Bien commun.

Définition :

Un bien commun dans le droit romain est une chose inappropriable par essence (comme l’air) et qui cependant peut être dégradé par la consommation de chacun. C’est un bien collectif dit impur.

 

L'essentiel

Dans la typologie de Samuelson, les biens communs sont des biens non exclusifs (on ne peut exclure personne de leur consommation) et rivaux (la consommation de ce bien par un agent économique réduit potentiellement sa consommation par un autre agent). De nombreux exemples de biens communs relèvent actuellement de la problématique du développement durable, qu’il s’agisse par exemple de la pollution ou de la déforestation. Il n’y a pas de prix pour la pollution de l’air, et les prix du bois sont largement sous-estimés (ne prenant pas en compte la nécessité de préserver la biodiversité, de lutter contre la dégradation des sols, ou encore le rôle de puits de carbone des forêts).


En 1968, le sociobiologiste Garrett Hardin a conçu un modèle dans lequel il expose la « tragédie des biens communs ». Ce modèle stipule que, lorsqu’une ressource est en libre accès (non exclusivité), chaque utilisateur est conduit spontanément à y puiser sans limite, poussant ainsi à la disparition de la ressource, puisque le contexte est celui de la rivalité. L’exemple donné par Hardin est celui d’un pâturage collectif sur lequel chaque éleveur cherche à accroître son troupeau, puisqu’on ne peut pas lui interdire l’accès (coût nul) alors que les bénéfices anticipés ne sont pas négligeables. Mais puisque tous les éleveurs se comportent de la même manière, étant donné que celui qui s’abstient serait nécessairement perdant, ils sont tous perdant à terme dès lors que la ressource commune (le pâturage) est épuisée. Le modèle de Hardin est une application du dilemme du prisonnier mis en évidence par la théorie des jeux, dilemme dans lequel des acteurs sociaux, qui ne sont pas portés spontanément à la coopération, se comportent en passagers clandestins. Selon Hardin, la tragédie en question peut être évitée en mettant en œuvre trois solutions alternatives : la limitation de la population qui consomme la ressource (solution déjà énoncée par Malthus dans l’Essai sur le principe de population en 1798), la nationalisation (avec un Etat qui réglemente l’accès à la ressource, par exemple en définissant des quotas pour chacun), et pour finir la privatisation (vente de parcelles à chaque éleveur).


C’est ce modèle que remet en cause Elenor Ostrom (prix Nobel d’économie en 2009) dans son ouvrage Gouvernance des biens communs qui date de 1990 (Voir la note de lecture Gouvernance des biens communs https://www.melchior.fr/note-de-lecture/gouvernance-des-biens-communs). Si on laisse de côté la stratégie d’inspiration malthusienne, Ostrom s’attache dans cet ouvrage à récuser à la fois la problématique du « tout-Etat », incarnée par exemple dans le « Léviathan » de Hobbes (1651), et la problématique du « tout-marché », théorisée par la philosophie des droits de propriété individuels issue de John Locke. Pour Ostrom, dans une perspective néo-institutionnaliste, les institutions que les acteurs se donnent permettent de résoudre les problèmes d’action collective dans un cadre auto-organisé et auto-gouverné. Ce n’est pas la main invisible du marché qui permet dans cette configuration d’assurer l’optimum économique, ni même comme chez John Rawls le contrat sous voile d’ignorance dans sa théorie de la justice sociale, mais le jeu des coordinations dans une communauté étroite, prenant la forme d’une libre association des producteurs. Il est à noter que ces organisations ne s’établissent pas généralement sur une base égalitaire. Par exemple, dans le village de montagne suisse dont Ostrom rapporte l’expérience de gestion des alpages communaux, les droits d’accès aux communs sont souvent dépendants (et même proportionnels) aux droits de propriété personnels. De même, dans les systèmes d’irrigation des huertas de la région de Valence en Espagne, une rotation d’accès à l’eau est certes organisée, mais sur la base de la taille de la propriété personnelle.


Un des problèmes majeurs que soulève Ostrom est la question de l’émergence de cette prise en charge par eux-mêmes des producteurs. Ceux-ci accordant plus d’attention aux coûts immédiats qu’ils supportent plutôt qu’à des bénéfices qui vont s’échelonner dans le futur, ils ne s’investiront dans le changement institutionnel qu’à une série de conditions : appartenir à un groupe relativement petit et stable (permettant la confiance commune et la réciprocité), accorder de l’importance à la poursuite de leur activité, être affectés de manière relativement similaires par le changement d’organisation proposé, être conscients qu’ils subiront un préjudice s’ils ne s’engagent pas personnellement dans l’action commune. Sous une forme différente de celle qu’avait mise en relief Mancur Olson dans la Logique de l’action collective (1965), puisqu’il y insistait surtout sur l’analyse coût-avantage pour chaque individu de l’engagement dans l’action commune, il semble bien que l’action des hommes pour améliorer la gouvernance des biens communs n’aille pas de soi.

Voir le chapitre de première " Quelles sont les principales défaillances de marché ? "

3 questions à …( à venir)

1) Le critère d’exclusion s’applique-t-il de la même manière pour tous les biens communs ?
2) En quoi l’analyse de l’action collective de Ostrom diffère-t-elle de celle de Olson ?
3) La gouvernance des biens communs diffère-t-elle selon la taille de ceux-ci ?

 

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