Définition :
Les dépenses publiques correspondent à l’ensemble des sommes dépensées par les administrations publiques, que ce soient les administrations centrales, les collectivités territoriales ou encore les administrations de Sécurité sociale. Pour désigner les dépenses des administrations centrales, on parle de budget de l’État.
En 2019, en France, selon l’Insee, les dépenses publiques s’élèvent à 1 347,8 milliards d’euros. Ce sont les administrations de Sécurité sociale qui en réalisent la plus grande part, puisque leur dépense est de 621,6 milliards d’euros, alors que celle des administrations centrales est de 545,2 milliards d’euros et celle des administrations locales s’élève à 271,1 milliards d’euros. Les dépenses sont classifiées par fonction selon une nomenclature internationale, la COFOG (Classification of the Functions of Government) construite sur dix catégories : les Services publics généraux (146 milliards d’euros en 2018), la Défense (41,4 milliards toujours en 2018), l’Ordre et la sécurité publics (39,1 milliards), les Affaires économiques (135,4 milliards), la Protection de l’environnement (24,1 milliards), le Logement et les équipements collectifs (26,6 milliards), la Santé (191,2 milliards), les Loisirs (32,6 milliards), l’Enseignement (120,5 milliards) et la Protection sociale (562,2 milliards). Les dépenses publiques sont élevées en France puisqu’elles représentent, en 2018 selon l’Ocde, 55,8 % du PIB, soit le rapport le plus élevé au monde devant la Finlande (53,2 % du PIB). On peut observer un mouvement général d’augmentation de la dépense publique à travers le monde, qui a été fort en France entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Chaque crise économique conduit à une montée de la dette publique, qui tend ensuite à rester élevée, avec une sorte d’effet de cliquet. Cette hausse semble confirmer, dans une certaine mesure, la thèse d’Adolph Wagner qui a énoncé une « loi » selon laquelle la part de la dépense publique dans le PIB augmente avec le niveau de revenu par tête. Pour se pencher sur cette montée, il est intéressant de rappeler, comme l’a fait Alexandre Siné que le budget est aussi un choix politique, qui dépend d’arbitrages faits entre ministères et entre fonctions de l’État.
Cette dépense publique élevée est particulièrement remise en cause dans un contexte de dette publique élevée dont on peut interroger la soutenabilité. Face à cette question, un contrôle de la dépense publique est mis en place, notamment dans le contexte européen où des règles existent pour limiter l’ampleur de cette dette et des déficits. Pour ce faire, un contrôle européen sur les budgets nationaux est mis en place. Cependant, la crise de 2008 puis celle de 2020 due au Covid-19 et aux épisodes de confinement a conduit à une montée très forte de la dépense publique, venue pallier les insuffisances de la demande privée, ce qui a permis un soutien aux agents économiques les plus en difficulté. Une fois la crise passée, il sera sans doute temps d’une réflexion sur la réduction de la dette, qui est posée en termes de choix publics. Des politiques de modernisation de l’État sont instaurées pour tenter de gagner en efficacité dans la dépense publique. Elles cherchent bien souvent à s’inspirer des exemples du Canada et de la Suède qui ont mené des politiques fortes de réduction de leur dépense publique par une logique de rationalisation. En France, le premier pas vers cette rationalisation a été fait avec le programme de la RGPP (révision générale des politiques publiques) en 2007, programme remplacé par la MAP (modernisation de l’action publique) en 2012, action qui a été poursuivie sous le quinquennat d’Emmanuel Macron avec le programme Action publique 2022, décliné en 5 objectifs principaux : simplification des services et amélioration de leur qualité, transformation numérique de l’action publique, de nouvelles règles de gestion, une modification de l’organisation territoriale des services publiques et une nouvelle politique de ressources humaines.
La montée de la dépense publique en 2020 vient contrebalancer ce mouvement, mais s’est imposée en raison de la conjoncture économique. En venant en aide aux agents économiques en difficulté, les pouvoirs publics (État en tête) ont rempli l’une des fonctions qui leur est assignée dans l’économie selon Robert Musgrave : celle de stabilisation de l’économie. Cette dernière fonction passe ainsi principalement par des politiques conjoncturelles. L’idée est alors d’augmenter la dépense publique pour pallier les insuffisances de la demande privée, dans une optique keynésienne, qui se base sur l’existence d’un effet multiplicateur de la dépense publique, selon lequel chaque euro dépensé par l’État tend à créer une hausse de l’activité supérieure à un euro. Ce multiplicateur serait plus fort en période de crise économique où la dépense publique trouverait toute sa justification en termes de stabilisation. Cette stabilisation de l’activité est renforcée par l’effet de « stabilisateurs automatiques » qu’ont les dépenses publiques : elles augmentent automatiquement en période de récession et tendent à se réduire en période de croissance. Si les économistes libéraux sont plus critiques vis-à-vis de cette politique de stabilisation de l’activité, ils ne nient pas toute utilité à la dépense publique, qui peut venir, notamment, soutenir l’offre sur le plus long terme (par exemple par des dépenses de recherche et développement). Les économistes libéraux ne bannissent pas, ainsi, toute dépense publique, mais celle qui vient empêcher une dépense privée, c’est-à-dire celle qui crée des « effets d’éviction ». La logique générale de l’effet d’éviction est que la dépense publique doit être financée et l’argent utilisé pour cette dépense publique n’est plus disponible pour la dépense d’investissement privé. Cette dernière est alors diminuée et l’effet de relance est annihilé. On distingue les effets d’éviction internes des effets d’éviction externes. L’effet d’éviction interne passe par les taux d’intérêt : à capacités de financement données et en économie fermée (c’est-à-dire que l’investissement ne peut pas être financé par des agents extérieurs), le financement de la politique budgétaire utilise des capacités de financement, qui ne peut pas être utilisé par le secteur privé. L’augmentation de la demande de fonds par les pouvoirs publics conduit à une hausse du taux d’intérêt, ce qui nuit à l’investissement privé. L’effet d’éviction externe passe, lui, par les taux de change : la dépense publique additionnelle peut être financée par des capitaux étrangers, ce qui laisse inchangée l’utilisation des capitaux nationaux pour la demande privée et donc ne joue pas directement sur les taux d’intérêt. Cependant, l’entrée de capitaux étrangers conduit à une augmentation de la demande de monnaie nationale, ce qui se traduit par une pression à la hausse sur le taux de change et une augmentation du prix des exportations (perte de compétitivité-prix). La demande extérieure pour les produits nationaux risque alors de diminuer, ce qui nuit à l’activité du secteur privé. Cet effet est d’autant plus fort que, d’une part, les entreprises nationales dépendent de la demande extérieure et, d’autre part, les entreprises ont une compétitivité basée sur les prix.
Les dépenses en faveur de l’offre viennent aussi s’inscrire dans la logique d’une deuxième fonction des pouvoirs publics mise en évidence par Musgrave, celle d’allocation des ressources. Les pouvoirs publics dépensent pour produire des biens et services qui ne peuvent être fournis de façon optimale par le marché soit parce qu’ils correspondent à des défaillances de ce marché (existence d’externalités positives comme dans le cas de l’éducation ou de la R&D ou bien d’externalités négatives, comme dans le cas d’activités polluantes), soit parce qu’il s’agit de biens tutélaires, fournis par l’État, par exemple, pour des raisons de justice sociale. Enfin, les dépenses publiques peuvent se justifier par la fonction de redistribution que remplissent les pouvoirs publics : en utilisant les recettes publics pour verser des revenus de transfert ou fournir des services publics, les dépenses publiques opèrent une réallocation des revenus.
Voir le chapitre de Première : Comment les agents économiques se financent-ils ?
3 questions à : Mathieu Plane
1) A quoi sert la dépense publique ?
2) Y a-t-il de «bonnes» et de «mauvaises» dépenses publiques?
3) Quelles sont les conséquences, en termes de croissance économique et de déficit public notamment, des arbitrages de la dépense publique?