Quels sont les fondements du commerce international et de l'internationalisation de la production ?

Synthèse

A partir des années 1990, le commerce international s’est rapidement développé avec l’expansion des chaînes de valeur mondiales (CVM).

La notion de chaîne d’activité décrit la séquence des opérations conduisant à la production d’un bien final. Une chaîne d’activité se mondialise lorsque ces activités sont réparties entre filiales ou sous-traitants établis dans plusieurs pays.

Selon l’OMC, une chaîne de valeur mondiale est une succession des activités exécutées par les entreprises pour créer de la valeur lors des diverses étapes de la production (chaîne d’approvisionnement), mais aussi avec toutes les activités faisant partie de la chaîne de la demande (commercialisation, vente, service à la clientèle).

Une chaîne de valeur mondiale (CVM) est donc une série d'étapes dans la production d'un produit ou d'un service destiné à la vente aux consommateurs. Chaque étape ajoute de la valeur et au moins deux étapes se déroulent dans des pays différents.

Le phénomène de fragmentation peut être désigné par différents termes : découpage, dégroupage, délocalisation, spécialisation verticale, commerce des tâches, etc. Il s’agit toujours de souligner que la production de valeur ajoutée ne se réalise plus dans un seul endroit.

Par exemple, un vélo peut être assemblé en Finlande avec des pièces détachées venant d’Italie, du Japon et de Malaisie et exporté vers la République arabe d'Égypte.

Les entreprises conçoivent des produits dans un pays, achètent des pièces détachées et des composants dans plusieurs pays et assemblent les produits finaux dans un autre pays. En conséquence, le commerce international et les flux d'investissement ont considérablement augmenté. Ainsi, les pièces et les composants (d’une voiture, d’un avion, d’un téléphone portable, d’une chaussure de sport, d’un jouet, etc.) circulent entre pays que la chaîne de valeur soit organisée autour de produits intermédiaires, qu’elle soit simple ou complexe.

Les économies participent aux CVM de deux façons.

  • soit elles importent des intrants qui serviront à produire des marchandises et des services qu’elles exporteront. Elles participent en amont au processus de fragmentation des productions ;
  • soit elles exportent des intrants produits localement vers des partenaires intervenant aux derniers stades de la production. Elles participent en aval au processus de fragmentation des productions.

La chaîne de valeur fractionne le processus de production entre plusieurs pays. Les gains des CVM reposent sur cette fragmentation et la circulation de la production entre les entreprises situées dans différents pays. Les entreprises se spécialisent dans une partie du processus de fabrication : elles ne produisent plus l’intégralité d’un bien.

Les progrès technologiques, notamment dans les transports, l’information et les communications, et la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce ont simplifié les possibilités pour les firmes de produire à l’étranger et de décomposer (fractionner) leurs processus de production. En plus de la technologie, les principaux « moteurs » de la chaîne de valeur mondiales sont :

  • les dotations en facteurs de production (travail peu qualifié, travail qualifié, capital, ressources naturelles) ;
  • la taille et l’accès au marché ;
  • la situation géographique des pays et leurs infrastructures commerciales ;
  • la nature et stabilité des institutions.

Les chaînes de valeur mondiales (CVM) transforment le commerce mondial. Elles contribuent à l’accroissement de la productivité des firmes multinationales qui répartissent la conception des produits, la fabrication des pièces, l'assemblage des composants et la commercialisation des produits finis dans le monde entier. Ce « made in world » (« fabriqués dans le monde ») offrent de nouveaux débouchés à certains pays en développement qui peuvent participer à la production de produits complexes par la production de pièces simples ou leurs assemblages, et donc de diversifier leurs exportations.

La fragmentation accroître le bien-être mondial, car la spécialisation permet de produire donc de consommer une plus grande quantité de produit final (avec la même quantité de facteurs primaires). Toutefois, en modifiant des prix mondiaux relatifs, les termes de l’échange d’un pays peuvent se détériorer : la fragmentation peut réduire le bien-être d’un pays.

De plus, les chaînes de valeur mondiales (CVM) interrogent à la fois la manière de comptabiliser la création de valeur. La participation des pays aux CVM invite à réinterpréter les statistiques du commerce extérieur. Il ne s’agit plus seulement de comptabiliser la valeur totale des biens importés et exportés mais, puisque les pays importent des produits intermédiaires pour les incorporer à leurs exportations, il s’agit de calculer le contenu en valeur ajoutée locale des exportations (ou la part de la valeur ajoutée sectorielle permettant de satisfaire la demande finale).

Les CVM imposent aussi de repenser les politiques commerciales, notamment l’efficacité des politiques protectionnistes.

Notons que depuis la crise financière de 2008, la croissance du commerce international et des CVM a ralenti. Et, l’épidémie meurtrière du coronavirus a souligné une des fragilités de la décomposition des processus de production. L’épidémie a conduit à des ruptures d’approvisionnement et a incité certaines firmes multinationales à limiter la fragmentation de leur production, à raccourcir les chaînes de fabrication et à limiter leur dépendance envers un seul pays.

Synthèse

Une firme multinationale est un groupe de sociétés ayant au moins une unité légale en France et une à l'étranger.

Une firme multinationale peut être une petite et moyenne entreprise (PME), une entreprise de taille intermédiaire (ETI) ou une grande entreprise (GE).

En France, les firmes multinationales représentent près de 1% des entreprises des secteurs marchands non agricoles et non financiers mais emploient près de la moitié des salariés de ces secteurs et génèrent près de 60% de la valeur ajoutée brute produite sur le territoire français.

Leurs filiales sont principalement dans l’Union européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Espagne, Italie, etc.) mais aussi aux États-Unis et dans les pays émergents (Chine, Brésil). La moitié des grands groupes sont implantées dans plus de 10 pays étrangers.

Les entreprises multinationales françaises emploient beaucoup plus de salariés à l’étranger que leurs consœurs européennes et ont un chiffre d’affaires à l’étranger qui progresse plus rapidement. On recense près de 5000 firmes multinationales françaises (hors secteur bancaire et services non marchands) qui contrôlent près 44000 filiales à l’étranger dans plus de 190 pays. Leurs filiales à l’étranger emploient 6 millions de salariés.

Des groupes étrangers sont aussi présents en France. Plus de 100 pays étrangers contrôlent des entreprises en France.

L’essor des firmes multinationales françaises ou étrangères s’appuie des investissements directs étrangers (IDE), soit les investissements qu'une unité institutionnelle résidente d'une économie effectue dans le but d'acquérir un intérêt durable et/ou d'exercer une influence significative sur la gestion d’une autre entreprise.

 

La compétitivité est la capacité à maintenir et surtout accroître ses parts de marché en affrontant la concurrence. Les firmes (et par conséquence le pays) montrent ainsi leur capacité à résister à la concurrence et à exporter.

On distingue deux types de compétitivité :

  • la compétitivité-prix qui est la capacité à conquérir des parts de marché grâce à des prix plus faibles que ses concurrents ;
  • la compétitivité  hors-prix (ou compétitivité structurelle) qui est la capacité à conquérir des parts de marché en produisant avec une meilleure qualité et/ou un meilleur service que ses concurrents.

La compétitivité est liée à de nombreux facteurs comme la spécialisation géographique, la spécialisation sectorielle, les politiques de soutien des pouvoirs publics (subventions et autres aides aux exportateurs, accès au crédit et à l’assurance, etc.). Le taux de change joue aussi un rôle puisqu’il influence le prix des produits importés et exportés. Pour un pays comme la France, la compétitivité sur les marchés hors zone euro est dépendante du taux de change de l’euro. On estime qu’une dépréciation de 10 % de l’euro par rapport à un pays partenaire hors zone euro relève la valeur des ventes d’un exportateur moyen vers ce pays d’environ 5%.

On identifie aussi une compétitivité-coût qui compare l'évolution des coûts salariaux unitaires de la France (coût du travail corrigé de celle de la productivité) à celle de ses partenaires.

La compétitivité-prix se mesure par le rapport entre les prix des exportations des pays partenaires avec le prix des exportations du pays. Plus largement, la compétitivité-prix est liée à l’évolution des coûts unitaires de production (coût du travail, prix de l’énergie, coût du capital, prix des consommations intermédiaires, etc.) nets de gains de productivité. Elle dépend donc aussi des comportements de marges des entreprises ou de l’évolution du taux de change.

La compétitivité hors-prix, de nature qualitative, est la partie de la demande non expliquée par le prix. L'adaptation à la demande, la qualité réelle ou supposée du produit, la nature des services offerts, etc. restent difficile à appréhender et il est peu aisé d’évaluer la dimension variété (cf. différenciation horizontale des produits) et la dimension qualité (cf. différenciation verticale des produits).

Elle peut néanmoins s’appréhender comme les caractéristiques des produits qui augmentent leur demande alors que le prix n’a pas baissé. En effet, le consommateur accepte de payer un prix plus élevé pour un bien ou un service s’il est de qualité, fiable, innovant, bénéficie d’une bonne image ou réputation, etc.

Toutefois, le solde de la balance commerciale est un indicateur de compétitivité tout comme l'importance des investissements directs à l’étranger (IDE).

Le Cepii a identifié trois secteurs français qui se caractérisent par une forte compétitivité hors-prix : l’aéronautique, la maroquinerie et le vin. L’Allemagne est devant la France en matière de compétitive structurelle car elle dispose d’une forte compétitivité hors-prix dans plus de domaines (pièces détachées automobile, métaux non ferreux, produits plastiques, etc.) et est souvent un leader mondial dans ces activités qui, de surcroît, représentent une forte part des exportations allemandes.

En économie, la productivité est le rapport entre une production (biens et/ou services produits) et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir (travail, le capital technique, consommations intermédiaires, savoir-faire, etc.).

Lorsque la productivité est calculée par rapport à une catégorie de ressources (cf. travail), on parle de productivité apparente.

La productivité des entreprises est centrale dans leur compétitivité. Mais l’entreprise n’est pas seule, sa productivité est aussi liée à celle de ses fournisseurs et, plus largement, à son environnement. Ainsi, les institutions (cadre réglementaire, etc.) et les infrastructures (ports, routes, réseaux de communication) tout comme les services publics (qualité du système éducatif et de santé, soutien aux innovations, etc.) participent à la compétitivité des entreprises.

Soulignons aussi que, dans certaines industries, la capacité d’exporter est aussi liée… aux importations ! L’opposition entre capacité à exporter et importations n’est plus automatique lorsque les entreprises doivent importer des composants ou biens semi-finis pour exporter des marchandises.

C’est dans ce contexte de fragmentation (ou de décomposition) des processus de production, qui amplifie l’échange de biens intermédiaires et de services, que l’on doit appréhender les concepts d’externalisation et de délocalisation de la production.

Une délocalisation est d’abord un transfert d'activités existantes du territoire national vers un autre pays. Toutefois, il n’y a pas de définition consensuelle de ce terme !

On peut ajouter plusieurs critères à la définition. Par exemple, une délocalisation est un transfert d’activité d’une entreprise d’un pays vers un autre pays sans changement de la destination des biens produits. Il y a donc transfert d’une unité de production à l’étranger ET importation des produits.

La délocalisation se définit comme « la fermeture d’une unité de production en France, suivie de sa réouverture à l’étranger, en vue de réimporter sur le territoire national les biens produits à moindre coût, et/ou de continuer à fournir les marchés d’exportation à partir de cette nouvelle implantation ».

Il s’agit concrètement d’un « déménagement » de l’unité de production, via un investissement direct à l’étranger.

L’externalisation consiste à acheter des biens et des services intermédiaires auprès de fournisseurs extérieurs spécialisés. Autrement dit, la délocalisation concerne la décision de « faire faire », au lieu de « faire ».

L’entreprise décide d’acquérir certains intrants (pièces, composants, etc.) et services (comptabilité, transport, etc.) auprès d’une entreprise extérieure au lieu de les produire elle-même.

L’entreprise peut donc choisir de « faire » ou « faire faire », en France ou à l’étranger. Notons qu’ici, l’externalisation à l’étranger est un cas particulier de délocalisation.

D’un point de vue micro-économique, la délocalisation est le résultat de l'arbitrage d'un producteur qui renonce à produire en France pour produire ou sous-traiter à l'étranger. Elle est liée à la réorganisation des processus de production aux niveaux régional, national et mondial.

Les pressions concurrentielles, les exigences des consommateurs (produits moins chers et de meilleure qualité), les nouveaux acteurs de la mondialisation, etc. font pression sur les firmes pour réallouer leurs ressources et améliorer leur compétitivité. Optimiser, externaliser et délocaliser les activités ne doivent donc pas être dissociés des réflexions sur la productivité et la compétitivité des firmes.

D’une manière générale, la localisation des activités (donc les risques de délocalisation) s’explique par deux grands types facteurs.

Premièrement, les caractéristiques des emplois et des tâches dans les différents secteurs d’activités. Les travailleurs effectuant tâches routinières et sans interactions avec clients sont plus facilement délocalisables que les salariés effectuant des tâches routinières nécessitant des interactions avec la clientèle.

Deuxièmement, la nature et caractéristiques des produits (volume, poids, technologie, fragmentation de la chaîne de valeur, …) qui détermine la possibilité de décomposer les processus productifs et de confier certaines étapes à des sous‑traitants dans le pays ou un autre pays.

 

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