Aghion P. est l’un des spécialistes contemporains de la croissance économique. Dans de nombreux articles, il interroge les causes et les conséquences de cette croissance dans un cadre qu’on peut qualifier de « néo-schumpeterien », puisqu’il place l’innovation et la destruction créatrice au coeur de la dynamique économique. Il développe notamment ses analyses dans un ouvrage coécrit avec Peter Howitt, L’économie de la croissance, paru en 2010 ou, plus récemment, avec Céline Antonin et Simon Bunel, Le pouvoir de la destruction créatrice. Il formalise l’influence des innovations sur la croissance dans un modèle de croissance endogène. Il défend une politique économique favorable à l’innovation, qui passerait vers le soutien de l’économie de la connaissance, la formation professionnelle et l’incitation à l’emploi, quitte à réduire les interventions de l’État dans d’autres domaines. Ses travaux interrogent aussi la mesure de la croissance et de la productivité, qui serait sous-estimée de nos jours (tout comme l’inflation), du fait des innovations dans les nouvelles technologies.
Barro R. est l’un des membres du courant que l’on qualifie de « nouvelle économie classique », qui s’appuie notamment sur l’hypothèse d’anticipations rationnelles pour interroger les effets des politiques économiques. Il est l’un des premiers à proposer un modèle de croissance endogène, développé plus tard dans son ouvrage Les facteurs de la croissance, publié en français en 1996. Comme les autres modèles de croissance endogène, le sien s’appuie sur le fait que la croissance favorise la croissance car le progrès technique est un facteur endogène et générateur d’externalités positives. Son modèle s’appuie notamment sur les effets des infrastructures publiques (ou capital public, considéré comme facteur de production spécifique) telles que celles de communication ou de transport. Les investissements publics dans ces infrastructures, couplés avec la garantie des droits de propriété et du droit, ainsi que le libre-échange sont alors considérés comme des facteurs de croissance. Dans des travaux avec Xavier Sala-i-Martin, il a développé la thèse de la convergence entre les différentes régions d’un même pays, il a aussi travaillé sur les effets de la religion sur la croissance économique, avec Rachel McCleary.
Gordon R. est connu pour ses travaux, aux conclusions pessimistes, sur la croissance de long terme aux États-Unis. Dans The rise and fall of american growth, publié en 2016, il postule que la croissance économique est appelée à être durablement faible et à revenir à ce qu’elle était avant la révolution industrielle. Pour lui, la forte croissance, allant de 1870 à 1970 aurait été une exception. Il a aussi travaillé sur le paradoxe de Solow et sur les gains de productivité permis par les nouvelles technologies. Selon lui, l’impact de ces nouvelles technologies sur la croissance est beaucoup plus faible que celui des précédentes grandes vagues d’innovation, ce qui explique que malgré des bouleversements exceptionnels dans les manières de produire et de vivre causés par l’informatique et les télécommunications, la croissance reste relativement faible comparativement aux précédentes vagues de révolution industrielle.
Kuznets S. (prix Nobel en 1971) est l’un des premiers économistes à avoir formalisé la notion de produit intérieur brut. Il a aussi participé à plusieurs travaux de comptabilité nationale qui ont permis le calcul des premières statistiques du PIB. Ses premiers travaux ont porté sur les cycles économiques et il a identifié, aux États-Unis et en Grande Bretagne, des cycles de 15 à 20 ans (qu’il lie aux variations de l’investissement et du commerce extérieur), que l’on nomme depuis les « cycles Kuznets ». Il a montré que si les inégalités augmentent dans un premier temps avec le développement économique, elles se réduisent ensuite, traçant ce qu’on appelle la « courbe de Kuznets », courbe en U inversé, qui relie les inégalités et la croissance économique.
Lucas R. est, avec Robert Barro l’un des principaux membres de la « nouvelle école classique » et il a fortement développé la théorie des anticipations rationnelles. S’il a plus interrogé la politique économique que les modèles de croissance, il est connu pour une contribution importante aux théories de la croissance endogène. Dans l’article « On the mechanics of economic development », publié en 1988, il montre que le capital humain est facteur de croissance endogène. L’accumulation de savoirs, et de savoir-faire génère des externalités positives qui créent une croissance auto-entretenue.
North D. (prix Nobel en 1993) est l’un des membres fondateurs de la nouvelle économie institutionnelle (ou courant néo-institutionnaliste) avec Ronald Coase et Oliver Williamson. Il a particulièrement interrogé le rôle des institutions dans le processus de croissance, avec une perspective de long-terme. Il a montré que les institutions pouvaient favoriser la croissance économique, en créant un cadre qui lui est favorable, notamment en réduisant les coûts de transaction. Il a aussi montré que les normes sociales et les croyances pouvaient rendre les institutions plus ou moins efficace, point qui a ensuite été travaillé par Elinor Ostrom à propos du développement. Historien de l’économie, il a fondé ce qu’on appelle la « cliométrie », que l’on peut considérer comme l’application des techniques de l’économétrie sur des données historiques.
Ricardo D. est l’un des économistes classiques les plus influents. Dans Des principes de l’économie et de l’impôt, publié en 1817, il cherche à approfondir et formaliser les concepts et travaux d’Adam Smith. Dans cet ouvrage, il interroge notamment la dynamique de la croissance économique. Il a, en partie, forgé ses théories sur la croissance économique dans un dialogue avec Thomas Malthus. S’il ne partage pas toutes les conclusions de Malthus, il le rejoint en pointant le risque d’état stationnaire, qu’il définit comme « une fin de l'accumulation ; car aucun capital ne pourra plus rapporter le moindre profit, aucun travail additionnel ne sera demandé et la population aura atteint son niveau le plus élevé » . Cet état stationnaire s’explique notamment par la loi des rendements décroissants et l’augmentation de la rente. Il peut être repoussé par le progrès technique, même si Ricardo pointe aussi les effets négatifs du développement du « machinisme » pour les travailleurs. C’est surtout le commerce international, fondé sur les avantages comparatifs, qu’il voit comme un facteur essentiel de croissance économique.
Robinson J. est l’une des principales représentantes du courant dit « postkeynésien ». Elle a mené des travaux importants sur la concurrence monopolistique et sur la fonction de production. Sur ce dernier point, elle interroge notamment les effets de la répartition entre travail et capital sur l’emploi. Cette question de la répartition est aussi au coeur de ses travaux sur la croissance économique. Dans L’accumulation du capital, publié en 1956, elle fait du profit le principal moteur de la croissance économique, en montrant que ce profit est à la fois la source et le résultat de la croissance. C’est en effet la perspective du profit qui pousse à la production et à l’investissement (dans une perspective keynésienne) et donc à la croissance et c’est cette croissance qui crée les profits des entreprises. Ceci a été résumé par Michal Kalecki dans une formule restée célèbre selon laquelle « les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent ».
Romer P. est l’un des fondateurs des théories de la croissance endogène, notamment depuis son article de 1986 « Increasing returns and long-run growth », dans lequel il étudie les effets du progrès technique (et en particulier des connaissances) sur la croissance. Il s’inspire de la théorie, développée par Kenneth Arrow, du « learning by doing », selon laquelle les connaissances s’acquièrent par la pratique et leur accumulation profite à l’économie toute entière. Les connaissances forment un capital spécifique, qui est à rendements croissants : plus on détient de connaissances, plus elles sont efficaces et elles génèrent des externalités positives : leur accumulation par certains agents économiques profitent à tous. Les investissements en connaissances permettent ainsi une croissance auto-entretenue, endogène. Le modèle dépasse alors celui de Solow, qui ne percevait le progrès technique que comme un facteur exogène à l’économie, pouvant stimuler ponctuellement la croissance et la sortir de l’état stationnaire, mais sans créer un phénomène auto-entretenu.
Schumpeter J. est un économiste hétérodoxe, inclassable. Il a montré que ce qu’il appelle « évolution économique » est un phénomène heurté, discontinu, qui tend à prendre des formes cycliques. Selon lui, cette évolution est principalement due à l’innovation, dont il dresse une typologie en cinq formes. Cette innovation est à l’origine d’un processus de destruction créatrice, et elle est introduite dans l’économie par l’entrepreneur. L’entrepreneur, personnage central du capitalisme innove non seulement pour augmenter son profit, mais aussi, et surtout, par esprit d’aventure et volonté de grandeur. L’innovation confère aussi à l’entreprise une position de monopole temporaire, avant qu’elle ne soit imitée. Les innovations viennent par « grappes », chaque innovation en entraîne d’autres, qui lui sont liées. Sur le long terme, il perçoit, à la suite de Max Weber, un processus de rationalisation des activités et de l’innovation dans l’entreprise, qui tend à faire disparaître l’entrepreneur. Il en tire la conclusion que le capitalisme est voué à disparaître et à être remplacé par le socialisme, ce en quoi il rejoint Marx, mais en regrettant cette évolution.
Solow R. (prix Nobel en 1987) a travaillé sur la croissance économique en revisitant les modèles keynésiens de Harrod et Domar et en relâchant l’hypothèse de complémentarité des facteurs de production posée dans ces modèles. La substituabilité des facteurs rend alors possible une croissance équilibrée et stable : la croissance n’est pas sur le fil du rasoir. Sur la base de ce modèle, il tente d’estimer les contributions à la croissance économique et il montre que les facteurs de production, en eux-mêmes, sont bien loin d’expliquer toute la croissance : il y a un résidu, important (plus de la moitié de la croissance économique), qui ne correspond ni à l’augmentation du facteur capital, ni à celle du facteur travail. Ce résidu peut être assimilé au progrès technique ou « productivité globale des facteurs ». Si les techniques de mesure ont été améliorées, cette méthode de « décomposition » de la croissance est encore utilisée de nos jours dans de nombreux travaux de recherche et par des institutions internationales. Il tente ensuite d’affiner son modèle de croissance en voyant le progrès technique comme une succession d’innovations, il est alors possible de décomposer le capital comme composé de plusieurs « générations successives ». Sur la croissance de plus court terme, Solow, avec Paul Samuelson, revisité la courbe de Phillips dans une perspective keynésienne et défendue les politiques de « stop and go ».