Mobilité sociale
Synthèse
Pour rendre compte de la mobilité sociale intergénérationnelle, les sociologues construisent des « tables de mobilité ». En France, elles sont principalement le résultat du travail de l’Insee, qui construit ces tables sur la base de l’enquête Formation et qualification professionnelle, qui a lieu chaque décennie environ. Le principe de ces tables est simple : il s’agit d’étudier la place qu’occupent les individus (le plus souvent actifs) par comparaison avec celle qu’occupent ou occupaient leurs parents.
Les personnes prises en compte sont celles qui ont atteint un âge qui fait penser qu’elles auront une certaine stabilité dans leur carrière. On retient, ainsi, en général les actifs de 40 ans et plus, même si dans des travaux plus récents, l’Insee a abaissé ce seuil à 30 ans. Les tables suivent la mobilité au niveau individuel et il est habituel de construire des tables différentes pour étudier la mobilité sociale des hommes (le plus souvent par rapport à leur père) et celle des femmes (que ce soit par rapport à leur père ou à leur mère).
La table de mobilité qui résulte directement de l’enquête est la table de mobilité brute où les personnes sont classées en fonction de leur PCS et de celle de leur parent retenu (père ou mère). Sur cette base, il est possible de construire deux tables différentes :
* la table des « destinées » qui étudie ce que deviennent les individus (à quelle PCS ils appartiennent) en fonction de la PCS de leur père (ou leur mère). Par exemple, c’est dans cette table que l’on pourra savoir quelle est la proportion de fils d’agriculteurs devenus cadres ;
* la table des « origines » (ou « recrutement ») qui étudie la PCS d’origine (celle de leur père ou de leur mère) des individus appartenant à chacune des PCS. Par exemple, c’est dans cette table que l’on pourra savoir quelle est la proportion de cadres dont les parents étaient agriculteurs.
Ces deux tables sont complémentaires.
Les tables de mobilité sont des outils synthétiques puissants permettant de rendre compte des flux de mobilité sociale, c’est-à-dire des changements de catégorie sociale d’une génération à une autre. Elles permettent d’observer les changements de catégorie sociale en mesurant la proportion de ceux et celles qui appartiennent à une autre PCS que leurs parents, mais aussi de rendre compte de l’immobilité sociale en mesurant la proportion de ceux et celles qui appartiennent à la même PCS que leurs parents.
Les « marges » des tables de mobilité (dernière ligne ou dernière colonne) rendent compte de la structure sociale pour la génération des parents (dans la table de recrutement) ou dans celle de la génération que l’on observe (dans la table de destinée). Il est alors possible de comparer les deux pour observer les changements de structure d’une génération à une autre. Par exemple, on observe en général une diminution de la proportion d’agriculteurs exploitants. Ces marges sont également utiles pour relativiser l’ampleur des flux observés. Ainsi, si on observe que de nombreux enfants de cadres deviennent cadres, il sera utile de voir si les enfants d’autres catégories deviennent également cadres.
Cependant, les tables de mobilité ont aussi des limites importantes, qui font qu’elles doivent être complétées par d’autres outils pour observer finement la mobilité sociale.
D’abord, elles sont construites sur l’outil des PCS. Ce dernier est une bonne synthèse de la position d’un individu dans la société, mais il ne rend pas compte, par exemple, de son revenu ou de son patrimoine. Or, ces éléments participent bien à la définition de la position d’un individu dans la société : être ouvrier fils d’ouvrier peut cacher une ascension sociale si on a acquis la propriété d’un bien immobilier par exemple. Retenir l’outil des PCS comme seul critère de classification empêche également de bien voir « d’où viennent » les individus puisqu’on ne sait rien de la composition de leur famille, de la profession de leur autre parent, du patrimoine de cette famille...
Les PCS agglomèrent également des professions assez différentes et parfois hiérarchisées au sein d’une même catégorie. C’est le cas si on retient comme catégorie celle des ouvriers ou celle des employés. Être fils d’employé non qualifié et accéder au statut d’employé qualifié sera vu comme de l’immobilité sociale car on reste au sein de la PCS 5 (les dernières tables faites par l’Insee séparent d’un côté les ouvriers et employés qualifiés et de l’autre les ouvriers et employés non qualifiés). De la même manière, un individu dont les parents tiennent une petite épicerie et qui devient le chef d’une grande entreprise multinationale « reste » au sein de la PCS des artisans, commerçants et chefs d’entreprise et apparaît comme immobile.
Enfin, les tables de mobilité ne disent rien du statut de l’emploi occupé par l’individu : le fils d’un journaliste salarié d’un grand quotidien national et qui fait quelques piges en tant que journaliste pour un média régional apparaîtra comme immobile, tout comme l’ouvrier enchaînant les contrats d’intérim et les périodes de chômage dont le père est ouvrier dans la même usine depuis le début de sa carrière.