Définition :
La protection sociale désigne les mécanismes de prévoyance collective, permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des risques sociaux. Ces derniers sont définis comme des situations susceptibles de compromettre la sécurité économique de l’individu ou de sa famille en provoquant une baisse de ses ressources ou une hausse de ses dépenses. Les risques sociaux principaux sont la vieillesse, la maladie, le chômage, et la maternité.
L'essentiel
La protection sociale a émergé et s'est beaucoup développé au cours du XXème siècle avec l'avènement progressif des Etat-Providence. Cette expression désigne l’ensemble des interventions de l’État dans le domaine social, visant à garantir un niveau minimum de bien-être à l’ensemble de la population, en particulier à travers un système étendu de protection sociale. Cette émergence en France a été difficile et longue. Le système français relève d'ailleurs de plusieurs logiques et apparaît comme un système hybride au regard des différentes typologies utilisées. Aujourd'hui cependant, le système français comme la plupart des systèmes de protection sociale européens connait une crise importante. En France, l’État s’est longtemps limité à un rôle d’assistance. Jusqu’au début du XXème siècle, même si la bienfaisance publique a en grande partie remplacé la charité de l’Eglise, elle reste réservée aux enfants, vieillards et infirmes. La protection des travailleurs, quant à elle, continuer à reposer sur la prévoyance individuelle, ou sur une protection collective d’initiative privée (mutuelles de salariés, institutions patronales). De ce point de vue, la France est en retard notamment au regard de la situation de certains pays européens, et au premier titre d'entre eux l'Allemagne. En effet, dès la fin du 19ème siècle, le chancelier Bismarck y met en place un système d’assurances sociales afin de lutter contre l’influence du socialisme au sein d’une classe ouvrière de plus en plus nombreuse. Sa politique assigne une nouvelle mission à l'Etat : assurer le bien-être des membres de la société. L’assurance maladie (1883), l’assurance contre les accidents du travail (1884), et l’assurance invalidité et vieillesse (1889) sont ainsi mises en place pour les ouvriers dont les revenus sont faibles. Peu à peu, ce système s'étend à d'autres catégories professionnelles, tout en restant soumises à des conditions de ressources. Cette première grande conception de l’État-providence, fondée sur l’assurance, se diffuse en Europe. En France, elle se traduit par la loi sur les accidents du travail (1898), puis par la loi sur les assurances sociales (1930) qui prévoit une couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, décès et invalidité. Mais le système reste limité aussi bien en ce qui concerne les risques couverts que les populations concernées.
Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que la protection sociale prend de l'ampleur notamment avec l'émergence d'une autre vision de celle-ci. Cette deuxième conception de l'Etat-Providence apparaît avec le rapport de Lord William Beveridge de 1942. Il y développe la notion de Welfare State. Tout en rejetant la vision bismarckienne d'un système d'assurances sociales réservées aux seuls travailleurs ainsi que le principe d’une assistance limitée aux plus démunis, ce rapport introduit l’idée d’une protection universelle de tous les citoyens financée par l’impôt. Il propose ainsi un système de protection sociale reposant sur plusieurs principes. Le premier d'entre eux est la généralisation et l'unification. Chaque individu appartenant à la société doit avoir le droit de voir ses besoins minimaux garantis par la solidarité nationale qui doit se faire à travers une seule cotisation permettant d'accéder à différentes prestations. Celles-ci doivent en outre, être uniformes (mêmes prestations pour tous). Enfin, le système de protection sociale doit être, selon Beveridge,centralisé et global c'est-à-dire regrouper l'ensemble des aides et des assurances. Le système français de Sécurité sociale initié par le juriste Pierre Laroque en 1945 s’inspire à la fois du système bismarckien et beveridgien: il conserve la logique d’un système assurantiel, financé par des cotisations des travailleurs, mais vise à la mise en place d’un système généralisé, centralisé et global de sécurité sociale (sans pour autant y parvenir).
Quelle que soit le pays ou le système de protection sociale, on peut distinguer plusieurs logiques présidant à sa mise en place. Classiquement, trois principes guident ces sytèmes:
- Une logique d’assurance sociale, dont l’objectif est de prémunir contre un risque de perte de revenu (chômage, maladie, vieillesse, accident du travail). Les prestations sociales sont financées par des cotisations sur les salaires (comme dans une assurance privée) et sont donc réservées à ceux qui cotisent ;
- Une logique d’assistance, qui a pour objectif d’instaurer une solidarité entre les individus pour lutter contre les formes de pauvreté. Elle consiste à assurer un revenu minimum, qui ne couvre pas forcément un risque spécifique. Il est versé sous condition de ressources, mais non de cotisations préalables (revenu minimum d’insertion, allocation adulte handicapé)
- Une logique de protection universelle, qui a pour but de couvrir certaines catégories de dépenses pour tous les individus. Les prestations sont donc accordées sans conditions de cotisations ni de ressources, mais sont les mêmes pour tous (prestations familiales).
Ces principes se retrouvent dans la plupart des systèmes de protection sociale (sauf le premier qui est assez spécifique au système de type bismarckien). Les sociologues ayant étudié la protection sociale ont fait émerger plusieurs typologies pour caractériser les sytèmes actuels. La plus utilisée d'entre elles est sans doute celle d’Esping-Andersen. Selon lui, les Etats-providence évolueraient vers trois modèles, symbolisant trois grandes logiques et expliquant les évolutions différentes que connaissent les pays occidentaux. Ces trois modèles peuvent se résumer ainsi:
- le modèle conservateur-corporatiste, incarné par l’Allemagne. Il se caractérise par une logique bismarckienne et est sans doute celui qui a le plus de difficultés à faire face à la situation difficile du marché du travail.
- un régime résiduel où la protection sociale ne concerne que les populations les plus défavorisées afin de permettre le retour rapide à l'emploi.
- Enfin, le modèle universaliste est celui qui correspond le plus aux caractéristiques mises en avant par Beveridge : une protection de haut niveau pour l’ensemble des citoyens, financée par l’impôt (c'est le modèle qui caractérise les pays scandinaves notamment).
Aujourd'hui, en France, le système de protection sociale représente environ 600 milliards d’euros chaque année, soit plus de 35% du PIB. Ce chiffre très important illustre parfaitement l'évolution que la plupart des pays européens ont connu après la Seconde Guerre mondiale. L’intervention de l’État dans l’économie a en effet pris beaucoup d'ampleur après 1945 notamment avec la généralisation des systèmes de Sécurité sociale et la mise en place des politiques de redistribution des revenus. Mais le ralentissement de la croissance dans les années 1970 et les bouleversements économiques de ces dernières décennies suscitent des remises en question de cette intervention comme l'a bien montré Pierre Rosanvallon notamment dans La crise de l’État-providence (1981).
La première difficulté majeure à laquelle doit faire face le système de protection sociale est liée à sa solvabilité. Le financement de la protection sociale est rendu de plus en plus difficile: les besoins sociaux sont de plus en plus importants alors même que les ressources sont rendues plus aléatoires en raison du ralentissement de la croissance. Ces difficultés se traduisent par une progression continue du taux de prélèvements obligatoires et des difficultés de financement à plus ou moins longue échéance (c'est le cas en particulier des systèmes de retraite par cotisations).
Le deuxième problème qui se pose au système de protection sociale est une crise d'efficacité. Les inégalités se creusent malgré l’effet redistributif de la protection sociale. Les dispositifs existants paraissent de moins en moins adaptés aux besoins d’une société qui s’est beaucoup transformée. Là encore, les retraites en sont une bonne illustration mais aussi les politiques familiales qui ne semblent pas nécessairement adaptées aux transformations du rôle des femmes dans la société. Enfin, les prélèvements effectués sur l’activité économique peuvent apparaître comme contre-productifs puisque nuisant à la croissance (ce type de critique est lié aux remises en question du rôle de l'Etat).
Enfin, de manière plus générale, les systèmes de protection sociale doivent faire face, de plus en plus, à une remise en cause de leur légitimité. En effet, les mécanismes impersonnels de prélèvements et de prestations sociales, caractéristiques de l’État-providence, ne satisfont plus des citoyens à la recherche de relations moins anonymes et d’une solidarité davantage basée sur des relations interindividuelles. L’État-providence doit également affronter l’effacement des cadres collectifs de cohésion (solidarités nationale et professionnelle) devant la montée des logiques de privatisation du risque.
Bien que réelles et sur bien des points fondées, ces critiques et ces remises en question des systèmes de protection sociale doivent être nuancées ne serait-ce qu'en raison du fait que l’État et ses systèmes de régulation collective demeurent aujourd’hui les meilleurs garants de la cohésion sociale. Même s'il est sujet à discussions et à critiques, l’État-providence reste un moyen jusqu'à présent peu concurrencé de limiter les effets induits par les mutations et les crises économiques sur les populations les plus fragiles.
3 questions à : (à venir) Eloi Laurent ( ?)
1) Quels sont les problèmes auxquels doivent faire face les systèmes de protection sociale aujourd’hui ?
2) Quelles solutions sont envisageables ?
3) Quel rôle l’Europe sociale peut-elle jouer dans le renouvellement de la protection sociale ?