Conférence de l’IH2EF (octobre 2022)
La question de l’orientation n’est pas nouvelle et interroge l’organisation de l’enseignement dans son ensemble. C’est une question centrale. Elle comprend plusieurs dimensions : l’information à l’orientation, les procédures d’orientation et d’affectation mais aussi la construction des individus. A ce titre, l’enjeu central est de doter les individus des clés de lecture du monde dans lequel ils vont s’insérer tôt ou tard et ainsi réduire le décalage entre le discours sur la personnalisation des parcours et la réalité de ce que vivent les jeunes.
Mots clés : parcours avenir, continuum bac-3/+3, formation à l’orientation, égalité des chances
On parle aujourd’hui de parcours d’orientation. Cette notion de parcours n’est pas nouvelle et intervient dans d’autres sphères que celle de la formation. Elle irrigue en réalité la totalité des réformes : baccalauréat, transformation de la voie professionnelle, etc. La notion de parcours renvoie à une conception radicalement différente de celle de l’orientation née dans les années 1920 où il était question de paliers, de transition, à gérer. Un parcours peut être défini comme un itinéraire organisé d’acquisition de compétences et de connaissances.
A partir des années 2000 se met en place un nouveau paradigme, une nouvelle conception de l’orientation qui repose sur l’idée de continuum mettant l’accent sur la façon dont on pense les différentes étapes du parcours d’orientation et la coordination des acteurs. Dans ce cadre, tous les élèves et étudiants sont concernés. L’objectif est ici de créer des compétences à s’orienter sur le long terme. La notion de parcours implique qu’il n’y ait pas de frontières dans l’espace et dans le temps. L’enjeu est de permettre aux individus de s’épanouir en donnant un sens à leur parcours professionnel mais aussi plus largement personnel.
Il est donc nécessaire de trouver les leviers pour créer les compétences, les moyens, les voies et les actions pour que l’appareil de formation permette des parcours de plus en plus personnalisés. Il demeure cependant encore des freins à la mise en œuvre du parcours d’orientation. Tout d’abord la conception « adéquationniste » de l’orientation est encore vivace. Elle repose sur l’hypothèse qu’il est possible d’identifier chez l’individu des caractéristiques articulables mécaniquement avec celles de l’emploi. Développer des compétences à s’orienter n’a donc pas de sens dans ce cadre. Pour le système français, cela se traduit par le fait que tous les individus de 16 ans sont répartis dans une voie, générale, technologique ou professionnelle, sans réelle possibilité de retour en arrière. Deuxièmement, les enseignants, qui sont les premiers acteurs de la formation du parcours d’orientation, ne se disent pas formés pour cela.
Le lycée connait une organisation qui a évolué considérablement (choix des spécialités) alors que l’université demeure encore dans un dispositif très « filiérisé ». Certaines, comme celle de la Rochelle, proposent tout un choix de majeures et de mineures afin d’élargir leur champ dans une logique similaire à celle du lycée. Un accompagnement personnalisé des étudiants dans leur choix de parcours, des entretiens individuels en début de licence (afin de procéder à une analyse des compétences ainsi qu’à une projection) et du renforcement disciplinaire si nécessaire sont aussi mis en œuvre. L’enjeu est de se positionner dans une perspective de formation tout au long de la vie. Malgré l’obtention d’un diplôme dans une spécialité, est intégrée l’idée que toute la carrière professionnelle ne se fera pas dans celle-ci et que proposer des formations permettant de s’adapter aux changements est un défi important à relever. L’objectif est que sa formation permette à l’étudiant de trouver une insertion personnelle et professionnelle qui corresponde à ce qu’il est. En cela, la formation au-delà de la discipline de spécialisation est très importante, par exemple dans le domaine du savoir-être ou de l’éthique.
Pour un chef d’établissement l’enjeu du continuum bac-3/+3 implique de travailler sur le collectif d’adultes. Il y a un gros travail de formation à réaliser pour ceux dont le travail est modifié par la réforme du lycée et ses conséquences sur l’enseignement supérieur. Il est important de créer une formation d’établissement organisé avec le rectorat afin d’élaborer les structures d’un parcours avenir dans l’établissement. Il faut aussi s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre aux élèves de mieux se connaître, les aider à identifier leurs compétences et ce qu’ils veulent. Pour cela, rencontrer des professionnels et des étudiants afin de mieux connaître les métiers, les filières supérieures et la vie étudiante (en organisant par exemple un forum de la vie étudiante avec le CROUS pour leur permettre d’appréhender un nouveau monde, celui du post-baccalauréat, dans sa globalité) est très utile et nécessaire. Il est aussi important de s’appuyer sur des dispositifs émanant du rectorat et de la région pour envoyer des élèves en immersion en classes préparatoires ou à l’université.
A l’échelle académique, piloter le parcours d’orientation est très complexe. La multiplication des partenariats avec l’université, la formation des enseignants (avec la région notamment) et des chefs d’établissement est nécessaire. Cette dernière doit être adaptée à l’établissement. Des actions vers les parents sont aussi utiles. L’existence de fiches établissements avec des indicateurs sur le devenir des élèves après le baccalauréat devrait être développée.
L’évolution très rapide des choses implique une mise à niveau permanente, et il est donc important de :
- pouvoir entraîner les équipes sur les trois années du lycée ;
- transformer la réorientation en réussite, qu’elle ne soit pas un échec (permettre les changements d’orientation au lycée devrait être facilité malgré les différentes contraintes existantes, par exemple en autorisant l’accession à une spécialité de terminale non suivie en première grâce à la mise en place d’un accompagnement personnalisé ; ce serait un moyen de diminuer l’angoisse très forte liée à l’orientation qui se traduit parfois par du décrochage) ;
- mobiliser les synergies pour permettre l’émergence de projets, à l’opposé d’un pilotage vertical ;
- favoriser l’accompagnement dans les établissements au plus près des élèves et des étudiants car plus la proximité pédagogique est forte, mieux les élèves réussissent ;
- renforcer le lien entre l’école et les métiers, les professionnels, l’entreprenariat (les partenariats avec l’entreprise ont un rôle central à jouer).
Pour tout cela, il est nécessaire de développer la formation pour accompagner les enseignants. La formation des cadres et des enseignants est le « nerf de la guerre ». Il existe de multiples ressources pédagogiques nationales à disposition des équipes : parcours magistères, vademecum, etc… Les équipes doivent s’en saisir et il faut les aider