L’opinion publique, un terme polysémique
La difficulté première d’avoir à travailler sur le terme d’ « opinion publique » vient de la polysémie de l’expression. Celle-ci a en effet connu d’importants glissements sémantiques, qui affectent aussi les connotations y étant attachées.
De la fin du XVIème siècle au milieu du XVIIIème siècle, l’opinion publique se cantonne à l’examen et à l’appréciation de phénomènes privés (document 1). Elle revêt dès lors dans ces premiers temps une connotation largement péjorative, dont l’acception est assez proche de celle de « préjugé ».
Une rupture a lieu en France au milieu du XVIIIème siècle (document 1). L’opinion publique se met alors à désigner le jugement éclairé formulé de manière publique par une élite cultivée (philosophes, hommes de lettres par exemple), dans de nouveaux lieux de délibération et d’expression que sont les clubs, les salons, la presse. Cela ne vise plus les affaires privées, mais bien les manières de gouverner. Durant la seconde moitié du XVIIIème siècle et jusqu’au milieu du XIXème l’opinion populaire reste encore largement illégitime et la définition largement acceptée de l’opinion publique à l’époque la distingue de l’ « opinion commune » du Peuple, considérée alors comme inarticulée et pulsionnelle.
Il faut attendre la seconde partie du XIXème siècle pour que le terme d’opinion publique comme opinion du public -Peuple y compris- sur les questions politiques et d’intérêt public devienne recevable. Elle supplante l’acception élitiste de l’opinion publique dans les années 1950 (document 2).
Mesurer, convaincre, domestiquer l’opinion publique, un incontournable en démocratie
À mesure que le Peuple intervient de plus en plus en politique, et, plus particulièrement, depuis qu’il devient la source de la légitimité en démocratie, il apparaît de plus en plus nécessaire de se doter d’outils qui permettent de connaître ses inclinations, mais aussi, de développer des stratégies qui permettent d’emporter son assentiment (document 3).
En effet, face à l’extrême incertitude dans laquelle les hommes et femmes politiques se trouvent concernant la pérennité de leurs postes - puisque dépendant de l’issue d’élections régulières au suffrage universel- ils ressentent le besoin de se rassurer par le recours à des instruments de mesure des mouvements de l’opinion publique.
Les sondages, ou la fabrique d’un outil privilégié de mesure de l’opinion publique
Dans les années 1930, aux États-Unis, une poignée d’acteurs issus du monde du marketing commencent alors à développer une nouvelle technique, inspirée des études de marché : les sondages d’opinion.
Leur grande force est d’intégrer les avancées de la statistique. Ils sont ainsi basés sur l’idée d’interroger un échantillon représentatif de la population. Les techniques pour les sélectionner sont diverses et l’on peut schématiquement opposer deux méthodes (document 4). La première est celle de l’échantillonnage par quotas. Il s’agit de sélectionner un ensemble de critères supposés cruciaux (âge, genre, profession, niveau de diplôme par exemple) et de s’assurer que les individus constituant l’échantillon reproduisent « en miniature » la structure de la population globale pour ces critères. Cette technique a l’avantage d’être la plus facile et la moins coûteuse à mettre en place. Cependant, elle n’a pas la faveur des statisticiens, qui la jugent moins fiable que l’autre méthode, celle de l’échantillonnage aléatoire. Il s’agit ici de « tirer » au hasard, d’une base de données exhaustive de la population, un échantillon d’individus suffisamment grand pour qu’il assure la représentativité de la population globale, sans avoir à se préoccuper de déterminer au préalable des critères dont rien n’assure qu’ils soient véritablement déterminants dans la formulation des opinions des individus. Cette technique, qui donne des résultats statistiquement plus solides, reste parfois difficile à utiliser car lourde et supposant l’existence de ces fameuses listes de population.
La réussite politique et médiatique des sondages est telle qu’elle finit par délégitimer les apports d’autres techniques (document 5). Par ailleurs, les partisans des sondages les vantent comme permettant une revitalisation de la vie polique (document 9). En effet, en faisant intervenir régulièrement l’opinion supposée des citoyens dans le jeu politique, les sondages seraient un moyen de se rapprocher d’un idéal de démocratie directe. Ainsi, les citoyens auraient la possibilité de plus peser sur la sélection des gouvernants et de mieux contrôler l’action des gouvernants.
Un outil objet de nombreuses critiques
- Les sondages présentent en tout premier lieu un ensemble de limites techniques : constructions parfois défaillantes des échantillons (surtout quand il y a recours à la technique par quotas), sensibilité des réponses recueillies à la formulation des questions (type de questions, ordre des questions, personnalité de l’enquêteur), difficile prise en compte des non-réponses.
- En second lieu, les sondages recueillent une opinion publique « artificielle », qui n’existe pas « en soi » (document 6).
- Enfin, cette opinion publique sondagière génère des « effets de consensus », qui rendent particulièrement difficile de soutenir une opinion contraire à celle qui a été construite comme « dominante ». Cela perturbe le processus électoral en donnant certains candidats ou partis comme favoris ou perdants avant même le scrutin (document 7). Enfin, cela peut contribuer à la mise en place d’une « démocratie d’opinion » dans laquelle les gouvernants finiraient par ne prendre de décisions qu’en fonction des mouvements d’une opinion par essence très volatile (document 8).
Documents et exercices
Document 1. Quelques repères historiques sur la notion d’ « opinion publique »
"Cette recherche a mis en lumière la profonde transformation sémantique qui affecte la locution « opinion publique » à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle et l’évolution vers le politique d’un usage de la notion jusque-là circonscrit au domaine des comportements et des attitudes privés […]. Dans son acception première, à partir de la fin du XVIème siècle, la locution s’emploie en effet pour désigner l’ensemble des idées et des jugements partagés par un groupe social ou une partie de ce dernier […]. Dans le vocabulaire des Lumières, l’opinion publique renvoie encore largement à cette instance de contrôle social, juge de la conformité des mœurs […]. Le concept, associé à la tradition, à l’honneur, à l’estime, aux mœurs, aux préjugés s’emploie le plus souvent de manière péjorative […]. Ce n’est qu’à partir du milieu du XVIIIème siècle que cette juridiction civile et morale de l’opinion va s’étendre aux affaires publiques […]. En France, cette conception de l’opinion publique apparaît aux alentours de 1750 […]. L’opinion publique n’englobe pas le peuple, lequel reste la « multitude aveugle et bruyante »* […]. L’opinion publique ne désignerait alors que l’opinion de la fraction supérieure et « éclairée » de la société, distincte du reste du peuple incapable de raisonner et maintenu dans l’aveuglement et le préjugé depuis des siècles [...]"
Source : Loïc Blondiaux, La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages, 1998.
*Condorcet, Réflexions sur le commerce des blés, 1776
1-À quelle période historique apparaît la locution « opinion publique » selon Loïc Blondiaux ? Quel sens revêt-elle alors ?
2-Selon le texte, comment évolue la notion d’opinion publique à partir du milieu du XVIIIème siècle ?
Voir la correction
1-À quelle période historique apparaît la locution « opinion publique » selon Loïc Blondiaux ? Quel sens revêt-elle alors ?
Selon Loïc Blondiaux, la locution apparaît à la fin du XVIème siècle. Elle désigne à l’époque « l’ensemble des idées et des jugements partagés par un groupe social ou une partie de ce dernier », donc les normes et valeurs propres à un ensemble d’individus. Il s’agit d’une instance sociale permettant d’estimer la conformité des comportements privés à une morale donnée. Le concept revêt alors un caractère péjoratif, proche de celui de « préjugés ».
2-Selon le texte, comment évolue la notion d’opinion publique à partir du milieu du XVIIIème siècle ?
À partir du milieu du XVIIIème siècle, la notion d’opinion publique prend un tour plus positif. Elle désigne l’avis éclairé que la fraction la plus éduquée de la population émet, non plus uniquement sur les comportements privés, mais sur les « affaires publiques ». Cette opinion publique élitiste développe notamment une critique du pouvoir royal.
Document 2. Les mutations de l’opinion publique au cours du XIXème siècle
[…] Avec l’instauration du suffrage universel (masculin)* et le développement corrélatif, durant la deuxième moitié du XIXème siècle, de nouvelles formes d’actions collectives encadrées par des organisations « de masse » comme les partis politiques ou les syndicats, on assiste à une lente transformation de la notion d’ « opinion publique ». Jusqu’alors, celle-ci était de façon quasi exclusive celle d’une élite de citoyens, en principe les mieux informés et les plus qualifiés par leur intelligence et leur moralité, qui, après une discussion rationnelle, devaient faire entendre publiquement et faire respecter, face à l’ « opinion commune » et « vulgaire », une opinion autorisée, considérée comme intrinsèquement juste et dirigée vers le « bien commun » (l’universel). Cette opinion était « publique », en ce sens qu’elle avait vocation, du fait de sa valeur propre, à être rendue publique […]. À la fin du XIXème siècle, avec la multiplication des mouvements de masse et des manifestations de rue (liés notamment à l’urbanisation et à l’industrialisation), et surtout avec la diffusion d’une presse populaire et nationale, va surgir une autre « opinion publique », concurrente de la précédente, qui va coexister avec elle jusqu’au milieu du XXème siècle avant de la supplanter. Cette nouvelle opinion est également qualifiée de « publique », mais dans un autre sens, qui est comme appelé par la logique démocratique : c’est, apparemment du moins, l’opinion du public lui-même.
Source : Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, 2015 (1ère édition 1990).
*Proclamé et utilisé pour la première fois en 1848 en France
1-Selon le texte, comment se transforme le concept d’opinion publique au cours du XIXème siècle ?
2-Comment Patrick Champagne explique-t-il cette évolution ?
3-À partir des documents 1 et 2, complétez le tableau suivant :
*Plusieurs définitions concurrentes de l’opinion publique peuvent coexister à certaines périodes historiques !
Voir la correction
1-Selon le texte, comment se transforme le concept d’opinion publique au cours du XIXème siècle ?
Au cours du XIXème siècle, la notion d’opinion publique se démocratise. Elle continue de désigner les jugements émis sur la conduite des affaires publiques. Cependant, elle n’est plus cantonnée aux seuls avis de l’élite « éclairée » et commence à s’entendre comme l’opinion de la population comprise dans sa globalité.
2-Comment Patrick Champagne explique-t-il cette évolution ?
Patrick Champagne explique cette évolution par la démocratisation politique générale qui s’opère au XIXème siècle. Le Peuple se voit accorder la possibilité d’une expression politique (instauration du suffrage universel, développement des partis de masse, développement d’actions collectives). La parole du Peuple commence à revêtir une forme de légitimité politique (voire même, à devenir progressivement la source ultime de la légitimité démocratique).
3-À partir des documents 1 et 2, complétez le tableau suivant :
Document 3. De l’intervention de l’opinion publique « populaire » en politique : l’exemple de l’affaire Dreyfus
Il ne s’agit pas ici de refaire l’histoire de l’affaire Dreyfus mais de comprendre pourquoi le recours à la mobilisation de l’opinion publique a été la seule issue à l’impasse dans laquelle se trouvaient les premiers partisans de Dreyfus […]. Les révisionnistes1 ont pris conscience que, pour faire sauter le couvercle sur lequel appuient conjointement le gouvernement, la presse, l’Église et l’Armée, il faut un moyen révolutionnaire, le scandale de J’accuse, le passage d’une logique de petit groupe à une logique collective, la transformation de l’affaire en Cause […]. Le procès qui résulte de J’accuse a plusieurs vertus. Celle d’envahir l’actualité journalistique […] avec comme conséquence le passage d’une vérité officielle indiscutée à un débat contradictoire au grand jour […]. Parallèlement […] le cercle des partisans de Dreyfus passe d’un fonctionnement « clubiste »2 à une logique démocratique avec la fondation de la Ligue des droits de l’homme en février 1898, structure d’accueil ouverte pour rassembler de nouveaux partisans de la cause […]. Au-delà de la presse, d’autres méthodes de lutte démocratique sont donc nécessaires. Mais là encore l’agitation de rue est largement le fait majoritaire des antidreyfusards […]. En revanche, plus confiants dans la raison raisonnante, les dreyfusards tiennent à défaut du haut du pavé, le sommet de l’estrade avec leurs multiples meetings, lieux de discussion et de conversion […]. Le changement d’échelle de l’action publique se manifeste, en dehors des moyens évoqués plus haut, par l’utilisation, jamais pratiquée à cette échelle […] des pétitions publiées dans les journaux […]. Le côté rituel qu’a pris depuis […] ce procédé de prise à témoin de l’opinion ne doit pas masquer le caractère inédit et partiellement révolutionnaire de ce retour précisément à la tradition révolutionnaire.
Source : Christophe Charle, « Naissance d’une cause. Mobilisation de l’opinion publique pendant l’affaire Dreyfus », Politix, revue des sciences sociales du politique, 1991.
1Révisionnistes : ici, partisans d’une révision du procès de Dreyfus. Les révisionnistes sont donc dans le cas présent les partisans d’une réhabilitation du capitaine Dreyfus.
2 « Clubiste » : « de club ». Ici, cela signifie que les partisans de Dreyfus fonctionnaient au début comme une petite société fermée et élitiste.
1-À partir de l’extrait de l’émission Karambolage d’Arte en date du 3 mai 2017 (https://www.youtube.com/watch?v=OMvo2PX4_l0), retracez la chronologie de l’affaire Dreyfus
2-Selon le reportage et le texte, que voulaient obtenir les dreyfusards ? Pourquoi leur était-il nécessaire de mobiliser l’opinion publique afin d’y parvenir ? S’agissait-il de l’opinion publique entendue comme opinion des individus les plus éclairés, ou de l’opinion publique entendue comme opinion du plus grand nombre ?
3-Relevez dans le texte comment l’opinion publique a été mobilisée durant l’affaire Dreyfus.
4-Selon vous, pourquoi, en démocratie, est-il devenu légitime d’en appeler à l’opinion publique (au sens d’ « opinion du Peuple ») ?
Voir la correction
1-À partir de l’extrait de l’émission Karambolage d’Arte en date du 3 mai 2017 (https://www.youtube.com/watch?v=OMvo2PX4_l0), retracez la chronologie de l’affaire Dreyfus
Frise chronologique à faire faire par les graphistes ? Inclure les dates suivantes :
27/09/1894 : Découverte à l’ambassade d’Allemagne du « bordereau » faisant état de fuites au ministère des Armées au profit d’une puissance étrangère
15/10/1894 : Arrestation du capitaine Dreyfus, stagiaire à l’état-major des Armées
29/10/1894 : La Libre Parole, journal antisémite, diffuse l’information de l’arrestation d’un officier français
19-21/12/1894 : Procès du capitaine Dreyfus devant le Conseil de guerre
22/12/1894 : Condamnation du capitaine Dreyfus à la dégradation et à la déportation à perpétuité au bagne de Cayenne
05/01/1895 : Dégradation du capitaine Dreyfus dans la cour de l’École militaire
1895 : Enquête du lieutenant-colonel Picquart qui conclut à la culpabilité du commandant Esterhazy
13/01/1898 : Publication par Émile Zola de J’accuse dans le journal L’Aurore
07/08/1899 : Ouverture du procès en révision à Rennes. Nouvelle condamnation de Dreyfus
21/09/1899 : Grâcié, Dreyfus sort de prison
1906 : Réhabilitation d’Alfred Dreyfus
2-Selon le reportage et le texte, que voulaient obtenir les dreyfusards ? Pourquoi leur était-il nécessaire de mobiliser l’opinion publique afin d’y parvenir ? S’agissait-il de l’opinion publique entendue comme opinion des individus les plus éclairés, ou de l’opinion publique entendue comme opinion du plus grand nombre ?
Les dreyfusards cherchaient à obtenir la révision du procès initial et la réhabilitation du capitaine Dreyfus. Il leur était nécessaire d’en appeler à l’opinion publique car les pouvoirs politique et militaire étaient hostiles à leurs revendications et faisaient donc obstacle à leurs demandes. Les dreyfusards tentent de mobiliser l’opinion publique entendue au sens large, comme « opinion du public » et non pas comme l’opinion d’une élite.
3-Relevez dans le texte comment l’opinion publique a été mobilisée durant l’affaire Dreyfus.
L’opinion publique a été avant tout mobilisée par le biais de la presse, que ce soit celle hostile à Dreyfus ou celle qui lui était favorable. Elle prend aussi la forme de manifestations de rue ou de pétitions. Par ailleurs, les dreyfusards se structurent aussi en mouvement grâce à la fondation de la Ligue des droits de l’homme.
4-Selon vous, pourquoi, en démocratie, est-il devenu légitime d’en appeler à l’opinion publique (au sens d’ « opinion du Peuple ») ?
Les démocraties représentatives sont basées sur le principe d’une participation des citoyens à la prise de décision, notamment par le biais d’élections au suffrage universel. Obtenir la majorité des suffrages populaires devient le seul moyen d’accès légitime aux positions de pouvoir en démocratie. De ce fait, recueillir l’assentiment du public devient une nécessité pour mener à bien l’action politique.
Document 4. Une technique particulière de saisie de l’opinion publique : les sondages
Le sondage est l’unique moyen dont on dispose pour produire une mesure quantitative des phénomènes sociaux : caractéristiques d’une population, de ses pratiques, de ses croyances, de ses orientations ou de ses opinions. Il se fonde sur un principe d’échantillonnage.
Il s’agit, en effet, d’obtenir des connaissances sur cette population à partir de l’étude d’une petite partie de celle-ci dûment sélectionnée de manière à en constituer un échantillon représentatif. Ce que l’on observe alors sur cet échantillon doit pouvoir être généralisé à l’ensemble de la population concernée. On peut distinguer deux grandes méthodes d’échantillonnage :
- L’échantillonnage aléatoire: il procède d’une sélection des membres de l’échantillon par tirage au sort. Permettant de calculer une marge d’erreur statistique, elle est la plus fiable scientifiquement, et ce d’autant plus que la taille de l’échantillon est importante. Mais, pour cette dernière raison, elle est aussi la plus lourde à mettre en œuvre
- La méthode « par quotas » : l’échantillon est sélectionné en fonction de sa représentativité. Il doit, dans cette mesure, refléter le plus fidèlement possible les caractéristiques considérées comme fondamentales de la population étudiée en terme d’âge, de sexe, de catégories socioprofessionnelles… (la liste peut être allongée en fonction de l’enquête réalisée). La méthode des quotas se fonde sur des échantillons plus restreints. Elle est donc moins coûteuse (ce qui explique qu’elle soit utilisée par les instituts de sondage). Mais elle également moins rigoureuse scientifiquement […].
Source : Jean-Yves Dormagen, Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, 2011 (3ème édition).
-
Selon le texte, en quoi consiste un sondage ?
-
À partir du document, remplissez le tableau suivant :
Voir la correction
1. Selon le texte, en quoi consiste un sondage?
Il s’agit d’une technique consistant à sélectionner un échantillon représentatif d’une population, à en étudier les caractéristiques et à en inférer celles de l’ensemble de la population concernée.
2. À partir du document, remplissez le tableau suivant :
Document 5. Les sondages d’opinion et les autres manières de « faire parler » l’opinion
Cette réflexion porte en son point de départ une question unique. Elle s’est donné pour objet de comprendre et d’expliquer le processus par lequel s’est constitué historiquement un quasi-monopole de l’énonciation de l’opinion publique par les sondages d’opinion dans les démocraties occidentales […]. Certes, un constat aussi massif doit être nuancé : le droit de faire parler l’opinion reste ouvert et en coexistent différents modes d’énonciation dans la société. Entre l’éditorialiste qui la fait intervenir à tout propos et sans médiation sous sa plume et le sondeur qui, l’ayant capturée dans ses tableaux, dénie à tout autre le droit d’en parler ; entre l’élu qui se reconnaît un droit particulier à parler en son nom et l’historien qui, au terme d’une reconstitution savante, la fait revivre pour une période donnée en assemblant des indices, des fragments et des preuves diverses ; entre le journaliste qui s’efforce de faire parler une « majorité silencieuse » à partir de quelques interviews glanées ici et là sur un trottoir et le porte-parole de tel groupe d’intérêts qui affirme, preuves à l’appui, que l’opinion publique est à ses côtés, peut-il s’agir de la même opinion publique que l’on reconstruit, met en scène et fait agir ? [Mais] la confrontation de l’opinion publique « sondagière » à d’autres constructions de l’opinion publique, élaborées selon d’autres procédures, a toute chance de tourner à l’avantage de la première.
Source : Loïc Blondiaux, La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages, 1998.
1-À partir des informations données par le texte, identifiez des techniques de recueil de l’opinion publique qui ne sont pas les sondages.
2-Connaissez-vous encore d’autres façons de recueillir l’opinion publique que celles évoquées dans le texte ?
3-Selon le texte, quel est le statut des sondages par rapport à ces autres méthodes ?
Voir la correction
1-À partir des informations données par le texte, identifiez des techniques de recueil de l’opinion publique qui ne sont pas les sondages.
- L’enquête journalistique sous forme d’interviews
- Les contacts avec la population de l’homme ou de la femme politique
- Les informations « de terrain » recueillies par le porte-parole d’un groupe d’intérêt (informations « remontées » par les militants, éventuelles pétitions, nombre de participants recensés lors d’une action, par exemple une manifestation)
- Le travail sur archives de l’historien, à partir de matériaux comme par exemple la presse
Document 6. L’opinion publique comme artefact des sondages
[…] Il convient de s’arrêter quelques instants sur les critiques qui se sont développées à l’endroit des sondages, à mesure que ceux-ci acquéraient une place plus importante dans la société […]. Loïc Blondiaux [1997] identifie quatre critères sur lesquels se fondent ces critiques.
Le premier est un critère de « rationalité ». Il s’agit de considérer que l’opinion publique devrait être une opinion éclairée, parfaitement informée et donc apte à s’exprimer. À l’inverse, les sondages consisteraient à poser des questions à des personnes n’y ayant jamais réfléchi préalablement et ne pouvant donc avoir aucune « opinion » en la matière […].
Le second point est un critère de « publicité ». Selon les tenants de cette position, l’opinion publique est le produit d’un processus collectif, qui prend forme au cours de l’échange, de la confrontation. En ce sens, l’opinion publique ne peut être assimilée à la somme des opinions individuelles […].
Le troisième critère porte sur la dimension « d’effectivité ». Selon cet argument […], il est absurde d’additionner des opinions individuelles en partant du principe que chacune de ces opinions a la même valeur, dans la mesure où la société est traversée en permanence par des luttes et des rapports de force, qui donnent un poids inégal à chaque opinion exprimée […].
Enfin, dernier critère : celui « d’authenticité ». Dans ce dernier cas, il est reproché aux sondages de se présenter comme l’expression d’une opinion spontanée, alors qu’elle est en réalité sollicitée, produite par le sondeur. Le politiste Benjamin Ginsberg [1986] dénonce ainsi une utilisation politique du sondage, qui devient un moyen d’invisibiliser d’autres formes d’expression (comme la manifestation ou la grève par exemple) et ainsi de délégitimer l’action militante.
Source : Hugo Touzet, « Connaître et mesurer l’opinion publique : utilité et limites des sondages », site de l’École Normale Supérieure de Lyon, http://ses.ens-lyon.fr/articles/connaitre-et-mesurer-lopinion-publique-utilite-et-limites-des-sondages, [consulté le 09/09/2019].
1-Résumez les informations fournies par le texte sous forme de schéma.
2-Expliquez le titre donné au document.
: Hugo Touzet, « Connaître et mesurer l’opinion publique : utilité et limites des sondages », site de l’École Normale Supérieure de Lyon, http://ses.ens-lyon.fr/articles/connaitre-et-mesurer-lopinion-publique-utilite-et-limites-des-sondages, [consulté le 09/09/2019].
1-Résumez les informations fournies par le texte sous forme de schéma.
2-Expliquez le titre donné au document.
Voir la correction
1-Résumez les informations fournies par le texte sous forme de schéma.
2-Expliquez le titre donné au document.
Un « artefact » désigne un phénomène produit par l’action humaine. En l’occurrence, il s’agit de montrer ici que les sondages contribuent à fabriquer une opinion, à la faire artificiellement émerger, sans que celle-ci n’ait réellement les caractéristiques de l’opinion publique telle qu’elle devrait être : rationnelle, délibérative, effective et authentique.
Document 7. Les sondages perturbent-ils le processus électoral ?
[…] Un consensus apparaît au fil des ans pour reconnaître que les sondages produisent bel et bien, selon les contextes et les calendriers, des effets particuliers [...]. Plusieurs polémiques ont relancé ce débat au cours de la dernière décennie ; trois d’entre elles peuvent être ici rappelées.
En premier lieu, beaucoup ont considéré que les sondages étaient pour partie responsables de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles de 2002. Cette présence tiendrait à la dispersion des voix parmi les candidats de gauche, qui pourrait elle-même s'expliquer largement par la certitude de voir Lionel Jospin accéder au second tour, compte tenu des sondages qui le mettaient loin devant Jean-Marie Le Pen, sauf les deux derniers jours avant l'interdiction de publication des sondages électoraux. Autrement dit, certains observateurs politiques considèrent que les sondages ont biaisé le processus électoral et qu'en leur absence, Lionel Jospin aurait recueilli davantage de voix que le candidat du Front national.
En second lieu, comme l'ont souligné les représentants de la commission des sondages lors de leur audition, les sondages ont joué un rôle déterminant en 2005 au moment de la campagne sur le référendum portant sur l'approbation du projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le premier sondage donnant le « non » vainqueur, bien que ne présentant pas, selon la commission, un caractère statistiquement significatif, aurait créé un effet d'entraînement auto-réalisateur : à partir du moment où la victoire du « non » étant présentée comme possible, on peut penser qu'elle a « décomplexé » ses partisans et entraîné un mouvement de confirmation irréversible. Là encore, on peut estimer que le « non » ne l'aurait peut-être pas emporté en l'absence de sondages.
Enfin, on a pu observer un phénomène similaire, en 2006-2007, lorsque les sondages ont, pour la première fois, révélé que la candidature de Ségolène Royal à l'élection présidentielle était jugée parfaitement crédible par l'opinion. Ces premiers sondages ont probablement, comme pour le référendum européen de 2005, déclenché un mouvement mobilisateur qui a joué en faveur de cette candidate, lors des élections primaires organisées au sein du parti socialiste.
On pourrait multiplier les exemples. Il apparaît dans ce contexte nécessaire de veiller, dans le respect de la liberté d'expression, à ce que les sondages n'altèrent pas la sincérité du débat électoral.
Source : Sénat, Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique, rapport d’information n °54, déposé le 20 octobre 2010. Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/r10-054/r10-054_mono.html#toc25 [consulté le 18/09/2019]
1-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de l’élection présidentielle de 2002 ?
2-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ?
3-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de la campagne présidentielle en 2006-2007 ?
4-Déduisez des réponses aux trois premières questions quelles sont les conséquences des sondages sur les comportements des électeurs.
Voir la correction
1-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de l’élection présidentielle de 2002 ?
Les sondages pré-électoraux tendaient à faire penser que la victoire de Lionel Jospin était acquise. Cela a pu conduire certains électeurs de gauche à ne pas voter, au premier tour, pour Lionel Jospin, pensant qu’il serait de toute manière présent au second. De ce fait, les voix de ces électeurs se sont dispersées au premier tour entre les nombreux candidats de gauche, aboutissant in fine à l’élimination du candidat censément favori des sondages, dès le premier tour.
2-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ?
Les sondages auraient « créé un effet d’entraînement auto-réalisateur ». En laissant à penser que le « non » au référendum pouvait l’emporter, cela aurait contribué à motiver les partisans de cette option à voter (qui se seraient peut-être abstenus si la victoire du « oui » avait été considérée comme inéluctable).
3-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de la campagne présidentielle en 2006-2007 ?
Les sondages d’opinion ont montré, avant même l’organisation des élections primaires du parti socialiste, que la candidature de Ségolène Royal semblait recueillir le soutien d’une partie non négligeable de l’opinion. Cela aurait contribué à lancer une dynamique favorable à
la candidature de Ségolène Royal à l’investiture du parti socialiste et aurait favorisé sa victoire.
4-Déduisez des réponses aux trois premières questions quelles sont les conséquences des sondages sur les comportements des électeurs.
Les sondages peuvent :
- opérer une présélection des candidats à une élection en « hiérarchisant » les personnalités politiques par ordre de préférence supposé des citoyens.
- générer des effets de mobilisation électorale en faveur d’un(e) candidat(e) ou d’une option politique (par exemple l’issue d’un référendum) montré(e) comme pouvant l’emporter.
- générer des effets de démobilisation électorale lorsqu’un(e) candidat(e) ou une option politique est supposée l’emporter facilement.
Document 8. Sondages et communication politique
Loin d’être de purs observateurs neutres du champ politique qui délivreraient modestement le résultat de leurs enquêtes, les sondeurs revendiquent le monopole de la connaissance scientifique de la volonté populaire. Faire l’opinion* a ajouté à la critique du sondage faite par Bourdieu l’analyse de l’insertion de cette technologie dans le fonctionnement du champ politique, montrant que le champ du pouvoir s’était restructuré autour de deux nouveaux acteurs : la télévision et les sondeurs […]. Dans les coulisses comme sur le devant de la scène où s’affrontent des leaders politiques devant de vastes auditoires de téléspectateurs s’agitent désormais nombre d’agents qui contribuent à faire le spectacle, depuis les commentateurs traditionnels tels que les éditorialistes et les hommes politiques jusqu’à ces nouveaux venus que sont les politologues, les conseillers en communication et, bien sûr, les sondeurs. Cette médiatisation de la politique et son accompagnement par les sondages ont tendanciellement eu pour effet de redéfinir ce qu’on met sous l’expression « faire de la politique » qui consiste de plus en plus en l’art d’utiliser un ensemble de techniques mises au point par des spécialistes en communication et en sondages qui sont destinées à agir sur des électeurs placés en position de spectateurs afin de produire des effets d’opinion mesurés par les entreprises de sondage.
Source : Patrick Champagne, « Faire l’opinion 20 ans après », in Alain Garrigou (dir.), Critique des sondages, actes du colloque éponyme du 5 novembre 2011.
*Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, 1990.
1-Selon le texte, qu’appelle-t-on « médiatisation de la politique » ?
2-Pourquoi les sondages contribuent-ils à la médiatisation de la politique ?
3-Selon le texte, quel avantage les sondages ont-ils sur les autres manières de connaître l’opinion publique ?
4-Selon le texte, quels agents la médiatisation de la politique contribue-t-elle à faire émerger ? Pourquoi ?
Voir la correction
1-Selon le texte, qu’appelle-t-on « médiatisation de la politique » ?
La « médiatisation de la politique » désigne l’importance croissante que prennent les médias d’opinion et d’information dans le fonctionnement du champ politique. Les médias deviennent à la fois une ressource du jeu politique, mais aussi contraignent le personnel politique à la prise en compte de la dimension médiatique de leurs actions.
2-Pourquoi les sondages contribuent-ils à la médiatisation de la politique ?
Les sondages contribuent à la médiatisation de la politique car ils soumettent le personnel politique au jugement permanent de l’opinion publique. La recevabilité politique de leurs actions ou de leurs programmes est évaluée à l’aune des résultats des sondages. De même, la crédibilité-même de leur personnalité est elle aussi jaugée par cet outil. Les sondages obligent donc les hommes et femmes politiques à un travail constant sur leur image.
3-Selon le texte, quel avantage les sondages ont-ils sur les autres manières de connaître l’opinion publique ?
Selon le texte, les sondages ont pour avantage sur les autres manières de connaître l’opinion publique la scientificité supposée de leur méthodologie et donc le caractère difficilement critiquable, dans une société qui valorise le discours scientifique, de leurs résultats.
4-Selon le texte, quels agents la médiatisation de la politique contribue-t-elle à faire émerger ? Pourquoi ?
Selon le texte, la médiatisation de la politique contribue à faire émerger trois types d’intervenants nouveaux. Il y a les sondeurs, qui produisent les sondages dont sont friands les médias, mais aussi les hommes et femmes politiques eux-mêmes. Il y a aussi les politologues, considérés comme scientifiquement légitimes à commenter les résultats des sondages et que la multiplication de ces derniers contribue à installer comme des intervenants réguliers du commentaire de la vie politique. Il y a enfin les conseillers en communication, qui aident le personnel politique à travailler son image, de manière notamment à renvoyer une image positive qui sera ensuite potentiellement validée par les résultats des sondages.
Document 9. Les sondages, alliés de la démocratie ?
De ce point de vue, il est logique de voir dans les sondages un facteur de renforcement de la démocratie, car ils permettent théoriquement de réaliser le vieux rêve de la démocratie directe, celle où la volonté des citoyens peut être connue à tout moment et donc doit être prise en compte en permanence par les gouvernants. Selon cette conception, les sondages contribueraient à mettre au centre du jeu politique l’opinion et la volonté des citoyens. Ils donneraient, entre autres, la possibilité aux citoyens d’intervenir à plusieurs niveaux :
-tout d’abord, dans la sélection des gouvernants, puisque les candidats aux élections sont désormais (et de plus en plus) choisis en fonction de leur cote de popularité, laquelle est établie par les sondages [...].
-ensuite, en les éclairant sur les rapports de forces entre les différents candidats, les sondages permettraient aux électeurs de mieux mesurer les effets de leurs choix et donc de voter de façon plus rationnelle et efficace. Dans cette optique, les sondages favoriseraient également le contrôle des gouvernants puisqu’ils permettraient de faire connaître à tout moment les attentes et les réactions des citoyens [...]. Ils obligeraient ainsi les gouvernants à prendre en compte la volonté populaire, les responsables politiques pouvant difficilement mener des politiques qui seraient très massivement rejetées dans l’opinion [...].
-enfin, ils favoriseraient également le respect de l’opposition, puisqu’ils rappelleraient, en permanence, à la majorité gouvernementale que l’ensemble des citoyens ne partage pas les décisions adoptées. Ils joueraient donc également un rôle de contre-pouvoir.
Source : Jean-Yves Dormagen, Daniel Mouchard, Introduction à la sociologie politique, 2011 (3ème édition).
1-Qu’appelle-t-on « démocratie directe » ?
2-Résumez sous forme de carte mentale comment, selon le texte, les sondages favoriseraient l’intervention des citoyens dans le jeu politique.
Voir la correction
1-Qu’appelle-t-on « démocratie directe » ?
La démocratie directe désigne une forme d’organisation d’un régime politique dans lequel le Peuple prend les décisions politiques lui-même, sans passer par l’intermédiaire de représentants. En ce sens, la démocratie directe s’oppose à la démocratie représentative, dans laquelle les citoyens délèguent leur capacité à prendre des décisions politiques à des mandataires élus.
2-Résumez sous forme de carte mentale comment, selon le texte, les sondages favoriseraient l’intervention des citoyens dans le jeu politique.
Document 10. Une importance à nuancer ?
Prendre en compte ne signifie pas, aujourd’hui, suivre aveuglément les sondages, pour deux raisons. En premier lieu, les hommes politiques ont appris à domestiquer la technique du sondage et savent plus ou moins que ces enquêtes livrent des chiffres bruts qui demandent à être décodés, et qui le sont à leur risques et périls. Cela ne signifie pas qu’ils ne font plus les mêmes erreurs d’interprétation, mais que, à l’usage, après certaines expériences désagréables, ils apprennent à mieux s’en servir. Et s’ils ne peuvent plus s’en passer, c’est parce que les incertitudes inhérentes à la lutte politique dans les régimes démocratiques, lutte qui est en permanence placée sous la dépendance des aléas électoraux, incitent les hommes politiques à voir, dans cette technique, un moyen certes moyennement fiable, pour se repérer par rapport à ce que semblent vouloir leurs électeurs [...]. Par ailleurs, la publication régulière dans la presse de sondages portant sur les intentions de vote et sur l’opinion publique oblige les acteurs politiques, qu’ils y croient ou non, à les prendre en compte et à mener la lutte sur ce front spécifique avec l’aide de leurs conseillers en communication. Il ne s’agit plus, en ce cas, de savoir ce que disent les sondages pour savoir quelle décision doit être prise mais de prendre une décision et de chercher les moyens - pour l’essentiel médiatiques - à utiliser pour que les sondages réalisés par la suite paraissent indiquer une approbation, par l’opinion publique, des décisions ainsi prises. Les politiques, loin de suivre les sondages, cherchent non pas à manipuler les enquêtes ou les enquêteurs mais ce qu’ils vont recueillir avec leur dispositif.
Source : Patrick Champagne, « Le sondage et la décision politique », Revue Projet, 01/04/2001, disponible sur https://www.revue-projet.com/articles/2001-4-le-sondage-et-la-decision-politique/7480 [consulté le 18/09/2019].
1-Quelles caractéristiques des régimes démocratiques expliquent, selon Patrick Champagne, la forte dépendance des hommes et femmes politiques aux sondages ?
2-En quoi le texte amène-t-il à nuancer l’idée selon laquelle les hommes et femmes politiques prennent leurs décisions en fonction des sondages ?
Voir la correction
1-Quelles caractéristiques des régimes démocratiques expliquent, selon Patrick Champagne, la forte dépendance des hommes et femmes politiques aux sondages ?
En démocratie, le personnel politique est placé dans une situation de forte incertitude : l’accession et le maintien aux postes de pouvoir politique sont conditionnés par la victoire aux élections. La thèse Patrick Champagne est que le sondage est une technique permettant aux hommes et femmes politiques de se rassurer, de mieux évaluer le risque électoral, de mieux repérer quelles sont les attentes des électeurs.
2-En quoi le texte amène-t-il à nuancer l’idée selon laquelle les hommes et femmes politiques prennent leurs décisions en fonction des sondages ?
Selon Patrick Champagne, les hommes et femmes politiques font preuve d’une certaine distance critique vis-à-vis des résultats publiés par les sondages. Ils n’en font pas la boussole exclusive de leur action. Par contre, la publication régulière de sondages amène le personnel politique à se préoccuper de la réception que fait le public de leurs décisions. De ce fait, il ne s’agit pas pour les hommes et femmes politiques de modeler leur comportement pour se conformer aux attentes supposées des citoyens telles qu’elles seraient recueillies par les sondages. Il s’agit plutôt de trouver un moyen de faire en sorte que leurs initiatives soient perçues le plus positivement possible par les citoyens, de manière à ce que les sondages enregistrent un soutien à celles-ci, en quelque sorte ex post. Le sondage ne précède pas la décision politique, mais la décision politique est élaborée de manière à susciter l’adhésion.
Exercice 2. Effet « bandwagon » et effet « underdog »
Quels sont les effets des sondages sur une élection ?
Les études sociologiques menées aux Etats-Unis indiquent que les sondages peuvent avoir deux effets. D’abord, un effet bandwagon qui renforce le candidat donné en tête. Auréolé de son statut de leader, celui-ci parvient à attirer de nouveaux électeurs qui, par conformisme, veulent suivre le plus fort [...]. Mais il existe aussi l’effet inverse avec l’effet underdog. Là, le candidat qui est donné battu suscite la compassion de certains électeurs qui vont alors rallier son camp.
Les sondages influencent donc bien le comportement des électeurs ?
En théorie. Mais ces effets bandwagon et underdog ne sont pas mesurables... De plus, le fait d’aller consulter un sondage suppose un intérêt pour la politique, ce qui est assez minoritaire en France. Les électeurs qui s’intéressent le plus à la politique sont ceux qui sont le moins susceptibles de changer d’avis. En revanche, les sondages influencent énormément les hommes politiques et les journalistes. Prenons le cas d’Alain Juppé [NDLR : à l’époque de l’entretien, il était pressenti pour se présenter à la primaire de la droite et du centre] : les multiples ralliements opportunistes qu’il enregistre ces derniers jours ont beaucoup à voir avec la place qu’il occupe dans les sondages, où il dépasse largement Nicolas Sarkozy. Les journalistes, quant à eux, se basent sur les enquêtes pour opérer inconsciemment un « cercle des éligibles ». La majorité de leurs articles sera focalisée sur les favoris, réduisant de fait la portée médiatique des autres candidats. Les sondages influencent avant tout le cercle politico-médiatique qui, lui, va influencer les électeurs. Le processus est tout à fait indirect.
Source : entretien avec Patrick Lehingue, professeur de science politique spécialiste des sondages, « Les sondages font de l’élection un simple casting présidentiel », Marianne, 24 octobre 2016, https://www.marianne.net/politique/les-sondages-font-de-l-election-un-simple-casting-presidentiel [consulté le 10/10/2019]
1-En quoi consiste l’effet « bandwagon » ?
2-En quoi consiste l’effet « underdog » ?
3-Comment Patrick Lehingue nuance-t-il l’impact des effets « bandwagon » et « underdog » sur les résultats des élections ?
Voir la correction
1-En quoi consiste l’effet « bandwagon » ?
Il s’agit d’un effet de mobilisation des électeurs en faveur d’un candidat ou d’un parti désigné par les sondages comme favori.
2-En quoi consiste l’effet « underdog » ?
Il s’agit d’un effet de mobilisation des électeurs en faveur d’un candidat ou d’un parti désigné par les sondages comme perdant.
3-Comment Patrick Lehingue nuance-t-il l’impact des effets « bandwagon » et « underdog » sur les résultats des élections ?
Pour Patrick Lehingue, les sondages n’ont pas de réels effets directs sur le positionnement des électeurs car peu de citoyens se préoccupent, dans la réalité, des résultats des sondages publiés. Ceux qui le font sont souvent les mieux dotés en compétences politiques, soit, les moins influençables. Par contre, Patrick Lehingue montre que les résultats des sondages sont scrutés de très près par le personnel politique et les médias. Or, quand un candidat ou un parti est en tête des sondages, cela peut générer des ralliements et une meilleure exposition médiatique. En quelque sorte, les sondages impriment une certaine dynamique, notamment médiatique, qui peut avoir in fine des effets sur les électeurs (un candidat ou un parti mieux exposé médiatiquement est susceptible d’engranger plus de soutiens).
Exercice 3. L’influence de la formulation des questions d’un sondage sur les résultats obtenus
Quel est l'impact de la formulation des questions sur les résultats d'un sondage ? Pour le mesurer, l'équipe d'Envoyé spécial a commandé une enquête d'opinion sur les préoccupations des Français pour l'élection présidentielle de 2017 à l'entreprise belge Dedicated.
Sur chaque thème, les questions sont formulées de deux façons différentes pour voir si cela oriente les réponses. « On va avoir deux échantillons de 1 000 personnes qui vont présenter un profil tout à fait comparable. Nous poserons à un échantillon la formulation 1, à l'autre la formulation 2 des différentes questions. Et puis, on les comparera. On verra s'il y a des écarts », explique Marc Dumoulin, de Dedicated [...].
Les résultats sont éclairants. La première question, sur l'accueil des migrants, est formulée de ces deux façons-là :
• A - Êtes-vous personnellement pas du tout favorable, plutôt peu favorable, plutôt favorable, tout à fait favorable à l’accueil par la France de milliers de migrants en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique ?
• B - Êtes-vous personnellement pas du tout favorable, plutôt peu favorable, plutôt favorable, tout à fait favorable à l’accueil par la France de familles de réfugiés (hommes, femmes, enfants) qui fuient la guerre et les massacres en cours dans leur pays d’origine ?
[...] La première formulation récolte beaucoup plus de réponses défavorables (64 %) que la seconde (47 %).
Sur la question de la Sécurité sociale, les deux formulations donnent des résultats opposés :
• A - Êtes-vous personnellement pas du tout favorable, plutôt peu favorable, plutôt favorable, tout à fait favorableà la réduction des dépenses de la Sécurité sociale parce que son déficit serait trop important (en l’occurrence, un déficit de 3,4 milliards d’euros) ?
• B - Êtes-vous personnellement pas du tout favorable, plutôt peu favorable, plutôt favorable, tout à fait favorable à une diminution des remboursements de certains médicaments et de certains soins médicaux pour assainir le déficit de la Sécurité sociale ?
La formulation A recueille 46 % d'opinions défavorables, contre 71 % pour la seconde.
Au final, sur les cinq sujets abordés, les opinions des Français sondés changent trois fois : les migrants, la Sécurité sociale et les fonctionnaires. Mais sur la légalisation du cannabis et le port du burkini, les Français sont contre quelle que soit la formulation de la question.
Source : « Envoyé Spécial : comment la formulation des questions influence les sondages », francetvinfo.fr. Disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/video-envoye-special-comment-la-formulation-des-questions-influence-les-sondages_2144302.html [consulté le 10/10/2019]
1-Pourquoi l’expérience menée par l’équipe d’Envoyé Spécial remet-elle en question la fiabilité des résultats obtenus par les sondages d’opinion ?
2-Pourquoi la formulation de la phrase soulignée est-elle contestable ?
Voir la correction
1-Pourquoi l’expérience menée par l’équipe d’Envoyé Spécial remet-elle en question la fiabilité des résultats obtenus par les sondages d’opinion ?
En montrant que la formulation des questions a un impact sur les opinions recueillies, l’équipe d’Envoyé Spécial souligne que l’opinion publique telle qu’elle est mesurée par les sondages est en fait très volatile et peut être sujette à des manipulations. Cela remet en cause la légitimité de l’opinion publique sondagière à servir de base à la prise de décision politique.
2-Pourquoi la formulation de la phrase soulignée est-elle contestable ?
Il est maladroit de conclure de l’interrogation d’un échantillon de 1 000 personnes (avec toutes les limites que présentent les techniques de construction de ceux-ci) l’opinion des Français dans leur ensemble. Il s’agit d’un biais médiatique courant que d’inférer d’un sondage l’opinion supposée de l’ensemble de la population.
Sujet type bac : raisonnement appuyé sur un dossier documentaire
Sujet : À l’aide du dossier documentaire et de vos connaissances, vous montrerez quels sont les débats relatifs à l’interprétation de l’opinion publique par les sondages
Document 1
Intitulé L'Opinion n'existe pas, le texte de Pierre Bourdieu est articulé autour de l'énoncé de trois critiques à l'égard de ce que cet auteur considère comme des postulats implicites des sondages :
1) Tout le monde a une opinion -quel que soit le domaine étudié. L'auteur souligne que ce postulat est notamment démenti par l'existence de non-réponses, souvent éliminées rapidement de l'analyse […].
2) Toutes les opinions se valent. Retrouvant une critique déjà énoncée outre-Atlantique […], Pierre Bourdieu conteste ce postulat. Il souligne que les opinions n'ont pas toutes la même force, c'est-à-dire que ceux qui partagent une opinion peuvent le faire avec une intensité très variable […].
3) Il n'y a pas de consensus sur les problèmes qui méritent de faire l'objet de questions : Pierre Bourdieu établit sans grande difficulté que les questions posées par les instituts sont le produit d'une demande sociale. Elles sont liées, souligne l'auteur, « à des intérêts politiques ». Et d'autres questions que celles qui sont posées mériteraient largement plus de l'être […].
À partir de prémices différentes, un deuxième courant […] conteste le fait que les opinions recueillies soient porteuses d'une quelconque signification sociale […]. Pour ce courant la majorité des répondants aux sondages sont ignorants et peu intéressés par les questions politiques. Ils n'ont donc pas de véritable opinion et répondent de manière aléatoire, largement pour se débarrasser de l'enquêteur.
Un dernier courant critique adopte une posture plus normative […]. Pour ces auteurs, les opinions que recueillent les sondages ne peuvent être considérées comme reflétant une opinion publique car elles ne sont pas le fruit d’une délibération et d'une discussion publique.
Source : Claude Dargent, Sociologie des opinions, 2011.
Document 2
La question fermée autorise la citation d’un élément « tabou »
Cet effet est particulièrement impressionnant : une opinion affichée spontanément par 5 % de la population quand la question est ouverte, est citée six fois plus lorsque la même réponse est proposée en questionnaire fermé. L’exemple choisi concerne « les bénéficiaires des prestations sociales ». Elle a été posée aux enquêtés plusieurs années de suite. Il s’agissait de désigner la catégorie pour laquelle « on dépense le plus » en France en termes de prestations sociales. La question était présentée de façon ouverte en 1985, puis fermée l’année suivante.
Spontanément, 5 % des enquêtés ont cité « les étrangers ou les immigrés ». L’année suivante, lorsque la catégorie est proposée en question fermée, elle est sélectionnée par 28 % de la population. Ainsi, interrogé de façon ouverte, l’enquêté hésite à soumettre spontanément à l’enquêteur assis en face de lui une réponse pouvant faire montre d’une forme de xénophobie, attitude socialement peu valorisée. En revanche, dès lors que la figure de l’immigré est évoquée directement par l’enquêteur, cette réponse n’est plus taboue. Son apparition dans la liste des modalités légitime et autorise sa citation.
Les échelles de réponses : la présence d’un point médian, l’équilibre des modalités positives et négatives…
Face à une échelle de réponses, l’enquêté a tendance à établir une moyenne des modalités 7 proposées, ayant inconsciemment à l’esprit que cette réponse doit correspondre à l’attitude socialement « normale ». Ainsi, la présence ou l’absence d’un point médian sur une échelle, du type « autant l’un que l’autre », « juste comme il faut », est un enjeu de taille. Est-il plus judicieux d’inciter l’enquêté à choisir un camp au risque de forcer sa réponse ou est-il au contraire plus pertinent de lui laisser la possibilité plus confortable de se placer au milieu de l’échelle ? De la même façon, présenter une échelle équilibrée ou déséquilibrée en nombre de modalités positives et négatives a une influence certaine.
Faut-il proposer ou non les non-réponses ?
L’enquêté a, bien entendu, toujours le choix de répondre ou de ne pas répondre à une question d’enquête. Mais, il est possible pour l’enquêteur de ne pas lui signifier explicitement qu’il en a la possibilité. Au contraire, l’enquêteur peut proposer la modalité « ne sait pas » au même titre que les autres possibilités de réponses. Or, le choix fait ici influe sur les résultats : le pourcentage de « ne sait pas » est sensiblement plus élevé si la réponse correspondante est explicitement proposée [...].
Expériences de synonymie
Enfin, on ne pouvait pas ne pas rappeler ici l’exemple le plus célèbre de la littérature, essentiellement anglo-saxonne, sur le sujet, celui dans lequel le verbe « interdire » est comparé à « ne pas autoriser ». L’expérience mettait en évidence l’existence de mots « repoussoir », dont le verbe « interdire » ferait partie. Ainsi le remplacement de ce verbe par « ne pas autoriser », périphrase a priori synonyme, modifiait sensiblement les résultats. 8 A partir des questions de l’enquête « Conditions de Vie », une expérience de ce type a pu être menée. A la question « vous sentez-vous en sécurité dans votre vie quotidienne ? » a été substituée la suivante : « vous sentez-vous en insécurité dans votre vie quotidienne ? ». A la première interrogation : 19 % des personnes interrogées répondaient ne pas se sentir en sécurité. Avec la deuxième formulation, 28 % des enquêtés ont déclaré ressentir une certaine insécurité. Les enquêtés n’ont donc pas établi d’équivalence stricte entre « être en insécurité » et ne « pas être en sécurité » [...].
Source: Claire Piau, « Quelques expériences sur la formulation des questions d’enquête. À partir du matériau ‘Aspirations et conditions de vie des Français’ », CREDOC, Cahier de recherche, n°206, octobre 2004. Disponible en ligne : http://cedric.cnam.fr/~saporta/Rapport%20_CREDOC_C206.pdf [consulté le 10/10/2019]
Voir la correction
Outil issu du marketing, qui prend son essor dans le champ politique à partir des années 1930, le sondage a peu à peu acquis une position de quasi-monopole de l’énonciation de ce que peut être l’opinion d’une population sur un sujet donné. Basé sur l’interrogation d’un échantillon supposé représentatif de cette population, le sondage a pour lui les atours de la scientificité, jusqu’à délégitimer les autres formes de « saisie » de l’opinion publique. Pour autant, la domination de cette technique n’a jamais éteint les critiques qui lui sont adressées. En effet, quelle opinion publique les sondages appréhendent-ils ? La mesurent-ils avec fiabilité ?
I-Passer de l’échantillon à la population globale : les risques méthodologiques
Les médias tendent à fonctionner à la métonymie : ils prennent la partie pour le tout et leur tentation est grande de titrer qu’un sondage indique que « les Français » pensent de telle ou telle manière sur tel ou tel sujet.
Cependant, cela manque de prudence car les sondages procèdent par interrogation d’un échantillon, dont les techniques de sélection sont soumises à critiques.
Ainsi, l’échantillonnage par quotas, méthode privilégiée par les instituts de sondages en France car peu coûteuse, pose de nombreux problèmes méthodologiques. Le choix des critères sur lesquels se basent les quotas peut en effet être discutable (cela a amené les instituts de sondage aux États-Unis à renoncer à cette manière de faire dès les années 1950) et il est impossible de calculer des marges d’erreur. Même en situation d’échantillonage aléatoire, au regard de l’existence de ces fameuses marges d’erreur, il est tout aussi imprudent de prétendre exciper des résultats sur l’échantillon ce que pense la population dans son ensemble.
II-Des formulations qui impactent les réponses recueillies
De nombreux travaux ont documenté à quel point les questions posées aux enquêtés n’étaient pas neutres et influaient de ce fait sur ce que les sondeurs recueillent.
Quatre éléments sont identifiés par Claire Piau (document 2). En premier lieu, les réponses sont différentes selon que la question posée est fermée ou ouverte. Elle note plus particulièrement que la « question fermée autorise la citation d’un élément ‘tabou’ ». Les enquêtés tendent en effet à s’autocensurer lorsque la question est ouverte, évitant de répondre d’une manière qu’ils perçoivent comme socialement peu acceptable. Si la modalité de réponse est, en revanche, prévue en cas de question fermée, les enquêtés se sentent plus autorisés à la choisir.
En second lieu, lorsque les questions amènent à se situer sur une échelle et que celle-ci offre un point médian, les enquêtés privilégient ce dernier.
En troisième lieu, la manière dont l’enquêteur présente aux sondés la possibilité de ne pas répondre à une question influe sur le choix ou non de cette modalité de réponse.
Enfin, des expériences ont montré que ce qui peut être vu comme de la synonymie ou de l’antinomie n’est pas forcément perçu comme tel par les sondés. Ainsi, une formulation positive d’une question n’est pas automatiquement analysé comme l’opposé de sa formulation négative (« Vous sentez-vous en sécurité ? » n’est pas l’exact contraire de « Vous sentez-vous en insécurité ? »).
III-Les sondages contribuent à créer l’opinion
Pour Pierre Bourdieu (document 1), les sondages ne « recueillent » pas une opinion publique qui existerait « en soi » mais créent une opinion de toute pièce : l’opinion publique sondagière ne serait donc qu’un artefact, une construction sociale.
L’opinion publique sondagière ne serait ainsi ni rationnelle (tous les individus ne formulent pas une opinion arrêtée et/ou éclairée sur un sujet donné, mais les sondages les mettent toutes sur le même plan), ni authentique (les sondages imposent leurs problématiques aux enquêtés, ainsi que les modalités de réponse à y apporter), ni effective (toutes les opinions n’ont pas la même capacité à mobiliser mais les sondages les traitent comme équivalentes les unes aux autres), ni véritablement publique (les sondages additionnent des opinions privées, qui n’ont rien à voir avec une opinion forgée par le débat contradictoire).
Cependant, si, qualitativement, cette opinion publique sondagière est défectueuse, il n’en reste pas moins qu’elle a des impacts sociaux non négligeables. Elle crée des effets de consensus, en sélectionnant certains sujets comme étant supposément saillants dans le débat public (effet de mise sur agenda), en donnant à penser qu’une majorité de la population partage une opinion donnée, en disqualifiant des analyses contradictoires d’une même situation. Elle rend ainsi plus difficile le soutien à une opinion construite par les sondages eux-mêmes comme « dissidente ».