Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?
Synthèse
Déroulé du chapitre :
Question 1. L'intégration européenne
Question 2. La politique européenne de la concurrence
Question 3. L’action des politiques budgétaire et monétaire sur la conjoncture
Question 4. L’articulation des politiques budgétaire et monétaire dans le cadre européen
La politique de la concurrence peut être définie comme l’ensemble des dispositifs permettant de contrôler et réguler le degré de concurrence sur un marché.
La politique de la concurrence se justifie par l’idée que les modifications au niveau microéconomique engendrent des effets positifs au niveau macroéconomique selon le mécanisme simplifié suivant. La pression concurrentielle limite le pouvoir de marché des entreprises, ce qui favorise la baisse des prix et la hausse du pouvoir d’achat des consommateurs. La demande globale est ainsi augmentée. De plus, les entreprises sont incitées à innover pour rester compétitives (pour conserver ou gagner des parts de marché), ce qui génère des gains de productivité. De par ses effets sur la demande et sur l’offre, la politique de la concurrence favorise donc la croissance économique et l’emploi.
La politique européenne de la concurrence émerge plus tardivement qu’aux Etats-Unis mais se trouve au centre des dispositions juridiques favorisant le processus de mise en place du marché commun puis du Marché unique, le processus d’intégration ne pouvant se réaliser sans règles encadrant les pratiques déloyales et empêchant les distorsions de concurrence. Dès le Traite de Rome de 1957, la politique de la concurrence devient prioritaire sur les autres politiques communautaires. Cela explique que la Commission se soit vue confier pour les cas de dimension européenne un pouvoir étendu dans la mise en œuvre de cette politique en étant chargée du contrôle de l’application des règles. L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne institue la concurrence en régime général. Le respect et le contrôle de la concurrence sont donc des principes qui sous-tendent toutes les politiques européennes. Le contrôle de la concurrence entre les Etats est une condition nécessaire à l’existence d’un espace économique. Le droit de la concurrence européen se construit pour contrôler la concurrence économique entre les Etats en amont du contrôle de la concurrence entre entreprises. L’idée est de pouvoir empêcher que les Etats adoptent des politiques qui créent des avantages pour les entreprises de leur territoire au détriment des entreprises des autres Etats membres et au final limite les effets positifs de la concurrence décrits ci-dessus.
La politique de la concurrence européenne se décline à travers l’application de règles anti-trust et la surveillance des aides d’Etat. L’application de règles anti-trust passe par la lutte contre les ententes et les abus de position dominante ainsi que par le contrôle des concentrations. La politique de la concurrence dans l’Union européenne lutte tout d’abord contre la constitution de cartels de producteurs qui sont des ententes entre firmes d’un même secteur ayant pour objet de limiter la concurrence en jouant sur les prix ou quantités produites. Par exemple, la Commission a établi en 2019 que Bonduelle, Coroos et le groupe Cecab (d’aucy) ont participé à une entente portant sur la fourniture de certains types de conserves de légumes à des détaillants et/ou des entreprises du secteur de la restauration dans l'Espace économique européen pendant plus de treize ans. Il existe des exceptions à la lutte contre les ententes en cas d’amélioration de la production ou de la distribution, de progrès technique ou économique, de préservation de l’intérêt des consommateurs et de la concurrence. La politique européenne de la concurrence lutte aussi contre les abus de position dominante. Il s’agit d’une situation lors de laquelle une entreprise qui détient plus de 50 % des parts de marché affecte de manière significative la concurrence. En septembre 2017, Google a été condamné par la Commission européenne à une amende de 2,42 milliards d’euros pour avoir donné une place trop importante à son propre comparateur de prix au détriment de ses concurrents. La Commission européenne surveille et interdit parfois certaines concentrations d’entreprises de manière à éviter la constitution de monopoles susceptibles d’abuser de leur position. Elle analyse en amont l’impact d’une fusion-acquisition, qui consiste à une mise en commun de plusieurs entreprises pour n’en former plus qu’une, sur la concurrence. Les interdictions sont très rares grâce à des échanges en amont entre les entreprises et la Commission ; moins des 1 % des concentrations notifiées depuis les années 1990 ont conduit à un véto de la part de la Commission européenne. Par exemple, le projet de fusion de Alsthom et de l’activité ferroviaire de Siemens a été rejeté par la Commission européenne en février 2019, invoquant les conséquences négatives possibles pour le consommateur.
La Commission européenne surveille aussi les aides que les Etats fournissent aux entreprises. Ces aides, lorsqu’elles engendrent une distorsion de concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, ne sont pas compatibles avec l’existence d’un Marché unique selon les Traités européens. Elles peuvent prendre la forme de prêts à taux faibles, de subventions ou d’investissements publics notamment. Parfois, les Etats accordent aussi des avantages fiscaux à certaines entreprises pour faciliter leur implantation sur le territoire national, ce qui fausse la concurrence. Sous certaines conditions, comme par exemple sauver une entreprise de la faillite, la Commission autorise des aides d’Etats. Les aides de l’Etat doivent remplir plusieurs conditions pour relever du contrôle de la Commission. Tout d’abord, l’aide doit être spécifique et dépasser 200 000 euros ; elle n’est pas versée à l’ensemble des entreprises. La politique de soutien doit engager les finances publiques de l’Etat. Le soutien doit offrir un avantage spécifique aux entreprises, industries ou régions qui en bénéficient. Enfin, l’aide doit créer une distorsion de concurrence pouvant affecter le commerce entre pays membres. La plupart des aides, plus de 9 sur 10 notifiées à la Commission, est autorisée par celle-ci. En 2015, la Commission a par exemple autorisé l’entrée de l’Etat français au capital de Peugeot, considérant que celui-ci agissait comme un investisseur privé. La même année EDF a dû rembourser 1,4 milliards d’euros sur décision de la Commission à la suite d’une aide fiscale remontant à 1997. Toutes les entreprises, privées et publiques, sont concernées par l’application du droit européen de la concurrence. Les services publics non marchands, tels que l’éducation ou la protection sociale, ne sont cependant pas concernés par celui-ci.
La politique européenne de la concurrence présente cependant certaines limites. L’application des règles antitrust fait relativement peu débat en Europe, notamment quant à leur capacité à augmenter le surplus du consommateur, à l’exception du contrôle des concentrations qui peut parfois être accusé de limiter la croissance de certains groupes européens et donc leur compétitivité sur les marchés mondiaux. Le contrôle des fusions peut parfois ainsi apparaître comme contraire à la politique industrielle qui regroupe l’ensemble des dispositifs visant à orienter la spécialisation sectorielle ou technologique de l’économie de manière à accroître sa compétitivité. Le contrôle des aides d’Etat fait aussi régulièrement l’objet de critiques là aussi quant à la limitation de la politique industrielle. Celles-ci mettent l’accent sur le fait que d’autres pays non-européens en réalisent et n’hésitent donc pas à aider leurs entreprises à gagner en compétitivité par rapports aux firmes européennes. La principale critique est ici que la politique industrielle ne peut s’exprimer que dans les exceptions de la politique de la concurrence européenne, jugées insuffisantes par certains observateurs. Celles-ci gravitent autour de cinq thèmes que sont l’innovation et la recherche et développement, le développement durable, la compétitivité de l’industrie de l’UE, la création d’emplois, et la cohésion sociale et régionale.
L’essentiel des limites qui sont pointées aujourd’hui porte cependant sur l’incapacité de la politique de la concurrence européenne à répondre aux nouveaux enjeux liées au développement de l’économie numérique. En effet, Internet et le smartphone, par exemple, donnent naissance à de nouvelles manières de produire et de consommer gagnant peu à peu l’ensemble des secteurs. Le développement de l’économie numérique impacte désormais tous les marchés et génère de nouveaux enjeux concernant la politique de la concurrence européenne.
L’économie numérique bouleverse la structure des marchés en favorisant leur concentration. Dans de nombreux marchés de l’économie numérique, on peut observer l’émergence d’un petit nombre d’entreprises de grande taille. Cette tendance à l’oligopolisation, voire à la quasi-monopolisation des marchés s’apparente au phénomène de « winner takes all » où le gagnant détient l’essentiel des parts de marchés en éliminant ses concurrents. Cette concentration accrue peut générer des comportements anti-concurrentiels. En effet, les positions d’oligopole ou de quasi-monopole sont efficientes d’un point de vue économique car elles permettent aux utilisateurs de bénéficier de prix plus faibles et de produits de meilleure qualité. Pour que cette dynamique se poursuive, il faut que les entreprises soient incitées à investir et à innover. Cela se réalise lorsqu’il existe une concurrence potentielle, c’est-à-dire de nouveaux acteurs pouvant entrer sur le marché et venir contester la position de la ou des entreprises établies. Un autre problème vient du fait qu’une entreprise dominante peut être incitée à acheter des concurrents potentiels, start-up innovantes mais ne réalisant pas encore un chiffre d’affaires conséquent, avant qu’elles ne deviennent des concurrents effectifs. On parle alors d’acquisitions prédatrices ou tueuses d’innovation. Le droit de la concurrence ne dispose pas d’outils aujourd’hui pour les éviter.
Synthèse
Déroulé du chapitre :
Question 1. L'intégration européenne
Question 2. La politique européenne de la concurrence
Question 3. L’action des politiques budgétaire et monétaire sur la conjoncture
Question 4. L’articulation des politiques budgétaire et monétaire dans le cadre européen
La politique économique est constituée de l’ensemble des décisions prises par les pouvoirs publics afin d’atteindre, au moyen de divers instruments, des objectifs concernant la situation économique d’un territoire donné (région, nation, union monétaire). La politique budgétaire et la politique monétaire sont des politiques conjoncturelles qui agissent sur la demande globale (consommation, investissement) pour réduire les écarts par rapport à l’équilibre. Alors que la politique budgétaire est menée par l’Etat, la politique monétaire est mise en œuvre par la Banque centrale.
La politique budgétaire consiste à utiliser le budget de l’État (par une action sur les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires) pour atteindre certains objectifs choisis par le gouvernement afin de réguler l’activité. Elle dispose pour cela de deux types d’outils. Tout d’abord, cette stabilisation est en partie automatique. Par exemple, quand la croissance est négative (récession), les dépenses augmentent en raison notamment de l’indemnisation du chômage, et les recettes de l’Etat diminuent puisqu’à taux de prélèvements obligatoires constant (en % du PIB), le volume de prélèvements chute puisque le PIB a baissé. Le déficit budgétaire que cela induit va donc avoir un effet positif sur la consommation et l’investissement en redonnant du pouvoir d’achat aux ménages et aux entreprises. La hausse de la demande globale va engendrer un surcroît de commande pour les entreprises qui vont devoir embaucher plus. Le niveau de la production va augmenter et la croissance économique va ainsi redevenir positive. Dans le cas d’une croissance économique forte, l’effet va être opposé : les dépenses vont baisser et les recettes augmenter. Le budget devient alors excédentaire et la croissance va être ralentie en raison du freinage de la demande globale. Ainsi, une modification automatique du budget de l’État stabilise spontanément l’activité économique : les économistes appellent ce mécanisme les stabilisateurs automatiques.
Le second type d’outils renvoie à de choix discrétionnaires réalisés par les pouvoirs publics qui assurent alors une stabilisation consciente de l’activité économique, d’autant que les stabilisateurs automatiques apparaissent insuffisants pour soutenir l’activité en cas de récession importante comme ce fut le cas en 2009. Les responsables publics décident ainsi, en fonction de l’analyse qu’ils font de la conjoncture, des objectifs à privilégier, du type de mesures à prendre et du rythme de leur mise en œuvre. L’État peut ainsi décider de tolérer un déficit public (dépenses > recettes) pour relancer l’économie et lutter contre le chômage : il peut alors augmenter les dépenses publiques et / ou diminuer les prélèvements obligatoires. Ainsi, lorsque l’activité économique ralentit, les politiques budgétaires dites de relance visent à accroître la demande globale afin de stimuler la production et l’emploi (on parle alors de politiques contracycliques).
La politique monétaire est un autre instrument qui peut être choisie à la place ou en complément (on parle alors de policy mix) de la politique budgétaire pour agir sur la conjoncture. La politique monétaire est décidée par la Banque centrale (généralement indépendante du pouvoir politique), dont la mission est de réguler finement la quantité de monnaie en circulation dans l’économie (masse monétaire) : plus la quantité de monnaie centrale est abondante, plus les banques de second rang vont avoir la possibilité de créer beaucoup de monnaie ; et inversement quand la banque centrale en restreint l’émission. Celle-ci doit fournir les liquidités nécessaires au bon fonctionnement et à la croissance de l’économie, tout en veillant à la stabilité de la monnaie. Grâce aux taux d’intérêt directeur, elle exerce une influence sur les taux d’intérêt des banques commerciales et, par ce biais, sur le coût du crédit aux ménages et aux entreprises. Si les taux directeurs baissent, les taux d’intérêt baissent aussi et les ménages et entreprises vont en principe emprunter plus auprès de leur banque (en raison de la baisse du coût du crédit), ce qui contribue à la création monétaire.
Les taux directeurs agissent sur l’activité économique et les prix par l’intermédiaire de différents canaux de transmission. En baissant son principal taux directeur, la Banque centrale facilite le refinancement des banques de second rang. Celles-ci vont répercuter la baisse sur les taux d’intérêt qu’elles proposent aux ménages et aux entreprises (canal des taux d’intérêt). Ces derniers vont s’endetter plus facilement via le crédit afin de consommer et d’investir davantage. La baisse du taux directeur se répercute aussi sur les taux d’intérêt des obligations (canal des prix d’actifs). Les agents économiques vont alors préférer orienter leur épargne vers les actions, ce qui va faire s’élever leur prix. La valeur des portefeuilles en actions va augmenter, rendant leurs détenteurs potentiellement plus riches, ce qui va les inciter à plus consommer. Enfin, en s’engageant de manière claire et crédible, la Banque centrale réduit l’incertitude des agents économiques quant aux variations de son taux directeurs (canal des anticipations). Cela influence immédiatement leurs décisions en matière d’investissement et de consommation.
La variation du taux directeur agit donc directement sur la demande globale via ces trois différents canaux. Une baisse (hausse) du taux directeur engendre une hausse (baisse) de la demande. La variation de la demande influence le rythme d’inflation. En effet, toutes choses égales par ailleurs, une hausse (baisse) de la demande a pour conséquence une hausse (baisse) des prix.
Les canaux de transmission traditionnels de la politique monétaire (on parle de politique monétaire conventionnelle), ne vont pas fonctionner suffisamment bien à la suite de la crise financière de 2007-2008. Malgré des taux directeurs très bas, la perte de confiance conduit les banques de second rang à ne plus se prêter suffisamment entre elles (le marché interbancaire est bloqué) et aux ménages et aux entreprises clients. Des politiques monétaires non conventionnelles vont alors être mises en œuvre par les banques centrales.
Selon les travaux récents de la Banque des règlements internationaux (BRI), le maintien durable de politiques monétaires accommodantes, conventionnelles et non conventionnelles, depuis la Grande Récession de la fin des années 2000 participe largement à maintenir des taux d’intérêt bas, ce qui n’est pas sans poser des problèmes qui pourraient au final impacter la conjoncture. Le maintien de taux d’intérêt bas a des conséquences multiples sur l’économie, par exemple concernant les ménages. Ceux qui empruntent voient dans la baisse des taux le moyen d’emprunter à moindre coût et de gagner en pouvoir d’achat. Pour les ménages qui épargnent, l’effet est négatif en raison de la baisse de rémunération de nombreux placements. La baisse des taux engendre donc mécaniquement un transfert de revenu des créanciers vers les débiteurs. Des taux bas favorisent aussi la création d’emploi via le soutien à l’activité économique qu’ils permettent. La BCE évalue à près de 9 millions le nombre d’emplois qu’elle a participé à créer entre 2013 et 2018 grâce à sa politique accommodante.
Face à la gravité de la crise économique induite par la diffusion du coronavirus, ou de la Covid-19 (voir le Dossier spécial Covid-19), la régulation conjoncturelle s’est imposée comme une nécessité dans l’ensemble des pays touchés. Face à un double choc d’offre et de demande (voir le décryptage « Coronavirus et choc d’offre et choc de demande » , un soutien fort à l’activité a été jugé comme nécessaire. Les banques centrales ont très vite réagi en engageant des politiques de relance dans un cadre conventionnel comme non conventionnel (voir le décryptage « L’action des banques centrales dans la crise du coronavirus »). La politique budgétaire discrétionnaire a été aussi largement sollicitée. Des plans de soutien multiples ont été menés dans les pays touchés, dont la France (voir le décryptage « Un plan de soutien aux grandes entreprises nationales pour empêcher l’effet domino sur l’activité et l’emploi », « Un plan de soutien au monde de la culture, levier économique pour la sortie de crise »).