Débat public : le modèle social français

Marie Fontanel, Nicolas Grivel, Valérie Saintoyant

L'ouvrage

Vérités, demi-vérités ou contre-vérités, mais aussi jugements définitifs favorables ou destructeurs : le modèle social français est au centre des discours politiques depuis la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen et domine toujours l'actuelle période de pré-campagne pour l'élection présidentielle et les élections législatives. Il était plus que temps de le définir. C'est chose faite grâce à cet ouvrage, qui, en 129 questions, reprend les caractéristiques essentielles du modèle social français.

Sa qualité de modèle, tout d'abord, ne doit pas s'entendre comme un exemple, une "bonne pratique", mais comme un idéal-type, une illustration parlante de ce que peut faire un Etat-Providence. Il existe en la matière, en Europe occidentale, trois grand modèles. Le modèle corporatiste-conservateur, tout d'abord, est hérité de Bismarck, le précurseur européen de l'Etat-Providence. Il se caractérise par "des assurances sociales obligatoires, fondées sur une base professionnelle" (p. 15), avec, en retour, des droits sociaux proportionnels aux cotisations sociales prélevées sur les salaires. Le modèle social-démocrate, inspiré des thèses de Beveridge, se caractérise par un niveau élevé de protection sociale, correspondant à un niveau élevé de services publics. Le modèle libéral, enfin, réserve la protection aux plus démunis, laissant au marché le soin d'assurer celle des autres. Il ne s'agit là que de modèles, auxquels peu de pays répondent parfaitement. Ainsi, la France est-elle couramment rangée dans la première catégorie, alors même que "les allocations universelles y occupent une place significative et que les politiques familiales y ont une forte composante redistributive" (p. 16). Ces modèles permettent néanmoins, et ce même si les frontières entre chaque s'estompent, de distinguer trois familles européennes : l'Europe continentale et bismarckienne, l'Europe anglo-saxonne et libérale et enfin l'Europe nordique et social-démocrate.

Le modèle social peut s'entendre de différentes manières quant à son périmètre. Il inclut au premier chef la protection sociale (retraite, chômage, assurance maladie), ainsi que la réglementation sur le marché du travail. Mais, dans cet ouvrage comme dans le discours public, il est pris au sens large et comprend également le système éducatif, en tant que maillon essentiel de l'égalité, but ultime d'un modèle social.

En France, les dépenses sociales représentent 29% du PIB, ce qui nous place dans le peloton de tête des pays européens, juste derrière la Suède, le Danemark et l'Allemagne. Les références fréquentes aux modèles suédois et danois démontrent que ce n'est pas ce taux en lui-même qui fait débat, mais l'efficacité des prélèvements, l'équité de la dépense sociale, la qualité des services publics liés à ces prélèvements et enfin la viabilité financière d'un modèle dont les déficits se creusent chaque jour un peu plus.

Le but de cet ouvrage n'est pas de déterminer si oui ou non le modèle social français est en crise, mais plutôt d'en dresser un portrait par petites touches successives. Au centre se trouve donc la protection sociale (incluant la sécurité sociale, les indemnités chômage et l'assurance vieillesse). L'ouvrage synthétise un ensemble extrêmement complexe, produit d'étapes successives qui, depuis le 19ème siècle, ont conduit à nos institutions sociales contemporaines. Pour chacun des aspects du modèle social français, les auteurs présentent en quelques lignes le système et mettent en avant les grands défis et les principales pistes de réforme évoquées en cette période pré-électorale. Ils proposent ainsi des réponses concises à des questions souvent évoquées, mais rarement traitées avec autant de limpidité. Les points portant sur l'articulation entre indemnisation du chômage et RMI, sur le travail au noir ou encore sur le cumul entre revenu d'assistance et revenu du travail sont particulièrement éclairants et permettent d'engager une réflexion sur des bases solides. La comparaison, fréquente, avec les pratiques dans les pays voisins enrichit utilement les faits exposés dans le livre.
L'autre pilier du modèle social français est constitué par le Code du travail et en particulier par les dispositions relatives au licenciement. La protection des travailleurs existe dans quasiment tous les pays du monde, mais à des degrés très divers. La France est, sans aucun doute, l'un des pays les plus protecteurs en la matière. Les quelques pages consacrées à cette question mettent en avant d'une part l'ambivalence d'un système qui, cherchant à protéger, fragilise les outsiders et dissuade l'embauche et d'autre part la stratification à l'origine du droit positif, résultant non seulement de textes législatifs concomitants à la percée du chômage, dans les années 70, mais aussi de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur la motivation du licenciement et la réintégration des salariés abusivement licenciés.

Par-delà ces deux aspects, le modèle social français recouvre, dans le langage courant, d'autres réalités. Emprunt de la pensée républicaine, le modèle français est attaché à l'égalité des citoyens. Les services publics, l'école et l'intégration des personnes issues de l'immigration sont intimement liées à cette quête. Les trois derniers chapitres de l'ouvrage traitent de ces questions. Ils constituent une mine précieuse d'informations sur les réformes engagées ces dernières années dans le système éducatif (collège unique, ZEP…) ainsi que les débats autour de la discrimination positive.

Tout au long des 129 questions qui structurent le livre, les auteurs multiplient les points de vue. Ils replacent les débats dans une perspective non seulement historique, mais aussi juridique et sociologique, n'hésitant pas à souligner l'écart existant entre la finalité du modèle social français et sa réalité. Suite aux différents ouvrages parus l'an dernier sur cette question, celui-ci n'ajoutera pas à une thèse nouvelle à celles déjà exprimées, mais permettra de saisir les contours d'une expression souvent employées mais rarement définie.

Les auteurs

Marie Fontanel, Nicolas Grivel et Valérie Saintoyant  sont Inspecteurs généraux des Affaires sociales (IGAS).

Table des matières

Introduction – Le modèle social en questions

Chapitre premier – Modèle social français : quelles réalités ? quel avenir ?

Chapitre II – Une protection sociale toujours forte ?

Des principes contestés
Des fonctionnements remis en question ?
Des exclus à réinsérer

Chapitre III – Un marché du travail avec "plus" ou "moins" de règles ?

Le salariat, un statut en question
Le "plein-emploi" : un objectif remis en cause
Des acteurs sociaux fragilisés

Chapitre IV – Des services publics à réinventer ?

Chapitre V – Un système éducatif en mal de réussite ?

Chapitre VI – Le "creuset français" ne fonctionne-t-il plus ?

Bibliographie

Quatrième de couverture

Faut-il augmenter les impôts pour continuer à financer le modèle social français ? Les allocations familiales doivent-elles uniquement favoriser la natalité ? Combien coûte une journée d'hôpital ? Pourquoi les comptes de la Sécurité sociale sont-ils toujours en déficit ? La retraite à 60 ans est-elle toujours un objectif réaliste ? Quelles sont les populations les plus concernées par l'exclusion ? Que se passe-t-il pour les chômeurs en fin de droit ? En quoi le CDI est-il un contrat protecteur ? Est-ce qu'on travaille trop ou pas assez en France ? Le passage aux 35 heures a-t-il amélioré la vie des salariés ? Les entreprises payent-elles vraiment trop de charges ? Les services publics sont-ils efficaces ? Les fonctionnaires sont-ils trop protégés ? L'école est-elle un outil de promotion sociale ? Comment créer de la mixité sociale dans les villes ?

Débattre en étant informé ; débattre avec des arguments : 129 réponses aux questions que vous vous posez sur notre société.

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