles moraux » acquis à l’État. À côté des monopoles moraux qui fournissent les services publics, des monopoles naturels peuvent aussi se développer. L’État pourra dans ce cas exercer ce monopole ou le concéder par une procédure d’adjudication qui assurera que le concessionnaire fournira le produit au prix de revient. Dans son essai l’État et les chemins de fer de 1875, Walras justifie par exemple la nationalisation des chemins de fer par leur double nature : monopole naturel du fait de l’importance des infrastructures du réseau, ils sont aussi un monopole moral car ils participent à la cohésion sociale, la circulation des savoirs et la défense du territoire.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959) est un économiste britannique, théoricien de l’économie du bien-être, fut l’un des professeurs de John Maynard Keynes à l’université de Cambridge. Il publie The Economics of welfare, en 1920. La correction des défaillances du marché a été prise en compte dès les années 1920 par les théoriciens néoclassiques : si Alfred Marshall, professeur à Cambridge, avait déjà identifié l’existence d’économies et de déséconomies externes (ou externalités), soit les conséquences d’une activité économique non prise en compte par les mécanismes marchands, c’est Arthur Cecil Pigou, lui aussi auteur néoclassique et successeur de Marshall à Cambridge qui les place au centre de son analyse de l’économie du bien-être. Il s’intéresse aux effets sociaux de l’affectation des ressources par les agents économiques et montre qu’ils peuvent être différents de leurs effets privés : lorsqu’on distingue le produit marginal social net (« le produit total des choses physiques et de services objectifs dû à l’accroissement des ressources dans un emploi donné ») et le produit marginal privé net (« la partie du produit net total qui revient à la personne qui a investi là ses ressources »), on se rend compte que le libre fonctionnement des marchés peut faire différer ces deux grandeurs, car il ne parvient à maximiser que le second (égalisation des produits marginaux privés).
Pour faire en sorte que les agents prennent en compte ces externalités (ou effets externes) dans leurs calculs économiques, il faut, selon Pigou, taxer les activités dont le produit social net est inférieur au produit marginal privé net (et subventionner celles qui se trouvent dans la situation inverse).
Jean Tirole (né en 1953) est un chercheur français, qui fait partie des économistes de sa génération les plus cités par leurs pairs. Il obtient en 2007 la médaille d’or du CNRS et le prix Nobel d’économie en 2014. Ses recherches portent sur des domaines extrêmement variés, de l’organisation industrielle à la finance ou encore la psychologie. Pour Jean Tirole, le marché est un moyen plutôt efficace de coordination des activités économiques. Selon lui, la concurrence présente un certain nombre d’avantages pour la société. Premièrement, elle engendre la baisse des prix pour les consommateurs (par exemple pour les abonnements de la téléphonie mobile). La concurrence est aussi une forte incitation à produire de manière plus efficace et à innover pour les entreprises (plus du quart des gains de productivité aux États-Unis comme en France lui serait imputable). Enfin, elle est vectrice de « liberté », en évitant les collusions entre entreprises privées et décideurs publics génératrices de rentes coûteuses à la collectivité (prix plus élevés, corruption...).
Cependant, la concurrence n’est qu’« un instrument au service de la société ». Dans les cas où elle produit un effet néfaste, elle doit être écartée. C’est le cas par exemple en présence de monopoles naturels ou d’effets de réseau, situations pour lesquelles un monopole peut être accepté, à condition de la réguler pour éviter notamment une hausse des prix. Tirole a consacré une grande partie de ses travaux à déterminer les situations où la concurrence est préférable et celles où elle doit être encadrée par les pouvoirs publics, dans des domaines divers comme les télécommunications, l’électricité ou l’Internet.