Définition :
Les biens de club sont des biens qui présentent les caractéristiques d’être non rivaux et exclusifs.
L'essentiel :
Les « club goods » sont, selon la typologie de Samuelson établie dans son article de 1954 (The Pure Theory of Public Expenditure »), des biens non rivaux (la consommation de ce bien par un usager n’entraîne aucune réduction de la consommation par d’autres usagers) et exclusifs (on peut exclure certains usagers de la consommation de ce bien). Voir également les articles biens communs et biens collectifs.
De nombreux biens relèvent de cette définition. Il s’agit par exemple de la télévision par satellite, des cinémas, des infrastructures comme le canal de Suez ou de Panama, ou encore les réseaux autoroutiers sur lesquels nous reviendrons plus bas.
Dans le cas de la télévision par satellite, l’exclusion n’est pas donnée au départ puisque l’émission des ondes est faite sur un territoire particulier. Mais pour éviter de se retrouver dans le cas de figure d’un bien collectif, et donc d’un financement par la puissance publique qui pèse sur l’ensemble de la collectivité, la technologie permet de restreindre l’accès aux programmes par la mise en place de décodeurs qui réservent l’usage du bien à un « club » d’usagers. Ronald Coase, dans The Firm, The Market and the Law (1988), prend l’exemple des phares anglais qui à l’origine n’ont pas été construits par l’Etat, mais par des entrepreneurs privés. En échange du monopole d’exploitation portuaire, ces entrepreneurs prélevaient un droit d’accostage sur les navires. On évite ainsi le financement par l’Etat (bien collectif), et on ne s’en remet pas totalement au marché parce-que nous sommes dans la situation où la concurrence dans les services portuaires ne permettrait pas d’incorporer dans ses prix la construction et l’entretien des phares. C’est en effet une situation classique de monopole naturel bien connue depuis la description du troisième devoir du souverain dans les « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » d’Adam Smith en 1776.
On peut approfondir un peu le cas des sociétés d’autoroute auxquelles l’Etat confère un monopole de concession. Ce dernier cas illustre très bien la question de savoir qui doit prendre en charge les biens de club, et quelles en sont les conséquences (voir l’étude de cas « Comment évaluer le modèle de la concession d’autoroute ? Le cas de Vinci
Dans le cas des autoroutes, le choix entre un service ministériel, un établissement public, ou une entreprise privée, est un choix politique, sachant que le problème le plus important est celui du prix que doit payer l’usager, puisque la non-rivalité a pour conséquence que le coût marginal pour servir l’utilisateur supplémentaire est nul.
Un bref retour sur la privatisation des autoroutes françaises, intervenue en 2005, montre que celle-ci peut avoir pour conséquence un prix jugé élevé du péage, qui s’éloignerait du « juste prix ». C’est ainsi qu’en 2013 et 2014, une série de rapports de la Cour des comptes ont décrit des hausses de prix continues et supérieures à l’inflation, engendrant une rentabilité élevée pour les sociétés autoroutières dans un modèle économique que l’on peut qualifier de « sans risque » (les investissements des sociétés peuvent être compensés par des hausses de péages qui s’appliquent à des usagers « pris en otage »).
Cela dit, la privatisation permet à l’Etat de sanctuariser des recettes pour assurer l’entretien des routes dans la durée et les nouveaux investissements, et surtout de faire contribuer tous les utilisateurs à ce financement, y compris étrangers, plutôt que de solliciter exclusivement les contribuables français, utilisateurs ou non du réseau. Ponctuellement, c’est également une bonne affaire pour l’Etat, puisque le rachat des parts de réseau détenues par l’Etat par les sociétés d’autoroutes a rapporté en 2005 15 milliards d’euros, ainsi que 7 milliards de participations minoritaires acquises depuis 2002, auxquels s’ajoute la reprise de la dette de 20 milliards d’euros par les sociétés d’autoroutes qui supporteront seules la charge de remboursement de cette dette d’ici la fin des concessions. Par ailleurs, quand on examine l’évolution historique des prix des péages depuis la privatisation, l’augmentation a été de 2,1% par an entre 2000 et 2006 avant privatisation, et de 1,5% entre 2007et 2019. Difficile dans ces conditions de soutenir l’idée que la privatisation débouche nécessairement sur la hausse des prix des péages. Et il faut ajouter que les tarifs des péages ne sont pas fixés unilatéralement par les sociétés d’autoroutes, mais établis de manière contractuelle et administrés par l’Etat, en tenant compte des investissements que celui-ci demande aux sociétés concessionnaires pour entretenir ou améliorer le réseau (24 milliards depuis 2006). Enfin, les profits réalisés par les sociétés n’ont rien de scandaleux. Ils correspondent à un modèle économique particulier où on ne mesure pas le profit à court terme, mais sur toute la durée de la concession.
Voir le cours de Première : Quelles sont les principales défaillances du marché ?
Lire à ce propos :
3 questions à : André Broto (à venir)
1) En quoi consiste la concession d’autoroute ?
2) Comment le prix du péage est-il déterminé ?
3) Pourquoi ne faut-il pas évaluer le profit des sociétés autoroutières de manière ponctuelle ?