I . Quelques définitions fondamentales pour comprendre :
Accord de libre-échange : accord international passé entre au moins deux États pour favoriser le commerce international. Cela se traduit en général par la diminution voire la suppression des droits de douane et la limitation des entraves au libre échange des marchandises, des services ou des personnes. On parle de zone de libre-échange quand les pays ayant signé l’accord appartiennent à une zone géographique relativement délimitée.
Quelques exemples d’accords de libre-échange :
ALENA (accord de libre-échange nord-américain) créé en 1992 réunissant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique
MERCOSUR (marché commun du Sud) créé en 1991suite au traité d’Asuncion réunissant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay.
UE (Union Européenne) créé en 1992 réunissant aujourd’hui 27 États européens
RCEP (Regional Comprenhensive Economic Partnership, en français Partenariat Économique Régional Global) entrée en vigueur en 2022, il regroupe la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les 10 États membres de l’Asean (association des nations d’Asie du Sud-Est)
Dans le traité entre l’UE et le Mercosur, il s’agit donc d’un accord de libre-échange entre deux zones de libre-échange.
Mercosur : abréviation de marché commun du Sud (de l’espagnol Mercado Comùn del Sur) est une zone de libre-échange, crée en 1991, qui regroupe 4 pays : l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay.
Plusieurs autres pays y sont rattachés et sont considérés comme des États associés : la Bolivie (officiellement accepté au sein du Mercosur depuis 2023 mais le pays doit encore finaliser sa procédure administrative pour devenir membre à part entière, le Chili, la Colombie, l’Équateur, la Guyane, le Pérou, le Suriname.
Il y a deux États observateurs qui sont le Mexique et la Nouvelle-Zélande.
Il y a un État suspendu, le Venezuela, depuis 2017, pour « rupture de l’ordre démocratique » en raison des agissements du gouvernement de Nicolas Maduro. Mais, le Venezuela conserve, toutefois, le libre-échange et la libre circulation avec les États membres.
Le Mercosur est une union douanière qui repose sur
la libre circulation des biens et des services ;
l'établissement d'un tarif extérieur commun et l'adoption d'une politique commerciale commune vis-à-vis des États tiers ou de groupe d'États tiers ;
la coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles entre les États parties dans les domaines du commerce extérieur, commerce agricole, industriel.
Les étapes de l’intégration de Bela Belassa
Bela-Belassa distingue différentes étapes d ’intégration
La zone de libre-échange : les partenaires échangent librement leurs marchandises à la suite de la suppression des obstacles tarifaires et non tarifaires. La réglementation des échanges de produits avec le reste du monde reste du ressort des politiques commerciales nationales ;
L'union douanière : non seulement les obstacles douaniers, quantitatifs et tarifaires, sont éliminés (zone de libre-échange) mais les États membres fixent également un tarif extérieur commun. Ils adoptent donc une politique commerciale commune ;
Le marché commun résulte de l'ouverture de l'ensemble des marchés, le marché des produits, le marché du travail et celui des capitaux. II repose donc sur la libre circulation des hommes et des capitaux ;
Le marché unique ajoute au marché commun une harmonisation des politiques économiques
L'union économique et monétaire ajoute au marché unique une et la mise en place d'une monnaie commune.
Voir le point de cours sur l’intégration européenne en Terminale :
Les clauses miroir : ces clauses consistent à imposer aux parties, dans le cadre d’un accord de libre-échange, de respecter les mêmes normes de production sur le plan sanitaire social et/ou environnemental concernant les biens agricoles qu’elles échangent. L’instauration de clauses miroir est donc un moyen de renforcer les normes exigées de la part de biens en provenance de l’étranger. Mais la question des clauses miroir est déjà interne à l’UE car certains pays de l’UE imposent des contraintes environnementales plus fortes que d’autres pays de l’UE.
Les mesures miroir : plus larges que les clauses miroir, elles visent à appliquer des standards européens à l’ensemble des produits importés de pays tiers.
Accord de Paris : L'Accord de Paris est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques. Il a été adopté par 196 Parties lors de la COP 21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, le 12 décembre 2015. Il est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Son objectif primordial est de maintenir « l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. »
II. Les enjeux du traité entre l’UE et le Mercosur :
L'UE gère ses relations commerciales avec les pays tiers par des accords commerciaux. Ceux-ci visent à développer des débouchés commerciaux et à surmonter les obstacles au commerce. L’Union européenne (UE) dispose du plus grand réseau d’accords de libre-échange (ALE) au monde, comptant plus d’une quarantaine d’accords conclus avec des pays tiers. La politique commerciale de l'UE contribue par ailleurs à promouvoir les principes et valeurs européens, à commencer par la démocratie et les droits de l'homme, mais également l'environnement et les droits sociaux.
Les négociations entre l’UE et le Mercosur ont commencé en 1999. Un accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne a déjà été conclu le 28 juin 2019, à l’issue d’un long processus de négociations, mais les textes définitifs n’ont pas été votés ni ratifiés et ne sont donc pas entrés en vigueur. En effet, l’arrivée au pouvoir au Brésil du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, peu regardant sur les questions environnementales, avaient refroidi les Européens, Le parlement européen, a fini par voter contre la ratification du traité en l’état en 2020.
Les négociations ont repris suite à l’arrivée au pouvoir du président Luiz Inacio Lula Da Silva en janvier 2023 au Brésil, celui s’étant engagé en faveur du climat.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, souhaite désormais aboutir à un compromis avant la fin de l’année. Le sommet du Mercosur, prévu les 5 et 6 décembre en Uruguay pourrait donner l’occasion à la signature officielle du traité.
Le traité prévoit la suppression progressive des droits de douane sur 90% des biens échangés entre les deux blocs ouvrant ainsi un marché de 270 millions de consommateurs.
Ce traité permettait de stimuler l’exportation de produits européens sur lesquels les pays du Mercosur appliquent pour l’instant des droits de douane élevés, comme les voitures, les vêtements ou le vin. L’accord prévoit aussi un important quota d’importation de viande bovine, une reconnaissance de près de quatre cents indications géographiques protégées, et plusieurs autres mesures visant à faciliter l’accès mutuel des entreprises européennes et sud-américaines aux marchés publics. L’accord permettrait enfin de sécuriser l’approvisionnement européen pour certaines matières premières nécessaires à la transition énergétique (lithium, cuivre, fer, cobalt…).
En revanche, les agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale car ce traité avec le Mercosur permettrait de faire entrer des produits agricoles répondant à des normes beaucoup moins contraignantes qu’au sein de l’UE. Les tensions se cristallisent en particulier autour des quotas de viandes de bœufs et de volaille. En effet, les exploitations sud-américaines sont de très grandes tailles comparées aux exploitations françaises et donc bénéficient d’économies d’échelle leur permettant d’avoir des prix plus bas mais en plus elles sont soumises à des normes sanitaires et environnementales moins exigeantes. Ainsi, un audit de la Commission européenne, dont les conclusions ont été publiées en octobre révèle que le Brésil a un système de traçabilité de la viande de bœuf très insuffisant : il est impossible de savoir si la viande exportée par le Brésil a été traité ou pas avec des hormones de croissance interdite depuis des décennies en Europe. Par ailleurs, cet accord semble difficilement compatible avec l’accord de Paris sur le climat, notamment en raison de ses conséquences en matière de déforestation (l’augmentation de la production de viande bovine liée au traité pourrait accroitre la déforestation) .
La France ne souhaite donc pas que le traité soit signé en l’état, pour accepter la ratification la France souhaite deux modifications : l’intégration de clauses miroir et des mesures en faveur de la protection de l’environnement, afin de rendre le traité compatible avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.
La signature de ce traité s’inscrit plus largement dans un débat entre le libre-échange et le protectionnisme aujourd’hui.
Selon l’évolution des négociations, ce traité pour être adopté définitivement devra suivre deux étapes :
Tout d’abord un vote à la majorité qualifiée au Conseil : il suffit que 15 États membres, représentant 65 % de la population européenne votent en faveur de l'accord pour qu'il soit validé.
Le nombre de pays au sein de l’UE opposé à la ratification de l’accord se réduit. La France se trouve de plus en plus isolée, même si d’autres pays agricoles européens aux aussi sont très réticents : la Pologne, l’Autriche, l’Irlande et les pays Bas. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie voient en revanche d’un très bon œil cet accord.
C’est ensuite la Parlement européen qui devrait voter, si le vote est favorable alors le Traité s’imposera à tous les États membres, qu’ils y soient favorables ou pas puisque le marché unique européen impose une politique douanière commune aux vingt-sept pays membres.