Selon la FEVAD (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), le e-commerce se portait très bien juste avant la crise du Covid-19. En 2018, le chiffre d’affaires du secteur est de 92,6 milliards d’euros (avec une prévision dépassant largement les 100 milliards pour 2020), réalisé à partir de 1,5 milliard de transactions en ligne (+ 20% par rapport à 2017), dont 22 % issu du mobile. Ce chiffre d’affaires est obtenu à partir de 180000 sites marchands actifs, représentant déjà 9,1% du commerce de détail, avec en tête le secteur touristique, les produits culturels, l’équipement de la maison, et la mode. Au-delà de la croissance en volume du e-commerce, plusieurs éléments semblent témoigner de son irréversibilité.
En effet, quand on entre dans le détail, on constate que les internautes sont de plus en plus nombreux. En France, on compte maintenant 38,8 millions d’e-acheteurs, avec des comportements qui concernent toutes les tranches d’âge (les plus de 65 ans équipés d’un smartphone consomment désormais en ligne pour 80% d’entre eux). Les achats effectués sont de plus en plus fréquents. En moyenne, il y a 39 paniers validés par internaute pour un total de 2420 euros. Le montant moyen de ces transactions est de 61,5 euros. Les produits achetés sont souvent livrés à domicile et payés par carte bancaire, même si on note une avancée plus que significative des portefeuilles en ligne (11,5% des règlements).
Un autre point à signaler dans cette évolution est la complémentarité entre le commerce physique et le commerce en ligne, complémentarité qui montre que les frontières s’atténuent peu à peu. 14% des entreprises de plus de 10 salariés vendent maintenant en ligne, et 80% des e-commerçants constatent un impact favorable de leur site sur leurs boutiques physiques. Quant au mobile, il est aussi un moteur du commerce physique. 56% des acheteurs y font des recherches en amont de leur achat, 52% l’utilisent pour localiser une boutique, et 38% comparent les prix et les avis clients avant de se rendre en boutique.
Le dernier point qui semble témoigner de l’irréversibilité du commerce en ligne est sa diffusion internationale. A l’échelle mondiale, l’e-commerce comptabilise 2131 milliards de dollars. La Chine est en première place, suivie par les États-Unis et le Royaume-Uni. L’Europe représente à ce stade 30% du volume de ce chiffre d’affaires mondial (547 millions d’euros), et la France est le second marché européen derrière le Royaume-Uni, suivie de près par l’Espagne.
Dans les circonstances actuelles, on aurait pu penser que le confinement allait donner globalement un coup d’accélérateur au e-commerce. Toutefois, toujours selon la FEVAD, la réalité est très différente. Dans un sondage réalisé le 30 mars 2020 auprès de ses adhérents, la FEVAD révèle que 76% des 136 sites interrogés (sur 800 adhérents) ont enregistré un recul des ventes depuis le 11 mars, avec pour la moitié d’entre eux un recul de plus de 50%. La mode et l’équipement de la maison sont les secteurs les plus touchés. Certains secteurs tirent néanmoins leur épingle du jeu. C’est le cas des acteurs de l’alimentaire, de la téléphonie-informatique, et des produits culturels et éducatifs. En ce qui concerne l’alimentaire tout particulièrement, les Français se sont jetés par exemple dans la semaine du 16 au 22 mars sur tous les créneaux de livraison à domicile et de « drive » disponibles, si bien que les ventes dans le e-commerce alimentaire ont atteint un niveau historique (près de 250 millions d’euros pour la semaine). La progression est particulièrement nette pour la livraison à domicile, qui ne touchait jusque-là qu’une faible part des foyers par rapport au drive. La croissance de la livraison à domicile est de 45% sur le premier trimestre 2020, contre 24% pour l’ensemble de l’année précédente.
La question (d’une importance cruciale pour l’ensemble du secteur de la distribution) est de savoir si cette trajectoire pourrait perdurer une fois le confinement terminé. Pour la plupart des experts, c’est une question de temps. Plus le confinement va durer, plus il sera susceptible de modifier en profondeur les habitudes de consommation. C’est particulièrement vrai en France où le commerce en ligne est moins avancé que dans d’autres pays comme le Royaume-Uni. Par exemple, en France, tout au moins au début de la crise, le commerce global non alimentaire n’a pas crû. Si certaines catégories comme les produits électroniques, les achats numériques ou les jeux vidéo et les applications mobiles ont été dopées par le confinement, d’autres se sont effondrées comme les produits de beauté ou l’équipement de la maison. Il n’en va pas de même au Royaume-Uni où les meilleures ventes d’Amazon témoignent d’une forte envie de bricolage et de jardin, à tel point que le NHS (National Health Service) a dû inciter les britanniques à la prudence à l’heure où les urgences étaient déjà saturées par l’épidémie de coronavirus.
La croissance de e-commerce en France se fera aussi grâce à son adoption massive par une nouvelle clientèle, et notamment par des consommateurs un peu plus âgés, et de ce fait un peu moins habitués à Internet. On a ainsi déjà observé une forte augmentation des achats en ligne de la génération X (1966-1976) qui pourrait garder ces habitudes, ou tout au moins une partie d’entre elles, à l’issue du confinement.