Laurence Boone : L’ascenseur social est en panne

Le système éducatif français renforce les inégalités de chances constatent Laurence Boone, cheffe économiste de l’OCDE et Antoine Goujard, Bureau France, Département économique de l’OCDE.

Champion européen de la redistribution et de l’Etat-providence, la France souffre de conservatisme social, ont diagnostiqué Laurence Boone, cheffe économiste de l’OCDE et Antoine Goujard du bureau

France, département économique de l’OCDE dans une note publiée en février 2019. « Seule la Hongrie montre plus de déterminisme social dans tous les pays de l’OCDE que la France, observent Laurence Boone et Antoine Goulard. Il faut plus de 6 générations en France à une personne du bas de la distribution des revenus pour en rejoindre la moyenne. Plus de 15% des adolescents de 15 ans ont de faibles compétences numéraires et de compréhension, ce qui se traduira probablement par des difficultés d’insertion dans la vie professionnelle ».

Les inégalités de chances ne touchent pas que les plus pauvres. Elles concernent aussi les classes moyennes. Les deux économistes avancent sept raisons qui expliquent cette panne de l’ascenseur social. Nous les présentons.

 

 

  • Les disparités entre catégories socio-professionnelles et territoires s’ancrent dès le plus jeune âge. Alors que le système social et les aides publiques prennent en charge la garde des jeunes enfants de façon importante, chez le tiers de la population le moins aisé, seuls 30% des enfants intègrent des modes d’accueil dits « formels », crèches, halte-garderie ou assistantes maternelles, contre près de 60% pour l’ensemble de la population.

 

  • Les désavantages d’un milieu socio-économique moins favorisé se poursuivent à l’école. Les performances des élèves de 15 ans mesurées par l’OCDE dans les études PISA révèlent qu’en France, la part des élèves ayant de faibles compétences de compréhension des textes et des mathématiques atteint les 15%, soit parmi les plus élevées des pays de l’OCDE. L’influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE. Là encore, les disparités territoriales jouent un rôle important.

 


 

  • Le niveau d’éducation conditionne l’accès à l’emploi. Les jeunes sans formation et sans emploi représentent une part plus importante en France que la moyenne de l’Union européenne. Or l’insertion dans le marché du travail est très différente selon le niveau de qualification, avec une prime nettement plus élevée qu’ailleurs aux hauts diplômés. Les sortants du système éducatif avec un diplôme moyen de la filière générale (du secondaire ou post-secondaire non supérieur) ont un taux d’emploi, de 51%, parmi les plus faibles de l’Union Européenne (seules l’Italie et la Grèce font pire).

 

  • Le système de formation professionnelle ne permet pas de remédier à ces inégalités chez les moins qualifiés. La part élevée de jeunes peu qualifiés persiste à travers les générations et la part des adultes faiblement qualifiés est également parmi les plus élevées des pays de l’OCDE : la France se classe au 5ème rang des pays où les compétences des adultes sont les plus faibles. Ce qui n’est pas corrigé par l’accès à la formation professionnelle. Les peu diplômés ont 50% moins de chances d’avoir accès à une formation que les autres.


 

  • Les écarts de revenus reflètent les disparités d’accès au travail et la fiscalité. En France, le revenu des 20% les plus pauvres, comme le revenu disponible médian, n’a pas cru de 2008 à 2016. Le système d’allègement de cotisations sociales a certes permis de réduire de façon significative le coût du travail au niveau du SMIC mais les cotisations sociales continuent de peser lourdement au niveau du salaire médian.

 

  • Le système de redistribution corrige les inégalités les plus criantes mais bénéficie peu aux classes moyennes. Le système de redistribution en France est important et corrige


 

  • À ces écarts de distribution de revenus, il faut ajouter des dépenses contraintes de logement importantes. Les dépenses de logement constituent un poste de consommation majeur pour les ménages, et la part du logement dans la consommation des ménages en France est supérieure à la moyenne européenne.

 

Laurence Boone et Antoine Goujard concluent que « la redistribution par les impôts et les transferts sociaux soutient le niveau de vie des ménages les plus pauvres, mais ne corrige pas les disparités au sein du milieu de la distribution. Et surtout, elle ne suffit pas à contrer les inégalités des chances liées au milieu socio-économique ni les inégalités territoriales » . Ils estiment que « redonner la possibilité à chacun de réussir passera d’abord par une réforme du système éducatif, pour assurer que chaque enfant aura la chance de progresser grâce à l’enseignement, la formation, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie ; que chaque adulte qui a manqué une marche peut se rattraper ».

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