Dans les sociétés démocratiques, l’École, allant de l’élémentaire aux études supérieures, est considérée comme l’institution par excellence qui permet de réaliser l’idéal d’égalité des chances en offrant aux individus une possible ascension sociale.
I) L’École, une institution qui transmet des savoirs et concourt à l’égalité des chances
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Une mission première : la transmission des savoirs
De trois à seize ans, chaque enfant doit bénéficier d’une instruction, qu’elle soit menée ou non au sein de l’institution scolaire. Au total, 15,3 millions d’élèves, étudiants ou apprentis sont scolarisés en 2018. Elle vise à former le futur homme et citoyen en transmettant des savoirs, mais aussi une culture favorable à son épanouissement. Fixées par les membres de l’Union Européenne, les compétences clés pour s’insérer socialement sont : communiquer dans sa langue maternelle et dans une langue étrangère, disposer d’une culture mathématique, scientifique et informatique, d’une sensibilité culturelle et de compétences sociales et civiques. C’est l’égalité des résultats qui est ici visée. L’école délivre donc des diplômes qui conditionnent l’entrée sur le marché du travail mais elle se veut également un espace d’apprentissage de la démocratie (élection des délégués), d’élévation des consciences sur la question de l’égalité hommes/femmes ou encore des enjeux du développement durable1.
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Un accès à l’école et à l’enseignement supérieur croissant : la massification de l’école
Longtemps réservée aux enfants de milieux favorisés, ainsi qu’aux garçons, l’École s’est profondément transformée à partir du XIXe siècle, par un processus de scolarisation primaire de masse d’abord puis secondaire à compter des années 1960. En étendant à toute la population des scolarités initialement réservées à une minorité, la démocratisation peut se mesurer par la croissance des effectifs scolaires et l’allongement des scolarités. Les sociologues préfèrent qualifier ce processus de hausse des taux de scolarisation par âge de « massification ».
Elle a été permise par différentes politiques publiques telles que l’allongement de la scolarité obligatoire. Ainsi, depuis 2019, l’obligation d’instruction débute à 3 ans et la formation des 16-18 ans deviendra obligatoire à compter de 20202. La diversification des diplômes délivrés a également permis l’accès au statut de bachelier des plus défavorisés. Ainsi, près de 80 % des jeunes d’une génération obtient désormais cet examen, à la faveur notamment de la création du baccalauréat technologique d’abord puis, et surtout, de la voie professionnelle en 1987. Il faut aussi citer la politique d’éducation prioritaire mise en œuvre depuis 1981 : forme de discrimination positive à la française, axée sur des critères sociaux, il s’agit de donner davantage de moyens, à la fois budgétaires et humains, aux établissements qui accueillent une forte proportion d’élèves défavorisés.
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Une démocratisation réelle encore en suspens
Les statistiques sont éloquentes : à 18 ans, 4 jeunes sur 5 sont scolarisés. La part des sortants précoces (i.e. ayant au plus le brevet et n’étant pas en formation) parmi les 18-24 ans est désormais inférieure à 10 %, les effectifs d’étudiants ont été multipliés par 11 depuis 1950. Toutefois, la démocratisation est qualifiée de « ségrégative » : l’égalisation des chances scolaires n’est pas atteinte car l’accès aux études restent dépendant de variables telles que le milieu social, le sexe, l’origine nationale, ethnique ou géographique » 3. Comme le montrent notamment les enquêtes internationales PISA, depuis le début du XXIe siècle, la dégradation des résultats des élèves les plus faibles et issus des milieux sociaux les plus défavorisés, s’est accompagnée d’une progression des acquis des élèves favorisés. Par ailleurs, les baccalauréats restent stratifiés, le taux d’accès aux grandes écoles s’est resserré autour d’une élite sociale issue des milieux très favorisés. En somme, les inégalités se sont tout simplement déplacées.
II) Des inégalités de réussite scolaire pourtant persistantes dans la construction des trajectoires individuelles de formation
Quelles explications peut-on apporter ?
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Le rôle de l’École dans le maintien des inégalités sociales :
Œuvre fondatrice, la théorie de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron écrite en 1970, place l’institution scolaire au cœur de la reproduction sociale. Selon ces auteurs, certains mécanismes, inhérents au fonctionnement de l’institution, conduisent au maintien des privilèges des classes dominantes. En effet, les contenus scolaires légitimes, validés par le diplôme, ne sont pas neutres : ce sont ceux de la culture bourgeoise, maîtrisés par la classe dominante quand les élèves de milieu défavorisé sont, eux, moins dotés en capital culturel. Il est constitué de trois états : l’« état incorporé» dans chaque agent social, en tant qu'habitus (c'est-à-dire en tant que système de dispositions inconscientes, acquises et durables), l'« état institutionnalisé » comme le titre scolaire par exemple et enfin l'« état objectivé » qui apparaît sous la forme de l’accès aux biens culturels dans « l’environnement natal » comme les livres, une œuvre d'art, …
En partie hérité, cultivé et accumulé par la famille, il est considéré comme le principal vecteur de la réussite scolaire, ce qui contribue à reproduire l’avantage des « héritiers ». Les travaux sociologiques plus récents montrent par ailleurs que les pratiques pédagogiques actuelles, peuvent, par leur implicite renforcé, la découverte par le jeu et la mobilisation de l’autonomie de l’enfant, favoriser encore le poids de la socialisation familiale sur le parcours scolaire, à l’avantage des classes moyennes et favorisées.
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Les effets des stratégies et investissements familiaux :
La participation des familles à la réussite scolaire est en lien étroit avec le rôle de l’école elle-même. Dans une autre démarche, Raymond Boudon l’a démontré en 19734 : en partant de l’hypothèse d’acteurs individuels rationnels, les élèves et leurs familles sont présentés comme mettant en œuvre des stratégies à chaque « point de bifurcation » en matière d’orientation : ils coordonnent leurs actions de manière à atteindre habilement un but, face aux diverses éventualités qu'ils sont conduits à envisager, compte tenu de leur situation sociale. Ainsi, à compétences scolaires égales, identifiées par les notes, les enfants d’origine modeste, mus par leur famille, optent pour une trajectoire scolaire moins ambitieuse que leurs camarades plus favorisés car ils mettent en balance les coûts et risques (financiers, sociaux) – ici, surestimés – et les avantages (diplôme et profession plus profitables), ici sous-estimés dans un contexte où ils ont intériorisé des chances de réussite modestes. Le choix des filières ou des options en fait partie mais également les choix d’établissements menés par les parents. Bénéficiant de ressources diverses (économiques, sociales, culturelles), ils mènent des stratégies d’évitement qui conduisent à un renforcement de la ségrégation sociale et académique selon Pierre Merle5. L’investissement familial dans la scolarité, plus ou moins efficace, fait l’objet d’études plus précises, issues d’enquêtes in situ, aujourd’hui. Il a été ainsi possible de révéler les causes de la réussite ou l’échec paradoxal : la socialisation familiale (règles de vie, temps consacré par la mère et légitimé par le père, valorisation des tâches scolaires) en congruence avec ce qui est attendu de l’élève crée des dispositions plus favorables.
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Les effets de la socialisation genrée :
Malgré une scolarisation historiquement plus tardive, il est désormais attesté que les filles ont un meilleur niveau scolaire moyen que les garçons. En témoigne en particulier, la proportion d’une génération bachelière, nettement plus élevée chez les filles. Elles restent toutefois en retrait dans certaines filières d’excellence comme les CPGE scientifiques et valorisent moins bien leur diplôme sur le marché du travail. Les travaux sociologiques axé sur la socialisation primaire sexuée peuvent être ici convoqués : les parents ont des attitudes différentes envers les filles et les garçons. Celles-ci sont davantage stimulées en matière verbale, ceux-là sur le plan moteur ; elles subissent un contrôle plus strict ; elles sont encouragées à la sociabilité harmonieuse envers les camarades ou les adultes. Ainsi, de manière inconsciente, les familles anticipent le futur rôle des femmes – et des hommes - dans la société et concourent à le renforcer. Bien qu’alertés, les professeurs ont également inconsciemment des attitudes différentes envers les deux sexes.
Comme le mettent en évidence les comparaisons internationales des systèmes scolaires, certains semblent plus ou moins efficaces et plus ou moins équitables. Les inégalités de réussite à l’école, plus marquées selon l’origine sociale en comparaison au genre, demeurent une limite sur laquelle achoppe la plupart des politiques publiques menées depuis le mouvement de démocratisation initié au XIXe siècle. L’école fabrique elle-même ces écarts qui la rongent, en symbiose avec les stratégies et investissements des familles, plus ou moins adroits, plus ou moins conformes au métier d’élève attendu.
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La crise sanitaire liée au Covid-19 a-t-elle amplifié les inégalités scolaires ?
Le confinement décrété à partir du 14 mars 2020 a ouvert une séquence inédite dans le fonctionnement scolaire : la classe à domicile. Ce faisant, les différents acteurs de cette période, des professeurs aux parents d’élèves, ont pu attester de la difficulté de contourner les obstacles à la fois sociaux et techniques.
Avec l’imposition du distanciel, chacun s’est trouvé seul face au travail demandé, conduisant à une exacerbation des inégalités existantes. En fonction de leur habitat, du nombre de personnes par foyer et du niveau social, il est des élèves qui n’ont pu accéder à un ordinateur, donc à la classe à domicile. Sur le plan des conditions domestiques techniques et sociales, les travaux récents de l’Insee indiquent que 2 % des enfants de moins de 17 ans mais 3,5 % des enfants de familles monoparentales n’ont pas accès à Internet à leur domicile, quel que soit l’appareil. Au-delà, près de 40 % des utilisateurs d’Internet ne disposent pas des compétences de base (recherche d’information, utilisation de logiciels, la résolution de problèmes ou communication)6. En outre, cette crise a également révélé l’importance que revêt l’accès aux cantines scolaires pratiquant des tarifs très bas pour les ménages les plus pauvres. Mise de fait à l’arrêt pendant la période, la restauration scolaire a pu accroître les difficultés de subvenir aux besoins essentiels.
Sur le plan scolaire à proprement parler, la rigueur dans la mise au travail a pu dépendre également du degré d’investissement des parents d’une part et de leur capital culturel d’autre part.
Selon une étude sociologique menée par deux enseignants-chercheurs de l’université de Bordeaux7 auprès de 30000 parents d’élèves, les catégories populaires n’ont pas « abandonné » l’école : en termes de temps passé au travail scolaire, il est le plus élevé (3h16 minutes par jour) pour les milieux modestes contre 2h58 minutes pour les enfants d’enseignants par exemple. Toutefois, les inégalités se manifestent ailleurs et de manière plus fine : l’accompagnement s’est avéré plus formel et conforme à la consigne scolaire pour les enfants de catégories populaires, vérifiant la bonne exécution de la tâche scolaire. Pour les enfants de milieux plus favorisés, les parents ont pu aider à décrypter les implicites des consignes et compléter la continuité de l’apprentissage par des exercices alternatifs ou transversaux, facilitant la réelle acquisition des savoirs. Ainsi, conformément aux travaux anciens des sociologues de l’éducation, l’exercice de cette école numérique forcée tend à l’heure actuelle à amplifier les inégalités scolaires présentes.
Enfin, sur le plan de l’aspect certificatif de l’école, il est à craindre que cette crise soulève la question de l’équité générationnelle pour les étudiants préparant des concours et ayant subi une rupture du rythme collectif traditionnel pendant cette période.
1A partir de septembre 2019, les collégiens et les lycéens élisent un éco-délégué par classe, chargé de participer à la mise en œuvre du développement durable dans l’établissement.
2Entre 16 et 18 ans, tout jeune devra se trouver : soit dans un parcours scolaire ou en apprentissage ; soit en emploi, en service civique, en parcours d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle.
3Pierre MERLE, op.cit., p. 3.
4Raymond Boudon, L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Armand Colin, 1973.
5Pierre Merle, La ségrégation scolaire, La Découverte, 2012. Marco Oberti, « Ségrégation scolaire et urbaine » in Agnès van Zanten, Patrick Rayou (sous la dir. de), Dictionnaire de l’éducation, 2è éd., PUF, 2017.
Document 1 – Population scolaire des 1er et 2nd degrés par niveau
Questions :
1. Comment a évolué la population scolarisée entre 2010 et 2018 ?
2. Peut-on en conclure à une hausse du taux de scolarisation ?
3. Quels enseignements peut-on extraire de la troisième colonne de ce document, concernant la part des filles ?
4. En quoi peut-on considérer que le lycée constitue un palier d’orientation déterminant, créateur d’inégalités ?
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Comment a évolué la population scolarisée entre 2010 et 2018 ?
La population scolarisée est passée de 12 561 000 personnes en 2010 à 12 876 000 en 2018, soit une hausse de 2,5 %.
Peut-on en conclure à une hausse du taux de scolarisation ?
La mesure du taux de scolarisation rapporte le nombre d’élèves scolarisés à un âge donné à la population totale des individus du même âge. Par conséquent, la statistique présentée ne permet pas d’affirmer que le taux de scolarisation a augmenté.
Quels enseignements peut-on extraire de la troisième colonne de ce document, concernant la part des filles ?
Le système éducatif est bien devenu mixte : 48,6 % des élèves scolarisés en 2018 sont des filles. Toutefois, on note une nette surreprésentation des filles en LEGT puisqu’elles y constituent 53, 9 % des effectifs (différence de 5,3 points par rapport à leur part dans l’ensemble). Réciproquement, la surreprésentation des garçons est forte en apprentissage et en voie professionnelle.
En quoi peut-on considérer que le lycée constitue un palier d’orientation déterminant, créateur d’inégalités ?
On a déjà constaté que les filles, mieux armées à l’école, sont mieux représentées en lycée, ce qui atteste d’une première sélection à l’issue du collège : les garçons sont davantage orientés vers les voies plus courtes ou professionnelles. Par ailleurs, l’origine sociale des élèves s’avère également très discriminante, quel que soit le genre : si les enfants d’ouvriers constituent 36,1% des élèves de collège, leur part décroît à 26, 3 % au lycée. En revanche, ils sont très nettement surreprésentés dans les formations professionnelles puisqu’ils y constituent la moitié des effectifs. Quant aux enfants de cadres ou enseignants, d’un quart des collégiens, ils passent à un tiers des lycéens en voie générale ou technologique.
Document 2 – Évolution des taux de scolarisation par âge de 1988-89 à 1998-99 en France
Questions :
1. Que signifient les données de la 1ère colonne du tableau ?
2. A quel processus peut-on associer ce tableau ?
3. Peut-on conclure à une démocratisation du système scolaire à la lecture de ce tableau ?
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- Que signifient les données de la 1ère colonne du tableau ?
En 1988-89, 96,1 % des élèves âgés de 15 ans sont scolarisés en France. Dix ans après, le taux de scolarisation au même âge a augmenté de 3,9 points.
- A quel processus peut-on associer ce tableau ?
Il illustre la massification du système éducatif, en particulier l’ouverture de l’enseignement supérieur à un nombre plus élevé d’étudiants comme le montre la hausse de 23,7 points du taux de scolarisation des individus de 20 ans entre 1988-89 et 1998-99.
- Peut-on conclure à une démocratisation du système scolaire à la lecture de ce tableau ?
Si ce document illustre bien l’actuel accès généralisé à l’enseignement secondaire, notamment jusqu’à la majorité, il ne révèle pas les inégalités potentielles de recrutement par origine sociale, ethnique ou genre à la poursuite d’études.
Document 3 – Proportion d’une génération obtenant le baccalauréat selon le type de baccalauréat (en %)
Questions :
1. Insérez les données de la 1ère ligne dans une phrase en commençant par « En moyenne, sur 100 … ».
2. Quelle rupture peut-on constater dans la série statistique proposée ici ?
3. Quel processus illustre ce document ?
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- Insérez les données de la 1ère ligne dans une phrase en commençant par « En moyenne, sur 100 … ».
En moyenne, sur 100 individus de 18 ans en 1970, 16,7 obtiennent le baccalauréat général, 3,4, le baccalauréat technologique. Au total, 20,1 % des personnes de 18 ans sont bachelières en 1970.
- Quelle rupture peut-on constater dans la série statistique proposée ici ?
La création du baccalauréat professionnel a permis d’élargir l’obtention du diplôme à une plus large population : entre 1985 et 1990, la part des bacheliers a crû de 50 % puis à nouveau entre 1990 et 1995. Entre 2010 et 2015, le baccalauréat professionnel, en 3 ans à partir de la rentrée 2009, attire davantage de candidats. A l’heure actuelle, 8 élèves de 18 ans sur 10 sont bacheliers.
- Quel processus illustre ce document ?
Il illustre la massification du système scolaire.
Document 4 – Évolution de la part des enfants de cadres supérieurs et d'ouvriers selon les filières entre 2007 et 2017, en %
Centre d’observation de la société, à partir des données du Ministère de l’Éducation Nationale, 1er septembre 2018.
Questions :
1. Que signifie la dernière donnée « 12,2 » ?
2. Peut-on valider la thèse d’une démocratisation de l’enseignement supérieur entre 2007 et 2017 à la lecture de ce graphique ?
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- Que signifie la dernière donnée « 12,2 » ?
Les enfants d’ouvriers représentent 12,2 % des étudiants en France en 2017.
- Peut-on valider la thèse d’une démocratisation de l’enseignement supérieur entre 2007 et 2017 à la lecture de ce graphique ?
Les enfants d’ouvriers demeurent extrêmement minoritaires dans l’enseignement supérieur entre 2007 et 2017, leur part demeurant située à 12,2 % entre les deux dates. Cette stabilité du recrutement social permet de conclure à une démocratisation essentiellement ségrégative.
La massification de l’accès au lycée et au baccalauréat a transité par une forte croissance de la voie professionnelle qui, par définition, ne permet pas de rejoindre ensuite les bancs de l’université. Seul l’allongement par les BTS constitue une potentielle poursuite d’études pour les bacheliers pro. Or, ceux-ci étant essentiellement composés d’enfants d’ouvriers, il convient de restreindre l’idée de démocratisation à une massification. L’élitisation est au contraire manifeste : les études les plus prestigieuses restent réservées aux enfants de cadres supérieurs, 6 étudiants sur 10 en ENS et la moitié en CPGE quand leur part dans le total des étudiants est d’environ 1/3.
Centre d’observation de la société, à partir des données du Ministère de l’Éducation Nationale, 1er septembre 2018.
Document 5 – Section maternelle
Alexis a cinq ans et un mois quand il rentre en grande section de maternelle dans une école publique d’un quartier central est plutôt favorisé de Mulhouse. Il vit avec ses parents, Damien et Sandra, et ses deux grands frères : Simon, âgé de huit ans et demi, scolarisé en CE2 dans le même groupe scolaire, et Mikael, âgé de 17 ans, issu d’une première union de sa mère et scolarisé en 1ère ES. Sa famille habite un lotissement (…), aussi central est favorisé, dans une maison mitoyenne d’une surface de 120 m², dotée d’un petit jardin et d’un garage. Damien et Sandra en sont propriétaires depuis 10 ans. (…) [Ils] gagnent à eux deux entre 4 000 et 5 000 euros de salaires nets par mois.
La famille part en vacances plusieurs fois par an, y compris un voyage par an à l’étranger, et le plus souvent en hôtel-club. (…) La famille se caractérise ainsi par une relative aisance économique est une stabilité résidentielle, couplées à une grande stabilité professionnelle. En effet, Sandra travaille depuis 16 ans dans la même entreprise de centre d’appels, où elle est en CDI. Quant à Damien, il travaille depuis 18 ans dans la même société du secteur automobile, en CDI également. Il n’a jamais été au chômage.
Damien, le père, ne lit jamais de livre. (…) Sandra, au contraire, « adore lire » et « li(t) tout le temps ». (…) C’est la première activité à laquelle pense que la question de ses loisirs est abordée. Elle possède de très nombreux livres et lit aussi beaucoup sur sa tablette grâce à une application qui lui permet d’en télécharger. Elle apprécie essentiellement les romans de littérature contemporaine grand public. Au moment des entretiens, elle est en train de lire la trilogie Cinquante nuances de Grey. (…) Les livres pour enfants sont très présents dans l’environnement d’Alexis. Sandra achète souvent des livres à ses fils à l’occasion des courses en grande surface. (…) Les livres sont des cadeaux fréquemment offerts aux enfants à Noël ou pour les anniversaires. Les enfants sont aussi habitués aux abonnements. (…)
Dans la famille d’Alexis, la lecture de livres à voix haute est avant tout une pratique partagée qui suscite le plaisir d’être ensemble. (…) Sandra raconte avec enthousiasme le rituel des histoires du soir. Bien que Damien n’aime pas lire des histoires, il assiste souvent à la lecture faite par Sandra et lui prend manifestement du plaisir. Comme on le voit la lecture est avant tout vécu comme un divertissement. (…)
A côté de ces manières de lire, où le livre est utilisé pour s’amuser et pour faire passer des messages, Sandra sensibilise ses enfants à des aspects propres au texte, en sollicitant l’imagination et l’expression des sentiments : « Des fois, je leur dis ‘fermez les yeux et imaginez le personnage’ » ; « C’est triste, hein, ouais, pourquoi ? », alors je leur pose la question ». Comme on le voit ici, la lecture peut s’accompagner d’un jeu de questions-réponses proches de ce qui se pratique à l’école. C’est encore plus net lorsque les questions portent sur la compréhension : « Je vais lire deux pages et je leur demande ce qu’ils ont retenu ».
Géraldine Bois, « Alexis : un petit dominant pas très scolaire » in Bernard Lahire (sous la dir. de), Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Seuil, 2019.
Questions :
1. Quels sont les avantages dont dispose Alexis lors de son entrée en grande section de maternelle ?
2. Peut-on parler d’un réel investissement familial dans la réussite scolaire ici ?
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Quels sont les avantages dont dispose Alexis lors de son entrée en grande section de maternelle ?
Dans cet extrait, nous pouvons relever différents capitaux, issus de sa famille, dont dispose Alexis, scolarisé en GS de maternelle : il est issu de la classe moyenne et obtient ainsi un capital économique correct qui lui permet d’avoir accès aisément à des livres, à des vacances. Il est à l’abri de toute forme de précarité en raison de la sécurité professionnelle et patrimoniale de ses parents, ce qui libère un temps disponible, en particulier à sa mère, pour s’occuper de l’enfant. Enfin, il a accès à un certain capital culturel à l’état objectivé (livres, abonnements, …) et à l’état incorporé (habitude de la lecture collective, de l’analyse de cette lecture, …).
Peut-on parler d’un réel investissement familial dans la réussite scolaire ici ?
On constate, à la fin de ce texte essentiellement, que la famille développe des dispositions proprement scolaires tout en maintenant la lecture dans un contexte de divertissement, de loisir, ce qui apparaît comme l’une des meilleures stratégies familiales, en congruence avec le travail scolaire.
Exercice 1 – Comprendre les scores PISA
Document - Score moyen en culture scientifique selon le statut économique, social et culturel des élèves dans l’enquête PISA
Questions :
1. Comparez les résultats en culture scientifique des élèves de 15 ans en France aux autres pays de l’OCDE.
2. Comment l’enquête PISA mesure-t-elle l’inégalité en France parmi les élèves âgés de 15 ans ?
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- Comparez les résultats en culture scientifique des élèves de 15 ans en France aux autres pays de l’OCDE.
Le score moyen en culture scientifique de l’ensemble des élèves de 15 ans en France est équivalent à celui des élèves des pays de l’OCDE (score de 500). Il est équivalent à la Suède ou l’Espagne mais se situe en-dessous des États-Unis, de la Finlande ou du Japon. Seul le quartile des élèves issus d’un milieu très favorisé dépasse le niveau moyen des japonais ou finlandais. Le niveau de réussite des 25 % des élèves issus d’un milieu très défavorisé est le plus bas avec celui de l’Italie (score de 440).
- Comment l’enquête PISA mesure-t-elle l’inégalité en France parmi les élèves âgés de 15 ans ?
La différence entre les scores extrêmes permet de révéler l’ampleur des inégalités quel que soit le niveau moyen atteint : elle est de 120 points en France (560-440) en 2015 dans le domaine de la culture scientifique. C’est l’écart le plus élevé parmi les données ici présentées.
Cet écart n’est que de 90 points en moyenne dans l’OCDE, 80 points au Japon ou en Italie, 75 points en Finlande.
Les 25 % des élèves les plus favorisés en France atteignent un score en culture scientifique 27% plus élevé que les 25 % les plus défavorisés. Cet écart est de 15 % en Finlande.
Il est à noter que la distance entre les 25 % des élèves favorisés et défavorisés est également forte, comparée aux autres pays.
Exercice 2 – Comprendre la signification du calcul des odds-ratios (ou rapports de chances relatives)
Document - Taux d’accès à la classe de Seconde des enfants de cadres et d’ouvriers
Questions :
1. Insérez les données de la première colonne dans une phrase qui les explicite.
La première mesure parmi les plus simples des inégalités peut être le calcul de l’écart entre les taux d’accès à chaque période.
2. Complétez la ligne laissée vide. Quel est le sens des calculs effectués ? Qu’en pensez-vous ?
Si l’on calcule à présent le rapport entre les deux taux d’accès, que constate-t-on ?
3. Effectuez les calculs et complétez la ligne.
Ce calcul, qui révèle une avancée significative des enfants d’ouvriers, comporte un biais car les taux sont, par définition, plafonnés à 100, notamment pour les enfants de cadres. Or, l’accès à 100 % est de plus en plus lent, à la manière d’une fonction concave. Pour rendre compte du chemin parcouru permettant d’atteindre l’idéal, il est possible de calculer le rapport entre la progression effective et la progression totale possible. Ainsi, pour les générations ayant eu 16 ans entre 1945 et 1954, les enfants de cadres avaient effectué 13 % de la distance qui les sépare de 100 % : (69,4 – 64,8) / (100-64,8) x 100. Les enfants d’ouvriers, quant à eux, avaient effectué 0,5 % de ce chemin aux mêmes dates.
4. Complétez les deux lignes laissées vides. Quelle distance sépare les enfants de cadres de 100 % pour les générations ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989 ? Même question pour les enfants d’ouvriers. Quelle conclusion en tirez-vous quant à l’évolution des inégalités ?
Enfin, il existe une seconde possibilité de contourner le problème du plafonnement des taux. Il s’agit de calculer le rapport de chances relatives entre ces deux origines sociales dans l’accès à ce palier de la Seconde comparé aux « chances » de ne pas y accéder.
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Ainsi, pour la génération ayant eu 16 ans avant 1945, 64,8 % des enfants de cadres y accèdent contre 35,2 % qui n’y accèdent pas. Les enfants de cadres ont 1,8 fois plus de chances d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer pour cette génération.
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Concernant les enfants d’ouvriers, ils ont (5,4 / 94,6) = 0,057 fois plus de chance d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer pour cette génération. Autrement dit, ils avaient 1/0,057 = 17,5 fois plus de chance de ne pas entrer en Seconde plutôt que d’y entrer.
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Si l’on compare les deux rapports de chances relatives (ou odds-ratios) : (64,8 / 35,2) / (5,4/94,6) = 32,3.
Lecture : Comparés aux enfants d’ouvriers de la génération ayant eu 16 ans avant 1945, les enfants de cadres ont 32,3 fois plus de chance d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer.
1. Complétez la ligne laissée vide. Qu’en concluez-vous ?
2. Que pensez de ces résultats contradictoires ?
Exercice d’application : Il est possible de réaliser les mêmes étapes avec l’exemple de l’accès au baccalauréat.
1. Complétez le tableau.
2. Les inégalités entre les enfants de cadres et d’ouvriers dans l’accès au baccalauréat ont-elles diminué ?
Voir la correction
Document - Taux d’accès à la classe de Seconde des enfants de cadres et d’ouvriers
La première mesure parmi les plus simples des inégalités peut être le calcul de l’écart entre les taNotre question est simple : Les inégalités entre enfants de cadres et d’ouvriers dans l’accès au lycée ont-elles diminué entre 1945 et 1989 ?
Insérez les données de la première colonne dans une phrase qui les explicite.
Pour les générations qui ont eu 16 ans avant 1945, 12,1 % en moyenne entre en Seconde. L’écart entre les enfants de cadres et d’ouvriers est cependant manifeste puisque 65 % des enfants de cadres qui ont eu 16 ans avant 1945 accèdent à la Seconde contre 5 % des enfants d’ouvriers.
Taux d’accès à chaque période.
Complétez la ligne laissée vide. Quel est le sens des calculs effectués ? Qu’en pensez-vous ?
Avec ce calcul, les inégalités semblent avoir stagné car la différence entre le taux d’accès à la Seconde des enfants de cadres et d’ouvriers pour les générations ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989 est le même que pour les premières générations ici présentées : il est plus élevé de 59,4 points. Ce calcul n’apparaît pas satisfaisant tant la progression des enfants d’ouvriers est indéniable.
Si l’on calcule à présent le rapport entre les deux taux d’accès, que constate-t-on ?
Effectuez les calculs et complétez la ligne.
Les inégalités ici diminuent fortement entre les enfants issus de ces deux milieux sociaux, ce qui atteste du mouvement de massification scolaire : pour les générations ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989, les enfants de cadres ont un taux d’accès « seulement » 3 fois plus élevé que les enfants d’ouvriers. Ce taux a été divisé par 4 entre 1945 et 1989.
Ce calcul, qui révèle une avancée significative des enfants d’ouvriers, comporte un biais car les taux sont, par définition, plafonnés à 100, notamment pour les enfants de cadres. Or, l’accès à 100 % est de plus en plus lent, à la manière d’une fonction concave. Pour rendre compte du chemin parcouru permettant d’atteindre l’idéal, il est possible de calculer le rapport entre la progression effective et la progression totale possible. Ainsi, pour les générations ayant eu 16 ans entre 1945 et 1954, les enfants de cadres avaient effectué 13 % de la distance qui les sépare de 100 % : (69,4 – 64,8) / (100-64,8) x 100. Les enfants d’ouvriers, quant à eux, avaient effectué 0,5 % de ce chemin aux mêmes dates.
Complétez les deux lignes laissées vides. Quelle distance sépare les enfants de cadres de 100 % pour les générations ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989 ? Même question pour les enfants d’ouvriers. Quelle conclusion en tirez-vous quant à l’évolution des inégalités ?
Pour les générations ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989, il reste un tiers du chemin à parcourir lorsqu’on est enfant de cadre. En revanche, pour les enfants d’ouvriers, il demeure ¾ du chemin à parcourir à cette date. La progression est ici très lente dans ce dernier cas, ce qui laisse une inégalité béante entre les milieux sociaux.
Enfin, il existe une seconde possibilité de contourner le problème du plafonnement des taux. Il s’agit de calculer le rapport de chances relatives entre ces deux origines sociales dans l’accès à ce palier de la Seconde comparé aux « chances » de ne pas y accéder.
Ainsi, pour la génération ayant eu 16 ans avant 1945, 64,8 % des enfants de cadres y accèdent contre 35,2 % qui n’y accèdent pas. Les enfants de cadres ont 1,8 fois plus de chances d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer pour cette génération.
Concernant les enfants d’ouvriers, ils ont (5,4 / 94,6) = 0,057 fois plus de chance d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer pour cette génération. Autrement dit, ils avaient 1/0,057 = 17,5 fois plus de chance de ne pas entrer en Seconde plutôt que d’y entrer.
Si l’on compare les deux rapports de chances relatives (ou odds-ratios) : (64,8 / 35,2) / (5,4/94,6) = 32,3.
Lecture : Comparés aux enfants d’ouvriers de la génération ayant eu 16 ans avant 1945, les enfants de cadres ont 32,3 fois plus de chance d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer.
Complétez la ligne laissée vide. Qu’en concluez-vous ?
Les inégalités ont fortement baissé selon ce mode de calcul. En effet, le taux d’accès à la classe de Seconde a été multiplié par 5 sur la période pour les enfants d’ouvriers ; par 1,3 pour les enfants de cadres. Par conséquent, le rapport de chances relatives diminue, il a quasiment été divisé par 2 : comparés aux enfants d’ouvriers de la génération ayant eu 16 ans entre 1980 et 1989, les enfants de cadres ont 17,8 fois plus de chance d’entrer en Seconde que de ne pas y entrer.
Que pensez de ces résultats contradictoires ?
L’ensemble de ces calculs sont utiles et ne mesurent pas nécessairement la même chose !
Il est évident que le tassement de la progression des enfants de cadres dans l’accès à ce palier d’orientation, comparé à la hausse rapide des enfants d’ouvriers plus éloignés au départ, amène à une réduction des odds-ratios.
Mais cette approche positive doit être complétée par l’examen de l’écart entre les taux d’accès effectifs à la date la plus proche. Il s’avère que les enfants d’ouvriers restent encore éloignés de la norme maximale.
En conséquence, il est indispensable de prendre en considération plusieurs mesures pour appréhender le mieux la réalité de la démocratisation de l’école.
Exercice d’application : Il est possible de réaliser les mêmes étapes avec l’exemple de l’accès au baccalauréat.
Complétez le tableau.
Les inégalités entre les enfants de cadres et d’ouvriers dans l’accès au baccalauréat ont-elles diminué ?
De la même façon, les inégalités ont nettement diminué lorsque l’on examine l’évolution du rapport entre la proportion de bacheliers pour la génération 1975-80 comparée à celle de 1962-67 : de 3,6, il est passé à 1,6. On constate que les enfants de cadres ont moins de chance d’obtenir le baccalauréat professionnel que de ne pas l’avoir, comparés aux enfants d’ouvriers (odds-ratios inférieurs à 1). Mais la distance qui sépare les enfants d’ouvriers de la norme de 80 % d’obtention du baccalauréat, général en particulier, est encore grande : ils n’ont parcouru que 15 % de cette distance entre les dates présentées.
Épreuve composée Première partie – Mobilisation de connaissances et traitement de l’information
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Distinguez les processus de massification et de démocratisation dans l’accès à l’école et à l’enseignement supérieur.
Questions :
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Que désigne la socialisation selon le genre ?
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A l’aide des données du document, montrez que les trajectoires scolaires sont inégales.
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A l’aide des données du document, comparez les deux facteurs d’inégalités de réussite scolaire.
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1) Le processus de socialisation qui désigne le processus au cours duquel l'individu intériorise les normes, les valeurs et les comportements que la société, grâce à l’action de la famille ou l'école lui inculque, varie en fonction du genre, construit social distinct du sexe, donnée biologique. Les identités de genre, masculinité et féminité, ne sont ni données ni naturelles : elles sont le fruit d’un processus d’apprentissage durable, souvent inconscient, porté par la famille puis l’école, les médias, le groupe de pairs, etc. qui laissent les femmes dans une position d’infériorité. Ainsi de la supposée appétence féminine pour les matières littéraires et les métiers relationnels ou de leurs incompétences ou dégoûts en sciences qui structurent ensuite, à leur désavantage, la place des femmes dans l’enseignement supérieur et les métiers les plus valorisés.
2) Les trajectoires des individus demeurent inégales tout au long de la scolarité, notamment en fonction de l’origine sociale et du genre : la part des enfants redoublant en primaire est 6 fois plus élevée pour un fils d’ouvrier qualifié (OQ) comparé à un fils de cadre et profession intellectuelle supérieure (CPIS) en 2013 selon la DEPP. L’écart passe à un rapport de 1 à 5 environ pour les filles. Dans le secondaire, les inégalités se poursuivent : l’orientation en Seconde générale et technologique des garçons est deux fois plus élevée pour les enfants de CPIS par rapport aux OQ, il est d’1,5 fois pour les filles. Les filles ont un niveau de réussite plus élevé, quelle que soit l’origine sociale : pour les enfants d’OQ, l’écart est de 14 points sur l’orientation en 2nde générale et technologique. Une exception notable toutefois : l’accès à un baccalauréat scientifique, filière plus élitiste, est à l’avantage des garçons.
3) L’inégalité dans la réussite scolaire des individus tient davantage à l’origine sociale qu’au genre. Ainsi, nulle différence (ou presque) dans l’accès très réduit à un baccalauréat scientifique lorsque filles et garçons sont issus d’un milieu d’OQ. Les filles dont les parents sont professions intermédiaires (infirmiers, techniciens, …) affichent un écart de 12 points de pourcentage par rapport aux garçons dans l’accès à une 2nde générale ou technologique quand l’écart avec leurs camarades filles d’OQ atteint 22 points de pourcentage. Par conséquent, on constate des résultats très négatifs pour les garçons issus de ce milieu OQ.
Seconde partie – Raisonnement appuyé sur un dossier documentaire
Sujet : Vous montrerez le rôle de la famille dans les inégalités de trajectoire individuelle de formation.
Document 1 :
Âgée de cinq ans et un mois lors de son entrée en grande section de maternelle, Lucie est la cadette d’une famille de deux enfants. Les parents, Pierre et Aline, se sont rencontrés en 1994 (…). Pierre est un écrivain connu et reconnu. Aline, la mère, a 41 ans et enseigne actuellement à trois-quarts de temps la philosophie dans un lycée. Depuis ses maternités, elle a utilisé les congés parentaux et les temps partiels pour être plus présente auprès de ses filles (…). La configuration familiale au sein de laquelle évolue Lucie est donc marquée par la présence de forts capitaux culturels et par l’omniprésence d’enseignants.
Des tableaux, essentiellement d’art contemporain tapissent les murs. Dans toutes les pièces les livres envahissent les étagères. (…) À la maison, le livre est central, et banal. (…) L’envie de lire est générée presque naturellement chez les enfants vivant une telle situation, tant ils souhaitent pouvoir à leur tour accéder aux mystères contenus par ses objets. (…) Du fait de leur formation scolaire et de la nature de leur activité professionnelle, Pierre et Aline manifestent un souci permanent à l’égard du langage. (…) Par réflexe, ils relèvent les mauvaises prononciations, ou les fautes de français, plutôt rares, que commettent leurs filles. « C’est vrai qu’on est un peu prof tout le temps avec ses enfants » dit Pierre en universalisant le point de vue de parents fortement diplômés et très sensibles au langage. (…) Le langage permet aussi l’apprentissage d’une certaine réflexivité par rapport à son expérience. Pierre est convaincu de l’importance pour ses filles d’acquérir une capacité à mettre des mots sur leurs expériences quotidiennes. Et l’on peut interpréter de la même manière le fait que, très fréquemment, les parents demandent à leurs filles de parler de leur journée.
Bernard Lahire, Martin Sarzier, « L’épanouissement culturel de Lucie » in Bernard Lahire, (sous la dir. de), Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants, Seuil, 2019.
Document 2 :
Vœux et propositions d’orientation professionnelle (BEP ou CAP) formulées par les familles et les conseils de classe selon l’origine sociale et la note moyenne au contrôle continu du brevet
Document 3 :
Part des femmes dans l’enseignement supérieur selon la formation ou le type d’institution en 2017 (en %)
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La famille, une institution de socialisation primaire différentielle en congruence plus ou moins forte avec le fonctionnement de l’École
- Socialisation par milieu social et par genre
- Le rôle du capital culturel selon Bourdieu
- L’investissement familial illustré par le document 1
Les stratégies des individus et leurs familles, déterminantes en matière d’orientation
- Individus et familles face aux paliers d’orientation : la thèse de Boudon
- Illustration chiffrée : document 2
- Socialisation et anticipation des rôles sociaux : l’explication de la réussite paradoxale des filles à l’École (illustration document 3)