La fondation Break Poverty mobilise le CJD et des entrepreneurs de Nantes pour accompagner les jeunes des quartiers.
Les entreprises peuvent lutter contre la pauvreté des jeunes. La fondation Break Poverty les mobilise dans plusieurs régions de France pour aider les enfants, les adolescents et les jeunes adultes qui vivent dans les quartiers les plus difficiles, les quartiers prioritaires, à rattraper leur retard scolaire, à se former et à trouver un premier emploi. « Les fondateurs de l’association qui sont des entrepreneurs, veulent que les entreprises se mobilisent pour la lutte contre la pauvreté des jeunes. Notre démarche est d’inspiration libérale », explique Valérie Daher, directrice générale de Break Poverty.
La fondation a été créée par Denis Metzger, président du fonds d'investissement Chequers Capital qui est engagé dans l'action humanitaire depuis de nombreuses années. Serge Papin, ex-PDG de System U, Pierre Derieux, consultant et investisseur indépendant qui a notamment travaillé 18 ans pour le Boston Consulting Group (BCG) en France et aux Etats-Unis, Christian Dargnat, président de la société de conseil Dargnatnomics et la journaliste Véronique Saint Olive en sont administrateurs.
La fondation a mis au point un dispositif adapté aux entreprises pour mener des actions sur le terrain. « Nous avons créé la dotation d’action territoriale (DAT) pour permettre aux entreprises d’agir sur leur territoire. Elles peuvent consacrer jusqu’à 2% de leur résultat net à des projets qu’elles choisissent et nous les encourageons à communiquer sur leur action », précise Valérie Daher. Ce dispositif a été retenu dans les mesures du plan pauvreté annoncé le 13 septembre 2018 par le président Macron.
Le système de dotation d'action territoriale a été expérimenté pour la première fois avec succès en 2018 à Romans-sur Isère dans la Drôme. Une quinzaine de petites et moyennes entreprises réalisant entre 2 et 6 millions d’euros de chiffre d’affaires, la caisse régionale du Crédit Agricole, Framatome, et la mairie financent pour un montant d’1,6 million d’euros les programmes qui accompagnent 1000 jeunes sur trois ans.
Break Poverty mobilise également des entrepreneurs à Béthune dans le Pas-de-Calais et à Nantes en Loire Atlantique. « Nous avons rencontré sept mouvements d’entrepreneurs, le Medef, la Chambre de Commerce et d’Industrie, le Cercle des Jeunes Dirigeants, la CPME, les Dirigeants Responsables de l’Ouest, les femmes chef d’entreprises et le réseau Entreprendre pour le mettre en place sur Nantes Métropole», témoigne Valérie Daher.
Pragmatique, Break Poverty qui travaille avec les associations locales et les pouvoirs publics, a dressé un diagnostic de la précarité des jeunes qui a surpris certains entrepreneurs. « Cela a été un véritable choc de découvrir que le taux de pauvreté des quartiers prioritaires de la métropole de Nantes était si élevé. Il est équivalent à celui des villes de la Seine Saint-Denis », observe Pierre-Yves Loaëc, directeur associé de la société Nobilito et président du Centre des Jeunes Dirigeants de Nantes (CJD) qui mobilise les 1000 membres du réseau patronal entre les anciens et les 130 adhérents actifs.
« Je n’imaginais pas qu’il existait un tel écart entre quartiers dans une ville comme Nantes, confie Richard Thiriet, président du groupe industriel CNI (12 millions d’euros de chiffre d’affaires, 120 salariés) et ex-président du CJD France (2014-2016). Les entrepreneurs doivent s’engager pour trouver des solutions dans les zones de pauvreté où les politiques ont échoué. Distribuer des subventions ne suffit pas ».
Cette démarche exige que chaque partie apprenne à se connaître. «L’entreprise et les quartiers se sont ignorés pendant des années. La première démarche est d’établir un dialogue pour que ces deux mondes s’apprivoisent. Il faut aller dans les quartiers pour prendre conscience de la réalité», constate Richard Thiriet.
Break Poverty a sélectionné 15 projets portés par des associations nantaises. Elle a proposé deux projets supplémentaires déjà mis en place avec succès dans d’autres villes. Le premier est soutenu par l’association Cravate solidaire qui aide les jeunes à se préparer à un entretien d’embauche. Le second par l’association Becom-tech qui encourage les jeunes filles à choisir les métiers du numérique et de l’informatique.
L’objectif est de mobiliser 2 millions d’euro sur trois ans pour aider 10 000 à 15 000 jeunes issus de plusieurs centaines de familles en menant des actions dans quatre domaines : le soutien à la petite enfance, la prévention du décrochage scolaire, le rapprochement des jeunes du monde de l’entreprise et l’accès au premier emploi.« Il faut apprendre les règles élémentaires du travail à ces jeunes dont les parents sont souvent, hélas, au chômage depuis longtemps : le respect des horaires, la manière de se comporter. L’entreprise doit former le salarié au savoir-faire et au savoir-être. », affirme Richard Thiriet.
Le programme « les plombiers du numériques » forme des décrocheurs aux métiers de la fibre.
Car il existe un véritable gouffre culturel entre les deux mondes. « Nos entreprises recrutent du personnel. Il est essentiel d’expliquer aux jeunes des quartiers prioritaires ce qu’est un employeur. Ils en ont souvent une mauvaise image car ils vivent dans des quartiers où il y a du chômage et ils peuvent penser que c’est la faute des employeurs », souligne Pierre-Yves Loaëc.
Mais les entreprises ne sont pas seulement appelées à financer. Leurs dirigeants et leurs salariés sont surtout encouragés à faire bénéficier les jeunes de leurs compétences. « Le plus important est l’engagement personnel. Je souhaite que les dirigeants et les salariés puissent participer aux actions mises en place en donnant du temps sur leurs heures de travail ou sur leur temps personnel », explique Richard Thiriet.
Cette démarche est soutenue par Pierre-Yves Loaëc. « Le mécénat de compétences joue un rôle essentiel. Les entrepreneurs et les salariés peuvent aider les jeunes, par exemple à faire leur devoir et les accompagner dans leur scolarité », assure le président du Centre des Jeunes Dirigeants de Nantes. Plusieurs salariés de Nobilio sont prêts à prendre sur leur temps pour participer à des projets. Cette action complète l’engagement sociétal de l’entreprise qui expérimente l’hébergement d’une personne sans domicile après les heures de travail. Celle-ci peut dormir, se faire à manger, prendre une douche, porter des vêtements propres. « Nous favorisons ainsi la transition de la rue au retour à l’emploi. », témoigne Pierre-Yves Loaëc.
Nantes va permettre à Break Poverty de renforcer son implantation régionale. « Notre ambition est d’essaimer sur toute la France et d’avoir une centaine d’implantations en nous appuyant sur les pouvoirs publics et les associations locales. Dans la Drôme, nous avons, par exemple, des correspondants à la mairie de Romans », conclut Valérie Daher. Son objectif est aussi d’inscrire dans la loi le dispositif dotation d’action territoriale grâce au soutien du gouvernement.
Propos rédigés par Yann Le Galès