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L’idée d’un dividende salarié basé sur la participation soulève des critiques dont beaucoup témoignent d’une confusion avec l’intéressement et d’autres sont la manifestation d’une ancienne opposition au concept même de participation.
L’intéressement est un élément de rémunération lié aux résultats de l’entreprise ou en liaison avec des ratios touchant à l’organisation de celle-ci. Il matérialise une « sanction positive » en relation avec le comportement (collectif) des travailleurs salariés et peut contribuer à améliorer le climat social. Même s’il est souhaitable que le dispositif soit organisé dans le cadre d’un accord collectif d’entreprise, qui a le mérite d’associer les représentants de la collectivité de travail, par le dialogue social, à la bonne marche de l’entreprise, rien ne s’oppose à ce qu’il le soit unilatéralement par l’employeur. On peut aussi envisager un certain niveau d’intervention de la convention collective de branche, la loi Pacte de 2019 ayant renforcé cette possibilité.
La participation est tout autre chose. D’abord et surtout, elle est calculée sur le bénéfice net, ce qui écarte la qualification de salaire et l’assimile fondamentalement aux sommes, également calculées sur le bénéfice net, allouées aux détenteurs du capital. Il s’agit donc aussi d’un « dividende de l’apport en industrie ». Cette identité – quasi philosophique – des deux formes de dividendes est héritée du Conseil National de la Résistance et surtout de la volonté du Général De Gaulle.
Au vu de cette finalité profonde, il est fondamental de prendre en considération, dans la fabrication de l’acte créant le système de participation dans l’entreprise, les aspects qualitatifs, c’est-à-dire se rapportant à la démocratie sociale interne à l’entreprise. Cet aspect fondamental est souvent négligé car considéré comme du formalisme. On s’intéresse d’autant plus dans l’accord aux seuls aspects quantitatifs (montant et répartition de la réserve globale) qu’interviennent souvent, dans la mise en place du dispositif, des « vendeurs » de produits d’épargne dont la seule préoccupation est le drainage de ces sommes dans un plan d’épargne. De ce fait sont négligées les autres possibilités de « placement », spécialement la distribution d’actions de la société, laquelle est pourtant en parfaite harmonie avec la philosophie gaullienne d’association capital / travail. Verser les sommes dans un plan d’épargne atteste pleinement de la confusion avec l’intéressement, élément de rémunération différée dont la neutralité fiscale et sociale n’est qu’une mesure incitative au blocage pendant cinq ans. On peut alors comprendre les critiques de complexité administrative, surtout si le dispositif est géré par des experts externes à l’entreprise.
Dès les premières discussions qui ont conduit à l’ordonnance de 1967 créant la participation, une division est apparue entre des « sociaux » favorables et des « traditionalistes » voyant là une atteinte au caractère souverain du pouvoir de direction. C’est pourquoi beaucoup a été fait pour donner à la participation l’apparence d’un intéressement, autrement dit d’un revenu différé. Pourtant, les entreprises facilitant l’accès au capital par la participation peuvent y trouver du bénéfice par le renforcement d’une communauté d’intérêt entre capital et travail, particulièrement importante dans un pays comme la France où la conflictualité des relations de travail est forte.
Du fait de l’inspiration philosophique particulière de la participation, il faut envisager que, en raison de l’institution unique de représentation élue à partir de 11 salariés, son caractère obligatoire soit étendu aux entreprises à partir de ce seuil. Et il serait cohérent avec son inspiration que soit encouragée la mobilisation de la participation à l’accès à des actions ou parts de la société ou encore à des prêts à moyen et long terme.
Les auteurs :
- Jacques Barthelemy est Avocat conseil en droit social honoraire, ancien professeur associé à la Faculté de droit de Montpellier
- Gilbert Cette est Professeur à Neoma Business School. Ils sont co-auteurs de « Travail et changements technologiques – De la société de l’usine à celle du numérique », Odile Jacob, 2021.