REVISION du Chapitre : Comment est structurée la société française actuelle ?

REVISION du Chapitre : Comment est structurée la société française actuelle ?

Réviser les bases :

  • EPREUVE COMPOSEE (Il ne s'agit pas d'une véritable épreuve de baccalauréat puisqu'au Baccalauréat chaque partie de l'épreuve composée porte sur une question différente du programme)

  • DISSERTATION

  • QCM

EPREUVE COMPOSEE : Exemple de Partie 1

EPREUVE COMPOSEE : Exemple de Partie 1 : Première partie : Mobilisation des connaissances (4 points)

Facile

Sujet : Présentez deux évolutions de la structure socioprofessionnelle française depuis la seconde moitié du XXème siècle.

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La structure socioprofessionnelle désigne la répartition de la population en groupes socioprofessionnels distincts.

Depuis la seconde moitié du XXème siècle quatre grandes évolutions sont à noter : la salarisation, la féminisation, la tertiarisation et la montée des qualifications. Nous étudierons plus avant la salarisation et la féminisation.

La salarisation peut être définie comme la montée de la part des emplois salariés dans l’emploi total. Dans les années 1960, 70 % des emplois sont salariés, dans les années 2010, ce sont 90 % des emplois qui sont salariés.

Cela provient notamment de la quasi-disparition de l’emploi indépendant « traditionnel » (paysannerie, petits artisans et commerçants), du développement des catégories salariées non ouvrières (comme les employés, les professions intermédiaires et les cadres salariés).

La féminisation quant à elle désigne l’augmentation de la part des femmes dans l’emploi. Dans les années 1960, les femmes représentent près d’un tiers des actifs en emploi, dans les années 2010, elles sont plus de 45 %. Cela s’explique par l’élévation du niveau de diplôme des femmes, leur volonté d’acquérir leur indépendance, notamment financière, le besoin d’avoir deux salaires à l’ère de la consommation de masse.

 

EPREUVE COMPOSEE : Partie 2 : Etude d’un document (6 points)

EPREUVE COMPOSEE : Partie 2 : Etude d’un document (6 points)

Facile

1) Commentez les données de la ligne « 50 % des salariés gagnent moins de… »

2) A l'aide du document et de vos connaissances, expliquez les écarts constatés entre salaires des hommes et salaires des femmes.

 

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1) Commentez les données de la ligne « 50 % des salariés gagnent moins de… »

En France, en 2018, 50 % des salariés (hommes et femmes) gagnent moins de 1 871 euros nets par mois en équivalent temps plein. Il s’agit de ce que l’on appelle le salaire médian. A la même date, 50 % des hommes salariés touchent moins de 1 972 euros, alors que 50 % des femmes salariées touchent moins de 1 737 euros. Les femmes salariées touchent un salaire médian net mensuel équivalent temps plein inférieur de 12 % à celui des hommes salariés.

2) A l'aide du document et de vos connaissances, expliquez les écarts constatés entre salaires des hommes et salaires des femmes.

Le tableau montre la persistance d’écarts de salaires entre hommes et femmes. Les femmes salariées touchent en moyenne un salaire net mensuel en équivalent temps plein inférieur de 17 % à celui des hommes salariés. Qui plus est, plus l’on « monte » dans l’échelle des salaires, plus ces écarts ont tendance à se creuser. Ainsi, les 10 % des salariées femmes les moins bien payées touchent un salaire mensuel net en équivalent temps plein inférieur de 5 % à celui des 10 % d’hommes salariés les moins bien rémunérés, alors que les 10 % des salariées femmes les mieux payées touchent un salaire mensuel net en équivalent temps inférieur de 32 % à celui des 10 % des hommes salariés les mieux payés.

Les femmes se heurtent à plusieurs phénomènes qui peuvent expliquer cela. En premier lieu, elles subissent une ségrégation horizontale, à savoir une concentration dans des professions féminisées souvent dévalorisées socialement et financièrement (métiers d’employées de services, métiers du care…). En second lieu, elles sont aussi l’objet d’une ségrégation verticale, qui fait que les progressions de carrière sont souvent plus compliquées pour les femmes. Elles subissent ainsi un « plafond de verre » qui leur rend peu accessibles les positions les plus rémunératrices, et un « plancher collant », qui les « retient » dans les échelons les plus bas de la hiérarchie d’une profession.

EPREUVE COMPOSEE : Partie 3 (10 points)

EPREUVE COMPOSEE : Partie 3 (10 points)

Facile

Sujet : Vous montrerez qu’il existe de multiples facteurs de hiérarchisation de l’espace social en France 

Document 1 :

Document 2 :

Qui vit dans un logement suroccupé ?

Part exprimée en %

 

Document 3

Tout d’abord, le niveau de vie peut être la cause directe d’un état de santé plus ou moins bon, et donc d’une durée de vie plus ou moins longue. Ainsi, les difficultés financières peuvent limiter l’accès aux soins. Par exemple, d’après l’enquête Santé et protection sociale de 2014, 11 % des adultes parmi les 20 % les plus modestes disent avoir renoncé pour des raisons financières à consulter un médecin au cours des 12 derniers mois, contre 1 % des adultes parmi les 20 % les plus aisés. D’autre part, le niveau de vie a aussi un effet indirect sur la santé, parce qu’il est lié à des facteurs également associés à une santé plus ou moins bonne comme la catégorie sociale, le diplôme ou la région de résidence. Les cadres ont un niveau de vie élevé et sont moins soumis aux risques professionnels (accidents, maladies, exposition à des produits toxiques) que les ouvriers. De même, les comportements moins favorables à la santé sont plus fréquents chez les non-diplômés que chez les diplômés. Par exemple, d’après le Baromètre Santé 2016, 39 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sans diplôme fument quotidiennement, contre seulement 21 % des diplômés du supérieur. Par ailleurs, un faible niveau de vie peut également être la conséquence d’une mauvaise santé plutôt qu’en être la cause. Une santé défaillante peut freiner la poursuite d’études, l’exercice d’un emploi, ou l’accès aux emplois les plus qualifiés. Enfin, la capacité à surmonter ou éviter les maladies et les accidents pourrait être liée à la capacité qui permet d’atteindre un niveau de rémunération élevé. Par exemple, obtenir un salaire élevé malgré l’absence de diplôme pourrait refléter des aptitudes à la fois favorables dans le domaine professionnel et dans le domaine de la santé.

Source : Nathalie Blanpain, « L’espérance de vie par niveau de vie : chez les hommes, 13 ans d’écart entre les plus aisés et les plus modestes », INSEE Première, n°1687, 06/02/2018.

 

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Les travaux portant sur le niveau des inégalités -entendues comme des différences d’accès entre individus ou groupes sociaux à des ressources socialement valorisées- tendent à démontrer l’existence en France d’un mouvement séculaire de baisse des inégalités d’ordre économique. Même si les indicateurs tels que le coefficient de Gini ou le ratio de Palma indiquent que cette tendance semble s’être retournée à partir des années 2000, il n’en apparaît pas moins que la France n’est pas caractérisée par un niveau élevé d’inégalités en matière de salaires et, plus largement, de revenus. Cela signifie-t-il pour autant que l’on assiste à l’avènement d’une société non hiérarchisée, dans laquelle on ne distinguerait plus de groupes sociaux plus favorisés que d’autres ? Il n’en est rien, et de nombreux facteurs de stratification de la société française persistent, que l’on peut classer en trois « blocs » : les facteurs socio-économiques (I), les facteurs socio-démographiques (II) et les facteurs socio-culturels (III).

 

I/Il existe des facteurs socio-économiques qui hiérarchisent l’espace social

 

  • Parmi ces facteurs, on retrouve la profession, le statut d’activité, le niveau de revenus.
  • Les individus appartenant à des groupes favorisés sur le plan socio-économique accèdent plus facilement que les autres aux ressources économiques (revenus, patrimoine…). Cela nourrit la dynamique des inégalités économiques, notamment par le biais de l’acquisition d’un patrimoine, vecteur principal de la reprise récente des inégalités de revenus en France. Les individus appartenant à ces groupes favorisés sont aussi moins exposés aux risques socio-professionnels que sont le chômage, la précarité.
  • Ils accèdent aussi plus facilement à des biens et services socialement valorisés, comme le logement.

Exploitation du document 2 : en France en 2020, sur 100 cadres supérieurs vivant en couple ou famille, 10,5 en moyenne vivent dans un logement suroccupé, sur 100 ouvriers non qualifiés dans la même situation familiale, 19 en moyenne vivent dans un logement suroccupé.

En France en 2020, sur 100 personnes vivant en couple ou en famille appartenant aux 10 % les plus pauvres, 28,6 en moyenne se trouvent dans un logement suroccupé. Sur 100 personnes vivant en couple ou en famille appartenant aux 10 % les plus riches, 4,5 en moyenne habitent un logement suroccupé.

  • Les individus appartenant à des groupes favorisés sur le plan socio-économique jouissent aussi d’une meilleure santé et ont une espérance de vie plus longue que les autres.

Exploitation du document 3 : impact du niveau de vie sur l’espérance de vie. Les plus riches accèdent plus facilement aux soins, sont plus protégés des risques socio-professionnels et adoptent des comportements plus favorables au maintien en bonne santé (alimentation, pratique du sport…).

 

II/Il existe des facteurs socio-démographiques qui hiérarchisent l’espace social

  • Parmi ces facteurs, on peut dénombrer : l’âge/la génération, le genre, l’origine ethnique, le lieu de résidence, la composition du ménage…
  • L’impact de l’âge et de la génération

Les plus jeunes sont aussi les plus exposés aux risques socio-économiques : chômage, précarité, pauvreté, faibles revenus

Exploitation du document 1 : en France en 2017, sur 100 jeunes âgés de 18 à 29 ans, 12,6 en moyenne sont sous le seuil de pauvreté (à 50 % du revenu médian). Le taux de pauvreté diminue ensuite avec l’âge. Sur 100 personnes âgées de plus de 75 ans, 3 en moyenne sont touchées par la pauvreté.

  • L’impact du genre

Les femmes sont certes plus diplômées du supérieur que les hommes, bénéficient d’une espérance de vie plus longue, mais sont plus touchées qu’eux par la pauvreté et la précarité et sont moins bien rémunérées qu’eux, cela même en contrôlant les variables « temps de travail » et « profession ».

  • L’impact de l’origine ethnique

Les populations d’origine immigrée apparaissent victimes de discriminations multiples (accès à l’enseignement supérieur, à l’embauche…).

Exploitation du document 2 : en France en 2020, sur 100 personnes vivant en couple ou famille, nées Françaises de parents français, 8,9 en moyenne habitent dans un logement suroccupé. Sur 100 personnes immigrées d’origine non européenne, 40,5 habitent dans un logement suroccupé, sur 100 personnes descendant d’immigrés de pays hors Union européenne, 29,7 en moyenne habitent dans un logement suroccupé.

  • -mpact du lieu de résidence

Le lieu de résidence (centre-ville de grandes agglomérations, périphérie de grandes agglomérations, banlieue, villes moyennes, petites villes, ruralité… Mais aussi les régions et départements dans lesquels un individu réside…) peut avoir des impacts multiples : accessibilité à l’emploi, aux services (les habitants de milieux ruraux ont plus difficilement accès aux pratiques culturelles, à la médecine de pointe ; les habitants de grandes agglomérations peuvent faire face à des déserts médicaux), qualité du cadre de vie (avec la dégradation de celui-ci dans certaines périphéries de grandes villes et banlieues), question du coût du logement, du coût des transports…

  • Impact de la composition du ménage

Il apparaît notamment que les familles monoparentales sont particulièrement exposées à la pauvreté et à la précarité.

Exploitation du document 2 : en France en 2020, sur 100 personnes vivant en couple avec enfant(s), 20,8 habitent dans un logement suroccupé ; tandis que sur 100 personnes vivant dans une famille monoparentale, 27,3 habitent dans un logement suroccupé.

 

III/Il existe des facteurs socio-culturels qui hiérarchisent l’espace social

  • Parmi ces facteurs, il y a : le niveau de diplôme, la religion…
  • Le niveau de diplôme a un impact fort sur la situation socio-économique des individus : il protège encore largement du chômage, de la précarité, et permet potentiellement d’accéder aux emplois les plus rémunérateurs. Il est aussi corrélé à l’état de santé.

Exploitation du document 3 : plus le niveau de diplôme s’élève, plus les pratiques propices au maintien en bonne santé sont développées (peu de tabagisme notamment).

Dissertation

Dissertation

Facile

SUJET : L’approche en termes de classes sociales demeure-t-elle pertinente pour rendre compte de la structuration de la société française actuelle ?

Document 1 :

Intitulée « Le logement, facteur d'éclatement des classes moyennes ? », une étude a été réalisée pour le compte de la Confédération française de l'encadrement-CGC. Elle a été menée en 2009 auprès de 4 000 actifs âgés de moins de 65 ans par deux chercheurs de l'université Paris-Dauphine. Elle révèle que le logement est désormais un élément de clivage au sein même des classes moyennes et de décrochage d'environ un tiers d'entre elles. La trajectoire résidentielle n'est pas toujours ascendante, notamment chez les plus modestes. « Plus précaire du fait de la faiblesse de son pouvoir d'achat et de la fragilisation de son parcours professionnel, la classe moyenne inférieure peut se trouver en situation de propriété captive ». Pour preuve, lorsqu'elle est contrainte de déménager, elle paye le prix fort : 28,4 % de ces ménages ont ainsi perdu leur statut de propriétaire lors de leur dernier déménagement. L’époque où l’habitat résidentiel permettait aux classes moyennes de se différencier des classes populaires semble aujourd’hui révolue.

Source : L’Obs, 27 juin 2012 [en ligne]. 

 

Document 2 :

Nous sommes aujourd’hui dans une situation paradoxale : les inégalités sociales se creusent, le capitalisme n’a jamais semblé aussi puissant, la conscience des inégalités est des plus vives… et, pourtant, les représentations de la vie sociale en termes de classes sociales semblent décliner. Le phénomène le plus marquant est sans doute l’émergence dans l’espace public, dans les représentations et les mouvements sociaux, de clivages sociaux qui, jusque-là, semblaient invisibles ou naturels, semblaient « écrasés » par les inégalités et les rapports de classes.

Longtemps identifiée à la question du travail ouvrier et de la misère du salariat, la question sociale s’est déplacée vers d’autres clivages. Ce sont d’abord les clivages culturels opposant les « minorités visibles » aux « Français de souche », et comme ces clivages sont associés au chômage de masse et à la ségrégation urbaine, il en a résulté une transformation profonde de la question sociale. Auparavant centrée sur l’exploitation, l’usine et le travail ouvrier, la question sociale s’est déplacée vers les « quartiers difficiles », le chômage des jeunes, la diversité des cultures et la formation de nouvelles « classes dangereuses ». Alors que les classes sociales ont été essentielles dans la formation de la société industrielle, elles sont emportées avec sa décomposition, qui n’est évidemment pas la disparition du salariat, mais l’épuisement d’une structuration des droits et des identités autour du salariat et notamment du salariat ouvrier conçu comme une avant-garde du progrès et du changement. Non seulement les ouvriers sont moins nombreux, mais la condition ouvrière s’est diversifiée, les employés sont majoritaires et les grands bastions de la classe ouvrière paraissent irrémédiablement perdus.

Sur fond d’effacement relatif des classes sociales, d’autres clivages sociaux paraissent aujourd’hui tout aussi importants que les clivages de classes.

Source : François Dubet, « Classes sociales et description de la société », Revue française de socio-économie, n°10, 2012.

 

Document 3 :

Les consommations différentielles permettent de constater qu’aujourd’hui encore, les moyens économiques des classes populaires servent à couvrir des besoins de base, et que le différentiel de niveau de vie à la faveur des cadres leur permet de s’approprier des biens et services élaborés inaccessibles aux autres catégories. Les consommations des cadres sont systématiquement orientées vers des services élaborés (ayant bénéficié depuis 10 ans souvent d’une défiscalisation ou d’aides publiques), susceptibles de développer ces « nouveaux métiers » (aide à domicile, services de proximité, etc.) qui sont le plus souvent vieux comme le monde. Une autre consommation implicite difficile à repérer par les enquêtes, c’est l’épargne, autrement dit l’achat d’une part du capital productif et de la production future, mais aussi d’une sécurité ; derrière la question du patrimoine se trouve donc aussi celle du temps. Ainsi, maintenant comme au temps de la démocratie athénienne, les biens les plus valorisés dans la société sont donc le loisir, le temps rendu disponible par l’appropriation du travail d’autrui, par la domesticité, mais aussi la maîtrise du temps long par l’accumulation patrimoniale, ou encore par le legs, et les dons à la famille. Les écarts repérés ici n’ont guère varié au cours des dernières décennies, si ce n’est qu’une certaine convergence est à l’œuvre pour l’alimentation, et qu’une divergence se constitue pour les vacances, les loisirs en tous genres, l’achat du temps de travail d’autrui. De cette façon, malgré les propos iréniques sur la fin de la rareté dans la société d’abondance, acheter le temps de travail d’autrui demeure le lieu des principaux clivages.

Source : Louis Chauvel, « Le retour des classes sociales », Revue de l’OFCE, 2001.

 

Document 4 :

Question : Estimez vous qu'en France, à l'heure actuelle, la lutte des classes est une réalité ?

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Introduction :

La sociologie naissante s’est saisie rapidement et de manière particulièrement riche de la question de la structuration sociale. En effet, si Alexis de Tocqueville théorise au début du XIXème siècle l’avènement de sociétés démocratiques caractérisée par un mouvement profond vers une plus grande égalité, qu’elle soit des droits, des chances ou des situations, les sociologues, eux, tendent à mettre en évidence que la hiérarchies sociales sont loin d’avoir disparu. C’est ainsi que les marxistes montrent que les sociétés industrielles opposent deux classes sociales antagonistes, prolétariat et bourgeoisie capitaliste. Sous leur plume, un groupe social doit présenter deux caractéristiques pour être reconnu comme une classe sociale au sens fort du terme : la « classe en soi », à savoir, des traits objectifs, une position équivalente dans les rapports de production, et la « classe pour soi », qui peut se définir comme l’existence d’une conscience d’appartenir à ce groupe.

Mais les transformations de la société française durant la seconde moitié du XXème siècle rendent-elles caduques ces analyses ? En premier lieu, reste-t-il des groupes sociaux qui prennent leur source dans l’organisation économique, présentant des caractéristiques objectives communes qui les distinguent et les hiérarchisent ? En second lieu, si de tels groupes existent, leurs membres ont-ils conscience de leurs intérêts communs, s’identifient-ils à ces groupes ?

Dans un premier temps, il sera montré que certaines évolutions de la société française affaiblissent la pertinence de l’analyse en termes de classes sociales (I). Cependant, on assiste depuis les années 2000 à un retour en grâce du concept dans les travaux sociologiques, à la faveur d’une dynamique de reconstitution des inégalités (II).

 

I/ De nombreux phénomènes semblent rendre caduque l’analyse de la société française contemporaine en termes de classes sociales

 

1) Des distances inter-classes qui se sont effacées, à la faveur de la moyennisation durant les Trente Glorieuses

--> Les distances inter-classes correspondent aux inégalités (économiques, sociales, symboliques, etc.) qui séparent les classes sociales entre elles (disparités entre les classes sociales).

--> La structuration de la société en classes sociales nécessite que les inégalités entre ces groupes sociaux soient fortes, pour qu’au moins soit réalisée la dimension « classe en soi ». Or le mouvement de moyennisation qui a été impulsé au cours des Trente Glorieuses affaiblit les distances inter-classes.

--> Le terme de « moyennisation » désigne un processus d’égalisation des situations entre les individus. Il s’agit d’une égalisation en termes économiques (les niveaux de vie se rapprochent) et en termes symboliques (les modes de vie se rapprochent). Le processus de « moyennisation » désigne aussi le fait que la représentation légitime du monde ne va pas plus forcément être celle des classes supérieures, mais celle des classes moyennes.

 

A la faveur des Trente Glorieuses, les indicateurs d’une « moyennisation » de la société française sont nombreux.

  • Le gonflement numérique de la classe moyenne

Pour le CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie), font partie des classes moyennes tous les ménages dont les revenus se situent entre 0,75 et 1,5 fois le revenu médian.

En France, depuis les années 1980, c’est entre 50% et 65 % de la population.

  • Le rapprochement des niveaux de vie : en 1955, le niveau de vie des 10 % les plus riches était au moins 8,5 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres, en 2006, le niveau de vie des 10% les plus riches était au moins 3,5 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres.
  • Le rapprochement des modes de vie : les taux d’équipement se rapprochent, les pratiques culturelles aussi, etc.

 

Pourquoi y a-t-il eu moyennisation ?

  • L’enrichissement général de la population et le développement de l’Etat-providence ont permis un certain rapprochement des revenus

Les forts gains de productivité enregistrés sous les Trente Glorieuses sont avant tout distribués aux salariés. Cela permet aux ouvriers notamment d’atteindre un niveau de vie inédit, les rapprochant de celui de la classe moyenne. Par ailleurs, l’Etat-providence se développe (la Sécurité sociale est mise en place en 1945), ce qui assure des revenus minimaux aux plus démunis. La pauvreté recule sensiblement. Dans le même temps, les deux guerres mondiales et le développement des impôts sur le revenu et les patrimoines ont rogné les revenus des plus riches. On assiste à un amenuisement du nombre de très riches

  • De nouveaux emplois se développent, qui font aussi gonfler la classe moyenne et la renouvellent (on passe d’une classe moyenne indépendante à une classe moyenne moderne, massivement salariée). Avec le développement des missions de l’Etat, notamment de l’Etat-providence, la fonction publique prend de l’ampleur (développement du nombre d’enseignants, du personnel hospitalier, etc.). Le progrès technique permet le développement de nouveaux types de postes dans les entreprises (ingénieurs notamment). La demande des consommateurs évolue vers les services, ce qui TERTIARISE la société
  • La démocratisation de l’accès à la culture (par le biais de l’Ecole) et l’enrichissement de la population conduisent à une homogénéisation des modes de vie. Ces modes de vie ne sont plus obligatoirement « dictés » par les classes supérieures, ils ont plutôt pour origine les classes moyennes modernes.

Ainsi, politiquement, on parle souvent d’un « glissement à gauche » de la population française à la faveur des Trente Glorieuses. En effet, les classes moyennes modernes sont caractérisées par leur progressisme politique. L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 a été largement portée par ces classes moyennes salariées, dont les valeurs ont fini par « percoler » dans toutes les couches de la population ou presque.

--> Ces évolutions ont amené les sociologues à élaborer des théories nouvelles. Exemple : la théorie d’Henri Mendras (La Seconde Révolution française, 1988)

 

2) Des distances intra-classes qui se creusent, réduisant l’homogénéité objective des classes sociales et leur capacité à constituer un facteur d’identification subjective

--> Les distances intra-classes : inégalités qui séparent les membres d’une même classe sociale (dispersion au sein de la classe sociale).

--> Les classes sociales perdent ainsi de leur cohérence et de leur homogénéité car les inégalités internes les fracturent de plus en plus.

Exploitation du document 1 : les classes moyennes perdent de leur cohérence. Une partie de la classe moyenne rencontre des difficultés à accéder et à maintenir son statut de propriétaire immobilier (alors qu’il s’agissait d’un facteur de création de distances inter-classes avec les classes populaires).

Les distances intra-classes qui s’accentuent s’expliquent par :

  • Diversification des statuts (qualifiés/non qualifiés, stables/précaires) dues aux mutations du marché de l’emploi : progrès technique (fin de la taylorisation du travail, émergence d’ouvriers qualifiés, etc.), mondialisation, désindustrialisation, montée du chômage (précarisation, dualisation du marché de l’emploi, mise en concurrence accrue des salariés)
  • Diversification des métiers, pour répondre à de nouveaux besoins (exemple du développement des services à la personnes chez les employés, pour répondre aux besoins de prise en charge de l’enfance/du grand âge, mais aussi au souhait des classes les plus favorisées d’externaliser les tâches domestiques en « achetant » du temps de travail non qualifié)
  • Perturbation de l’homogénéité interne à la classe par d’autres facteurs de clivage : âge (jeunes plus précaires que vieux), origine ethnique, genre…

--> Cette perte d’homogénéité objective s’accompagne de difficultés à s’identifier subjectivement à une classe sociale : c’est la « classe pour soi » qui a des difficultés à se réaliser.

  • Des critères d’identification concurrents à la classe sociale, plus particulièrement dans les catégories les plus fragiles de la population
  • Recul du sentiment d’appartenance à la classe ouvrière

Le démantèlement des grands bastions ouvriers, la montée du chômage et de la précarité, la destruction progressive des spécificités de la sociabilité ouvrière s’accompagnent du brouillage de la capacité des ouvriers à s’identifier à un même groupe social. Cela se traduit aussi par le recul de la cohérence politique du groupe ouvrier (perte d’audience du PCF, des syndicats ouvriers…).

  • Les travailleurs non qualifiés tendent à construire leur identité autrement qu’en se basant sur leurs caractéristiques professionnelles, qui ne leur offrent pas les conditions nécessaires à une identification. Ainsi, ils se “fracturent” entre identités de genre (les femmes construisant leur identité par rapport à leur statut familial, les hommes par rapport à leur insertion dans des cercles de sociabilité amicale masculine), entre classes d’âge (jeunes contre moins jeunes) et entre population immigrée et non-immigrée. Cela contribue là encore à rendre difficile l’émergence d’une conscience de classe chez les travailleurs non qualifiés.

Exploitation du document 2 : période de creusement des inégalités sociales, mais perte d’audience du concept de « classe sociale », visibilité de plus en plus grande d’autres facteurs de clivages sociaux (origine ethnique, âge…).

  • L’individualisation au travail alimente cette difficulté à faire émerger la conscience de classe

--> Individualisation : Processus de différenciation des individus dans les différentes sphères de la vie sociale. Les individus s’autonomisent des groupes d’appartenance traditionnels (famille, religion, communautés villageoises…). Les individus continuent à former des groupes sociaux mais ils considèrent de plus en plus les liens qui les unissent à ces groupes comme des liens choisis, qui ne doivent pas entraver leur épanouissement personnel.

--> L'individualisation du travail est mise en place après mai 1968, suite à la plus longue grève du XXème siècle. Il s’agit principalement de profiter des désirs d’autonomie et de liberté des salariés pour affaiblir la puissance des organisations représentatives des salariés, qui agissaient sur une base collective.

En 1973,  le patronat met en place une stratégie « d'atomisation », de la gestion des salariés qui aboutit à l'individualisation de l'organisation de travail et de gestion des salariés.

On prétend reconnaître les mérites, les efforts, les capacités et les compétences de chaque individu, on projette de personnaliser au mieux les horaires et objectifs de travail. Cela répond aux demandes des salariés, en faveur de plus d’autonomie et de créativité, mais, dans le même temps, cela affaiblit considérablement la capacité à former des collectifs de travail et cela amenuise le pouvoir de négociation des organisations syndicales.

 

II/ Mais les signes d’un maintien, ou plutôt d’une recomposition des classes sociales sont nombreux, notamment depuis les années 2000

1) Les signes d’une permanence de distinctions objectives entre des groupes sociaux structurés autour de leur identité socio-professionnelle

--> De nombreux travaux mettent en évidence la persistance de traits objectifs communs à des groupes dont l’identité se forge bel et bien dans l’univers socio-professionnel. En d’autres termes, ces études montrent qu’il persiste ce qui correspondrait à des « classes en soi », ou encore, pour reprendre la terminologie de Camille Peugny, des « univers de vie disjoints » entre des ensemble socio-professionnels.

--> Des pratiques de consommation encore très distinctes entre cadres et ouvriers

Exploitation du document 3 : Louis Chauvel met en évidence des pratiques de consommation dont les différences sont très marquées entre ouvriers et cadres. Il montre notamment que si les ouvriers utilisent encore majoritairement leurs revenus pour accéder à des biens de première nécessité, les cadres, eux, se distinguent par leur capacité à acheter le temps d’autrui et à épargner.

--> Des frontières à redéfinir et à articuler avec d’autres facteurs de clivages sociaux

Selon Camille Peugny, la notion de classe sociale est toujours d’actualité, cependant, il faut se poser la question de leur délimitation. Selon cet auteur, la classification socio-professionnelle élaborée par l’INSEE peut toujours servir, mais plus forcément à l’échelon des groupes socio-professionnels (définis par un seul chiffre). Il est plus pertinent de « descendre d’un cran » dans la nomenclature et utiliser la définition « à deux chiffres ».

Par ailleurs, il est possible selon Camille Peugny d’articuler les différents clivages. Ils se combinent et confortent la position défavorisée de certains groupes sociaux, comme c’est le cas du monde des employés des services directs aux particuliers. Ce dernier regroupe non seulement des employés le plus souvent non qualifiés, mais aussi très souvent des femmes, largement d’origine immigrée. L’auteur ouvre ainsi la voie à une analyse intersectionnaliste de la structure sociale.

 

2) L’identification subjective à des classes sociales est loin d’avoir disparu…

--> Si l’identification aux classes populaires décline, il n’est pas pour autant possible de conclure à une disparition pure et simple de la capacité des Français à se sentir appartenir à une classe sociale. Comme dans les années 1960, près de 2 Français sur 3 se sentent appartenir à une classe sociale. Par ailleurs, la conscience de classe apparaît particulièrement forte dans les sphères les plus favorisées de la population, comme en témoignent les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sur la haute bourgeoisie.

--> Non seulement l’identification subjective à une classe sociale ne recule pas, mais, de plus, les Français adhèrent majoritairement à l’idée de relations conflictuelles entre les classes

Exploitation du document 4 : près de 2 Français sur 3 estiment la lutte des classes est une réalité.

 

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