Séance 1 : L’accueil des personnes âgées dépendantes en Ehpad peut-il être à but lucratif ?

Objectifs de savoirs : Mobiliser les notions d’entreprises, d’administrations publiques, d’économie sociale et solidaire, de production marchande et de production non marchande.

Objectifs de savoir-faire : Lire des % de répartition, argumenter (à l’écrit ou à l’oral).

Durée de l’activité : 1h30

Etape 1 : S’interroger

« Les Fossoyeurs », un livre qui ouvre le débat sur la gestion et le contrôle des maisons de retraite

Facile

Le journaliste indépendant Victor Castanet décrit dans une enquête très fouillée, publié chez Fayard mercredi 26 janvier, les dérives lucratives de certains Ehpad du secteur privé. Son travail nourrit une nécessaire réflexion sur les modalités de prise en charge de la dépendance.

Source : Titre d’un article du journal Le Monde, daté du 24 janvier 2022.

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« Dérives lucratives » = dérives liées à la recherche du profit è Problème posé par les risques d’abus liés à la recherche du profit qui passe avant le bien être des personnes âges.

Rappel profit = CA – Coûts de production – Plus les coûts sont faibles, plus les profits sont élevés.

  • Y a-t-il une compatibilité possible entre le bien être des personnes âgées dépendantes accueillies en Ehpad et la recherche de profit de ces Ehpad ?

L’accueil des personnes âgées dépendantes en Ehpad peut-il être à but lucratif ?

Etape 2 : Comprendre

Comprendre

Facile

Ressources utiles : Question 1 : Qui produit ? | Melchior

Produire consiste à créer des biens et des services.

  • Un bien est matériel et stockable.
  • Un service est immatériel et non stockable.

La production peut être marchande si elle est vendue sur un marché à un prix supérieur aux coûts de production. La production est non marchande lorsqu’elle est gratuite ou vendue à un prix inférieur à la moitié des coûts de production.

Les entreprises réalisent une production de biens et de services marchands.

Les administrations publiques réalisent une production de services non marchands financés grâce aux prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales, taxes,..).

Les organisations productives de l’économie sociale et solidaire ont un but d’utilité sociale plutôt que lucratif. Les bénéfices sont réinvestis dans l’organisation. Il s’agit des associations, des mutuelles, des fondations et des coopératives.

 

Document 1 : Places en Ehpad selon le statut juridique de l’établissement en 2015

 

Document 2  :   Coût par financeur et section tarifaire (en milliards d’euros)

 

Document 3 :

En 2030, 21 millions de séniors de 60 ans ou plus vivront en France, soit 3 millions de plus qu’en 2019. Selon le modèle de projection des Lieux de vie et autonomie (LIVIA) de le DREES, conserver les pratiques actuelles d’entrée en institution des personnes âgées en perte d’autonomie supposerait de doubler dans la durée le rythme d’ouverture de places observé depuis 2012, afin d’accueillir 108 000 résidents supplémentaires en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) entre 2019 et 2030, puis encore 211 000 entre 2030 et 2050, qui viendrait s’ajouter aux 611 000 résidents sur les places existantes.

Source : Etudes et résultats n°1172, Drees, Parue le 02/12/2020.

 

Document 4  :  Taux d’encadrement moyen (1) en Ehpad, selon le statut juridique de l’établissement en 2015

Document 5  : Des différences de tarification

Le tarif hébergement est à la charge du résident, il s’établit en moyenne à 66€ par jour en 2018. Ce tarif varie en fonction du statut juridique de l’établissement : 56€ dans les EHPAD publics rattachés à un hôpital, 57€ dans ceux non-rattachés à un hôpital, 64 € dans les établissements privés à but non lucratif et 89€ dans ceux à but lucratif. […] Si les départements régulent les tarifs des établissements publics et non lucratifs, [en revanche] les EHPAD à but lucratif fixent librement les leurs.

[Ce] tarif hébergement permet de financer, outre le personnel, les coûts liés à l’entretien et aux repas ou à l’entretien et à l’administration générale mais aussi les coûts immobiliers. Les taux d’encadrement relevant de cette section ainsi que les frais d’hôtellerie étant comparables en moyenne entre statuts juridiques, ces deux éléments ne permettent pas d’expliquer des tarifs d’hébergement plus élevés dans le secteur privé.

En revanche, les coûts immobiliers sont hétérogènes parmi les EHPAD et représentent entre 10% et 30% du tarif facturé. Cette hétérogénéité s’explique en partie par le statut juridique de l’établissement. D’abord, les EHPAD publics sont plus souvent propriétaires de leurs locaux. De plus, ils sont en moyenne plus anciens et les coûts liés au bâti sont donc plus fréquemment amortis. Enfin, les coûts immobiliers étant liés au coût du foncier, les EHPAD privés à but lucratif, plus souvent dans des zones urbaines denses, répercutent des coûts plus importants sur les tarifs d’hébergement.

Ensuite, les établissements privés à but lucratif versent une partie des financements de la section hébergement aux investisseurs (dividendes par exemple). Dans une moindre mesure, les établissements privés à but non lucratif versent pour certains d’entre eux une partie des fonds de la section hébergement à leur siège social.

Source : Les comptes de la sécurité sociale, juin 2020

 

Questions : 

1) A quel type d’organisation productive correspondent les Ehpad (administrations publiques, entreprises, économie sociale et solidaire) ? (Doc. 1)

2) Que produisent les Ehpad ? (Doc. 2)

3) Les Ehpad réalisent-ils une production marchande ou une production non marchande ? (Doc. 2)

4) Combien de personnes étaient accueillies en Ehpad en 2019 ? (Doc. 3)

5) Pour faire face au vieillissement de la population, combien de places supplémentaires faudrait-il prévoir d’ici 2030 ? D’ici 2050 ? (Doc. 3)

6) Faites une phrase donnant la signification de la donnée entourée du document 4.

7) Comparez le taux d’encadrement selon les statuts juridiques des Ehpad. (Doc. 4)

8) Comparez le tarif moyen d’hébergement selon le statut juridique. (Doc. 5)

9) Qui fixe ces tarifs ? (Doc. 5)

10) Comment peut-on expliquer ces différences de tarifs ? (Doc. 5)

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Questions : 

 

1) A quel type d’organisation productive correspondent les Ehpad (administrations publiques, entreprises, économie sociale et solidaire) ? (Doc. 1)

Certains Ehpad sont des administrations publiques : Ehpad publics hospitaliers et non hospitaliers.

D’autres sont des entreprises : Ehpad privés à but lucratif (donc dont l’objectif est de faire du profit, qui va être en partie reversé aux propriétaires de l’Ehpad).

Enfin certains sont privés et appartiennent au secteur de l’économie sociale et solidaire : Ehpad privés à but non lucratif.

 

2) Que produisent les Ehpad ? (Doc. 2)

Des services : d’hébergement mais aussi de soin et d’aides aux personnes dépendantes.

 

3) Les Ehpad réalisent-ils une production marchande ou une production non marchande ? (Doc. 2)

Tout dépend du service produit : le service de soin et de prise en charge de la dépendance sont plutôt non marchands car ils sont financés par les administrations publiques. En revanche, les services d’hébergement sont essentiellement marchands car ils sont essentiellement financés par les résidents.

 

4) Combien de personnes étaient accueillies en Ehpad en 2019 ? (Doc. 3)

611 000

 

5) Pour faire face au vieillissement de la population, combien de places supplémentaires faudrait-il prévoir d’ici 2030 ? D’ici 2050 ? (Doc. 3)

108 000 d’ici 2030 et 211 000 en plus d’ici 2050 (soit 329 000 en tout d’ici 2050).

 

6) Faites une phrase donnant la signification de la donnée entourée du document 4.

En 2015, en France, selon la Dress, dans le Ehpad privés commerciaux, il y avait 41 soignants et agents de service pour 100 résidants.

 

7) Comparez le taux d’encadrement selon les statuts juridiques des Ehpad. (Doc. 4)

Taux d’encadrement Ehpad publics hospitaliers > Taux d’encadrement Ehpad publics non hospitaliers > Taux d’encadrement Ehpad privés à but non lucratif > Taux d’encadrement Ehpad privés commerciaux.

 

8) Comparez le tarif moyen d’hébergement selon le statut juridique. (Doc. 5)

Tarif moyen dans les Ehpad publics < Tarif moyen dans les Ehpad privés à but non lucratif < Tarif moyen dans les Ehpad privés commerciaux.

 

9) Qui fixe ces tarifs ? (Doc. 5)

« Si les départements régulent les tarifs des établissements publics et non lucratifs, [en revanche] les EHPAD à but lucratif fixent librement les leurs. »

 

10) Comment peut-on expliquer ces différences de tarifs ? (Doc. 5)

Différences de coûts immobiliers (Propriété des locaux, localisation) mais aussi versement d’une partie des tarifs d’hébergement aux actionnaires (propriétaires) dans les Ehpad privés commerciaux.

Etape 3 : Argumenter / Débattre

Etape 3

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Débat : L’accueil des personnes âgées dépendantes en Ehpad peut-elle être à but lucratif ?

 

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A l’aide des réponses aux questions précédentes et de votre réflexion, préparez des arguments contradictoires répondant à cette question.

Possibilité de demander un travail écrit ou d’organiser un débat en classe ou de demander aux élèves, par groupes, de s’enregistrer en simulant une émission de radio (un animateur, un invité pour, un invité contre).

 

Etape 4 : Pour aller plus loin

Etape 4

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En tant que ministre des solidarités et de la santé, quelles solutions proposeriez-vous pour une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes ?

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Réflexion autour de la régulation des tarifs par les pouvoirs publics OU sur la fixation de taux d’encadrement minimum.

Pour conclure :

Faut-il privatiser les EHPAD ?

A l’aide des réponses aux questions précédentes et du texte ci-dessous, préparez des arguments contradictoires répondant à cette question.

Depuis quelques semaines, et notamment depuis la parution du livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet, la gestion des EHPAD privés est fortement mise en cause, avec la mise en évidence de phénomènes de rationnement des soins et de l’alimentation des personnes âgées qui les fréquentent, de conditions de travail difficiles pour les personnels qui y travaillent, voire de malversations comme l’existence parfois observée de rétrocommissions (pratique illégale, consistant pour le vendeur à offrir plus de commission que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit une partie de la somme superflue après la transaction initiale). Pour un certain nombre d’observateurs, cette situation délétère est le résultat de la mise en concurrence des structures, de la recherche du profit et de la maîtrise des coûts associée à cette recherche, qui a progressivement éloigné les EHPAD de leur mission première, à savoir l’accompagnement des personnes âgées qui les fréquentent dans le respect et la dignité qui leur sont dues.

La question qui se pose est alors la suivante : le secteur privé est-il par essence incapable d’assumer une mission sociale de ce type, ou le problème est-il d’une nature différente ?

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut rappeler que le statut d’EHPAD a été créé en 1997. La prise en charge de la perte d’autonomie par les finances publiques existait depuis les années 1960, et la décision a été prise en 1997 d’extraire la partie « autonomie » du budget de la Sécurité sociale pour la confier aux départements. A partir de ce moment, les organisations publiques, tout comme celles relevant de l’Economie sociale et solidaire (ESS), ont été mises en concurrence avec les établissements privés lucratifs. Aujourd’hui, sur les 7400 EHPAD en France, qui hébergent à peu près 600000 résidents, près de 50% d’entre eux sont publics, et le reste se partage à peu près à égalité entre le secteur privé non lucratif (ESS) et le secteur privé lucratif.

La dégradation progressive des conditions de travail dans les EHPAD, et la dégradation des conditions de vie des personnes âgées qui les fréquentent est une réalité incontestable (voir les rapports parlementaires dont on trouvera les références plus bas, ainsi que le projet de loi « Grand âge et autonomie » de 2021), et est avant tout lié à leur financement. Celui-ci, régulé par les Agences régionales de santé (ARS) et les Conseils départementaux, repose sur trois volets : le volet « soin » (personnel soignant, matériel médical…), pris en charge par l’Assurance maladie, le volet « dépendance » (aide à la vie quotidienne, agents de service…) géré par les Départements via l’Aide personnalisée à l’autonomie (APA), et le « tarif hébergement », qui comprend l’hôtellerie, les animations, la restauration, à la charge des résidents et de leurs familles.

C’est souvent sur le coût de l’hébergement que l’on observe les plus grandes disparités. Celui-ci est moins encadré, et peut parfois atteindre plusieurs milliers d’euros, justifié par le secteur privé lucratif par un coût du foncier en milieu urbain important (ce qui est surtout valable à Paris et dans sa région). En ce qui concerne la dépendance, le niveau de ressources dont peut bénéficier une structure est évalué selon la grille AGGIR (Autonomie gérontologie groupes iso-ressources). Aux deux extrêmes les GIR 1et 2 correspondent à un état de dépendance totale ou sévère, et le GIR 6 à des personnes totalement autonomes. Plus de la moitié des résidents en EHPAD relèvent des GIR 1 et 2, et plus d’un tiers des GIR 3 et 4. Le secteur privé lucratif s’est plutôt positionné sur la très grande dépendance, les établissements publics et l’ESS sur la dépendance moindre, notamment parce-que ces établissements sont anciens et n’ont pas les moyens pour investir dans les équipements nécessaires pour faire face à la grande dépendance. Un des points qui fait question, et qui est assez paradoxal, est que le niveau d’encadrement des résidents est très différent selon le statut de l’EHPAD : 67% dans le public, 53% pour le secteur privé non lucratif, et 49% seulement pour le secteur privé lucratif, qui accueille pourtant comme on vient de le voir les personnes les plus dépendantes. Un autre point est que, dans un souci de maîtrise des dépenses publiques, la recherche de la rationalisation des soins a conduit à mettre en place une tarification à l’acte qui a renforcé la concurrence entre les différentes structures, et qui peut déboucher dans un certain nombre de cas sur une moindre qualité de service pour les résidents, puisque l’interaction sociale n’est pas prise en compte dans cette tarification, alors qu’elle s’avère pourtant essentielle pour la plupart des personnes dépendantes et âgées. Dans le système de tarification à l’acte, les financements sont octroyés au mieux offrant en termes de prix et de « qualité » de service, et ils arrivent plutôt au secteur privé lucratif et dans une certaine mesure aussi à l’ESS qu’au secteur public.

Quel avenir dans ce contexte pour les EHPAD ? Selon l’INSEE, en 2030, il y aura plus de 100000 personnes âgées dépendantes supplémentaires, et le besoin de financement des EHPAD à cet horizon est fixé à 10 milliards d’euros. En 2050, au total, 4 millions de Français devraient être en situation de dépendance. Evidemment, si les EHPAD basculent entièrement dans le secteur public au nom du principe de la mission sociale de ces structures, jugé a priori peu compatible avec l’exigence de rentabilité, le coût de fonctionnement sera considérablement accru, avec une pression très forte sur la dépense publique. Faut-il rappeler, comme on l’a dit plus haut, que la réforme de 1997 visait à alléger le budget de la Sécurité sociale ? Et faut-il rappeler aussi qu’en 2020, les dépenses publiques représentent 61,6% du produit intérieur brut, ce qui constitue le niveau le plus élevé des pays de l’OCDE ? Est-il alors bien raisonnable de proposer dans ces conditions une réforme qui ne pourrait qu’accroître fortement à nouveau la dépense publique dans un délai assez court, et qui supposerait évidemment d’augmenter à terme la pression fiscale déjà élevée qui pèse sur les actifs ?

Dans ces conditions, où peut bien être la solution ? Contrairement à ce qui a été évoqué brièvement dans l’introduction, il est faux de dire que le secteur privé est condamné au mépris des personnes (qu’il s’agisse des résidents des EHPAD ou des personnels qui y travaillent) au nom de la recherche exclusive du profit. Cette dernière est tout à fait compatible avec la poursuite d’objectifs sociaux. Mais il faut pour cela que la concurrence entre les structures se fasse dans un cadre clair, c’est-à-dire que les différents établissements soient évalués sur l’essentiel, à savoir la qualité du service réellement rendu à leurs usagers. Cela suppose la définition de règles strictes, la possibilité effective pour les usagers de choisir entre les différentes structures (instauration d’une concurrence réelle entre le établissements), et l’intervention d’une autorité de régulation chargée d’évaluer systématiquement, et à intervalles réguliers, les EHPAD, et aussi de sanctionner les structures défaillantes. C’est donc, comme bien souvent quand on analyse le fonctionnement des marchés, de la création de bonnes institutions (et de la construction d’outils d’évaluation adéquats) que dépend l’avenir des EHPAD, plutôt que d’une perspective de la socialisation intégrale de ce secteur d’activité, qui sur le fond du problème ne résoudrait rien du tout.

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