Définition :
Terme généralement associé à l’analyse keynésienne de l’investissement. Toutefois, de manière générale, c’est le phénomène où l’augmentation (ou la diminution) d’une variable entraîne une augmentation (ou une diminution) plus forte d’une autre variable. Ce phénomène peut donc s’appliquer à la demande (voir accélérateur), à l’investissement, mais également à la dépense publique, aux exportations, ou encore à la monnaie.
L'essentiel :
Le multiplicateur d’investissement est associé à Keynes qui, en 1936 (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie) reprend une analyse précédente de Kahn qui date de 1931 : une hausse de l’investissement provoque une augmentation plus forte du revenu national. En effet, l’investissement consiste à acheter des biens de production ; cet achat rapporte des revenus aux propriétaires et aux salariés des entreprises qui ont produit ces biens de production ; ces revenus sont en partie consommés et cette consommation crée de nouveaux revenus sous forme d’emplois créés, dans les domaines des biens d’équipement ou des services par exemple. Ces nouveaux revenus sont eux aussi en partie consommés et le processus continue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nouveaux revenus. La force de l’effet multiplicateur dépend de la propension des ménages à consommer leur revenu. On a donc, en économie fermée, ΔY= KΔI, avec ΔY la variation du revenu, ΔI la variation de l’investissement, et K= 1/1- c (c étant la propension marginale à consommer ΔC/ΔR, ou encore 1/e (e étant la propension marginale à épargner ΔE/ΔR). A titre d’illustration, si les ménages consomment 70% de leur revenu supplémentaire et en épargnent 30%, on a ΔY= (1/0,3) ΔI, soit une amplification de 3,33. De la même façon, une augmentation des dépenses publiques entraîne une augmentation amplifiée du revenu national, par le même mécanisme que celui expliqué précédemment (multiplicateur budgétaire), et une augmentation du déficit public par la baisse des prélèvements obligatoires se traduit par une augmentation amplifiée du revenu national (multiplicateur fiscal). Evidemment, l’effet multiplicateur ne s’exerce à plein qu’en économie fermée. En économie ouverte, la politique de relance se heurte à des contraintes. Effectivement, si la propension à importer d’une économie augmente, alors une politique d’augmentation des dépenses publiques en vue de relancer l’activité sera bien moins efficace, puisqu’une partie des revenus supplémentaires créera des revenus à l’étranger, et non dans le pays.
On parle également de multiplicateur d’exportations et de multiplicateur monétaire. En ce qui concerne les exportations, une augmentation de celles-ci, qui induit une distribution de revenus pour les entreprises exportatrices nationales, entraîne une augmentation amplifiée du revenu national. Dans le cadre d’une économie ouverte, le multiplicateur dépend à la fois de la propension marginale à épargner et de la propension marginale à importer, avec K= 1/ propension marginale à épargner +propension marginale à importer). En ce qui concerne la monnaie, une augmentation de la monnaie centrale (monnaie fiduciaire, à savoir les pièces et les billets de banque, et sommes détenues sur le compte courant des banques commerciales auprès de la banque centrale) détenue par les banques entraîne une variation amplifiée de la masse monétaire. En effet, posséder de la monnaie centrale permet aux banques de prêter à l’économie en créant de la monnaie. Ces prêts vont alors constituer de nouveaux dépôts et être prêtés à leur tour. Les limites à ce mécanisme sont les réserves obligatoires imposées aux banques et les besoins des agents économiques en monnaie fiduciaire.
L’analyse du multiplicateur d’investissement doit être resituée dans son cadre théorique, à savoir l’analyse keynésienne, visant à démontrer que l’économie est fondamentalement instable et a besoin d’une régulation conjoncturelle de la part de la puissance publique. En effet, lors d’une crise économique, l’investissement privé peut diminuer, impliquant une diminution encore plus forte du revenu national. L’Etat, par le déficit public, doit alors se substituer à l’investissement privé. Le théorème d’Haavelmo, un économiste keynésien, précise même que si elle est compensée par une augmentation équivalente des prélèvements obligatoires, une hausse des dépenses publiques augmente le revenu national. Cela s’explique par le fait que les dépenses publiques sont intégralement utilisées par l’Etat pour augmenter la demande et ne sont donc pas dans un premier temps épargnées, ce qui renforce l’effet multiplicateur. Et cela permet de comprendre que l’effet du multiplicateur budgétaire est supérieur au multiplicateur fiscal : une part importante des prélèvements obligatoires peut être épargnée, ce qui n’est pas le cas d’une augmentation des dépenses publiques. Un deuxième aspect important est la conception « négative » de l’épargne, qui est une fuite en dehors du circuit économique, et contre laquelle l’Etat a là aussi un rôle, par exemple en redistribuant une part des revenus vers les plus défavorisés qui ont une propension à consommer supérieure. Et plus fondamentalement, le multiplicateur permet de préciser la différence entre les deux conceptions de l’égalité épargne-investissement mise en évidence par les classiques et par Keynes. Pour les classiques, cette égalité est ex ante, c’est-à-dire que l’investissement s’adapte à une épargne préalable (l’épargne stimulant l’investissement par la baisse des taux d’intérêt, car plus d’épargne implique une augmentation des fonds prêtables). Pour les keynésiens, cette égalité est ex post, c’est-à-dire qu’a priori, les décisions d’épargne et d’investissement ne coïncident pas. Cependant, l’augmentation de l’investissement, en augmentant les revenus par l’effet multiplicateur, augmente l’épargne jusqu’à ce que celle-ci soit équivalente à l’investissement. A l’inverse des classiques et des néoclassiques, c’est donc l’investissement qui influence l’épargne.