Intervention de Suzanne Berger, Professeur au MIT sur les tribulations de la mondialisation lors des Entretiens Enseignants-Entreprises 2018 - Les entreprises dans la mondialisation
Résumé :
Suzanne Berger discute de l’évolution de la mondialisation et des conséquences politiques et économiques de son revers, en soulignant la possibilité de réversibilité et les avantages d’une ouverture des frontières.
Points forts
- La mondialisation est remise en question par des mesures protectionnistes et des mouvements anti-mondialistes.
- Les économistes néolibéraux reconnaissent désormais les limites de la mondialisation.
- Les leçons de l’histoire montrent que la réversibilité de la mondialisation est possible.
- Les avancées technologiques telles que l’automatisation et l’intelligence artificielle entraînent une relocalisation de la production.
- Une ouverture des frontières est essentielle pour un ordre international plus juste et pacifique.
En stimulant la concurrence et en élargissant les marchés, le commerce extérieur contribue à améliorer l’efficacité de la production.
Il permet aux entreprises de réaliser des économies d’échelle (baisse des coûts unitaires de production avec l’augmentation de la taille du marché). La baisse des coûts de production peut ainsi se répercuter sur les prix de vente au consommateur. Cette baisse des prix s’ajoute à la diversité de l’offre. Dans les secteurs des puces électroniques ou des télécommunications, la mondialisation et le progrès technique ont ainsi permis une baisse des prix et une amélioration des performances.
Soulignons cependant que le commerce peut être une source d’instabilité des prix dans certaines productions, notamment sur les marchés de produits agricoles. En effet, pour ces produits, on cumule une forte rigidité de l’offre (la production agricole réagit lentement aux mouvements du marché), des facteurs exogènes qui influencent fortement la production (climat, maladies des plantes) et une faible sensibilité de la consommation aux variations de prix (ou faible élasticité-prix de la demande).
Ainsi, les mouvements qui s’observent dans l’industrie des semi-conducteurs ne sont pas les mêmes dans la production de coton ou de viande. Les termes de l'échange sont le rapport entre l'indice (par produit ou pour un ensemble de produits) du prix des exportations et celui des importations.
Les termes de l'échange s'améliorent dans le temps si pour les mêmes quantités exportées, le pays peut acheter une quantité accrue de biens et services importées. Une amélioration des termes de l'échange de 1% signifie que la croissance du prix des exportations est 1% plus forte que celle du prix des importations. Dans le cas inverse, les termes de l'échange se dégradent.
Notons qu’une amélioration des termes de l’échange signifie aussi une détérioration de la compétitivité-prix du pays et que la baisse des termes de l'échange signifie une amélioration de la compétitivité-prix.
Le développement des chaînes de valeur mondiales a permis :
- l’insertion de certains pays pauvres dans la mondialisation (Chine, Bangladesh, Viet Nam, etc.) augmentant ainsi le revenu national par habitant dans ces pays. Les CVM offre donc la possibilité de s’intégrer dans les marchés mondiaux à moindre coût puisque les firmes dans le pays ne produiront qu’une partie du produit final ;
- l’essor de firmes multinationales puissantes intensifiant les relations entre leurs filiales et d’autres entreprises et renforçant une concentration des profits au sein d’oligopoles mondiaux.
Toutefois, les gains liés à la participation aux CVM et, de manière générale, à la mondialisation ne sont pas également répartis entre les pays et au sein des pays, d’où la hausse des inégalités. L’inégalité peut s’appréhender comme des différences entre pays ou entre groupes sociaux qui se traduisent en termes d'avantages ou de désavantages et qui fondent une hiérarchie. En étudiant l’inégalité à l’échelle mondiale, les économistes Branko Milanovic et Christoph Lakner ont comparé les évolutions de l’ensemble des revenus de la planète (pauvres américains, classes moyennes indiennes, riches chinois, etc.).
Ils démontrent d’abord que l’inégalité mondiale reste élevée. Mesurée avec l’indice de Gini du revenu mondial (qui va de 0 égalité parfaite à 1 inégalité parfaite), l’inégalité mondiale était supérieure à 0,7 en 2008. Elle est supérieure à celle mesurée à l’intérieur de chaque pays (en France, l’indice de Gini était de 0,289 en 2008). Toutefois, ils pointent un déclin de l’inégalité mondiale ! En effet, l’inégalité entre pays a diminué (cf. essor économique des pays du sud-est asiatique dont la Chine).
La courbe dite « de l’éléphant » permet de visualiser une redistribution des revenus à l’échelle mondiale. Elle offre une vision rapide et synthétique des « gagnants » (les 1% les plus riches de la planète et les nouvelles classes moyennes des pays émergents) et les « perdants » (classes moyennes des économies avancées) de la mondialisation. Pour Branco Milanovic, la situation des individus dépend d’abord et avant tout de l’endroit où ils sont nés !
L’économiste français François Bourguignon souligne que la diminution de l'inégalité entre pays va aussi de pair avec une augmentation de l'inégalité au sein des pays. La concurrence des pays à bas salaire, l’externalisation et la délocalisation des tâches et des productions, hétérogénéité des firmes en termes de productivité, les restructurations favorables aux détenteurs de capitaux, le recul de la progressivité de l’impôt, les effets du progrès technique qui favorisent quelques firmes, etc. sont les principaux facteurs de cette hausse des inégalités internes d’un grand nombre d'économies avancées, émergentes ou en développement.
Ce phénomène a aussi touché la France même si la hausse des inégalités internes est limitée par l’existence du salaire minimum. Le mouvement de réouverture des inégalités internes est particulièrement marqué aux États-Unis avec la forte progression des plus hautes rémunérations. Il y a donc un « double renversement » dans l'évolution des inégalités économiques mondiales : l'inégalité mondiale diminue mais l'inégalité augmente au sein de nombreux pays.
Les chaînes de valeur mondiales (CVM) ont aussi des effets sur l’environnement puisque la multiplication des transports n’est pas neutre en carbone : la hausse des distances parcourues augmente les émissions de dioxyde de carbone (CO2). La multiplication des phases de production augmente les déchets liés à l’emballage/désemballage des produits. Ce « double renversement » des inégalités, tout comme les effets du commerce mondial sur l’environnement, renouvellent le débat sur le libre-échange et le protectionnisme.
Le libre-échange est une politique commerciale qui promeut l'abaissement voire la suppression des barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.) et non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) appliquées aux importations de biens et de services afin de permettre la libre circulation des productions.
A l’inverse, le protectionnisme est une politique commerciale qui vise à instaurer ou augmenter les barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.) et non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) afin de limiter les importations.
Au XVIIIe siècle, par exemple, Adam Smith (1723-1790) critique le « système mercantile », les protectionnistes de son époque, parce que la réglementation des échanges extérieurs « est la chose la plus absurde qui soit au monde ». La division du travail étant limitée par l'étendue du marché, les nations doivent élargir leurs débouchés et « Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l'établir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage » (Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations, 1776).
Soulignons que l’économiste écossais avançait deux limitations au libre-échange. On peut taxer les marchandises étrangères pour encourager l'industrie nationale «quand une espèce particulière d'industrie est nécessaire à la défense du pays», c’est l’argument de la défense nationale (la défense de l'Angleterre dépendait alors du nombre de ses vaisseaux et de ses matelots) et lorsque les produits nationaux sont frappés d'un impôt spécifique (« Dans ce cas, il paraît raisonnable d'établir un pareil impôt sur le produit du même genre, venu de fabrique étrangère »), c’est ce qu’on appelle aujourd’hui des représailles commerciales.
Depuis, la théorie économique souligne que le libre-échange est un optimum à atteindre et le protectionnisme une exception à contenir. La théorie des avantages comparatifs démontre que la richesse augmente pour tous les pays s’ils se spécialisent et échangent. Elle fut renforcée par la théorie des dotations factorielles qui défend le même schéma : spécialisation et échange. Que la spécialisation évolue ou qu’elle provienne d’un avantage temporaire, notamment issu d’un écart de technologie, la théorie économique souligne les gains de la spécialisation et du libre-échange.
Pour les défenseurs du libre-échange, supprimer les entraves, tarifaires et non tarifaires, aux échanges commerciaux permet :
- de créer plus de richesses que dans les situations d’autarcie ;
- de réduire les inégalités car la croissance bénéficie à tous : au plus pauvre (augmentation des salaires) et aux plus riches (hausse des profits).
Les succès de petites économies dans les années quatre-vingt comme Taiwan, la Corée du Sud, Singapour ou Hongkong s’expliquent par leur insertion dans l’économie mondiale. Aujourd’hui l’affirmation de puissances émergentes comme les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) doit beaucoup à leur politique de libéralisation commerciale. Ainsi, en 2009, la Chine a supplanté l’Allemagne au rang de premier exportateur mondial de marchandises et, en 2013, elle dépasse les États-Unis comme premier pays commerçant. Dans tous ces pays, à des rythmes et une ampleur différente, la croissance des gains de productivité et l’extension des marchés grâce au commerce mondial ont permis aux entreprises de créer de la valeur ajoutée. Enfin, l’existence d’une main-d’œuvre productive à faibles coûts a attiré des firmes multinationales qui se sont implantées dans leurs zones franches de transformation pour l’exportation, enclaves de libre-échange dans lesquelles entreprises étrangères et locales produisent essentiellement à des fins d’exportation.
Aujourd’hui, l’ensemble des économies avancées, des puissances émergentes et la plupart des économies en développement adhèrent à l’Organisation Mondiale du Commerce.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est une organisation internationale qui a pour objectif de promouvoir la libéralisation et l’expansion du commerce international de biens et de services. Elle a succédé à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) le 1er janvier 1995. L’OMC sert de forum dans les négociations pour la libéralisation du commerce. Elle permet l’adoption de règles commerciales applicables entre ses membres. Elle est aussi un organisme qui contrôle la mise en œuvre des règles commerciales contraignantes adoptés par les États membres et propose une procédure pour le règlement des différends commerciaux. Enfin, l’OMC est l’institution auprès de laquelle sont consolidés les droits de douane des États membres. Il s’agit de droits de douane maximum que les États s’engagent à ne pas modifier.
Quatre principes fondamentaux forment les piliers du système de l’OMC :
- le principe de la nation la plus favorisée (ou égalité de traitement entre les pays membres de l'organisation qui ne peuvent pas établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Ainsi, une baisse de droit de douane accordée à un membre doit être accordée à tous les autres membres de l’OMC) ;
- le principe du traitement national ;
- l’interdiction d’utiliser des restrictions quantitatives aux échanges ;
- le respect des niveaux de consolidation des concessions tarifaires (marchandises) et des engagements spécifiques (services).
Il existe néanmoins des possibilités de dérogations (cf. mesures de sauvegarde, mesures anti‐dumping, mesures compensatoires ou « antisubventions »).
Si les échanges internationaux offrent des possibilités en termes de croissance, de création d’emplois et de réduction de la pauvreté, on doit cependant souligner que :
- les Pays Moins Avancés (PMA) sont encore mal intégrés dans le système commercial multilatéral tant pour les productions à exporter que pour leur capacité d’accéder aux marchés mondiaux ;
- les Petites et moyennes entreprises (PME) des économies avancées ou émergentes sont mal armées face aux géants mondiaux tant pour promouvoir leurs productions que pour financer leurs activités commerciales ou répondre aux exigences des grands marchés ;
- les nouveaux défis, du changement climatique à la sécurité alimentaire en passant par la sécurité nationale, nécessitent la mise en place restrictions des exportations. Un nombre croissant de pays sont peu enclin à ce que l’OMC élargisse son périmètre d’action vers les domaines des biens et les services, de l’agriculture, de la propriété intellectuelle, etc.
- enfin, l’émergence de la Chine comme puissance commerciale et, plus largement, géopolitique bouleverse l’ordre mondial issu de la seconde guerre mondiale.
Ces différents problèmes illustrent les remises en causes du multilatéralisme, dont témoignent les difficultés de trouver de nouveaux consensus entre les membres de l’OMC, et renouvelle les demandes de protection.
Il faut distinguer l’autarcie, qui est le refus de tout échange international, du protectionnisme qui est une politique commerciale visant à limiter ou interdire certaines importations de biens ou de services dans un pays ou une zone commerciale. La protection du marché intérieur s’opère par deux grands types de mesure :
- les mesures (barrières ou obstacles) tarifaires qui sont essentiellement formées par l’application d’un droit de douane ;
- les mesures (barrières ou obstacles) non tarifaires qui sont les autres initiatives qui réduisent les importations comme les quotas, les contingents, les régimes de délivrance des licences, les normes techniques, d’emballages ou d’étiquetage, etc.
Soulignons qu’à côté de ces mesures protectionnistes, les subventions à la production et/ou à l’exportation sont aussi un instrument de la politique commerciale
Ces mesures ont, par définition, des effets négatifs pour les importateurs qui sont restreints dans leurs activités commerciales mais aussi pour les consommateurs qui supportent des prix plus élevés (barrières tarifaires) et/ou ont des choix réduits (quotas, discrimination, etc.).
Toutefois, ces mesures doivent générer des effets positifs liés à la protection des producteurs nationaux et des consommateurs. La protection doit permettre aux entreprises nationales de se maintenir donc de conserver les emplois nationaux.
Au XIXe siècle, l’économiste allemand F. List (1789-1846) soulignait la nécessite de protéger les industries naissantes de la concurrence étrangère afin qu’elles puissent se développer. « La protection douanière est notre voie, le lire échange est notre but » affirmait-il, inaugurant l’idée d’un « protectionnisme éducateur », transitoire, permettant ensuite aux entreprises d’affronter les marchés étrangers. L’affirmation des États nations fut aussi celle de la réglementation les échanges internationaux. Alors que des État renforçaient les mesures douanières pour percevoir des recettes (droits de douane) et/ou protéger leurs producteurs d’autres s’engageaient dans des accords de libre-échange au même motif d’une recherche de la prospérité à l’image du traité de libre-échange (dit Cobden-Chevalier, 1860) entre le Royaume-Uni et la France.
Soulignons ici que les premiers accords commerciaux de libre échange furent bilatéraux puis les avantages accordés étaient étendus aux États qui rejoignaient les signataires (cf. clause de la « nation la plus favorisée »). C’est au milieu du XXe siècle que le commerce international sera régi par des règles multilatérales.
Au XXe siècle, des économistes défendent les subventions et l’aide publique (subvention, financement de la R&D par l’État, attribution de marché publics, etc.) afin de créer un environnement compétitif pour les entreprises et de protéger des secteurs d'activité dits « stratégiques », comme l'agriculture (indépendance alimentaire) ou les industries de défenses (indépendance militaire).
Aujourd’hui, les partisans d’une politique commerciale stratégique (PCS) veulent démontrer que, dans une situation de concurrence imparfaite où existent des relations stratégiques entre firmes (revenu d’une firme dépend des choix des autres firmes), les interventions de l’État peuvent être bénéfiques. Les subventions, les barrières douanières tarifaires et non tarifaire ou la baisse de taxes dans des secteurs stratégiques devrait permettre de conquérir les marchés (voire obtenir un monopole).
Le protectionnisme et libre échange apparaissent souvent complémentaires. L’insertion des NPI et des BRICS dans l’économie mondiale s’est faites aussi grâce à l’activisme et le contrôle étatique dans de nombreux domaines, du système bancaire au contrôle des investissements directs étrangers sans oublier les subventions et allègements fiscaux accordés aux exportateurs. Depuis la crise économique et financière mondiale de 2008, on assiste à une recrudescence des discours et des mesures protectionnistes. Des mesures administratives, plus ou moins transparentes, pour freiner les importations dans les pays en développement aux allégements fiscaux et subventions sectorielles en passant par les tarifs douaniers dans les économies avancées, de plus en plus de politiques commerciales ont des visées protectrices comme l’illustre le conflit commercial ente les États-Unis et la Chine.
Toutefois, la mise en place d’obstacles commerciaux, tarifaires ou non, qui entravent l’accès au marché pour les fournisseurs étrangers ne doit pas occulter une question : qui/que veut-on protéger ?
Lorsque les chaînes de production sont mondialement intégrées, les taxes ou droits de douane enchérissent les produits importés donc peuvent affecter des producteurs nationaux qui utilisent ces importations comme intrants dans leurs productions. La demande qui s’adresse aux entreprises nationales n’est plus seulement celles des consommateurs finaux, c’est de plus en plus celle d’autres entreprises situées à différentes étapes de leur processus de production.
Les normes, ou règles techniques qui renforcent les contraintes pesant sur les importateurs, renforcent la protection des consommateurs (cf. marquage CE) mais peuvent exclure des pays en développement qui ne disposent pas des compétences pour s’adapter aux exigences des économies avancées. Les normes de santé et de sécurité peuvent aussi être détournées pour protéger des secteurs peu performants.
Enfin, en dissociant les lieux de production et les lieux de consommation, le commerce international accroît et déplace les émissions mondiales de gaz à effet de serre (par exemple, la Chine est devenue un des principaux lieux d’émissions de CO2, pour répondre aux besoins de sa population et à la demande sur les marchés des économies avancées). Dans ce cadre, les politiques climatiques relancent le débat sur l’utilité et l’efficacité des mesures protectionnistes. Faut-il réduire le commerce international pour infléchir les émissions de gaz à effet de serre ? Ou, faut-il que le commerce se développe en intégrant l’enjeu climatique ? L’utilisation d’instruments de politique commerciale (norme environnementale, taxe carbone, etc.) est-elle la plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
L’instauration d’une taxe du carbone réduit la compétitivité-prix des entreprises et incite certaines productions à se localiser dans des pays n’ayant pas adopté les mêmes politiques environnementales. Elle oblige aussi les pouvoirs publics et les organisations internationales à élaborer de nouvelles réflexions (cf. droit de compensation aux frontières).
Ainsi, l’OMC doit intégrer les nouveaux défis en matière environnementale. Certains de ses membres mobilisent de plus en plus les exemptions au libre-échange permises par l’article XX du GATT qui autorise, sous certaines conditions, les restrictions au commerce pour motif environnemental alors que d’autres rappellent que le recours à ces mesures d’entraves au commerce pour des motifs de protection de l'environnement ne doivent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre les pays ni une forme de renouveau du protectionnisme déguisé.
Bref, le débat sur les bonnes politiques commerciales se renouvelle soulignant que « le libre‐échange a besoin d’être maîtrisé. » (Jean‐Marc Siroën)
Document 1. Évolutions des cours des matières premières en dollars et taux de change euro-dollar
Questions
1) Comment a évolué le prix des matières premières en 2019 ?
2) Pourquoi, selon vous, les prix de l’énergie connaissent de fortes fluctuations sur le moyen terme ?
3) Tous les prix connaissent-ils ce type d’évolution avec la mondialisation ?
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1) Comment a évolué le prix des matières premières en 2019 ?
L’année 2019 se caractérise par une baisse des prix des matières premières. Après deux années de forte croissance (plus de 20% l’an), le prix du pétrole (cf. prix du Brent) diminue légèrement. L’indice des prix de l’énergie était d’environ 190 en 2019, base 100 en 200.
Il en va de même pour la plupart des métaux (fer, cuivre, aluminium, zinc…) et pour le prix des produits agricoles.
2) Pourquoi, selon vous, les prix de l’énergie connaissent de fortes fluctuations sur le moyen terme ?
Selon la Banque mondiale et l’Insee, l’indice des prix de l’énergie était d’environ 190 en 2019, base 100 en 200. Il a connu des périodes de fortes hausses. L’indice s’élève à plus de 320 en 2008 ou en 2011, base 100 en 2000 et chute à près de 140 en 2016.
La rigidité de l’offre (la production d’énergie ne réagit pas immédiatement aux mouvements du marché), le rôle de facteurs exogènes (crises économiques, tensions géopolitiques) et une faible sensibilité de la demande aux variations de prix (ou faible élasticité-prix de la demande) expliquent ces mouvements. Avec la mondialisation des marchés, l’influence de la croissance chinoise, à la hausse ou à la baisse, influence aussi les prix de l’énergie.
3) Tous les prix connaissent-ils ce type d’évolution avec la mondialisation ?
L’intégration commerciale avec des économies ayant de faibles coûts de main-d’œuvre a diminué les prix de nombreux produits manufacturés ou limité la hausse.
De plus, l’internationalisation de la production au sein des chaînes de valeur mondiale renforce les pressions, à la baisse sur les prix, sur les prix. Lorsque la compétitivité-prix redevient déterminante, les prix pour le consommateur diminuent. C’est le cas de nombreux biens manufacturés de l’industrie textile à celle de l’électronique.
Document 2. L’inégalité à l’échelle mondiale
Questions
1) Qu’est-ce qu’un fractile ? Un décile ?
2) Faites une phrase avec « les très pauvres »
3) Pourquoi utiliser la métaphore de « l’éléphant » ?
4) Qui sont, selon ce graphique, les « gagnants » de la mondialisation ?
5) Qui sont, selon ce graphique, les « perdants » de la mondialisation ?
6) Qu’est-ce que l’indice de Gini ? Quel est l’intérêt de cette courbe dit « de l’éléphant » par rapport à un indicateur comme l’indice de Gini ?
7) Selon-vous quelles limites peut-on trouver à ce type de représentation ?
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1) Qu’est-ce qu’un fractile ? Un décile ?
Les fractiles sont des paramètres de position. Ils divisent une distribution (de population, de revenus, etc.) en un certain nombre de parties égales.
Les fractiles plus connus sont ou la médiane (qui divise la série en 2 parties égales), les déciles (qui divisent la série en 10 parties égales) et les centiles (qui divisent la série en 100 parties égales).
Les auteurs découpent ici les revenus mondiaux en tranche égales de 10 %. Les déciles sont classés par ordre croissant. Le premier décile, c’est le niveau de revenu mondial tel que 10 % de la population gagnent moins (donc 90% gagnent plus). Le décile 9 identifie le niveau de revenu mondial tel que 90 % de la population gagnent moins (donc 10% gagnent plus).
2) Faites une phrase avec « les très pauvres »
Selon les économistes Branko Milanovic et Christoph Lakner, « les très pauvres », soit les 5% des ménages qui gagnent le moins au niveau mondial, ont connu une croissance de leur revenu moyen en parité de pouvoir d’achat de 15% entre 1988 et 2008.
Le revenu a donc augmenté mais moins que la croissance moyenne du revenu mondial (autour de 25%).
3) Pourquoi utiliser la métaphore de « l’éléphant » ?
La courbe proposée met en avant :
- le recul de la pauvreté mais avec une stagnation, ou une faible hausse, du revenu des habitants les plus pauvres malgré (queue de l’éléphant) ;
- une hausse des revenus des groupes de revenus médians, soit les classes moyennes des pays émergents comme la Chine (le dos de l’éléphant) ;
- une stagnation des revenus dans les classes moyennes supérieures (au niveau mondial), soit les classes moyennes inférieures dans les économies avancées (le début de la trompe) ;
- une explosion des revenus des « super-riches » (haut de la trompe).
4) Qui sont, selon ce graphique, les « gagnants » de la mondialisation ?
Les « gagnants » de la mondialisation sont les personnes qui se situent autour de la médiane des revenus et les 1% les plus riches de la planète.
Les premiers ont enregistré un doublement de leurs revenus réels et les seconde, bénéficiant déjà de revenus très élevés, ont enregistré une forte croissance de leur richesse (+65% durant la période 1988-2008).
Les personnes situées autour de la médiane sont essentiellement issues des pays émergents d’Asie (Chine, Thaïlande, Indonésie, Inde).
Les gagnants sont donc les classes moyennes classes moyennes des pays émergents, essentiellement chinoises et les élites mondiales, notamment ceux de la finance.
Soulignons qu’il s’agit ici d’écarts relatifs. Les gains au sommet de la distribution des revenus (le 1%) sont incomparablement supérieurs à ceux des revenus autour de la médiane. Les premiers se mesurent en dizaine de milliers de dollars alors que les seconds en centaine de dollars. Ainsi, les plus riches de la planète ont capté l’essentiel de la croissance du revenu mondial.
5) Qui sont, selon ce graphique, les « perdants » de la mondialisation ?
Les 5% les plus pauvres n’ont pas réduit leur handicap relatif puisque, même si leur revenu s’est accru, il l’a fait moins vite que le revenu global moyen. Ils font partie des perdants relatifs.
Le deuxième groupe de perdants est très différent du premier. Il s’agit des individus ayant des revenus situés entre le 80ème et le 95ème percentile, soit des revenus élevés à l’échelle mondiale mais pas forcément à l’échelle des économies avancées (cf. États-Unis, Union européenne). Leurs revenus ayant progressé moins vite que le revenu global, ces personnes se sont relativement appauvries. Les perdants sont donc ici les classes moyennes des pays développés dont le revenu stagne ou ne progresse que faiblement.
6) Qu’est-ce que l’indice de Gini ? Quel est l’intérêt de cette courbe dit « de l’éléphant » par rapport à un indicateur comme l’indice de Gini ?
L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique permettant de rendre compte du niveau d'inégalité pour une variable (revenus, salaires, etc.) et sur une population donnée. Il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). L'inégalité est donc d'autant plus forte que l'indice de Gini est élevé.
Mesurée avec l’indice de Gini du revenu mondial, l’inégalité mondiale était supérieure à 0,7 en 2008.
La courbe dite « de l’éléphant » permet de visualiser une redistribution des revenus à l’échelle mondiale. Elle offre une vision rapide et synthétique des gagnants et les perdants de la mondialisation.
Dans un monde aux relations économiques et financières globalisées, les débats sur l’inégalité ne peuvent se focaliser uniquement sur les écarts de revenus entre groupes sociaux à l’intérieur d’un pays.
De plus, en soulignant l’émergence de nouveaux groupes de revenus élevés dans les pays en développement, notamment les pays asiatiques, elle permet d’identifier un basculement dans la distribution des richesses au niveau mondial, voire de la domination économique.
L’un des acquis de l’étude est la confirmation que le pays de naissance est déterminant dans le destin des individus. Ainsi, les migrations économiques internationales des pays les plus pauvres vers les pays les plus riches témoignent du désir d’échapper au destin (misérable ou médiocre) qui attend les individus s’ils restent dans leur pays de naissance.
7) Selon-vous quelles limites peut-on trouver à ce type de représentation ?
La « courbe de l’éléphant » a des limites. Elle ne rend pas compte des inégalités internes à chaque pays.
De plus, le concept de «classes moyennes» reste ici discutable : est-ce un concept homogène entre les pays ? Peut-on utiliser le même terme à Bombay, Shanghai ou Paris ?
De plus, elle suppose que l’essor des classes moyennes asiatiques se fait au détriment des classes moyennes des économies avancées ; ce qui n’est pas exclu mais qui reste à prouver. Pour l’économiste François Bourguignon, «il ne faudrait pas croire que la phase actuelle d’accélération de la mondialisation a entraîné un appauvrissement général des économies développées au profit des économies émergentes. Globalement, les deux groupes ont gagné à cette extension des échanges ».
De même, y a-t-il une élite mondiale détachée de son appartenance nationale ? Cette hypothèse reste discutée même si Branko Milanovic et Christoph Lakner anticipent une mutation de la démocratie vers une ploutocratie, ou gouvernement par les riches.
Document 3. Les inégalités au sein des pays et entre les pays (1870-2010)
L'évolution des inégalités mondiales de revenus : inégalité globale, inégalités entre pays et inégalités à l'intérieur des pays
Questions
1) Chercher : comment peut-on mesurer les inégalités de niveau de vie ?
2) Quels liens peut-on faire entre ces trois courbes ?
3) Commentez l’évolution de la courbe d’inégalité globale
4) Quel retournement met en lumière ce graphique ?
Voir la correction
1) Chercher : comment peut-on mesurer les inégalités de niveau de vie ?
On peut identifier quatre principaux indicateurs d’inégalité des niveaux de vie :
• le rapport inter-décile (dit D9/D1) ;
• le rapport des parts des quintiles extrêmes (dit ratio (100-S80)/S20) ;
• le coefficient de Gini ;
• l’indice de Theil.
- Le rapport inter-décile (D9/D1) rapporte le niveau de vie plancher du dernier décile au niveau de vie plafond du premier.
Son intérêt est d’être insensible aux valeurs extrêmes mais il ne permet pas de repérer les variations affectant le haut de la distribution (comme l’enrichissement des plus riches).
- Le ratio (100-S80)/S20 est le rapport entre le niveau de vie moyen des 20 % les plus aisés et celui des 20% les plus modestes.
- L’indice ou coefficient de Gini est l’écart de niveau de vie, exprimé en fraction du niveau de vie moyen, entre deux individus pris au hasard dans la population. C’est un indicateur synthétique d’inégalités de revenus ou de niveaux de vie. Le coefficient de Gini est compris entre 0 (égalité absolue de tous les niveaux de vie) et 1 (un seul individu détient la totalité des richesses).
Le coefficient de Gini est calculé au moyen de la courbe de Lorenz (population, revenus).
- L’indicateur ou coefficient de Theil mesure de « l’entropie » de la distribution des niveaux de vie.
Il a une propriété qui intéresse les économistes : il est d’autant plus élevé que la distribution s’éloigne de la situation d’égalité absolue.
De plus, on peut décomposer la population en plusieurs sous-populations pour mesurer l’inégalité de la répartition des niveaux de vie. Ainsi, l’indice de Theil de la population globale est la somme (pondérée) des inégalités dans chaque sous-population (inégalité intra-classe) et de celle de la distribution d’individus représentatifs de chacune d’entre elles (inégalité inter-classe).
Cet indice accorde un plus d’importance à l’inégalité dans le bas de la distribution qu’à l’inégalité parmi les riches.
2) Quels liens peut-on faire entre ces trois courbes ?
Ce graphique retrace l'évolution sur longue période de l'inégalité mondiale des niveaux de vie et de ses deux composantes : les inégalités entre pays et les inégalités à l'intérieur des pays.
Inégalité globale = inégalités entre pays + inégalités à l'intérieur des pays
3) Commentez l’évolution de la courbe d’inégalité globale
Remarque
L'inégalité globale (ou inégalités dans la distribution mondiale des niveaux de vie) est mesurée ici par un coefficient (ou indice) de Theil.
Comme pour l'indice de Gini, plus le coefficient est élevé, plus les inégalités sont fortes.
Selon les calculs de François Bourguignon, entre 1870 et 1990, le coefficient de Theil pour l’inégalité globale est passé de 0,672 en 1870 à 0,855 en 1992, soit une hausse de 27%. Entre 1990 et 2010, le coefficient est passé de 0,95 à 0,72, soit une diminution de l’inégalité globale de 24%.
Le niveau d'inégalité mondiale, entre tous les habitants de la planète, a retrouvé un niveau comparable à celui de la fin du XIXe siècle.
4) Quel retournement met en lumière ce graphique ?
Ce graphique retrace l'évolution sur longue période de l'inégalité mondiale des niveaux de vie et de ses deux composantes.
Il permet d’identifier une période de retournement historique autour de l’année 1990 :
- une baisse de l’inégalité globale, liée au recul de l’inégalité entre les pays ;
- une hausse des inégalités internes aux pays.
Les inégalités de revenus entre pays sont plus importantes que les inégalités à l'intérieur des pays. Ce qui n’était pas le cas de 1870 à 1930. Toutefois, depuis les années 1990, les inégalités entre pays ont fortement reculé alors que les inégalités internes ont augmenté.
Pour l’économiste François Bourguignon, ce phénomène de retournement des inégalités est lié au processus de mondialisation.
Document 4. Évolutions des droits de douane dans certains pays
Droits de douane moyens par groupes de pays
Questions
1) Faites une phrase pour présenter l’évolution des droits de douane en Chine
2) Quels facteurs peuvent expliquer ces évolutions ?
3) Qu’est-ce que l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) ?
4) Qu’est-ce que le protectionnisme ? Peut-on en déduire que les économies avancées sont moins protectionnistes que les économies émergentes ?
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1) Faites une phrase pour présenter l’évolution des droits de douane en Chine
Selon l’OMC, les droits de douanes imposés par la Chine à ses partenaires commerciaux représentaient en moyenne 19% de la valeur ajoutée importée en 1995 contre 9% en 2017, soit une baisse de 10 points de pourcentage.
2) Quels facteurs peuvent expliquer ces évolutions ?
Le « grand bond en avant » de l’économie chinoise s’amorce en 1978 avec le retour au pouvoir de Deng Xiaoping (1904-1997) et d’autres membres du Parti communiste chinois qui engagent la Chine maoïste dans la mondialisation capitaliste.
La libéralisation économique (et non politique) du régime se confirme avec le développement de zones économiques spéciales (ZES) visant à attirer les investissements étrangers pour produire des biens manufacturés à destination du marché mondial et le développement d’une diplomatie économique internationale.
Après quinze années de négociation (la demande d’adhésion fut déposée par la Chine auprès du GATT en 1986), la République populaire de Chine, qui s'est engagée à libéraliser son commerce, devient membre de l'OMC le 11 décembre 2001.
Elle doit donc ouvrir son marché à chaque membre de l’OMC tant en matière agricole et qu’industrielle.
Notons que pour les services et d’autres domaines (investissements, mesures phytosanitaires, propriété intellectuelle, marchés publics), le pays n’a pas signé d’accords juridiquement contraignants.
De plus, elle bénéficie de dérogations provisoires pendant cinq années afin d'organiser sa transition économique.
La courbe illustre la chute des droits de douanes pendant ces deux périodes (2001-2006).
Notons que l’Union européenne avait déjà accordé à la Chine le statut de nation la plus favorisée (NPF) mais cette adhésion engageait les membres de l'OMC à supprimer aussi les restrictions quantitatives aux importations chinoises (cf. contingents imposés aux produits textiles, aux chaussures ou à la porcelaine).
3) Qu’est-ce que l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) ?
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est la seule organisation internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce entre les pays.
Née en 1995, l'OMC a succédé à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) pour promouvoir un système commercial multilatéral.
L’OMC est donc une organisation internationale du commerce qui administre plusieurs accords multilatéraux.
Notons que les 124 membres de l'OMC donnent une vocation mondiale de cette organisation internationale en accueillant le pays le plus peuplé de la planète.
En 2020, les 164 membres de l’OMC représentent 98% du commerce mondial.
4) Qu’est-ce que le protectionnisme ? Peut-on en déduire que les économies avancées sont moins protectionnistes que les économies émergentes ?
Le protectionnisme est une politique commerciale qui vise à instaurer ou augmenter les barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.) et non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) afin de limiter les importations.
Les économies en développement, comme les pays émergents, ont traditionnellement des barrières tarifaires élevées et de nombreuses mesures non tarifaires. Les économies avancées, au contraire, n’imposent plus (hors période de guerre commerciale) de tarifs douaniers élevés aux importations de produits manufacturés. Toutefois, ils protègent leurs marchés agricoles et énergétiques et érigent des barrières non tarifaires.
Document 5. Le protectionnisme
Questions
1) Qu’est que le protectionnisme ?
2) Quelles sont les principales mesures protectionnistes ?
3) Illustrez, avec un exemple précis, un avantage et un inconvénient des mesures protectionnistes
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1) Qu’est que le protectionnisme ?
Le protectionnisme est une politique commerciale qui vise à instaurer ou augmenter les barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.) et non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) afin de limiter les importations.
Le protectionnisme est une doctrine préconisant la protection des marchés afin de favoriser les activités nationales et une politique mettant en pratique un ensemble de mesures restrictives ou prohibitives pénalisant l'introduction de produits étrangers.
2) Quelles sont les principales mesures protectionnistes ?
Les principales mesures protectionnistes sont les mesures tarifaires (droits de douane), les mesures non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) et les subventions aux producteurs domestiques.
3) Illustrez, avec un exemple précis, un avantage et un inconvénient des mesures protectionnistes
Les États-Unis ont ajouté une surtaxe de 25% sur les importations d'acier afin de favoriser les aciéries américaines concurrencées par des prix étrangers trop faibles. Ce qui favorise les industries métallurgiques américaines qui font pression pour obtenir ces protections… au détriment des autres secteurs qui utilisent leurs productions comme intrants.
Les taxes douanières élevées sur le riz (plus de 700%) entrant au Japon protègent les agriculteurs nippons mais entraînent une hausse des prix pour le consommateur japonais.
Document 6. Protectionnisme et libre-échange
l'une des personnalités les plus marquantes aujourd'hui dans le domaine de la théorie du commerce international; il a étendu la théorie de la concurrence imparfaite à la théorie du commerce et a commencé à affirmer que “le libre-échange était passé de mode après tout”. Cette déclaration eut l'effet d'un choc électrique sur les médias, surtout parce que l'essor du Japon et les allégations selon lesquelles le Japon était un pays protectionniste alors que les États-Unis pratiquaient le libre-échange, avaient déchaîné un tel délire médiatique qu'il fallait trouver un économiste célèbre pour en faire la figure emblématique du protectionnisme.
(…) En plus de Krugman, Laura Tyson (une autre de mes élèves les plus remarquables au MIT) préconisait “l'utilisation des politiques commerciales pour promouvoir et protéger les industries et les technologies que nous jugeons importantes pour notre bien-être”.
Tyson prétendait que les industries ayant des externalités devaient être protégées. Mais le problème est qu'il est très difficile pour les décideurs, et très facile pour les lobbyistes, de décider dans quelles industries il y a des externalités. (…)
Toutefois, le modèle théorique de la concurrence imparfaite entre entreprises produisant des produits différenciés (élaboré par Paul Krugman) et le modèle des industries oligopolistiques (élaboré par Gene Grossman), ont bel et bien causé des difficultés au libre-échange à un niveau plus profond. Pour le comprendre, il faut savoir que tout au long des deux siècles qui ont suivi les écrits d'Adam Smith sur les vertus du libre-échange, des économistes de premier plan, comme Keynes à l'époque de la Grande dépression, se sont élevés encore et encore contre le libre-échange. (…)
Mais, j'ai avancé en faveur du libre-échange une idée simple qui s'est avérée révolutionnaire. J'ai fait valoir que si un dysfonctionnement spécifique du marché était éliminé par une politique appropriée, les arguments à l'appui du libre-échange retrouveraient leur validité.
Jagdish Bhagwati, conférence à l'OMC, octobre 2007.
Questions
1) Qu’est-ce qu’une externalité ?
2) Cherchez : Qui est Jagdish Bhagwati ?
3) Cherchez : Qu’est-ce qu’une « politique commerciale stratégique » ?
4) Quelle critique l’auteur adresse aux politiques commerciales stratégiques ?
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1) Qu’est-ce qu’une externalité ?
Une externalité (ou effet externe) est la retombée de l’action d’un agent économique sur un autre sans compensation monétaire.
L'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être des autres sans qu'aucune des partis ne paie ou ne reçoivent de contrepartie/dédommagement.
Une externalité peut être positive ou négative selon qu’elle agisse favorablement ou défavorablement sur le bien-être.
2) Cherchez : Qui est Jagdish Bhagwati ?
Jagdish Natwarlal Bhagwati (1934-) est économiste indo-américain. S’il défend que la croissance économique est la condition nécessaire pour réduire la pauvreté, sa théorie de la «croissance appauvrissante» (1958) souligne que la croissance peut détériorer les termes de l’échange d’un pays au point que son niveau de vie diminue (diminution du pouvoir d'achat du pays qui devra exporter plus pour pouvoir importer une même quantité).
Défenseur du libre-échange, il souligne que celui-ci n’est pas optimal quand il existe des distorsions (cf. externalités de production) dans l’économie. Toutefois, on peut corriger ces distorsions par des mesures appropriées (cf. subventions). Pour Jagdish Bhagwati, les déficiences du marché ne justifient donc pas le protectionnisme qui « comme le personnage de Requin dans les films de James Bond, resurgit sans cesse, sous de nouvelles formes».
D’ailleurs, dans les années 90, il dénonce la politique commerciale des États-Unis, caractérisée par un «unilatéralisme agressif»… face au Japon. L’accusation de «commerce déloyal» est pour lui le «syndrome du géant diminué».
Soulignant les coûts des politiques autarciques et protectionnistes, il défend le système commercial multilatéral. La libéralisation des échanges doit être non discriminatoire. Il critique donc les accords commerciaux préférentiels qui réduisent leurs barrières douanières en faveur de certains pays partenaires mais pas de tous.
Pour lui, être favorable au libre-échange des productions n’implique pas de soutenir celle des facteurs de production (capital, travail). Dans « Le mythe du capital », il prend position contre la libéralisation des flux de capitaux transfrontaliers déstabilisateurs et coûteux. Il n’y a donc pas de parallèle entre libre échange et liberté des mouvements de capitaux.
Jagdish Bhagwati a enseigné en Inde et aux États-Unis et fut conseiller à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et aux Nations unies.
3) Cherchez : Qu’est-ce qu’une « politique commerciale stratégique » ?
La politique commerciale stratégique (PCS) veut démontrer que, dans une situation de concurrence imparfaite où existent des relations stratégiques entre firmes (Le revenu d’une firme dépend des choix stratégiques des autres firmes), les interventions de l’État peuvent être bénéfiques.
Ainsi, les pays pouvaient faire appel au protectionnisme comme instrument de politique industrielle, pour s’approprier les rentes sur les marchés oligopolistiques, aux dépens de ses partenaires commerciaux.
Il s'agit donc d'une politique commerciale protectionniste visant à conquérir les marchés (voire obtenir un monopole) en cherchant un avantage comparatif grâce aux subventions, aux barrières douanières ou la baisse de taxes dans des secteurs stratégiques.
4) Quelle critique l’auteur adresse aux politiques commerciales stratégiques ?
Pour Jagdish Bhagwati, les pouvoirs publics ne sont pas forcément les décideurs les plus pertinents pour déterminer quels secteurs privilégier car ils sont soumis à des groupes de pression (secteurs particuliers) qui imposent leur demande de protection alors que leur soutient n’est pas forcément le plus pertinent d’un point de vue économique.
Document 6. Le respect de l’environnement, une exception aux règles du libre-échange
L’article XX du GATT porte sur ses « exceptions générales ». Il prévoit différents cas dans lesquels les membres de l’OMC peuvent être exemptés des règles du GATT.
Deux des dix exceptions prévues concernent l’environnement (paragraphes « b » et « g »). En vertu de ces paragraphes, les membres de l’OMC peuvent adopter des mesures :
- Nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux (paragraphe b) ;
- Se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement à des restrictions à la production ou à la consommation nationales (paragraphe g).
Pour qu’une mesure environnementale soit justifiée au regard de cet article, il faut à la fois être en mesure de prouver que la mesure relève de l’une de ces exceptions, et qu’elle satisfait aux prescriptions de son introduction. Celle-ci établit que : « sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée du commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante » de telles mesures.
Bureau Dominique, Schubert Katheline et Fontagné Lionel (2017) Commerce et climat : pour une réconciliation, Note du CAE n° 37
Questions
1. Qu’est-ce que le GATT ?
2. Qu’est-ce que l’OMC ?
3. Que veut dire « exemptés des règles du GATT » ?
4. Expliquez l’expression «une restriction déguisée du commerce international »
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Questions
1. Qu’est-ce que le GATT ?
GATT est l’acronyme de General Agreement on Tariffs and Trade. En français, c’est l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce signé le 30 octobre 1947 par 23 pays.
Il s’agit d’un accord multilatéral de libre-échange destiné à harmoniser les politiques douanières des parties signataires et à faire baisser les prix pour les consommateurs.
L'un des derniers cycles de négociations, le cycle d'Uruguay (1986 à 1994) s’est terminé par la signature de l'accord de Marrakech qui crée l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Aujourd’hui, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) régit le commerce international des marchandises.
2. Qu’est-ce que l’OMC ?
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est la seule organisation internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce entre les pays.
Née en 1995, l'OMC a succédé à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) pour promouvoir un système commercial multilatéral.
L’OMC est donc une organisation internationale du commerce qui administre plusieurs accords multilatéraux.
3. Que veut dire « exemptés des règles du GATT » ?
Exempter c’est dispenser ou exonérer.
Le GATT impose des règles qui visent à assurer le libre-échange des marchandises, notamment par des réductions des droits de douane que les pays doivent appliquer aux produits des pays membres de manière non discriminatoire (cf. clause de la nation la plus favorisée – clause NPF).
Il existe cependant des cas où les principes du GATT peuvent ne pas être appliqués (cf. protection de la santé et de la vie des personnes).
4. Expliquez l’expression «une restriction déguisée du commerce international »
Les exceptions (dix prévues pour les membres de l’OMC) peuvent être utilisées non pour respecter certains principes (protection de la santé et de la vie des personnes, préservation des végétaux, conservation des ressources naturelles épuisables, etc.) mais pour mener une politique protectionniste.
Exercice 1. Libre-échange et protectionnisme
Questions
1) Citez une donnée qui illustre que la France défend le libre-échange
2) Citez une donnée qui nuance l’engagement multilatérale de la France
3) Que nous enseignent ces graphiques ?
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1) Citez une donnée qui illustre que la France défend le libre-échange
Simon J. Evenett and Johannes Fritz, la France a accepté 99 mesures de libéralisation commerciale en 2017.
2) Citez une donnée qui nuance l’engagement multilatérale de la France
Simon J. Evenett and Johannes Fritz, la France a imposé 296 mesures discriminatoires en matière commerciale en 2017.
Il s’agit d'intervention de l'État de différentes natures (contingentement, subventions à l’exportation, aides à l’investissement, mesure de régulation des prix, etc.) mais qui affectent leurs partenaires commerciaux et les distorsions des échanges.
3) Que nous enseignent ces graphiques ?
Ces graphiques soulignent trois choses.
- D’abord, les États prennent des décisions politiques qui affectent directement et indirectement l’activité commerciale, renforçant les mesures de protection de leur marché et, dans le même temps, s’engage dans des accords de libre-échange bilatéraux et/ou multilatéraux.
- Ensuite, que ces deux types de mesures progressent depuis une dizaine d’année.
- Enfin, que les mesures de protections, directes ou indirectes, des marchés et des producteurs sont plus fréquentes que les engagements de libéralisation. Toutefois, les accords de libre-échange concernent généralement un plus grand nombre de produits.
Exercice 2. L’arroseur arrosé
Étant donné le fractionnement des chaînes de valeur mondiales, les produits franchissent plusieurs fois les frontières avant d'atteindre le consommateur final. Les liens ainsi créés devraient a priori réduire les incitations des pays à se protéger. Néanmoins, les récentes mesures protectionnistes prises par les États-Unis, dans le but de rapatrier une partie de la chaîne de valeur sur leur sol, vont à l’encontre de cette tendance.
Pour la plupart, ces mesures augmentent les barrières commerciales sur les biens intermédiaires, alors qu’historiquement les biens finals étaient les plus protégés. Les États-Unis peuvent-ils protéger leur valeur ajoutée avec une telle politique commerciale ?
Cela portera préjudice non seulement aux pays ciblés, mais aussi à la valeur ajoutée américaine. Deux mécanismes sont à l’œuvre, au-delà de l'impact direct des représailles principalement de la Chine et de l'Union européenne (UE).
Premièrement, les importations américaines soumises à des droits de douane plus élevés contiennent inévitablement de la valeur ajoutée américaine (par exemple, des composants américains assemblés à l'étranger), nonobstant l'ajustement des listes de produits ciblés. (…)
Deuxièmement, les exportations américaines subiront également une perte de compétitivité, car le coût de production augmente dans les industries qui utilisent comme intrants des biens importés taxés.
Source : Cecilia Bellora et Lionel Fontagné (2019), L’arroseur arrosé : guerre commerciale et chaînes de valeur mondiales, La Lettre du Cepii, n° 398, avril 2019
Questions
1) Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur mondiale ?
2) Donnez deux exemples de mesures protectionnistes
3) Quels sont les trois effets d’une politique commerciale protectionniste pointée dans ce texte ?
4) Expliquez le titre du document
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1) Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur mondiale ?
Selon l’OMC, une chaîne de valeur mondiale est une succession des activités exécutées par les entreprises pour créer de la valeur lors des diverses étapes de la production (chaîne d’approvisionnement), mais aussi avec toutes les activités faisant partie de la chaîne de la demande (commercialisation, vente, service à la clientèle).
Une chaîne de valeur mondiale (CVM) est donc une série d'étapes dans la production d'un produit ou d'un service destiné à la vente aux consommateurs. Chaque étape ajoute de la valeur et au moins deux étapes se déroulent dans des pays différents.
2) Donnez deux exemples de mesures protectionnistes
Le protectionnisme est une politique commerciale qui vise à instaurer ou augmenter :
- les barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.)
- et les barrières non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) afin de limiter les importations.
3) Quels sont les trois effets d’une politique commerciale protectionniste pointée dans ce texte ?
Tout d’abord, les mesures entraînent des représailles des partenaires commerciaux.
Ensuite, les droits de douane augmentent le coût des importations intégrant des intrants américains.
Enfin, les droits de douanes réduisent la compétitivité-prix des exportations qui utilisent comme intrants des biens importés taxés.
4) Expliquez le titre du document
L'arroseur arrosé est une expression popularisée lors des débuts du cinéma : en 1896, les frères Louis et Augustes Lumière mettent en scène un jardinier qui voit son tuyau d’arrosage retourné contre lui. L’expression est alors utilisée pour désigner des décisions ou actes qui se retournent contre ceux qui les prennent.
Ici, la hausse des droits de douane visant à pénaliser sur son partenaire commercial a des effets indirects qui pèsent aussi sur le pays qui se protège.
Pour les auteurs, au-delà de l'effet habituel des représailles directes, les guerres commerciales ont des effets particuliers dans le cadre d’économie imbriquées au sein de chaînes de valeur :
- les hausses de prix des consommations intermédiaires réduisent la compétitivité-prix des industries en aval ;
- les hausses de prix des biens finals nuit aux industries nationales en amont qui fournissent les pièces, composants, services nécessaires à l’assemblage de ces biens à l'étranger.
Exercice 3. Effet des sanctions et représailles entre la Chine et les États-Unis sur le commerce bilatéral entre ces pays dans quelques secteurs
Questions
1) Qu’est-ce qu’un droit de douane ?
2) Quel est le but d’un droit de douane ?
3) Faites une phrase avec la livre « Électronique »
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1) Qu’est-ce qu’un droit de douane ?
Un droit de douane est un impôt prélevé sur des marchandises importées dans un espace économique.
C’est une valeur exigée en douane pour qu’une marchandise entre sur un territoire.
Les droits de douane peuvent être des droits spécifiques (ou forfait) ou des droits ad valorem qui représenter un pourcentage du prix de la marchandise (voire une combinaison des deux).
Un droit spécifique est une somme donnée pour une quantité donnée de marchandise. Il n'est pas déterminé par la valeur en douane des marchandises.
Un droit ad valorem est une somme donnée en fonction de la valeur d'une marchandise. Il n'est pas déterminé par la valeur en douane des marchandises multipliée par un taux.
Remarque : Il n'existe plus de droit de douane au sein de l'Union européenne.
2) Quel est le but d’un droit de douane ?
En taxant les produits importés, un État augmente en effet le prix des marchandises étrangères. Cette action peut avoir plusieurs finalités :
- favoriser la consommation de produits nationaux ;
- dissuader la consommation de produits étranger ;
- récupérer des recettes fiscales ;
- répliquer à une action similaire d’un partenaire commercial, etc.
3) Faites une phrase avec la livre « Électronique »
Selon Cecilia Bellora et Lionel Fontagné dans le secteur de l’électronique, les exportations de la Chine vers les États-Unis sont affectées d’un droit de douane de 0,3 % dans la situation de référence (Réf.). Avec les sanctions américaines, le droit de douane moyen dans ce secteur augmente de 9 points de pourcentage pour atteindre 9,3 % (Scén.). Ces nouveaux droits de douane s’appliquent à 167 milliards de dollars d’exportations chinoises de matériel électronique vers les États-Unis dans la situation de référence, soit un impact en termes de recettes tarifaires affectées de 15,1 milliards de dollars (167 milliards x 9/100 = 15,1 milliards de dollars).