L’orientation : de la quatrième au Master

Rapport thématique IGÉSR 2020

Le système français d’orientation scolaire et professionnelle contemporain s’inscrit dans une dimension historique qui lui est propre mais qui converge de plus en plus vers une conception commune aux pays de l’Union européenne. L’orientation désigne aujourd’hui un processus de développement de l’individu mais aussi un ensemble de procédures administratives destinées à gérer les transitions au sein du système scolaire et universitaire de manière à limiter les tensions entre les aspirations individuelles et l’offre de formation existante.

Mots clés : orientation scolaire et professionnelle, historique, état des lieux, préconisations

Les caractéristiques contemporaines du système français d’orientation scolaire et professionnelle ne peuvent s’appréhender sans un nécessaire détour historique. Au tournant du XXème siècle, l’objectif qui lui est assigné est d’ordre strictement professionnel. Il s’agit de répondre aux besoins industriels, ce qui explique qu’il soit alors placé sous la tutelle de l’enseignement technique. C’est après la seconde guerre mondiale que l’orientation intègre pleinement le champ scolaire. Dans ce nouveau contexte, il s’agit essentiellement de concilier élévation générale du niveau de qualification pour élargir le vivier de recrutement des élites et répondre aux enjeux de la reconstruction sur le plan économique. Officiellement, à l’issu de la réforme de 1959, deux missions principales sont confiées à l’orientation. Elle doit tout d’abord réguler les flux d’élèves dans un contexte de forte croissance démographique. Elle doit aussi répartir les élèves selon les places disponibles dans les différentes filières en fonction de leurs résultats scolaires, tout en maintenant les familles éloignées du processus de décision, dans un souci de rationalisation du fonctionnement du système scolaire. L’enseignement technique ou professionnel a vocation dans ce cadre à accueillir tous ceux qui sont en échec dans l’enseignement général. L’orientation ne peut alors être perçue que comme négative dans ce système fortement hiérarchisé qui relègue les élèves les plus fragiles.

A partir des années 1980, la conception mécaniste de l’orientation laisse la place à une approche dans laquelle l’accompagnement de l’élève dans la construction de son projet d’orientation devient central. Cette dernière, plus « éducative », se heurte cependant au poids de la tradition héritée des années d’après-guerre et peine par conséquent à se mettre effectivement en œuvre. Malgré l’affirmation dans la loi d’orientation de 1989 de l’élaboration par l’élève de son projet d’orientation scolaire et professionnelle en fonction de ses aspirations et de ses capacités, celui-ci n’est pas dans les faits maître de son avenir. C’est sous l’impulsion de l’Union européenne qu’une nouvelle définition de l’orientation va s’imposer afin de répondre aux évolutions du monde du travail dans un contexte d’économie fondée sur la connaissance en constante évolution impliquant une élévation générale et continue du niveau de qualification. Le Conseil de l’Europe précise le 21 novembre 2008 que l’orientation doit être désormais assimilée à un « processus continu qui permet aux citoyens, à tout âge et tout au long de leur vie, de déterminer leurs capacités, leurs compétences et leurs intérêts, de prendre des décisions en matière d’éducation, de formation et d’emploi et de gérer leurs parcours de vie personnelle dans l’éducation et la formation, au travail et dans d’autres cadres où il est possible d’acquérir et d’utiliser ces capacités et compétences ».

Ainsi, cette nouvelle conception de l’orientation présente les caractéristiques suivantes :

  • elle dépasse le cadre scolaire ;
  • elle ne se limite pas à la prise en charge de publics spécifiques à des moments précis (des paliers d’orientation) ;
  • elle s’inscrit dans la durée pour tous ;
  • la construction du processus ne concerne plus uniquement des professionnels dédiés mais un ensemble de parties prenantes bien plus vaste devant travailler de concert.

Ces dernières doivent dès lors œuvrer à bâtir chez l’élève des compétences lui permettant d’évoluer de façon autonome au sein du système de formation mais aussi dans sa vie personnelle et professionnelle tout en veillant à ce qu’il puisse élargir son champ des possibles en combattant les assignations liées au genre, au milieu social et au territoire dans lequel il vit. Dans ce cadre, la réussite doit pouvoir passer par des parcours de formation de moins en moins linéaires dans lequel il serait possible de changer de voie (se réorienter) sans compromettre son avenir scolaire ou professionnel.

Cependant, malgré de nombreuses mesures prises depuis plusieurs années pour aller vers une conception de l’orientation telle que décrite ci-dessus, l’observation des parcours de formation ne permet de relever que trop rarement une adéquation entre le projet personnel et la réalité du parcours. C’est ce qui nourrit en partie la défiance envers l’école, celle-ci étant considérée comme l’institution centrale devant mener les jeunes sur la voie de la réussite scolaire et de l’insertion professionnelle réussie. De plus, « en replaçant l’orientation au centre des préoccupations des familles, les réformes en cours en font un nouvel enjeu de politique publique ». Pour toutes ces raisons, la manière dont se construit le parcours d’orientation doit être améliorée. L’« orientation choisie » pour tous est donc à construire. Pour cela, le rapport formule 24 préconisations.

Les auteurs affirment clairement qu’il est nécessaire de créer un « réseau » afin d’améliorer les échanges d’informations et la coopération entre les différents acteurs de l’orientation de manière à sortir du « cloisonnement des dispositifs et des réseaux d’acteurs en charge de l’information et de l’orientation maintes fois dénoncé et jugé responsable de l’inefficacité du dispositif d’ensemble ». Pour cela, les ressources informationnelles institutionnelles doivent être mieux exploitées par les acteurs publics.

Il est aussi nécessaire de combattre tous les stéréotypes et les clichés, concernant le genre ou l’origine sociale notamment, qui entourent les métiers et les formations de manière à réduire les inégalités en matière de choix d’orientation en suscitant l’ambition chez tous les élèves. Cela passe notamment par l’affirmation de l’égale dignité des voies de formation et de la perception de la voie technologique comme un atout en matière de diversification des voies de réussite au lycée. Cela implique aussi tout particulièrement d’éviter que des élèves nourrissent exclusivement leur projet d’orientation et professionnel au sein de la seule sphère familiale. Fournir un accompagnement institutionnel adapté aux besoins de chacun, en diffusant une information fiable et rigoureuse est nécessaire. Dans le cadre de l’information sur les formations et les métiers, les visites d’entreprises et les rencontres avec des professionnels peuvent jouer un rôle important en complémentarité d’autres dispositifs. Recenser et diffuser les initiatives locales allant dans le sens d’une orientation « choisie » peut aussi être vecteur d’efficacité. Cependant, rien n’est possible sans un approfondissement de la formation à l’orientation des personnels, spécifiquement enseignants.

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