Synthèse
Déroulé du chapitre :
Question 1. Les inégalités économiques et sociales et leur évolution
Question 2. Les principaux outils de mesure des inégalités
Question 3. Les différentes conceptions de la justice sociale
Question 4. L’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale
1. Les outils de mesure des inégalités « à l’instant t »
1.1. Les quantiles et le rapport interdécile
L’approche statique de la mesure des inégalités s’appuie sur différents outils qui permettent d’appréhender la dispersion des revenus ou du patrimoine au sein d’une population étudiée. L’utilisation de quantiles permet d’ordonner la population étudiée en groupes égaux par ordre croissant, en fonction de la valeur que prend la dispersion étudiée dans ces derniers. La population est souvent scindée en dix groupes ; on parle alors de déciles. Si l’on étudie la distribution des revenus, le 1er décile (D1) est donc le niveau de revenu qui sépare d’un côté les 10 % des individus ou ménages qui ont les revenus les plus faibles, et de l’autre les 90 % des individus ou ménages qui ont les revenus les plus élevés (Document 1). Il est également possible de partager la population étudiée en centiles : la population étudiée est alors découpée en tranches de 1%. Le dernier centile de la population, appelé le « top 1% », représente les 1% des ménages les plus aisés. (Document 2).
A partir des déciles, il est possible de calculer le rapport interdécile, qui permet de mesurer les inégalités relatives dans une population, c’est-à-dire l’écart entre les plus avantagés et les plus désavantagés. Il s’agit du rapport du 9e décile au 1er décile (D9/D1). Il met en évidence l’écart entre le revenu (ou le niveau de vie) plancher des 10 % des ménages les plus aisés et le revenu plafond des 10 % des ménages les plus modestes. En fonction des documents. En 2015, le rapport interdécile des niveaux de vie était de 3,4 (Document 1). Cela signifie qu’en 2015, les 10% des ménages français les plus riches gagnent environ 3,4 fois plus que les 10% des ménages français les plus pauvres.
1.2. Le coefficient de Gini et la courbe de Lorenz
Le coefficient (ou indice) de Gini permet de mesurer le degré d’inégalité d’une distribution pour une population donnée. Le coefficient de Gini varie entre 0 et 1. Si le coefficient se rapproche de la valeur 0, alors la situation de la population étudiée se rapproche alors d’une égalité parfaite, par exemple une situation où tous les ménages de la population étudiée auraient exactement le même revenu. Si le coefficient se rapproche d’une valeur égale à 1, la situation de la population concernée se rapproche alors d’une inégalité extrême, où un seul ménage concentre l’ensemble des revenus par exemple. (Document 3).
Le coefficient de Gini est calculé au moyen de la courbe de Lorenz (Document 4). Cette courbe associe, à chaque quantile de population, la part que représentent ses revenus ou son patrimoine. La courbe de Lorenz permet ainsi de représenter graphiquement la répartition, plus ou moins égalitaire, des richesses au sein d’une population donnée. Graphiquement, la bissectrice représente la situation parfaitement égalitaire, et plus la courbe de Lorenz est éloignée de la bissectrice, plus les inégalités sont fortes.
Les outils présentés ici permettent de mesurer le niveau des inégalités dans une société, à un « instant t ». Mais face à l’ampleur actuelle des inégalités économiques dans la plupart des pays, les économistes tentent d’adopter une démarche de mesure des inégalités plus dynamique, afin notamment de comprendre pourquoi le problème des inégalités persiste dans le temps.
2. Les outils de mesure de l’évolution des inégalités dans le temps
2.1. La mesure du niveau de corrélation entre les revenus des parents et ceux de leurs enfants
La composition des déciles de niveau de vie selon l’origine sociale des individus révèle une corrélation positive entre les revenus des parents et ceux de leurs enfants. Cette corrélation se confirme lorsque l’on prend en compte la PCS du père. En effet la part des enfants d’ouvriers décroît de manière continue à mesure que l’on progresse dans la hiérarchie des revenus. À l’inverse, les enfants de cadres supérieurs sont surreprésentés parmi les 10 % les plus aisés (document 5).
Le rôle de la famille permet en partie d’expliquer ces inégalités. On observe par exemple une corrélation positive entre le niveau de vie des parents et l’aide financière apportée à leurs enfants étudiants ou jeunes actifs entre 18 et 24 ans : plus le revenu des parents est élevé, plus l’aide apportée aux enfants est importante. (document 6). La corrélation des revenus parents-enfants conduit à s’interroger sur le rôle de la mobilité sociale pour expliquer la persistance des inégalités au fil des générations.
2.2. La mobilité sociale intergénérationnelle, une mesure dynamique des inégalités
Des études récentes de l’OCDE insistent sur cet autre aspect de la question des inégalités, à savoir le rôle de la mobilité sociale. En France, il faut en moyenne six générations pour que les enfants d’une famille située en bas de la distribution des revenus puissent atteindre le niveau de revenu moyen. (document 7).
Un faible niveau de mobilité sociale dans une société serait corrélé à un niveau important d’inégalités économiques ; inégalités statiques et dynamiques seraient donc intimement liées. Ce lien de corrélation est représenté graphiquement par la courbe de « Gatsby le magnifique », qui associe, sur l’axe des ordonnées, la mobilité économique intergénérationnelle, aux inégalités « statiques » de revenus, mesurées par l’indice de Gini, sur l’axe des abscisses. La droite de régression linéaire montre une corrélation positive entre ces deux variables, ce qui signifie que dans un pays où les inégalités économiques sont importantes, les individus ont moins de chance de s’élever dans la hiérarchie de la distribution des revenus par rapport à leurs parents.