Définition
La transition démographique correspond au passage d'un régime dit traditionnel (stade "pré-transitionnel") caractérisé par une fécondité et une mortalité élevées à un régime démographique dit moderne, caractérisé par une fécondité et une mortalité faibles.
Analyse
Le schéma de la transition démographique a été mis en place à partir d'un constat fait sur un grand nombre de pays développés : avec le développement, le taux de mortalité s'effondre, mais le taux de fécondité ne chute que dans un second temps, d'où (pendant une période transitoire) une très vive croissance de la population. C'est le démographe français Landry, en 1909, qui parle le premier de cette révolution démographique mais la théorie ne sera véritablement mise en forme qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L'une des questions importantes des années 1960 était de savoir si les pays en développement connaîtraient la même transition. La chose est aujourd'hui certaine. Rétrospectivement, cela permet de relativiser tous les discours néo-malthusiens ou catastrophistes du type "bombe D" (D comme démographique) : les peuples du Tiers-monde ne garderont pas longtemps leur structure démographique actuelle, eux aussi connaîtront un jour les délices du vieillissement, et après une vive progression la population mondiale va connaître un plateau.
Les stades de la transition
1. Le régime démographique traditionnel
Le régime traditionnel est caractérisé par des taux élevés de natalité et de mortalité. Les taux de mortalité sont par ailleurs très fluctuants, avec des pics lors des famines et des épidémies. L'accroissement de la population est nul ou très faible. C'est le régime "de croisière" de la quasi-totalité de l'humanité pendant les siècles et les millénaires précédant l'âge des révolutions industrielles {pour des données sur très longues périodes, voir les travaux d'Angus Maddison (2001)}.
2. La transition démographique
La transition démographique comporte deux phases :
- a. Dans la première, la mortalité commence à baisser, tandis que la natalité reste forte ou même s'élève du fait de l'amélioration de l'état de santé des femmes. Par conséquent l'accroissement naturel augmente fortement, dans certains pays de plus de 2% par an. Quelques pays d'Afrique sub-saharienne se situent encore à ce stade, tandis que d'autres ont été quasiment renvoyés récemment au stade "pré-transitionnel" par les guerres civiles (Grands Lacs) ou par le Sida (Afrique australe).
- b. Dans la seconde, la natalité, à son tour, se met à décliner lentement, ce qui entraîne une baisse de l'accroissement naturel et donc une décélération progressive de la croissance démographique. C'est le stade atteint par la majorité des pays d'Asie et d'Amérique latine depuis les années 1970.
3. Le régime démographique moderne
Le régime moderne (ou situation "évoluée"), une fois terminée la transition, est caractérisé par des taux faibles de natalité et de mortalité. Désormais, c'est la natalité qui connaît certaines fluctuations avant de se stabiliser ; la mortalité est à peu près stable d'une année sur l'autre car il n'y a pratiquement plus de poussées épidémiques (quasi disparition des maladies contagieuses). La croissance de la population devient faible ou nulle (hors immigration). Certains pays comme la Russie et d'autres pays de l'ancien bloc de l'Est ont même prolongé ce schéma classique : la mortalité y est devenue supérieure à la natalité ; ce qui, joint à l'émigration des jeunes et aux problèmes occasionnés par l'alcool, entraîne parfois un recul de la population en terme absolu.
Les facteurs explicatifs
L'explication de la baisse du taux de mortalité est globalement simple et universelle. Si elle a été aussi forte dans les pays en développement, c'est en partie grâce au transfert de médicaments et de compétences médicales des pays du Nord dans les pays du Sud. On note :
- a. Les progrès alimentaires, qualitatifs et quantitatifs (diversification…),
- b. L'amélioration de l'hygiène, individuelle et publique (meilleur accès a l'eau…)
- c. Les progrès médicaux, comme l'antisepsie, la chirurgie et les vaccins
L'explication de la baisse du taux de natalité est plus délicate.
a. La baisse de la mortalité, notamment infantile
Les enfants qui meurent à la naissance ou peu après sont souvent remplacés. Certains portent même le prénom de leur frère décédé. Avec la baisse du taux de mortalité périnatale, le taux de fécondité baisse quasi naturellement. Il faut donc moins de grossesses pour un nombre d'enfants vivant équivalent.
b. Le recul de l'agriculture familiale implique des besoins inférieurs en main d'œuvre
A la campagne, l'enfant est une charge, mais aussi rapidement, un facteur de production. A la ville, il est d'abord une charge. On constate donc que l'urbanisation s'accompagne souvent d'une réduction rapide de la fécondité, accentuée par la promiscuité et des conditions de vie urbaines.
c. Les méthodes contraceptives, l'éducation et le travail des femmes se développent.
d. Des politiques de limitation des naissances ont été mises en place, soit incitatives, soit coercitives, dans de nombreux pays en développement (campagnes de stérilisation en Inde, politique de l'enfant unique en Chine…).
La transition démographique et la sortie de la trappe malthusienne s'expliquent principalement par l'accélération du progrès technique et des gains de productivité. Par exemple, certains modèles de croissance endogène montrent un processus en boucle tel que :
- Le progrès technique augmente la rentabilité de l'investissement en capital humain (moins d'enfants mais mieux élevés), d'où la demande de scolarisation croissante à partir de la seconde moitié du XIXème.
- L'amélioration de la formation du capital humain a un effet d'entraînement sur la productivité et le progrès technique.
- L'accélération du progrès technique entraîne l'allégement de la contrainte budgétaire sur les ménages qui peuvent consacrer plus de moyens au profit des enfants.
Conclusion
La transition est un modèle d'évolution, un modèle général de compréhension, elle ne s'est pas effectuée partout au même moment, ni selon le même rythme, ni pour les mêmes raisons. Le phénomène a débuté à la fin du XVIII° siècle en Europe du Nord-Ouest, s'est étalé sur deux siècles et est achevé aujourd'hui dans tous les pays de l'OCDE. Ceux-ci sont donc caractérisés par un accroissement naturel faible et des générations imparfaitement renouvelées ; le recours à l'immigration permet toutefois une croissance de la population, parfois vive (Australie, Israël, Canada,…). Au contraire, dans les pays en développement, la transition a démarré tardivement, dans les années 1940/1960 (selon les continents), et se déroule à un rythme extrêmement rapide, ce qui a conduit temporairement à des croissances démographiques explosives. Celles-ci sont en ralentissement aujourd'hui, mais certaines restent fortes. Il est ainsi possible de distinguer deux modèles généraux, eux mêmes divisés en une grande variété de situations.