Définition :
Situation dans laquelle un nombre variable d’acheteurs et de vendeurs se confrontent sur le marché d’un produit ou d’un service donné.
L'essentiel :
Dans le langage courant, la concurrence désigne la compétition entre des individus dans l'accès à une position ou un objet. Cette idée est donc étroitement associée à l'idée de rivalité, de conflit. L'économie, qui place au centre de ses analyses la notion de concurrence ne peut bien évidemment pas en rester à ces éléments. La science économique précise donc le cadre dans lequel des individus, des agents économiques entrent en concurrence. La difficulté essentielle tient ici en la polysémie du terme puisque différentes conceptions de la concurrence sont utilisées en économie. En 1968, Paul McNulty pointe le flou et les contradictions qui existent dans le concept de concurrence portée par les économistes. On peut selon lui distinguer deux conceptions de la concurrence. Une conception « analytique » d’une part, pour laquelle la concurrence serait « analogue à la force de gravitation » et dont l’objet serait d’expliquer la convergence vers un prix de marché unique. Et une conception « empirique » d’autre part qui serait un instrument de compréhension du comportement des entreprises. Celle qui a longtemps dominée la science économique est une vision analytique de la concurrence privilégiant les règles d'une organisation particulière, la concurrence pure et parfaite- CPP-, ainsi que les cas où certaines de ces règles de la concurrence pure et parfaite ne sont pas remplies (cadre de la concurrence imparfaite).
La CPP est une structure particulière de marché qui se caractérise par un certain nombre de conditions. La concurrence dite pure (c'est-à-dire pure de tout élément de monopole) est assurée par trois éléments. Le premier est l'atomicité des agents présents sur le marché. Il existe un grand nombre d’entreprises et de consommateurs sur le marché. Chaque entreprise (consommateur) ne vend (achète) qu’une toute petite partie de la quantité totale échangée. Les décisions de ces agents n'ont donc pas d’effet sur le prix de marché. Ils sont donc preneurs de prix (price taker). La deuxième condition de la concurrence pure est l'homogénéité des produits. Les entreprises présentes sur le marché produisent des biens identiques ou presque. Les biens produits sur un marché sont parfaitement substituables. La concurrence se fait donc uniquement sur les prix. Ceci assure le fait qu'il n'y ait qu'un seul prix sur le marché. Lorsque les biens sont hétérogènes, l’entreprise peut fixer un prix supérieur à ses concurrents sans perdre tous ses clients. Enfin, garantir une concurrence pure passe aussi par la libre entrée et libre sortie du marché. Il n'existe pas de coût particulier qui rendrait difficile l’entrée ou la sortie sur le marché pour une nouvelle entreprise. Pour que la concurrence soit parfaite c'est-à-dire pour que les mécanismes de la concurrence puissent jouer sans entraves, il est nécessaire d'ajouter deux autres conditions : la transparence de l'information (l'accès à l'information est gratuit et immédiat) et la mobilité des facteurs de production : travail et capital (par exemple) sont parfaitement mobiles d'un marché à un autre.
Dans ce cadre de concurrence, les agents économiques ne peuvent agir sur le signal de prix. Dès lors, les échanges se font après qu’offre et demande ont été confrontés. Il s'agit donc d'une organisation centralisée. Léon Walras, fondateur de la microéconomie et de la pensée marginaliste, a proposé de représenter ce mécanisme d’ajustement comme un tâtonnement organisé par un commissaire-priseur dans une bourse de marchandises. Le commissaire-priseur annonce un prix. Sur la base de ce prix, les agents transmettent leurs propositions d’échange : les consommateurs expriment la quantité qu’ils souhaitent acheter à ce prix et les producteurs la quantité qu’ils souhaitent vendre. Si la demande est supérieure à l'offre, le commissaire-priseur révise le prix à la hausse. Sur la base du nouveau prix annoncé, les consommateurs et les producteurs formulent de nouvelles propositions, etc. jusqu’à ce que le prix permette d'égaliser l'offre et la demande. Selon ce mécanisme d’ajustement, le prix est donné aux individus par le marché, en l’occurrence le commissaire-priseur. Ils ne font que s’y ajuster. Ils sont preneurs de prix. Et il n’y a pas de transaction avant qu’on arrive au prix d'équilibre.
Les modèles de concurrence imparfaite gardent pour l'essentiel le cadre d'analyse précédent. Ils prennent en compte des situations où les conditions d'atomicité, de libre entrée ou encore d'homogénéité des produits ne sont pas remplies. Ainsi, un marché en concurrence monopolistique est comparable à un marché en CPP sur deux critères essentiels : grand nombre d’entreprises et libre entrée sur le marché. Mais il en diffère sur un point : le produit est différencié. Chaque entreprise vend un produit qui diffère des autres par sa qualité, son apparence ou sa réputation. Ainsi, chaque entreprise dispose d'un pouvoir de monopole qui dépend de sa capacité à bien différencier son produit. Les situations d'oligopole sont des situations où quelques entreprises seulement sont en concurrence et où l’entrée de nouvelles entreprises n’est pas libre. Il y a des barrières à l’entrée qui permettent aux entreprises de faire des profits importants. Ces barrières à l'entrée peuvent être deux ordres. Il existe des barrières « naturelles » : économies d’échelle (les dépenses nécessaires au développement et à la constitution de la réputation d’une marque peuvent être très importantes), ou des brevets. Mais il y a aussi des barrières « stratégiques ». Les entreprises déjà installées cherchent à empêcher l’entrée de nouveaux concurrents en abaissant les prix par exemple. Dans un secteur en oligopole le pouvoir de monopole et le profit réalisé dépend en grande partie des interactions avec les autres entreprises. Aujourd'hui, l'étude de ce type de situation de concurrence est un domaine très important pour la théorie des jeux.
Une des difficultés essentielles du modèle de la concurrence (qu'elle soit parfaite ou imparfaite) est de supposer une organisation très centralisée des relations économiques. Pour s'en libérer, il est parfois fait appel à une vision de la concurrence « darwiniste » consistant à faire émerger le ou les meilleurs. Cependant, cette vision est problématique dès que l'on essaie de la systématiser dans le cadre de la science économique. En effet, l'élimination des plus faibles au profit des agents les plus performants conduit in fine à la remise en cause de la concurrence en conduisant à des situations de monopole (c'est ce que certains ont pu appeler le « paradoxe de la concurrence »). Joseph Schumpeter (Capitalisme, socialisme et démocratie, 1947) a montré que le capitalisme est un processus permanent de « destruction créatrice » où les entrepreneurs les plus performants s’assurent des situations de monopole temporaire en éliminant les firmes les moins efficaces, avant d’être eux-mêmes concurrencés par des entreprises inventant de nouveaux procédés ou nouveaux produits. La situation de monopole peut aussi résulter de la volonté de l’entreprise d’éliminer ses concurrents du marché. On parle de comportement de prédation. Ainsi une entreprise de taille importante peut décider de pratiquer des prix inférieurs au coût unitaires sur un marché particulier – réalisant donc des pertes – si cela conduit des entreprises concurrentes à se retirer sur marché. Une telle « guerre des prix » bénéficiera à l’entreprise si les gains additionnels que lui garantit la situation de monopole font plus que compenser les pertes temporaires.
Ainsi, même si la science économique, aidée par la formalisation mathématique, a donné un contenu théorique très abouti à la notion de concurrence, il n’en reste pas moins problématique puisqu’il conduit à une représentation de l'économie extrêmement centralisée. En outre, le libre jeu de la concurrence peut aboutir à l'élimination plus ou moins temporaire de celle-ci par l'émergence de situation de monopole comme l’illustre parfaitement la situation actuelle dans le secteur du numérique.
Voir le chapitre de première Comment un marché concurrentiel fonctionne-t-il ?
3 questions à : ( à venir)
1) En quoi la concurrence peut-elle être bénéfique ?
2) Comment s’assurer que les conditions de la concurrence existent et se maintiennent ?
3) Est-il plus difficile aujourd’hui de s’assurer des conditions de la concurrence que par le passé ?