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L'ouvrage
L'école, symbole du mal français. Les discours publics, en particulier en période de campagne électorale, lui font porter des responsabilités colossales, sur la base de constats à la valeur scientifique incertaine. Eric Maurin, sans rejeter le débat idéologique, assoit son discours sur une analyse économique solidement charpentée.
L'ouvrage s'attaque ainsi aux préjugés les plus répandus sur le système scolaire. En premier lieu, les effets supposés néfastes du collège unique, qui nécessiteraient sa remise en cause. La création du collège unique a été conduite dans de très nombreux pays occidentaux, dans la seconde moitié du 20ème siècle. Dans chaque pays, cette réforme présente certes des caractéristiques très spécifiques, mais elle poursuit cependant partout le même but : passer d'un système n'offrant qu'aux meilleurs élèves, dès l'adolescence, la possibilité de poursuivre leurs études, à une scolarisation massive de ces mêmes adolescents dans l'enseignement général. Partout, cette réforme s'est heurtée à la frange conservatrice de la société, soucieuse d'en garder l'accès pour ses propres enfants. Et partout, l'appréciation de cette réforme bute sur une difficulté réelle d'évaluation. Pour en connaître l'impact effectif, il faut en effet être en mesure de déterminer ce qui serait arrivé à une classe d'âge si elle n'avait pas bénéficié du collège unique, approche qui conduit rapidement à des raisonnements péchant par leur manque de rigueur. Or, la démarche d'Eric Maurin est parfaitement rigoureuse. Il exploite par exemple la mise en place progressive de la réforme sur le territoire d'un Etat, étudiant alors les différences de parcours entre les membres d'une même classe d'âge selon qu'ils en ont ou non bénéficié. Il s'intéresse également à la corrélation entre les revenus d'un individu et ceux de ses parents avant et après l'instauration du collège unique. Le constat, qu'il s'agisse des pays scandinaves, du Royaume-Uni ou de l'Irlande est le même : le collège unique a entraîné une nette ascension sociale, tant en termes de carrière que de revenus, des enfants issus des milieux pauvres et, par conséquent, une autonomisation des individus par rapport au niveau de vie de leurs parents. Son constat vaut également pour la France, même si la situation y est plus difficile à évaluer, dans la mesure où d'une part les données statistiques sont relativement pauvres et d'autre part la réforme a été conduite par paliers successifs en une vingtaine d'années.
Autre idée force, le libre choix de l'établissement scolaire par les parents. Reposant sur une application à l'école des principes de la concurrence, le libre choix permettrait, selon ses promoteurs, d'améliorer le niveau général de l'enseignement par l'émulation entre établissements. Eric Maurin ne confirme ni n'infirme les présupposés sur les bienfaits de la suppression de la carte scolaire, se contentant de souligner qu'à ce jour aucune étude d'envergure ne permet de corréler le libre choix et les résultats à l'école.
Le discours récurrent sur la dévalorisation des diplômes ne trouve pas plus grâce aux yeux de l'auteur. Dans un argumentaire convaincant, il s'attache à démontrer que l'élévation du niveau de diplômes des classes d'âge successives et l'ouverture de l'enseignement supérieur ont eu des effets très nettement positifs sur les bénéficiaires. Là encore, il a partout été constaté, sur la base de données statistiques précises, une accélération des carrières et une augmentation sensible des revenus. Les conditions d'accès au marché du travail se sont certes durcies ces dernières années, mais pour l'ensemble de la population entrante. Elles restent, souligne Eric Maurin, nettement plus favorables pour les jeunes titulaires au moins d'un bac + 2 que pour ceux n'ayant pas le bac. La situation de la catégorie intermédiaire, titulaire du seul baccalauréat, s'est en revanche détériorée, rejoignant quasiment celle des individus sans qualification. L'économiste y voit un argument supplémentaire pour poursuivre l'effort de démocratisation de l'enseignement supérieur.
Cet effort est d'autant plus souhaitable qu'il est rendu indispensable par l'évolution de notre système économique. L'heure n'est plus aux industries produisant sur le sol européen des produits de masse et employant de nombreux salariés sans qualification. Le développement d'une économie fondée sur l'innovation permanente rend indispensable la qualification du plus grand nombre.
Encore faut-il s'en donner les moyens. Le débat public s'est, semble-t-il, enfin focalisé sur le maillon faible du système français : l'université. La collectivité dépense beaucoup plus pour un jeune en classes préparatoires puis en école d'ingénieur que pour les étudiants de l'université, alors même que les premiers sont issus de milieux sociaux nettement plus favorisés que les derniers. Par conséquent, l'orientation actuelle de l'enseignement supérieur français revient à privilégier ceux qui n'en ont pas le plus besoin. Augmenter très sensiblement le financement des universités est un impératif politique, qui se heurte toutefois aux possibilités budgétaires de l'Etat. Eric Maurin s'intéresse aux différents systèmes existants dans les pays occidentaux. L'augmentation massive des droits d'inscription à l'entrée des universités ne lui semble guère souhaitable, créant une barrière à l'entrée pour les étudiants les plus pauvres. En revanche, il soutient l'instauration du remboursement a posteriori, tel qu'il a été développé en Australie depuis de nombreuses années. Ce mécanisme, voisin d'un système de protection sociale, revient à mettre les individus à contribution pour leurs années passées, en fonction de la situation professionnelle et des revenus de l'ancien étudiant. Le Royaume-Uni a récemment opté pour ce mode de financement, dont il faut rappeler qu'il est complémentaire, et non pas exclusif du financement public. La réforme britannique est trop récente pour que des enseignements puissent en être tirés, mais l'expérience australienne n'a pas mis en lumière d'effets pervers sur les étudiants issus des milieux modestes, ni de surendettement critique des diplômés.
La nouvelle Question scolaire soulève donc une vaste série de questionnements et apporte des réponses concrètes, fondées sur des enquêtes précises et rigoureuses. Ses conclusions revêtent, volontairement, une forte dimension polémique. Espérons que les contradicteurs d'Eric Maurin appuieront leur argumentaire sur une démarche tout aussi scientifique.
L'auteur
Eric Maurin est économiste, directeur de recherche à l'EHESS. Il a notamment publié Le Ghetto français (La République des idées / Seuil, 2004) et L'Egalité des possibles (La République des idées / Seuil, 2002).
Table des matières
Introduction
Première partie : L'âge du collège unique
Chapitre premier : La réforme comme expérience sociale : le cas des pays scandinaves
Chapitre II : L'Angleterre et la fin des grammar schools
Chapitre III : L'expérience irlandaise
Chapitre IV : Collège unique et réduction des inégalités en France
Deuxième partie : La démocratisation aux portes de l'emploi
Chapitre V : L'expansion scolaire contre le chômage
Chapitre VI : Le mythe de la dévalorisation des diplômes
Chapitre VII : De la nature des bénéfices de l'expansion éducative
Troisième partie : Les nouveaux défis de la démocratisation scolaire
Chapitre VIII : L'avenir des hautes qualifications
Chapitre IX : Ecole maternelle et petite enfance : les expériences française et américaine
Chapitre X : La question du libre choix des parents et de l'autonomie des écoles
Chapitre XI : La réforme du financement de l'enseignement supérieur
Chapitre XII : La lutte contre l'échec dans le secondaire et à l'université
Conclusion : L'éducation fait-elle le bonheur ?
Quatrième de couverture
Un vent mauvais souffle sur l'école. Un certain pessimisme idéologique se conjugue aux amertumes et aux nostalgies pour accabler les politiques de démocratisation scolaire : elles auraient fait baisser le niveau général des élèves, condamné les plus méritants à ne pas se voir récompensés de leurs efforts, distribué des diplômes dont la valeur se déprécie, exposé au déclassement un nombre croissant de jeunes qualifiés…
Dressant le bilan de ces politiques à une échelle rarement envisagée, Eric Maurin démonte méthodiquement chacun de ces mythes. Non seulement l'expansion scolaire a "payé", mais sa poursuite s'avère décisive pour faire face au nouveau monde économique qui s'annonce. Puisant dans les expériences scandinaves, britanniques, américaines, chiliennes, australiennes…, ce livre permet de repenser en profondeur les relations entre éducation et économie, à contre-courant des interprétations sociologiques et des humeurs politiques aujourd'hui dominantes.