Définition :
Une Zone monétaire optimale (ZMO) est un ensemble de pays formant un espace monétaire dans lequel les déséquilibres économiques peuvent être corrigés sans variation du taux de change.
L'essentiel :
La théorie de la ZMO se situe dans le prolongement du triangle d’incompatibilité. Puisque comme le montre ce triangle, des pays en changes fixes dans un contexte de liberté des mouvements de capitaux ont nécessairement la même politique monétaire, pourquoi n’auraient-ils pas une seule et même banque centrale ?
La question fondamentale est de savoir comment résorber les déséquilibres économiques. Selon Milton Friedman, les régimes de changes flexibles sont supérieurs aux régimes de changes fixes puisqu’ils assurent par le biais de variations du taux de change nominal tous les ajustements réels et financiers lorsqu’un pays est touché par un choc asymétrique (un choc est dit asymétrique lorsqu’il affecte spécifiquement un pays tandis qu’il n’affecte pas les autres pays. Inversement, un choc symétrique est un événement exogène qui affecte l’ensemble des pays d’une zone géographique). La dépréciation monétaire permet de remédier au déficit de la balance des transactions courantes et donc au chômage, et à l’inverse l’appréciation monétaire se substitue à l’inflation en cas d’excédent. Pour Mundell, les régimes de changes fixes peuvent être tout aussi avantageux à certaines conditions qui définissent la ZMO. C’est Robert Mundell qui a posé en 1961 les conditions de possibilité de la ZMO (« A Theory of Optimum Currency Areas », American Economic Review, 1961). Selon lui, ces conditions tiennent avant tout à la mobilité des facteurs de production au sein de la zone, et tout particulièrement à la mobilité du facteur travail, qui peut ainsi se substituer aux variations du taux de change. Cela se comprend aisément. Prenons l’exemple d’un choc asymétrique de demande qui déprime l’activité économique d’un pays de la zone euro. Si les salaires sont rigides dans le pays concerné, on assiste à une augmentation du chômage. La mobilité du facteur travail au sein de la zone permet le partage du risque : les chômeurs du pays victime du choc asymétrique émigrent dans les autres pays pour trouver du travail. Evidemment, cette émigration se solde par un chômage plus élevé dans l’ensemble des pays de la zone, mais de manière conjoncturelle. Eventuellement, la banque centrale peut intervenir pour conduire une politique monétaire accommodante afin de baisser le taux de chômage.
Du point de vue de la mobilité du facteur travail, la zone euro est encore actuellement loin d’être une ZMO. La mobilité des travailleurs est en effet faible, en tout cas beaucoup plus faible que celle observée aux Etats-Unis. La zone euro reste caractérisée par d’importantes rigidités nominales, qui s’expliquent par des différences culturelles (langue, reconnaissance des diplômes) et par des systèmes sociaux hétérogènes (retraite, assurance-chômage, sécurité sociale).
Après Mundell, d’autres critères définissant la ZMO ont été mis en relief.
Mc Kinnon en 1963 a proposé un critère d’ouverture commerciale (mesurée par le taux d’ouverture : exportations + importations / PIB). Une forte ouverture commerciale diminue la variation du taux de change nominal requise pour assurer l’équilibre externe, et renforce aussi l’impact des variations du change sur l’inflation domestique nuisant à l’équilibre interne. La forte ouverture renforce donc l’attractivité d’un régime de changes fixes pour les pays d’une zone attachés à la stabilité des prix.
Kennen en 1969 évoque un autre critère : les spécialisations productives et commerciales. D’après cet auteur, la similarité des spécialisations productives assure une meilleure diffusion des chocs. Puisque les nouvelles théories du commerce international envisagent l’accroissement du commerce intrabranche impliquant des structures productives relativement homogènes, l’augmentation du commerce suffit à garantir une meilleure diffusion des chocs, ce qui fait que le critère de Kennen apparaît comme un prolongement du critère de Mc Kinnon.
Quant à Ingram, il insiste en 1969 également sur l’importance de l’intégration des marchés financiers, permettant des mécanismes d’assurance. Par exemple, un pays connaissant un choc de demande négatif aura accès aux marchés financiers extérieurs pour emprunter et financer un niveau de consommation plus élevé que son revenu, tandis que le pays prêteur réduira sa consommation, tout cela permettant la réduction des écarts de consommation entre les pays. A cet égard, là aussi, il convient de souligner que ces mécanismes assurantiels assurés par les marchés financiers au sein de la zone euro demeurent insuffisants en comparaison de ceux observés aux Etats-Unis.
Mais si comme on vient de le voir la zone euro n’est pas encore une ZMO, un certain nombre de points ont mis en relief l’importance de la création de l’Union monétaire pour la réalisation de la zone. Ceci peut s’expliquer parce-que l’union favorise l’intégration des flux de commerce entre les pays qui y participent, et donc la spécialisation intrabranche, qui permet ensuite la synchronisation du cycle économique. Par ailleurs, l’Union monétaire est porteuse d’un certain nombre de bénéfices : on pense bien sûr à l’élimination des coûts microéconomiques de conversion des changes, mais on peut aussi évoquer la réduction des coûts de transaction qui dépend de la taille des flux commerciaux, et également le bénéfice d’une plus grande crédibilité monétaire favorisant un meilleur ancrage des anticipations d’inflation et la disparition des attaques spéculatives.
En dépit de ces avantages indéniables, il n’en reste pas moins que les réformes structurelles permettant aux économies de la zone euro de parvenir à une forme d’optimalité selon les critères évoqués ci-dessus (mobilité des travailleurs, ouverture commerciale, structures productives) prendront du temps. C’est la raison pour laquelle on peut s’interroger sur les politiques économiques à plus ou moins brève échéance qui pourraient être la source d’un meilleur fonctionnement de l’Union monétaire. Parmi celles-ci, on peut citer l’union fiscale, c’est-à-dire la levée d’un impôt à l’échelle de la zone euro, ou le système de transferts entre Etats qui permettrait aux pays connaissant une situation économique favorable de reverser des fonds aux pays en difficulté. Pour le moment, il n’en reste pas moins que ces propositions se heurtent à la volonté d’indépendance des pays membres, qui craignent que ces transferts destinés à compenser des écarts de conjoncture deviennent très vite des versements permanents entre pays riches et pays pauvres de la zone, dispensant ces derniers des efforts nécessaires à faire pour parvenir à la convergence économique.