Emploi. (1)

Définition :

Travail rémunéré et déclaré. Le statut de l’emploi peut être salarié ou non.

L'essentiel :

De la manière la plus simple, avoir un emploi, c’est exercer un travail en étant rémunéré. Par exemple, le travail domestique, tel que le fait de faire le ménage chez soi est un travail, qui ne correspond pas à un emploi, alors que faire le ménage pour le compte d’une société d’entretien, c’est occuper un emploi. On peut, avec l’historienne Michèle Perrot illustrer le fait que la frontière entre l’emploi et le travail domestique est une convention statistique. Les femmes considérées comme « en emploi » dans les premières analyses statistiques du début du 20e siècle étaient les salariées, celles qui travaillaient dans l’exploitation agricole familiale, dans l’atelier artisanal ou dans la boutique de leur conjoint ou de leurs parents étaient considérées sans emploi étaient comptées comme sans emploi et donc « inactives ».

Au sens du Bureau international du travail, être en emploi, c’est avoir travaillé (de façon rémunérée) au moins une heure lors d’une semaine considérée. Ainsi, l’emploi n’est pas associé à une durée minimale. Par ailleurs, la population en emploi peut être estimée sur la base d’une déclaration des personnes enquêtées : sont en emploi les personnes qui déclarent un emploi dans le formulaire de recensement de la population. Les données principales sur l’emploi en France sont issues de l’enquête Emploi de l’Insee, qui s’appuie sur la définition du BIT. Selon cette enquête, 28,5 millions de personnes sont en emploi en France en 2019. Parmi eux, 12,9 % occupent un emploi indépendant et 81,1 % sont donc salariés. Les personnes en emploi sont la « population active occupée ». Environ les deux-tiers des personnes de 15 à 64 ans, en France, occupent un emploi. Ce taux d’emploi est dans la moyenne européenne, mais il est assez largement inférieur à ce qu’il est en Allemagne par exemple, où près de 8 personnes sur 10 de cette catégorie d’âge sont en emploi.

            Au-delà de la rémunération, l’emploi offre à celui ou celle qui l’occupe un statut spécifique et ouvre des droits sociaux (retraite, chômage, assurance maladie…). La notion d’emploi a été forgée en référence au travail salarié qui, dans le cadre de conventions collectives, offrait une protection sociale aux titulaires d’un contrat de travail. Les premiers « employés » sont ainsi les mineurs, les cheminots, les ouvriers de l’État et de ses industries, qui obtenaient un statut social protégé permettant une carrière progressive et une retraite dans leur contrat de travail. Les travaux de Robert Castel ont montré comment la norme du salariat s’est imposée à partir de la fin du 19e siècle avec le développement de la protection sociale qui trouve sa réalisation la plus forte en 1945 avec les ordonnances sur la Sécurité sociale. La norme de l’emploi devient alors celle de l’emploi salarié, à temps plein.

            L’emploi salarié devient la forme la plus courante de l’emploi. On observe en effet une nette salarisation de la population active depuis les révolutions industrielles en France. La salarisation de l’emploi a accompagné le développement d’une protection sociale « bismarckienne » où les droits sociaux sont accordés aux salariés et à leurs « ayant-droit », les salariés bénéficient d’une protection face à l’insécurité sociale.

            Cette salarisation prend forme dans le contexte d’une modification sectorielle de l’emploi : la part du secteur agricole n’a cessé de diminuer depuis la fin du 19e siècle, alors que l’emploi industriel a d’abord crû, puis a vu sa part se réduire au profit du secteur tertiaire. La moitié des actifs étaient occupés principalement dans l’agriculture (que ce soit à leur compte ou en tant que salarié) au milieu du 19e siècle. Le progrès technique a conduit à une concentration des exploitations agricoles, qui a accéléré les gains de productivité et les emplois agricoles ont été « déversés » dans l’industrie, selon l’expression d’Alfred Sauvy. Ce déversement a été un moteur important du changement social à cette période puisqu’il a entraîné un fort exode rural, qui a participé à l’urbanisation de la société française. Cet exode a nourri l’augmentation de la main-d’oeuvre industrielle.

            L’évolution longue de l’emploi est aussi marquée par une montée de la qualification. Il est possible de le percevoir avec l’émergence du statut de cadre à partir des années 1930, qu’a étudiée notamment Luc Boltanski, et l’augmentation de leur part dans l’emploi. Cette augmentation de la qualification de l’emploi s’explique par les effets du progrès technique et de la mondialisation qui sont favorables au développement de l’emploi qualifié dans un pays riche comme la France. Elle a été alimentée par la massification scolaire qui a eu lieu à partir des années 1950.

            Il est possible aussi d’observer une féminisation de l’emploi depuis les années 1960. À la fin de cette décennie, environ 50 % des femmes de 25 à 59 ans étaient actives, alors que de nos jours ce sont les trois quarts des femmes de cette catégorie d’âge qui le sont. Cette féminisation de l’emploi, qui concerne notamment l’emploi salarié s’explique par des modifications légales (les femmes ont obtenu le droit de travailler sans autorisation préalable de leur époux seulement en 1965), des changements de mentalité et elle accompagne la tertiarisation de l’emploi.

            À partir des années 1970, la plupart des pays occidentaux, qui étaient pour beaucoup dans une situation de quasi plein-emploi sont confrontés à une montée importante du chômage du fait de la crise économique, puis de la désindustrialisation notamment. À partir des années 1990, la France connaît une précarisation de l’emploi. Si l’emploi salarié en CDI reste la norme, de plus en plus de salariés ont un emploi précaire (CDD, intérim, contrats aidés...). Face à cette fragilisation de l’emploi, des politiques de l’emploi sont développées. Dans le même temps, l’emploi à temps partiel se développe également, avec une nette surreprésentation des femmes dans ce type d’emplois. 

Avec la création du statut de l’auto-entrepreneur en 2008, devenu depuis micro-entrepreneur, la frontière entre l’emploi salarié et l’emploi indépendant est devenue moins nette. Le régime de la micro-entreprise facilite la création d’entreprise et permet à de nombreuses personnes de créer leur propre emploi, mais ce nouveau statut a aussi alimenté l’essor de l’économie des plateformes. Dans un document d’étude de la Dares (« L’économie des plateformes : enjeux pour la croissance, le travail, l’emploi et les politiques publiques »), Olivia Montel a étudié les effets du développement de ce type d’emploi (que l’on qualifie d’ubérisation de l’emploi). Elle montre que si les plateformes telles qu’Uber ou Airbnb permettent la création d’emplois flexibles, avec une assez grande liberté dans l’organisation du temps de travail, ces emplois sont souvent d’une moindre qualité que les emplois plus classiques et, surtout, ils ne permettent pas de protection des travailleurs, qui sont hors des mécanismes de protection sociale. La crise due à la Covid-19 a particulièrement touché ces nouveaux travailleurs indépendants.

Voir le chapitre de terminale « Comment lutter contre le chômage ? »

3 questions à : ( à venir)

1) Comment la protection sociale s’articule-t-elle autour de l’emploi ?

2) Assiste-t-on à une précarisation de l’emploi ?

3) Quels sont les manifestations et les effets de « l’ubérisation » de l’emploi ?

 

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